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L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n
Gardien de la chose
Notion de responsabilité du gardien n° 63
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Cour de cassation (1ère ch.), Arrêt du 11 septembre 1980
La responsabilité en raison du fait d'une chose, notamment d'un immeuble, est établie par l'article 1384, alinéa 1er,
du Code civil à charge, non du propriétaire, mais du gardien de la chose. ;Que la jurisprudence belge donne au mot
garde le sens large de pouvoir, de droit ou de fait, sur la chose, accompagné de l'usage à son profit. Que, dans la
plupart des cas, c'est donc le locataire, et non le propriétaire, qui a la qualité de gardien de l'immeuble. Que, pour
rendre le propriétaire responsable, il faut établir qu'il a conservé un pouvoir de direction et une obligation de
surveillance et de contrôle sur l'élément vicieux. Le gardien d'une chose, responsable du dommage causé par le vice
dont celle-ci est atteinte, est la personne qui use de· cette chose pour son propre compte ou qui en jouit ou la
conserve avec pouvoir de surveillance, de direction et de contrôle (C. civil, art. 1384, al. ler.) (Pas.1981, p.40) .
Arrêt du 11 septembre 1980
La Cour,
(…)
- Vu les jugements attaqués, rendus les 27 juin 1978 et
9 janvier 1979 par le tribunal de première instance de
Bruxelles, statuant en degré d'appel;
Sur le premier moyen, pris de la violation des articles
1319, 1320 et 1322 du Code civil,
en ce que le jugement du 27 juin 1978, réformant la
décision du premier juge, déboute la demanderesse de
sa demande contre le défendeur, fondée sur l'article
1384, alinéa ler, in fine, du Code civil, et en ce que le
jugement du 9 janvier 1979, par voie de conséquence,
condamne la demanderesse aux dépens, taxés pour la
partie défenderesse à 5.925 francs, aux motifs que, « si
l'expert a pu établir la nature et l'importance du
dommage subi par (la demanderesse) et s'il a clairement
précisé que les infiltrations subies par elle proviennent
des fuites d'eau attribuables au bâtiment (du défendeur),
il n'a, par contre, pas pu préciser les causes des
infiltrations litigieuses;
qu'en d'autres termes, il n'est pas établi que le
bâtiment (du défendeur) ait été vicieux, ... qu'en
l'espèce, on ignore où, pourquoi et comment se sont
produites les « pertes» d'eau dans le bâtiment (du
défendeur) »,
alors que, dans son rapport, l'expert a relevé
notamment ce qui suit : « Il a été dit au demeurant que
les sources d'infiltrations qui étaient attribuées à des
fuites de canalisations d'eau avaient été réparées et cela
se trouve d'ailleurs confirmé par la partie défenderesse
elle-même (M. Manneback).
Lors de notre seconde visite contradictoire, nous avons,
en effet, rencontré sur place un ouvrier ou un contremaître délégué de M. Manneback qui nous a confirmé
qu'il s'était produit effectivement des fuites d'eau à
certaines installations sanitaires, fuites rencontrées lors
de l'acquisition de l'immeuble et qui avaient été réparées depuis. Tel que nous venons de le dire, il apparaît
bien que l'on puisse se contenter de se référer aux
explications de la partie défenderesse ou de ses délégués selon lesquels il s'était présenté effectivement
certaines fuites dans son immeuble, lesquelles se sont
traduites par des dépôts d'eau à l'un ou l'autre étage,
avec comme effet une infiltration au travers du mur
pignon, et qui ont provoqué les dégâts dans l'immeuble
de la demanderesse;
Qu'il apparaît clairement de ce passage du rapport d'expertise que l'expert a attribué la cause des dégâts à
l'immeuble de la demanderesse à des fuites dans les
canalisations d'eau de l'immeuble du défendeur;
Que, par conséquent, en prétendant que l'expert n'aurait
pas pu déterminer les causes ni même la provenance
exacte des « pertes» d'eau litigieuses, le jugement du 27
juin 1978 donne audit rapport un sens et une portée
inconciliables avec ses termes et, partant, viole la foi
due à celui-ci:
Attendu que, si, dans les considérations du rapport
d'expertise reproduites dans le moyen, l'expert relève
que les sources d'infiltrations d'eau étaient attribuées à
des fuites de canalisations et que, d'après les
explications d'un délégué de la partie défenderesse
Manneback, il s'était produit des fuites d'eau à certaines
installations sanitaires, fuites rencontrées lors de
l'acquisition de l'immeuble et réparées depuis lors, il
constate d'autre part « que des appareils sanitaires ont
été déplacés, d'autres ont été ajoutés, d'autres encore
ont été supprimés, bref on se présente devant une
situation qui n'autorise plus aucun contrôle» ;
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Notion de responsabilité du gardien n° 63
Attendu qu'ainsi le jugement, qui énonce que, si
l'expert a pu préciser que les infiltrations d'eau
dommageables proviennent de fuites d'eau attribuables
au bâtiment du défendeur, il n'a pu prouver les causes
des infiltrations et qu'on ignore où, pourquoi et
comment se sont ·produites les fuites d'eau dans ledit
bâtiment, ne donne pas au rapport d'expertise un sens et
une portée inconciliables avec cet acte et ne viole pas la
foi qui lui est due ;
Que le moyen manque en fait;
Sur le troisième moyen. pris de la violation des articles
1384, alinéa ler, in fine, 1720, alinéa 2, et 1754 du
Code civil, en ce que le jugement attaqué du 27 juin
1978, réformant la décision du premier juge, déboute la
demanderesse de sa demande contre le défendeur, fondée sur l'article 1384, alinéa lor, in fine, du Code civil,
et en Ce que le jugement attaqué du 9 janvier 1979, par
voie de conséquence, condamne la demanderesse aux
dépens, taxés pour la partie défenderesse à 5.925
francs, aux motifs, notamment, « qu'à supposer que le
bâtiment (du défendeur) ait été affecté d'un vice, encore
n'est-il pas établi qu'il ait eu la garde de l'élément
vicieux du bâtiment; que la jurisprudence belge donne
au mot garde le sens large de pouvoir, de droit ou de
fait, sur la chose, accompagné de l'usage à son profit;
que, dans la plupart des cas, c'est donc le locataire, et
non le propriétaire, qui a la qualité de gardien de
l'immeuble;
Que, pour rendre le propriétaire responsable, il faut
établir qu'il a conservé un pouvoir de direction et une
obligation de surveillance et de contrôle sur l'élément
vicieux; qu'en l'espèce ... (le défendeur) établit que son
immeuble était loué à cinq locataires; que, (la
demanderesse) n'ayant pas prouvé la qualité de gardien
dans le chef (du défendeur), la demande originaire doit
... être déclarée non fondée à son égard»,
alors que, au regard de l'article 1384, alinéa ler, du
Code civil, est gardien de la chose vicieuse celui qui en
use pour son propre compte ou la conserve avec
pouvoir de surveillance, de direction et de contrôle;
Que, s'il est vrai que le contrat de bail transfère en
principe au locataire des pouvoirs qui le rendent
gardien de la chose louée, ce transfert ne se fait que
dans la mesure toutefois où l'entretien de la chose n'est
pas resté à charge du bailleur; qu'en vertu des articles
1720, alinéa 2, et 1754 du Code civil le bailleur doit,
pendant la durée du bail, faire toutes les réparations qui
peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives;
Qu'il résulte de ces dispositions que, sauf clause
contraire, le bailleur conserve la garde de la chose
louée et doit répondre à l'égard des tiers du dommage
causé par ses vices autres que ceux provenant d'un
manque d'entretien locatif;
d'où il suit qu'en décidant, sans avoir égard au contenu
des baux produits, qu'il n'est pas établi que le défendeur
avait la garde de l'élément vicieux de son bâtiment
puisqu'il avait loué celui-ci à cinq locataires et que «
dans la plupart des cas» c'est le locataire et non le
propriétaire qui a la qualité de gardien de l'immeuble, le
jugement attaqué du 27 juin 1978 viole les dispositions
légales citées en tête du moyen :
Sur la fin de non-recevoir opposée par le défendeur et
déduite du caractère nouveau du moyen en ce qu'il
invoque la violation des articles 1720 et 1754 du Code
civil :
Attendu que la demanderesse n'a pas soutenu devant le
juge du fond que la qualité de gardien de l'immeuble,
qu'elle imputait au défendeur en tant que propriétaire,
résulterait de l'obligation d'effectuer les réparations
autres que locatives qu'impose au bailleur l'article 1720
du Code civil;
Qu'en tant qu'il invoque la violation des dispositions
légales des articles 1720 et 1754 du Code civil le
moyen est nouveau et, ne se fondant pas sur des
dispositions d'ordre public ou impératives, est
irrecevable;
Attendu que, pour le surplus, la responsabilité d'une
chose vicieuse qui cause un dommage est établie par
l'article 1384, alinéa le" du Code civil, non à charge du
propriétaire de la chose louée, comme tel, mais à
charge de celui qui en a la garde, c'est-à-dire de celui
qui use de la chose pour son propre compte, en jouit ou
la conserve avec pouvoir de surveillance, de direction
et de contrôle;
Attendu que le jugement, qui, d'une part, énonce que la
preuve de la qualité de gardien de la chose incombe à
celui qui, ayant subi le dommage, en demande
réparation sur la base de l'article 1384, alinéa le" du.
Code civil et, d'autre part, se fonde sur les
circonstances de fait qu'il précise, a pu, sans violer la
disposition de l'article 1384, alinéa ler du Code civil,
décider que la demanderesse n'a pas prouvé la qualité
de gardien dans le chef du défendeur;
Qu'à cet égard le moyen ne peut être accueilli ;
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Notion de responsabilité du gardien n° 63
Sur le deuxième moyen, pris de la violation de l'article
1384, alinéa le" in fine, du Code civil,
en ce que le jugement attaqué du 27 juin 1978,
réformant la décision du premier juge, déboute la
demanderesse de sa demande contre le défendeur, fondée' sur l'article 1384, alinéa le" in fine, du Code civil,
et en ce que le jugement attaqué du 9 janvier 1979, par
voie de conséquence, condamne la demanderesse aux
dépens, taxés pour la partie défenderesse à 5.925
francs, aux motifs que, « si l'expert a pu établir la
nature et l'importance du dommage subi par (la
demanderesse) et s'il a clairement précisé que les
infiltrations subies par elle proviennent des fuites d'eau
attribuables au bâtiment (du défendeur), il n'a, par
contre, pas pu préciser la cause des infiltrations
litigieuses; qu'en d'autres termes, il n'est pas établi que
le bâtiment de Rosseel ait été vicieux;
Qu’il n’est pas exclu que ces pertes aient été causées
par un comportement fautif d’un occupant de
l’immeuble dont la faute devrait être établie sur pied de
l’article 1382 du Code civil » ;
alors qu'une chose est vicieuse dès qu'elle présente
une caractéristique anormale susceptible de causer un
préjudice, peu importe que cette caractéristique soit due
au comportement fautif d'un tiers ou que son origine
demeure inconnue: que, par conséquent, dès lors que le
juge constatait que l'immeuble de la demanderesse a
subi un dommage provenant de fuites d'eau attribuables
au bâtiment du défendeur, il ne pouvait décider, sans
violer la notion légale de vice de la chose, qu'il n'est
pas établi que l'immeuble du défendeur ait été vicieux
puisqu'on ne peut exclure que les fuites d'eau aient été
provoquées par la faute d'un occupant de cet immeuble;
Que, d'autre part, celui qui a une chose sous sa garde
est, en vertu de l'article 1384, alinéa 1", in fine, du
Code civil, responsab1e du dommage causé par le vice
de cette chose, quelle que soit la cause du vice;
Que cette présomption de responsabilité ne peut être
renversée que par la preuve d'une absence de relation
causale entre le dommage et le défaut de la chose; que,
par conséquent, c'est en méconnaissance de ces règles
que le jugement du 27 juin 1978 décide qu'au cas où les
fuites d'eau à l'immeuble du défendeur seraient dues à
la faute d'un tiers, le défendeur ne devrait pas réparer le
dommage causé par ces fuites, soit parce que, dans
cette hypothèse, son immeuble ne pourrait être
considéré comme atteint d'un vice, soit parce que
l'auteur des fuites devrait seul en répondre sur pied de
l'article 1382 du Code civil :
Attendu qu'il ressort des réponses données aux premier
et troisième moyen que la décision attaquée est
légalement justifiée par le motif qu'il n'est pas prouvé
que le défendeur ait eu la garde de la chose;
Que, dès lors, fût-il même fondé,
le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt;
Par ces motifs,
Rejette le pourvoi;
Condamne la demanderesse aux dépens.