madagascar - Langues pour le développement
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MADAGASCAR Michel RAMBELO INTRODUCTION Pour analyser les situations linguistiques francophones, R. Chaudenson, le cadre du programme «Langues nationales, français et développement dans pace francophone» (LAFDEF), a proposé une grille d’analyse permettant bien une typologisation des situations de francophonie qu’une recherche de tégies appropriées en matière d’aménagement linguistique. dans I’esaussi stra- Ce cadre est fondé sur l’idée que les situations linguistiques peuvent être lues par la conjugaison de deux ensembles de variables : le « status » et le «corpus ». La variable «statu » Les composantes de la variable «status» relèvent «aussi bien du «statut» proprement dit (reconnaissances officielles et légales, usages institutionnels hors de l’éducation [. . .]) que de fonctions (éducation et moyens de communication de masse), ou enfin de statut économique (capacité de la langue à assurer, hors du secteur public, la réussite professionnelle de ceux qui la parlent.)» (Chaudenson, 1989, p. 246) La variable «corpus » La variable «corpus » que l’on définit à partir des «modes et des conditions d’appropriation et d’usage la compétence linguistique dans la langue» (id, 1988, p. 35), intègre: - l’appropriation langagière, la vernacularisation et la véhicularisation, les types et les niveaux de compétence dans la langue, la production et l’exposition langagières 121 La représentation graphique des variables La quantification graphique de ces variables permet de localiser la (ou les) situation(s) considérée(s) dans un plan défini par l’axe du ~qcorpus)> et l’axe du « status » . Soit : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . * Situation x Status 1 Corpus LA SITUATION LINGUISTIQUE DE MADAGASCAR Les données qui vont nous servir pour évaluer la situation de Madagascar, en utilisant le français comme révélateur, sont essentiellement tirées de notre étude sur les effets de la politique de relance du français sur la situation linguistique de ce pays (Rambelo, 1990). 1. STATUS 1.1. Offcialité Nous sommes, dans le cas de Madagascar, en présence d’un bilinguisme institutionnel. Les institutions de ce pays fonctionnent en effet dans deux langues : - le malgache offkiel dont la consécration est liée au travail linguistique réalisé par les missionnaires anglais sur la langue malgache et à la politique hégémonique du pouvoir royal merina au 19ème siècle. - le français, héritage de la colonisation française et langue aujourd’hui reconnue officiellement comme faisant partie intégrante du patrimoine culturel malgache. Toutefois aucun texte de loi, aucune disposition constitutionnelle, ne reconnaît à ces deux langues cette offkialité. La Constitution actuelle est en effet muette sur ce point, contrairement à celle de la Première République qui, elle, leur avait accordé ce statut. Dans ces conditions, il est difficile de donner la prééminence à l’une ou l’autre langue car nous n’avons pas une hiérarchisation officielle et stable : aussi avons-nous affecté au français un indice intermédiaire qu’il partage avec le malgache. 122 1.2. Usages institutionnalisés En l’absenced’un consensussur la définition de la malgachisation, carence qui ne permet pas de dégager une politique cohérente, chaque institution mène sapropre politique linguistique. Résultat : l’usagedu malgache sedéveloppe inégalement selon les institutions. 1.2.1. Les textes officiels Les textes officiels de la République Démocratique de Madagascar (Constitution, lois, décrets) sont promulgués en malgacheofficiel et en français. En général, les textes sont d’abord concusen français, langue dans laquelle sont (ou ont été) formés les législateurs, puis traduits en malgache officiel. Par contre, dans la présentation matérielle du Journal Officiel, le texte en français apparaît comme étant la traduction. L’affectation de la valeur 2 (sur 4) au français nous paraît donc, eu égard au procédé, justifiée. 1.2.2. Les textes administratifs nationaux Il faut rappeler que, selonI la Constitution, la RDM est unitaire et décentralisée. En d’autres termes, I’Etat est organisé en: - un pouvoir révolutionnaire unique à l’échelle de la Nation, - descollectivités décentraliséesqui exercent à leur niveau les activités et les fonctions concourant au développement de la Nation. Le Fokontany est la collectivité décentraliséede base.Le Firaisampokontany, le Fivondronampokontany et le Faritany, sont constitués respectivement par le regroupement de plusieurs Fokontany, Firaisampokontany, et Fivondronampokontany. Cescollectivités disposentde servicespublics émanant desdivers ministères. L’observation du fonctionnement linguistique de cesstructures montre que, plus on va vers les instancesadministratives centrales, plus on constate une augmentation du volume destextes rédigésen français(notes, circulaires, rapports.. .). En général, l’utilisation du français s’impose dès qu’il s’agit d’un texte «technique». Cette tendance à l’utilisation du français danslesinstancescentrales ne doit pas toutefois occulter le développement de l’usagedu malgache comme langue de travail dans les collectivités décentralisées. 1.2.3. La justice Le système juridique malgache actuel procède en grande partie du modèle français, plus précisement de l’impact du droit colonial sur le systèmejuridique 123 traditionnel. Cet héritage explique pourquoi l’emploi du français demeure largement dominant, malgré des tentatives pour malgachiser la langue juridique. En attendant l’élaboration et la stabilisation d’une langue juridique gache, le système de la traduction reste encore la meilleure solution. mal- D’après le Code de procédure civile par exemple, les jugements peuvent être rédigés soit en malgache, soit en français (dans la pratique, c’est le français qui est le plus utilisé). Toutefois, en ce qui concerne la Cour d’appel ou les tribunaux de première instance, quelle que soit la langue employée, une traduction du dispositif de l’arrêt ou du jugement doit être immédiatement établie et annexée à la minute. La justice locale et coutumière fonctionne, malgache (officiel et/ou variétés locales). 1.2.4. L’administration quant à elle, exclusivement en locale Dans le fonctionnement quotidien descollectivités décentralisées,les relations entre administration et adminisrrés se passent soit en malgache officiel lorsque le canal utilisé est l’écrit, soit la (ou les) variété(s) locale(s)pour l’oral. 11faut par ailleurs savoir que la vie juridico-administrative descollectivités est régie par des «dina » , sortes de conventions passéesentre les membres de la collectivité, et qui portent sur les activités économiqueset sociales,ainsi que sur le maintien de l’ordre et la sécurité de la population. Cesrèglescommunautaires sont en général l’objet de délibérations dans la (ou les) variété(s) locale(s). Toutefois, les cadresou les techniciens, mis par l’État à la disposition des collectivités, interviennent dans lesdébats le plus souvent en malgacheofficiel. Ces «dina» sont ensuite rédigés à partir d’un modèle établi par le Ministère de l’intérieur (donc en malgacheofficiel), mais une fois fixés par les textes, ils sont vécus, au quotidien, dans la (ou les) variété(s) locale(s). 1.2.5. Lu religion Dans le domaine de la religion (chrétienne ou traditionnelle), c’est l’usage de la langue malgache qui prédomine. L’enseignement religieux et les offices se font, par exemple, en malgache officiel ou dansla variété locale. II faut aller dans les grandes villes pour pouvoir assisterà des offices ou à des écolesdu dimanche en langue française. 1.3. L’éducation Lorsqu’en 1975, les responsablesmalgachessesont attelés à la réforme du systèmeéducatif, ils ont engagéun processusde malgachisationde la langue d’enseignement. Aujourd’hui, cette vague de malgachisation a atteint le secondcycle de l’enseignement secondaireoù d’après les textes, les cours doivent être donnés 124 et résumés en français pour les matières fondamentales spécifiques à chaque série. Les enseignants peuvent cependant donner la traduction en malgache des termes techniques et même utiliser cette langue pour les explications complémentaires. Pour les autres matières, les cours sont donnés et résumés en malgache. Les assistants techniques, quant à eux, peuvent faire leurs cours entièrement en français. Tout ceci part de l’hypothèse que tout élève arrivant en second cycle du secondaire, compte tenu des heures de français qu’il a eues depuis l’Éducation de Base, est à même de suivre un enseignement aussi bien en malgache qu’en français. Dans l’enseignement connaissances. supérieur, le français reste le véhicule exclusif des La comparaison des situations malgache, mauricienne et rwandaise concernant les fonctions du francais dans le système éducatif, nous donne le tableau suivant : LANGUE Madagascar Maurice Rwanda 1.4. Les moyens 1.4.1. SECONDE Prim Sec + + + + + - SUP - de communication MÉDIUM Prim -/+ Sec -/+ -/+ + Sup + + de masse Lu presse écrite La presse écrite malgache hérite d’une tradition vieille de 150 ans. En effet, elle est née au 19’ siècle en même temps que l’orthographe malgache, c’est-à-dire à partir des travaux linguistiques des missionnaires anglais. Malgré les difficultés économiques de ces dernières années et une censure qui a sévi pendant près de quinze ans (197 5- I989), la presse écrite malgache dont le nombre de titres varie selon les périodes de l’histoire (une cinquantaine au lendemain des événements de mai 1972, une dizaine de titres paraissant plus ou moins régulièrement aujourd’hui), a toujours essayé de remplir correctement son rôle, aussi bien de vecteur d’idées que de vecteur linguistique (surtout pour le malgache officiel et le français). Avec l’évolution de l’environnement économique, marquée notamment par une politique d’ouverture sur les échanges internationaux, on commence à observer dans la presse d’informations générales une tendance vers le bilinguisme, pendant que, dans la presse spécialisée (juridique, économique, management PME-PMI.. .) qui s’est développée dans le sillage des nouvelles réformes économiques, le français s’impose de plus en plus comme l’unique langue d’édition. 125 À côté de cela, nous avons toujours une presse qui reste résolument malgachophone et malgachophile, soit parce que le public qu’elle vise n’est pas bilingue (c’est le cas notamment de la presse rurale). Mais pour des raisons surtout financières, la plupart de ces journaux ne disposent pas de réseaux de diffusion couvrant tout le territoire national, aussi leur audience reste-t-elle limitée à la capitale. 1.4.2. La radio L’État malgachedisposeactuellement de deux chaînesradiophoniquesgérées par le Ministère de l’information. La première est une chaîne de langue malgache, émettant de 5 h du matin à 22 h (sauf le samedi où elle émet jusqu’à 0 h pour reprendre le lendemain à 6 h). Le contenu des programmes est essentiellementorienté vers l’économie et la politique. Outre le programme national diffusé de la capitale pendant les heures de grande écoute, il existe un programme local émis pendant certaines heures à partir de stations FM régionales. La deuxième chaîne est une chaîne de langue française. Elle émet de 19 h à 22 h (le dimanche de 12 h à 22 h). C’est une chaîne qui s’adressesurtout à un public jeune. Elle retransmet Radio France pour plus de 50 % de sa programmation. Malgré les efforts des responsablespour améliorer les infrastructures, la réception de ceschaînes reste encore très mauvaise dans de nombreusesrégions de l’île. Par ailleurs, le nombre de postesradios demeure insuffisant. Une famille sur deux dispose d’un récepteur (qui ne fonctionne pas toujours, souvent faute de piles). 1.4.3. La télévision Les téléspectateurs malgachesne disposent que d’une chaîne de télévision qui émet en moyenne 2h30 à 3h par jour (19h à 2lh30), sauf le dimanche où elle émet plus tôt. Cette chaîne émet essentiellementen langue francaise. 80 % desémissions sont en effet des allocations provenant de chaînes étrangèressurtout françaises. Le poids de la langue française est aujourd’hui renforcé par - la participation de Madagascar à I’ARTOI (Association des Radios Télévisions de l’Océan Indien), un organisme créé au mois d’avril 1990 dans le cadre de la coopération régionale; - l’allocation par la Franced’un créneaude 12h/jour sur le satellite Télécom 1 pour la réception des programmes des chaînespubliques françaises. 126 Madagascar compte environ 75000 postes de TV et un réseau hertzien de 2000 km pour la réception directe des émissions (ce réseau servant également pour la communication téléphonique). 1.4.4. L.e cinéma Du fait de l’inexistence d’une politique claire, d’une structure de production et de distribution véritablement opérationnelle, le cinéma malgache est resté à un État embryonnaire. Le circuit commercial ne distribue que des productions étrangères en version française ou sous-titrées en français. On peut par ailleurs constater depuis quelques années, une diminution du taux de fréquentation des salles entraînant la fermeture de certaines d’entre elles, alors que dans le même temps le marché des vidéos cassettes se développe et avec lui les séances de projection privées payantes. L’absence de films de qualité dans le circuit actuel explique pourquoi les vidéothèques des centres culturels étrangers - surtout français - attirent aujourd’hui de plus en plus de jeunes. 1.4.5. L’édition Comme la presse écrite, l’édition elle. Les principaux éditeurs sont l’État aussi des éditeurs indépendants. malgache a 150 ans d’existence derrière et les missions religieuses. Mais il existe Ce sont les ouvrages éducatifs, scolaires et techniques qui dominent dans la production locale, sauf toutefois pour les maisons d’édition relevant des missions où la proportion d’ouvrages religieux est plus importante. Quant à la production littéraire (poèmes, romans, pièces de théâtre.. .) elle a tendance à stagner. Depuis 1985, le nombre de titres français s’accroît régulièrement dans l’édition locale, mais malgré cette tendance, le malgache officiel reste la principale langue d’édition. 1.4.6. Les secteurs secondaire et tertiaire privés Constatant l’échec de économique antérieure I (nationalisations, I sa politique monopoles des sociétés d’Etat, collectivisation des terres.. .), 1’Etat malgache, sous la houlette du FMI et de la Banque Mondiale, s’est engagé à partir des années 1985 dans la voie du libéralisme économique. Cette option fut accompagnée d’une politique de relance du français, car cette langue était perçue comme un outil d’ouverture nécessaire à la modernisation de l’économie nationale et à son ancrage dans les réseaux du commerce international. Les mesures qui ont été prises pour dynamiser l’économie performante vont renforcer la prédominance de la langue française secondaire et tertiaire privés où elle est restée, plus qu’ailleurs la vague de malgachisation, la langue de référence et le principal 127 et la rendre plus dans les secteurs même et malgré outil de travail. h 1: i,,i,. ‘A -.&. --^y,--. ., __- .-... .._, .a. Devenue un produit rare - à cause d’une malgachisation mal comprise qui a entraîné une crise de l’enseignement du français - face à une demande de plus en plus importante de ces deux secteurs de l’économie, la maîtrise du français fonctionne aujourd’hui comme un critère déterminant de sélection et de promotion professionnelles. ._ .r _ ‘w.-;<.- &p- --Y-, 1. Offïcialité unique partagée (n” 1) partagée (no n) 2. Usages «institutionnalisés » textes officiels (lois) textes administratifs nationaux justice administration locale religion 3. Éducation Médium primaire secondaire supérieur 6 0 4 9 Langue enseignée intensif moyen 4. Moyens de communication presse écrite radio télévision cinéma (tir. com.) édition 1 de masse 5. Secteur secondaire et tertiaire privé Possibilités professionnelles ouvertes excellentes Total sur la base 100 : 56 2. 16 59 CORPUS 2.1. Appropriation Les variétés linguistiques en situation de contact dans le contexte sociolinguistique de Madagascar entretiennent entre elles des rapports diglossiques. Ces rapports se caractérisent par : 128 . , - l’inégalité - la différenciation de statut - des différences socio-politique des diverses variétés linguistiques, fonctionnelle, dans le mode d’appropriation, D’une façon générale, l’enfant acquiert en premier à-dire la variété qui est liée aux activités quotidiennes type familial ou ethnique. la variété ethnique, c’estdans le cadre restreint de Si l’enfant vit en milieu urbain, il apprend très vite la variété véhiculaire régionale, les lieux d’initiation étant le quartier, le chemin de l’école, le marché ou les jeux entre enfants. Dans bien des cas, l’enfant apprend la variété véhiculaire régionale concurremment avec la variété ethnique. L’apprentissage du malgache officiel (la variété véhiculaire nationale et une des langues officielles) et du français (langue officielle et langue de communication internationale) s’opère essentiellement par le biais de l’institution scolaire. En prenant en compte la réforme du système éducatif engagée en 1975 et l’état d’avancement du processus de malgachisation de la langue d’enseignement commencé la même année, on peut considérer que la population qui en 1980 avait une instruction du niveau secondaire a eu le français comme medium d’enseignement. Ainsi, en utilisant les statistiques de l’enquête «budget ménage» (Insre 1980) donnant les niveaux d’instruction en milieu rural et dans les centres urbains secondaires, l’évolution des statistiques scolaires jusqu’en 1985, on peut estimer à environ 1 500 000 le nombre de Malgaches dont l’appropriation du français s’est faite par l’utilisation de cette langue comme medium d’enseignement et à 5 900 000 le nombre de ceux dont l’appropriation s’est faite par le biais de I’apprentissage de cette langue comme langue seconde. Ce qui sur une population de 10 000 000 habitants nous donne le tableau suivant: 2.2. Vernacularisation et véhicularisation Nous n’avons pas à Madagascar une vernacularisation du français. Par contre, on peut observer dans certains groupes, en milieu urbain, des cas de véhicularisation. Cette véhicularisation est très limitée, mais elle est néanmoins observable dans le milieu des cadres et autres décideurs économiques et politiques. En effet, même si la situation de communication n’impose pas statutairement l’usage du français, lorsque les locuteurs ne parlent pas la même variété ethnique, ils ont parfois recours au français ou le plus souvent à un discours mixte et/ou métissé. Ce comportement s’explique en partie par la neutralité relative du français 129 par rapport au véhiculaire national et politiquement marqué. 2.3. point - le malgache ofkiel - qui est ethniquement Les types de compétence Si, pour dégager les différents types de compétence, de référence le niveau d’instruction, il faut prendre - - on veut prendre comme en compte deux choses : le processus de malgachisation de la langue d’enseignement amorcé en 1975 et qui a touché le second cycle de l’enseignement secondaire en 1982, les problèmes de fiabilité et d’efficacité du système éducatif et plus particulièrement en matière d’enseignement du français. Ces problèmes ont nécessité, entre autres, une réforme de l’enseignement de cette langue et la mise en œuvre d’opérations de (re)mise à niveau linguistique pour les étudiants de l’Université. À partir de là, en recoupant des données statistiques sur la scolarisation et le niveau d’instruction de la population, celles sur la structure de la population, on peut estimer entre 10 et 15 le pourcentage représenté, dans la population, par les catégories l-2-3 (cat. 1: locuteurs à compétence de français langue maternelle; cat. 2 : locuteurs à double compétence large : malgache + francais; cat. 3 : locuteurs avec une compétence réduite). 2.3. Production et exposition langagières Malgré l’ouverture culturelle et la politique de relance du francais, la production dans cette langue reste encore réduite. En effet, non seulement la démocratisation de la maîtrise du français est loin d’être une réalité, mais en outre le malgache, dans ses variantes ethniques régionales et normalisée, suffit à lui seul pour assurer les besoins langagiers essentiels liés aux activités quotidiennes de la population. En général, lorsque le francais est employé en dehors des situations où son utilisation est imposée par le contexte, cet emploi s’inscrit dans les stratégies langagières des locuteurs (affirmation du statut socio-culturel, valorisation personnelle.. .). La distinction entre zone rurale et zone urbaine s’impose lorsqu’il s’agit de considérer le problème deI l’exposition langagière. En effet, dans les zones urbaines, et plus particulièrement dans les grandes villes, l’exposition à la langue française est, depuis la mise en œuvre de la politique de relance du français, plus intense (avec les affkhes, la publicité, les media, les enseignes des commerçants ou des artisans.. .), alors que dans les zones rurales l’exposition reste encore faible, une situation qui désavantage les jeunes ruraux scolarisés dans l’apprentissage du français, un handicap linguistique qui, à terme, peut devenir un handicap social et économique. 130 CORPUS 11 11/12 11112 1142 Acquisition Apprentissage 51 52 &3 2 6 Vernacularité 0 u r Véhicularisation 2 U Compétence 2 Production langagière réduite Exposition langagière réduite Sur 100 3 = 23,7 CONCLUSION L’évaluation de la place du français dans la situation linguistique malgache, à partir de la grille d’analyse du programme LAFDEF, révèle un écart important entre le statut de cette langue et le volume qu’elle occupe effectivement dans les ressources linguistiques de la société. Cette évaluation, bien qu’expérimentale et fondée plus sur des estimations subjectives que sur des données objectives quantifiables, correspond à la situation de Madagascar. En effet, la supériorité de l’indice global du «status» par rapport à celui du <<corpus” trouve son explication dans une situation linguistique qui se caractérise par l’existence, face au français, d’une langue véhiculaire et nationale unique (le malgache) dont la forme normalisée est aussi langue officielle. Ceci a pour conséquence de restreindre le champ d’utilisation du français, d’autant que la politique de relance de cette langue est trop récente pour que sa maîtrise et son usage se 131 soient suffisamment développés au sein de la population. Mais si les circonstances d’usage exclusif du français sont limitées, son champ fonctionnel par contre reste, malgré (ou à cause de) la politique de malgachisation, celui du prestige, du pouvoir et du savoir, sans oublier celui de l’occultation. Maintenant ne faudrait-il pas voir dans cette existence d’une langue nationale et offîcielle associée à une politique de relance de la langue française, des conditions favorables à l’émergence d’un bilinguisme additif ou « convivial» ? La réponse à cette question, relève du domaine de l’aménagement linguistique, donc de la politique de I’Etat, car il s’agira, en fait, de revoir la distribution du pouvoir au sein de la société malgache. 132