Lire l`éditorial de Michel Ciment

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POSITIF
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A Touch of Sin de Jia Zhang-ke (Jiang Wu)
ÉDITORIAL
Revue mensuelle de cinéma
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N°634 décembre 2013
L’écrit et l’image
Positif consacre chaque mois trois pages aux livres de cinéma. Cela ne mériterait pas
d’être noté s’il ne s’agissait d’une exception dans la presse. Nos lecteurs se voient informés dans cette livraison d’un recueil de photographies d’Émile Savitry sur le plateau
de La Fleur de l’âge (film inachevé de Carné et Prévert), d’une biographie du même
Carné, d’un somptueux album sur Ingrid Bergman, d’un récit personnel de Frédéric
Sojcher (Le Fantôme de Truffaut) sur son parcours de cinéaste, d’une étude savante sur
le national-socialisme dans le cinéma allemand contemporain, d’un recueil d’entretiens avec Rohmer paru aux États-Unis, d’étonnants poèmes de Claude Miller écrits
à douze ans… et de la publication en livre d’une longue étude abrégée signée Gérard
Gozlan, L’Anti-Bazin, parue jadis dans cette revue sous un titre plus subtil : « Les
délices de l’ambiguïté. Éloge d’André Bazin ». La moisson est riche, et elle se renouvelle dans chaque numéro !
L’édition française en la matière est en effet d’une belle diversité, les Presses universitaires (Vincennes, Rennes, Arras, Bordeaux…) se réveillant et suivant l’exemple des
facultés d’outre-Atlantique. Même en oubliant les revues (ne rêvons pas), presque
toujours ignorées malgré leur qualité (Traffic, Vertigo, Éclipses, L’Art du cinéma, Bref,
L’Avant-Scène, Théorème, Images documentaires, 1895), la presse quotidienne qui croit
bon d’évoquer la sortie de chaque film, fût-il insignifiant, est étrangement silencieuse,
sauf au moment des fêtes sous la rubrique Beaux livres. Comme les hebdomadaires
(à quelques exceptions près : Les Inrockuptibles), elle ne semble pas vouloir inciter ses
lecteurs à aller voir ailleurs où l’on trouve des pépites d’analyse cinématographique.
Dans les années récentes, on peut compter sur les doigts d’une main les recensions
qui ont rendu hommage à deux ouvrages majeurs : le magistral Le Cinéma au bord du
monde : Stanley Kubrick de Philippe Fraisse (Gallimard), et les deux premiers tomes
monumentaux sur le cinéma hollywoodien de Pierre Berthomieu (Rouge profond)
et dont le troisième et dernier (Le Temps des mutants) vient de paraître. Certes, chaque
année le Syndicat français de la critique de cinéma décerne trois prix au meilleur livre,
au meilleur album et au meilleur ouvrage en traduction, mais là encore les médias ne
s’en font guère l’écho.
Il y a quelque chose de choquant dans ce silence persistant au moment où la critique
de cinéma, dans la plupart des cas, en est réduite à la portion congrue et au jugement
lapidaire. Plus grave encore : nombre d’auteurs, hormis dans les ouvrages directement
issus de travaux universitaires, se gardent bien de citer ce qui les a nourris et de reconnaître le devoir de transmission et de filiation qui devrait être celui de tout chercheur et
de tout essayiste. Ainsi notre brillant collaborateur Marc Cerisuelo qui vient de publier
avec Claire Debru O’Brother (Capricci), un excellent essai sur Joel et Ethan Coen
dont rendra compte Jean-Loup Bourget dans notre prochain numéro, ne mentionne
guère, pourtant universitaire et rompu à cet exercice, les essais et les entretiens sur les
deux frères, fidèle en cela à sa maison d’édition dont chaque ouvrage semble sorti de la
cuisse de Jupiter. Ainsi Jean-Baptiste Thoret dans son Michael Cimino (Flammarion),
fidèle cette fois à lui-même, paraît ignorer tout travail antérieur sur le cinéaste de La
Porte du paradis. Un des axiomes de la critique dans le passé, « la poursuite en commun
d’un jugement juste » selon la définition de T.S. Eliot, semble donc pour beaucoup
abandonnée.
Notre jugement ce mois-ci sur l’actualité sera-t-il juste ? L’avenir le dira, mais il nous
a paru nécessaire d’attirer l’attention sur quatre films selon deux lignes directrices que
nous nous efforçons de suivre : la découverte de nouveaux auteurs et la défense de
cinéastes que nous admirons. Le Géant égoïste de Clio Barnard impose une nouvelle
étoile dans le ciel, clairsemé il est vrai, du cinéma anglais contemporain. Déjà remarquée dans son pays avec The Arbor, elle nous offre ici un des plus beaux films sur l’enfance qui fait éclater le cadre réaliste cher à ses compatriotes. Diego Quemada Díez
(Espagnol travaillant au Mexique) fut une autre révélation du festival de Cannes avec
son premier film, Rêves d’or, là aussi d’un réalisme transcendé. Deux cinéastes confirmés complètent ce quatuor décidément international (États-Unis, Europe, Amérique
latine, Chine). James Gray, avec son cinquième film The Immigrant, poursuit son parcours solitaire dans le cinéma de son pays en assumant son classicisme et ses filiations
(ici avec Griffith et Borzage), tandis que Jia Zhang-ke, avec sa septième fiction A Touch
of Sin, nous rappelle une fois de plus qu’il est l’un des plus grands metteurs en scène
de son temps et que le Prix du scénario décerné à Cannes ne rend pas suffisamment
compte de la beauté et de la force d’un film qui doit tout aux pouvoirs du cinéma.
Michel Ciment