La détermination du coût moyen pondéré du capital, enjeu
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La détermination du coût moyen pondéré du capital, enjeu
Juillet 2014 La détermination du coût moyen pondéré du capital, enjeu majeur d’une régulation aéroportuaire en mutation Par Jeanne Lubek & Stéphane Wakeford Executive Summary La régulation aéroportuaire française est peu précise concernant les paramètres permettant de déterminer le coût moyen pondéré du capital (CMPC). Dans ce contexte, outre la validation ou non du programme d’investissements, le principal arbitrage du régulateur est la détermination du CMPC approprié. Ainsi, si la régulation française est nominalement une régulation de type « pricecap » (plafonnement des prix), elle est de fait plus proche d’une régulation de type « rate-ofreturn » (le taux de rendement du capital), puisque c’est bien la détermination du retour autorisé sur les capitaux employés, donc le CMPC, qui devient à la fois le point central des négociations entre opérateur, utilisateurs et régulateur et le facteur d’ajustement principal permettant d’arriver au plafond tarifaire. Or les effets pervers d’une régulation de type « rate-of-return » sont bien documentés, notamment l'effet Averch-Johnson, qui est la tendance des sociétés réglementées via un taux de rendement autorisé sur le capital à surinvestir afin d'augmenter le volume de leurs bénéfices. Des modifications incrémentales du dispositif actuel allant dans le sens d’une plus grande transparence et de critères économiques plus normés permettant de renouer avec l’esprit d’une régulation de type « price-cap » seraient susceptibles de rendre la régulation aéroportuaire française plus efficace et permettraient d’atténuer la perception d’un possible conflit d’intérêt entre Etat régulateur et Etat actionnaire. Par ailleurs, dans un contexte d’ouverture prévue du capital de sociétés publiques aéroportuaires, une plus grande prévisibilité du cadre régulé permettrait de réduire le risque porté par les éventuels acquéreurs et ainsi d’augmenter la valorisation des actifs aéroportuaires détenus par l’Etat. Contexte régulé européen La jurisprudence communautaire impose que les tarifs d’utilisation des infrastructures aéroportuaires soient établis selon des règles objectives, transparentes et non discriminatoires, en 1 raison de leur caractère de facilités essentielles . Le 11 mars 2009, a été adoptée la directive 2009/12/CE sur les redevances aéroportuaires, qui crée un cadre commun aux Etats membres pour la régulation de ces redevances. Cette directive s’applique aux aéroports dont le trafic annuel dépasse 5 millions de mouvements de passagers, 1 TPICE, arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris soit en France, Roissy, Orly, Nice, Lyon, Marseille, Toulouse et Bâle-Mulhouse. Cette directive a été 2 transposée dans le droit français en 2011 . La mutation de la régulation aéroportuaire, préalable à une privatisation des aéroports régionaux 3 En France, la régulation aéroportuaire a entamé sa mutation en 2005 par une loi prévoyant d’une part la transformation d’ADP en SA et la création de sociétés aéroportuaires régionales (SAR) et d’autre part la mise en place de Contrats de Régulation Economique. Alors qu’ADP s’est transformé en SA dès 2006, avec une ouverture du capital dans la foulée (l’Etat restant toutefois majoritaire), les SAR ont connu une période de gestation plus longue et encore inaboutie. Les trois premières SAR ont vu le jour en 2007 : Aéroports de Lyon et Aéroports de Toulouse-Blagnac en mars 2007 et Aéroport de Bordeaux-Mérignac en mai 2007, suivies en juin 2008 par la SA Aéroports de la Côte d’Azur (qui regroupe les aéroports de Nice et de CannesMandelieu). En Juillet 2014, ce sera au tour de Marseille Provence de se transformer en société aéroportuaire, plus de 9 ans après l’adoption de la loi prévoyant les SAR. Les grands aéroports français Millions de pax 2012 TCAM pax 20072012 Aéroports de Paris 88,571 0,60% Nice-Côte d’Azur 11,179 Lyon SaintExupéry TCAM mouvements 2007-2012 Revenus 2012 (€m) Actionnariat public Type de caisse Concession Evolution prévue du cadre de régulation -1,90% 2640 50,6% Caisse aménagée Perpétuelle CRE 3 2016-2020 : signature prévue en 2015, entrée en vigueur 2016 1,20% -1,50% 205 100% Caisse simple Jusqu’en 2044 Possible passage en CRE au cours des 3 prochaines années 8,367 3,10% -1,60% 153 100% Caisse simple Jusqu’en 2047 CRE 1 2015-2019 : signature prévue en 2014, entrée en vigueur 2015 Marseille Provence 8,173 3,70% 0,90% 123 100% Caisse simple Jusqu’en 2017 Transformation en SAR prévue en juillet 2014 Toulouse Blagnac 7,521 4,20% 2,60% 115 100% Caisse simple Jusqu’en 2046 CRE 2 2014-2018 : Signé en 2013 et entré en vigueur en 2014 Caisse simple Perpétuelle Possible passage en CRE au cours des 3 prochaines années Caisse simple Jusqu’en 2037 Possible passage en CRE au cours des 3 prochaines années BâleMulhouse 5,324 3,70% 2,40% 106 100% (répartis à parts égales entre France et Suisse) Bordeaux Mérignac 4,367 5,10% -1,0% 59 100% Source : NERA Economic Consulting La mise en place des Contrats de Régulation Economique est, elle, encore moins aboutie, puisqu’à l’heure actuelle seuls Paris et Toulouse sont concernés par ce mode de régulation. Mais Aéroports de Lyon est en passe de signer le sien avec l’Etat (fin 2014), ce qui portera à plus de 60% le trafic 2 3 2 Ordonnance n° 2011-1300 du 14 octobre 2011 relative aux redevances aéroportuaires Loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports Les opinions exprimées dans cet article ne représentent pas nécessairement le point de vue de NERA Economic Consulting ou d’autres consultants de NERA. Merci de ne pas citer cet article sans permission explicite des auteurs. passager français concerné par ce type de régulation, qui a vocation à se généraliser à d’autres aéroports dans les prochaines années (Nice, Bordeaux, Bâle-Mulhouse et, plus tardivement, Marseille, pourraient adopter des CRE dans un avenir rapproché). Cette généralisation des CRE est un premier pas vers l’ouverture du capital des aéroports régionaux : celle d’ADP s’était faite dans la foulée de la signature du premier CRE (signé en 2005, entré en vigueur en 2006), ce mécanisme de régulation étant censé apporter notamment une meilleure visibilité aux actionnaires des aéroports, et Toulouse est la première SAR dont l’ouverture du capital est prévue (fin 2014). . Pour les aéroports régionaux, l’Etat s’était engagé de manière informelle à maintenir un 4 actionnariat majoritairement public jusqu’en 2013 , mais dès 2011 l’ouverture de leur capital était envisagée. Devant l’opposition des actionnaires locaux (chambres de commerce de d’industries, collectivités territoriales), ce projet avait été enterré mais pourrait ressurgir au vu du contexte budgétaire contraint actuel. On observe d’ailleurs un effort important de désendettement des 5 aéroports régionaux , notamment ceux qui viennent de passer en CRE ou qui sont sur le point de le faire (Toulouse et Lyon). Les conditions d’accès au marché étant très favorables, cela semble indiquer que l’Etat actionnaire souhaite optimiser la structure financière de ses participations dans l’optique d’une éventuelle cession. 6 Si une privatisation totale d’ADP nécessite un recours à la loi (et pourrait poser des problèmes 7 constitutionnels ), ce n’est pas le cas pour tous les aéroports régionaux. En effet, la loi de 2005 stipule que seul le capital « initial » est détenu par des entités publiques, ce qui ouvre la voie à une dilution de l’actionnariat public des SAR. Ainsi, pour les SAR dont le chiffre d’affaires est inférieur à 150m€ (Toulouse, Marseille, Bordeaux) une privatisation totale ou partielle pourrait avoir lieu sans 8 recours à la loi , ce qui n’est pas le cas pour les aéroports de Nice et Lyon. La perspective d’une privatisation, source de potentiel conflit d’intérêt pour l’Etat régulateur Le législateur avait envisagé de créer une autorité de régulation indépendante du secteur aéroportuaire dans le cadre de la loi du 20 avril 2005, il y a finalement renoncé et a mis en place une commission commune à l’ensemble des grands aéroports, la Commission Consultative Aéroportuaire (CoCoAéro). Or le cumul par l’Etat des fonctions, d’une part, de régulation du secteur aéroportuaire et de la propriété, d’autre part, des sociétés aéroportuaires est susceptible de donner naissance à des conflits d’intérêts pour la détermination du niveau et de l’évolution des tarifs des redevances aéroportuaires : les décisions de l’Etat régulateur ont en effet une incidence sur la valeur des sociétés dont il est actionnaire. Dans son rapport thématique de juillet 2008, la Cour des comptes dénonçait ainsi le flou entretenu par le dispositif de régulation issu de la réforme de 2005 entre les missions de l’Etat régulateur et celles de l’Etat actionnaire. 4 3 Les aéroports français face aux mutations du transport aérien – Rapport thématique de la Cour des Comptes de Juillet 2008 5 Endettement net en baisse de 43m€ à Lyon entre 2007 et 2012 et en baisse de 27m€ à Toulouse entre 2011 et 2013 (cf. Dossier de consultation des usagers d’Aéroport de Toulouse Blagnac - Avril 2013, Rapport annuel 2012 Aéroports de Lyon) 6 L’article L. 251-1, al. 2 du code de l’aviation civile, issu de l’article 6 de la loi du 20 avril 2005 prévoit que « la majorité du capital d’ADP est détenue par l’Etat » 7 « Le principe constitutionnel issu du 9e alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 interdit de privatiser un bien ou une entreprise qui aurait le caractère d’un service public national ou d’un monopole de fait. L’exemple de France Telecom montre toutefois qu’il ne s’agit pas d’un verrou définitif, la loi n° 20031365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom n’ayant pas été soumise à l’examen du Conseil Constitutionnel » - Avis n° 10-A-04 du 22 février 2010 de l’Autorité de la Concurrence 8 Loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations Les opinions exprimées dans cet article ne représentent pas nécessairement le point de vue de NERA Economic Consulting ou d’autres consultants de NERA. Merci de ne pas citer cet article sans permission explicite des auteurs. 9 De plus, comme le relevait l’autorité de la concurrence en 2010 , ce dispositif ne semble pas répondre aux exigences d’indépendance juridique et fonctionnelle du régulateur et du régulé posées par l’article 11 de la directive 2009/12/CE, d’autant que dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des services publics en réseaux, la Cour de justice des communautés européennes a estimé que « des directions différentes d’une même administration ne sauraient être considérées 10 comme indépendantes l’une de l’autre » . Une régulation économique perfectible, notamment concernant la détermination du Coût Moyen Pondéré du Capital La perception d’un potentiel conflit d’intérêt entre Etat régulateur et Etat actionnaire est d’autant plus dommageable que les principes régissant les Contrats de Régulation Economiques ne sont pas encore pleinement figés, comme en témoignent les évolutions entre les CRE1 et CRE2 des Aéroports de Paris et Toulouse, et que les paramètres les plus sensibles dans la fixation du plafond d’évolution des redevances sont sujets à des interprétations différentes de la part des utilisateurs d’infrastructure et des opérateurs d’infrastructures, notamment en ce qui concerne la détermination du Coût Moyen Pondéré du Capital (CMPC) Le CMPC est au cœur de la régulation aéroportuaire, puisque cette dernière a notamment pour objet de rechercher une bonne adéquation entre le retour sur les capitaux (RCE) engagés par l’aéroport et leur coût. Pourtant la méthode de fixation du CMPC définie par le régulateur est vague, la loi se contentant d’évoquer « une estimation du coût moyen pondéré de son capital, calculée en fonction du taux de rémunération qu'un investisseur peut attendre de l'entreprise ainsi que du coût moyen de sa dette, conformément aux méthodes couramment employées en matière 11 d'évaluation d'actifs de sociétés » . La Commission Consultative Aéroportuaire a jugé que « La méthode retenue par ATB pour le calcul du coût moyen pondéré du capital est le modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF). La commission approuve le choix de cette méthode, 12 qu'elle estime précise et cohérente avec la théorie financière et la pratique professionnelle » . 13 Si cette méthode est certes cohérente avec la théorie financière, malgré des limites importantes , la régulation est muette sur des paramètres déterminants du calcul du CMPC : − L’horizon temporel de calcul des différents paramètres (β, taux sans risque, prime de marché et spread de financement notamment) − Les indices de références pour le calcul du β (bêta) − La manière de déterminer des comparables pertinents Or, le manque de précision de la régulation sur ces points débouche sur une marge d’interprétation très large de ces paramètres. Il convient également de relever que la détermination du CMPC en utilisant la méthode du MEDAF repose sur l’utilisation de comparables, ce qui peut être problématique puisque le nombre de sociétés aéroportuaires européennes cotées en bourse est très restreint (ADP, Fraport, Flughafen Wien, Flughafen Zurich, Aeroporto di Firenze SpA, Københavns Lufthavne et Societa Aeroporto Toscano) et qu’elles sont très hétérogènes. Elles ne sont en effet pas soumises à la même 9 Avis n° 10-A-04 du 22 février 2010 de l’Autorité de la Concurrence Arrêt du 27 octobre 1993, Taillandier, C-92/91, Rec. 1993, p. I-5398 11 Arrêté du 16 septembre 2005 relatif aux redevances pour services rendus sur les aérodromes 12 Avis de la commission consultative aéroportuaire sur la saisine du ministre de l'écologie, de l'énergie et du développement durable, en date du 23 juillet 2013 dans le cadre de la préparation du contrat de régulation économique d'Aéroport de Toulouse Blagnac pour la période 2014-2018 13 Fama, Eugene F; French, Kenneth R (Summer 2004). "The Capital Asset Pricing Model: Theory and Evidence". Journal of Economic Perspectives 18 (3): 25–46. 10 4 Les opinions exprimées dans cet article ne représentent pas nécessairement le point de vue de NERA Economic Consulting ou d’autres consultants de NERA. Merci de ne pas citer cet article sans permission explicite des auteurs. régulation et donc au même profil de risque, ce qui peut les rendre moins pertinentes que des 14 entreprises dans des industries différentes mais ayant un mécanisme de régulation similaire . Par ailleurs, certains de ces opérateurs gèrent des aéroports dans de multiples pays. Ainsi Fraport, la plus importante des sociétés aéroportuaires européennes cotées après ADP, est gestionnaire non seulement de l’aéroport de Francfort mais également d’aéroports en Egypte, en Turquie, au Pérou, en Inde, en Arabie Saoudite, en Chine, en Russie, au Sénégal et en Bulgarie. La pertinence de son inclusion dans une analyse de comparables est donc sujette à caution étant donné son degré d’exposition à des marchés émergents. Au regard de tous ces éléments, les choix dans le périmètre et la méthode de calcul du CMPC peuvent donner lieu à des interprétations extrêmement divergentes. D’autant plus que l’approche retenue peut être soit économique, soit financière : la première s’attache à déterminer un CMPC adéquat pour la période de contrôle tarifaire visée et n’internalise pas de paramètres qui dépendent du plafond tarifaire (pour la valorisation des fonds propres par exemple), alors que la seconde fait abstraction de l’impact du CMPC sur les revenus régulés et peut internaliser des éléments projectifs dépendants du plafond d’évolution des redevances fixé par le régulateur (structure financière cible). La distinction entre une approche économique et une approche financière résulte donc principalement de leur finalité différente : le but de l’approche économique est de déterminer la juste rémunération en fonction notamment du coût d’opportunité du capital, afin de fixer un plafond tarifaire adéquat permettant d’atteindre l’égalité RCE=CMPC prévu par la régulation. L’objectif n’est pas d’estimer au plus juste le coût véritable du financement de l’aéroport mais de déterminer ce qu’il devrait être au vu des comparables et du niveau de risque spécifique à l’actif. L’approche financière adopte, elle, une perspective purement descriptive et transactionnelle : elle tente d’estimer le coût du financement pour une période donnée en se basant sur un plan d’affaires qui intègre la régulation comme un paramètre externe. Pour le CRE2 de l’Aéroport de Toulouse, le gestionnaire avait choisi une approche économique pour la détermination de son CMPC, en se basant uniquement sur des comparables et non sur sa 15 structure financière propre , alors que dans son Dossier Public de Consultation en prévision du CRE1, l’Aéroport de Lyon a choisi une approche financière. Cette dernière reposait notamment sur 16 une valorisation de la chronique d’EBITDA prévisionnelle de l’aéroport pour déterminer la structure financière cible alors que le CMPC devait servir à déterminer notamment le revenu autorisé et donc l’EBITDA. La disparité des méthodes appliquées par les gestionnaires d’aéroports témoigne du flou entourant actuellement la méthode de calcul du CMPC dans le cadre d’un CRE. Une régulation de facto plus proche du modèle « rate-of-return » que « price-cap » Dans ce contexte, outre la validation ou non du programme d’investissements, le principal arbitrage du régulateur est la détermination du CMPC approprié. Ainsi, si la régulation française est nominalement une régulation de type « price-cap » (plafonnement des prix), elle est de fait plus proche d’une régulation de type « rate-of-return » (le taux de rendement du capital), puisque c’est bien la détermination du retour autorisé sur les capitaux employés, donc le CMPC, qui devient à la fois le point central des négociations entre opérateur, utilisateurs et régulateur et le facteur d’ajustement principal permettant d’arriver au plafond tarifaire. Or les effets pervers d’une 14 5 The Cost of Capital for the Regulated Firm, 2003, Professor Neil Quigley New Zealand Institute for the study of competition and regulation 15 Dossier de consultation des usagers d’Aéroport de Toulouse Blagnac pour le Contrat de Régulation Economique 2014-2018, publié en avril 2013 16 Dossier Public de Consultation d’Aéroports de Lyon pour le Contrat de Régulation Rconomique 2015 – 2019, publié le 25 juin 2014 Les opinions exprimées dans cet article ne représentent pas nécessairement le point de vue de NERA Economic Consulting ou d’autres consultants de NERA. Merci de ne pas citer cet article sans permission explicite des auteurs. 17 régulation de type « rate-of-return » sont bien documentés, notamment l'effet Averch-Johnson , qui est la tendance des sociétés réglementées via un taux de rendement autorisé sur le capital à surinvestir afin d'augmenter le volume de leurs bénéfices. L’Autorité de la Concurrence constate d’ailleurs que « la régulation des redevances aéroportuaires 18 permet au gestionnaire de répercuter intégralement la hausse des coûts sur ces redevances » , ce qui est en contradiction avec le mécanisme du « price-cap », lequel est, lui, censé inciter l’entreprise à maitriser ses coûts, y compris d’investissement. Un manque de prévisibilité dommageable au secteur Le manque de prévisibilité et de lisibilité du dispositif actuel fait par ailleurs peser une incertitude forte à la fois sur les compagnies aériennes et sur les opérateurs d’infrastructures. Or, dans un contexte d’ouverture du capital des grands aéroports régionaux français, la marge d’appréciation importante dans la détermination du CMPC peut d’une part créer le sentiment d’un potentiel conflit d’intérêts entre Etat régulateur et Etat actionnaire et d’autre part réduire l’appétence des éventuels acquéreurs au vu du risque régulé porté pour les CRE suivants. Des modifications incrémentales dans l’application dispositif actuel allant dans le sens d’une plus grande transparence et de critères plus normés au regard de la théorie économique, notamment la formalisation de l’approche économique de détermination du CMPC, seraient susceptibles de rendre la régulation française plus efficace et de contribuer de façon plus durable à la création de valeur du secteur aéroportuaire. 17 6 Behavior of the Firm Under Regulatory Constraint, Averch, Harvey; Johnson, Leland L. (1962); American Economic Review December 1962, v. 52, pp. 1052-69 18 Avis n° 10-A-04 du 22 février 2010 de l’Autorité de la Concurrence Les opinions exprimées dans cet article ne représentent pas nécessairement le point de vue de NERA Economic Consulting ou d’autres consultants de NERA. Merci de ne pas citer cet article sans permission explicite des auteurs. A propos de NERA Economic Consulting NERA Economic Consulting (www.nera.com) est un cabinet de conseil international spécialisé dans les problématiques de régulation et de concurrence, de politiques publiques et de stratégie. Nos missions incluent des travaux sur les privatisations, la régulation économique, la politique de la concurrence, la stratégie d'entreprise, la prévision de la demande, l'optimisation tarifaire et l'analyse des investissements. Notre réseau international de 500 économistes répartis dans 25 bureaux à travers le monde nous permet de nous appuyer sur un vivier de compétences économiques sans équivalent sur le marché. Contacts Jeanne Lubek Directrice Associée +33 1 70 75 01 82 [email protected] Directrice Associée au sein de la practice Environnement, Energie & Industries de Réseaux. Elle a plus de 15 ans d’expérience dans le conseil économique et stratégique dans le secteur de l’énergie et des infrastructures. Jeanne est diplômée de l’ENSAE, de l’EHESS et de l’Université Paris 1. Stéphane Wakeford Analyste +33 1 70 75 01 52 [email protected] Analyste au sein de la practice Environnement, Energie & Industries de Réseaux. Il a accompagné de nombreux opérateurs ou utilisateurs d’infrastructures sur des sujets d’économie de la régulation et de stratégie. Ancien élève de la Ludiwg-Maximilians Universität de Munich, Stéphane est également diplômé de Sciences Po Paris et HEC. 7 Les opinions exprimées dans cet article ne représentent pas nécessairement le point de vue de NERA Economic Consulting ou d’autres consultants de NERA. Merci de ne pas citer cet article sans permission explicite des auteurs.