nouvelle voie utilisant la chimie verte pour les conversions

Transcription

nouvelle voie utilisant la chimie verte pour les conversions
Journal of the Tunisian Chemical Society, 2015, 17, 11-22
11
NOUVELLE VOIE UTILISANT LA CHIMIE VERTE POUR LES
CONVERSIONS COMPETITIVES DE L'ÉTHYLÈNE GLYCOL PAR
L’ALUMINE ET LA SILICE : ETUDES CINETIQUE ET THEORIQUE
Firas ABOUMESSAAD a,b, Ezzeddine SRASRA a, Mohamed Lotfi EFRIT c,
Youssef ARFAOUI c, Néji BESBES a *
a
Laboratoire Physicochimie des Matériaux Minéraux et leurs Applications, Centre National des Recherches en
Sciences des Matériaux, Technopole de Bordj Cedria, Soliman, 8027, Tunisie.
E-mail : [email protected], [email protected]
b
Université Tunis El Manar, Faculté des Sciences de Tunis, Campus Universitaire El-Manar,
2092, El Manar Tunis, Tunisie.
c
Laboratoire de Synthèse Organique et Hétérocyclique, Département de Chimie, Faculté des Sciences de Tunis,
d
Université Tunis El Manar, Campus Universitaire-2092 Manar II, Tunis, Tunisie
Unité Physico Chimie des Matériaux Condensés-UR11ES19 Département de Chimie
Faculté des Sciences de Tunis Université Tunis El Manar Campus Universitaire-2092, MANAR II, Tunis, Tunisie
(Reçu: 29 Janvier 2015, accepté: 07 Septembre 2015)
RESUME: Nouvelle voie utilisant la chimie verte pour les conversions compétitives de l’éthylène glycol par
l’alumine et la silice : études cinétique et théorique. L’alumine commerciale Al com, le gel de silice commercial Si Com
et la silice tunisienne synthétique Si syn ont été utilisés pour le réarrangement de l'éthylène glycol 1 en un mélange de
diéthylène glycol 2, de 1,4-dioxane 3 et de 2-méthyl-1,3-dioxolane 5 via l’acétaldéhyde 4 par chauffage à 150 °C, sous
pression autogène et sans solvant. Les résultats montrent que le rendement en ces trois produits dépend étroitement de
la nature du catalyseur utilisé et du temps de réaction. Le mécanisme que nous avons proposé pour expliquer la
formation des composés 2-5 a été confirmé par des calculs de chimie quantique effectués à l’aide du programme
Gaussian 09 en utilisant la méthode DFT (B3LYP/6-311++G(2d,2p)).
Mots clés : acétalisation, calcul théorique, dioxolane, dimérisation, éthylène glycol, chimie verte.
ABSTRACT: New route using green chemistry for competitive conversions of ethylene glycol by alumina and silica:
Kinetic and theoretical studies. Commercial alumina Al com, commercial silica gel Si Com and Tunisian synthetic silica
Si syn have been used for the rearrangement of ethylene glycol 1 into a mixture of diethylene glycol 2, 1,4-dioxane 3
and 2-methyl-1,3-dioxolane 5 via acetaldehyde 4 by heating at 150 °C, under autogenous pressure and solvent-free
conditions. Results indicate that the yields of these three products are closely dependent with the nature of the catalyst
used and the reaction time. The mechanism proposed to explain the formation of products 2-5 have been confirmed by
theoretical investigations using the Density Functional Theory at B3LYP level of theory at 6-311++G(2d,2p) in the
Gaussian program.
Keywords: acetalization, dioxolane, dimerization, ethylene glycol, green chemistry, theoretical calculation.
INTRODUCTION
La chimie verte est un domaine très vaste et
multiforme qui porte essentiellement sur
plusieurs principes tels que la prévention de
l'utilisation de solvants volatils et toxiques, la
diminution de la quantité des catalyseurs,
l'optimisation des conditions expérimentales de
réaction, la réduction de la quantité de déchets
chimiques nocifs et le gain d'énergie [1].
Les dioxolanes sont des composés
essentiels en synthèse organique et ceci
s’explique par leurs propriétés chimiques
* Corresponding author: e-mail: [email protected] ; Tel: 00 216 98 538 674 ; Fax: 00 216 71 452 357
12
Firas Aboumessaad and al., J. Soc. Chim. Tunisie, 2015, 17, 11-22
importantes et leurs immenses applications
biologiques et médicales [2-7].
En chimie des matériaux, l’éthylène glycol
est utilisé à température ambiante pour
déterminer les caractéristiques physicochimiques des argiles naturelles (perméabilité,
surface spécifique et conductivité) [8]. D’un
autre côté, ce diol est utilisé en synthèse
organique comme solvant à différentes
températures ou encore comme protecteur de
la fonction aldéhyde ou cétone des composés
organiques
[9,10].
Ces
réactions
d’acétalisation sont réalisées en présence de
catalyseurs usuels à caractère acide comme les
acides protiques (HCl, H 2SO4, AcOH, TsOH),
les acides de Lewis d’origine métallique
(CuSO4, NiCl2, HClO4, CoCl2 et zircone
sulfonique) qui présentent des inconvénients
majeurs dont, essentiellement, leurs natures
corrosives et nocives élevées [11-16]. La
nécessité de processus innovateurs et efficaces
a aussi incité les chercheurs à concevoir des
nouvelles voies utilisant des catalyseurs
hétérogènes solides à base de silice et
d’alumine solides (gel de silice, silicesulfonique acide, TaCl5-gel de silice, SiO2/
Al2O3, kaolinite naturelle, argiles, sable et
zéolites) qui sont réputés pour plusieurs
caractéristiques importantes en particulier la
capacité d’échange cationique [17-26].
Csiba [27] a préparé du dioxolane à partir
de 1-galactono-1,4-lactone et d’un aldéhyde à
longue chaine dans des conditions classiques
(DMF, H2SO4, 24 h à 40 °C). Cet auteur a
amélioré considérablement le rendement en
dioxolane de 25% à 89% lors de l’utilisation
de la montmorillonite K10 et KSF suivie d’une
irradiation par micro-ondes.
De notre côté, nous avons étudié l’activité
catalytique d’argiles pontées à l’aluminium, au
zirconium et au cérium dans la synthèse du 2,2
-diméthyl-1,3-dioxolane à partir d’éthylène
glycol et d’acétone à 40 °C, en absence de
solvant et sous pression autogène [28]. De
plus, nous avons utilisé le gel de silice et
l’alumine dans le réarrangement de N-acyl-2,2
-diméthylaziridines à la température ambiante
et sans solvant qui donne un mélange
d’oxazolines, d’allylamides et d’amidoalcools
[29,30].
Dans ce présent travail nous avons alors été
mené à avancer une nouvelle méthode de
synthèse du 2-méthyl-1,3-dioxolane par
réarrangement de l’éthylène glycol sur des
catalyseurs solides comme l’alumine et le gel
de silice tout en répondant aux conditions de la
chimie verte.
RESULTATS ET DISCUSSIONS
Il est connu que la distillation de l’éthylène
glycol 1 en présence d'acide sulfurique en
faibles proportions (4% en masse) conduit à
quatre produits [31]. Le 1,4-dioxane 3 est le
produit majoritaire de cette réaction alors que
Schéma 1 : Réarrangement de l’éthylène glycol 1 en produits 2-5 dans différents milieux acides.
Tableau I. Conversion de l’éthylène glycol 1 en milieu acide homogène.
P. atm. : Pression atmosphérique ; P. autog. : Pression autogène ; Rdt : Rendement global de la réaction
Firas Aboumessaad and al., J. Soc. Chim. Tunisie, 2015, 17, 11-22
13
Tableau II. Transformation de l’éthylène glycol 1 par des catalyseurs à base de silice et d’alumine.
CEC : capacité d’Échange Cationique ; Rdt : Rendement global de la réaction
le diéthylène glycol 2, l'acétaldéhyde 4 et le 2méthyl-1,3-dioxolane 5 sont obtenus avec des
rendements faibles (Schéma 1).
De notre part, nous avons montré dans ce
travail que le chauffage de ce même mélange à
des températures élevées pendant 3 h et sous
différentes pressions permet la formation du
diéthylène glycol 2 comme produit majoritaire
(Tableau I, entrées 1,2). On note que le
prolongement de la durée du chauffage de ce
mélange réactionnel de 3 h à 24 h a augmenté
considérablement le rendement du dimère 2
tout en gardant le 1,4-dioxane 3 comme
produit minoritaire de cette réaction alors que
l’acétaldéhyde 4 et le dioxolane 5 n’ont pas été
obtenus (Tableau I, entrée 3).
Ces résultats inattendus nous ont alors motivé
à généraliser ce type de conversion en
employant cette fois-ci des catalyseurs solides
commerciaux importés et chers, comme
Figure 1 : Evolution du rendement en produits 2, 3 et 5
en présence de H2SO4 (4% en masse) et de catalyseurs
à base de silice et d’alumine (1,3% en masse).
l'alumine commerciale Al com (Aldrich), le gel
de silice Si Com (Aldrich - Sigma) et un
catalyseur local comme la silice tunisienne
synthétique Si syn peu onéreux et faciles à
préparer à partir du sable originaire de la
région de Borj Hafaiedh de Nabeul au Nord
Est Tunisien (Tableau II). Il est intéressant de
noter que ces trois catalyseurs solides
hétérogènes présentent des sites acides de
Bronsted et de Lewis à leurs surfaces actives.
Les capacités d’échange cationique CEC
permettent alors de classer par ordre
décroissant de réactivité vis-à-vis de l’éthylène
glycol 1: Si syn > Si com > Al com
Ainsi, le chauffage de l’éthylène glycol 1 dans
un autoclave à une température constante de 150
°C pendant 24 h, sous pression autogène et en
présence de ces catalyseurs solides favorise la
formation des trois produits; le 2-méthyl-1,3dioxolane 5 est le produit majoritaire de cette
réaction alors que le diéthylène glycol 2 et le 1,4dioxane 3 sont obtenus avec des faibles
rendements (Tableau II).
La différence des résultats consignés dans
les Tableaux I et II montre que la conversion
de l’éthylène glycol 1 procède de manière
différente en passant du milieu homogène au
milieu hétérogène. En effet, nous avons
remarqué que l’acide sulfurique (4% en masse)
favorise la formation sélective du dimère 2
alors que les catalyseurs à base de silice et
d’alumine (1,3% en masse) transforment
sélectivement le glycol 1 en dioxolane 5
(Figure 1).
Nous pouvons alors conclure que le milieu
homogène accélère la dimérisation du glycol 1
en diol 2 qui se cyclise en hétérocycle
dioxygéné à six chaînons 3 alors que le milieu
Firas Aboumessaad and al., J. Soc. Chim. Tunisie, 2015, 17, 11-22
14
Schéma 2 : Réarrangement de l’éthylène glycol 1 en dioxane 3 et dioxolane 5.
hétérogène favorise la déshydratation du diol 1
en acétaldéhyde 4 qui sera piégé à son tour par
une deuxième molécule d’éthylène glycol 1 en
excès pour conduire à l’hétérocycle dioxygéné
à cinq chaînons 5 (Schéma 2).
D’après les résultats enregistrés ci-dessus nous
avons
constaté
que
les
catalyseurs
commerciaux comme le gel de silice Si com et
l’alumine Al com sont peu actifs vis-à-vis de
l’éthylène glycol 1 (Tableau II, entrées 1,2),
alors que la silice synthétique Si syn étant un
catalyseur tunisien favorise la formation du 2méthyl-1,3-dioxolane 5 avec un bon
rendement (Tableau II, entrée 3). De plus, la
silice synthétique Si syn s’est avérée le meilleur
catalyseur de cette série puisqu’elle affiche un
rendement global de la réaction égal à 38%
(Figure 2).
Etude cinétique
Figure 2 : Evolution du rendement global en présence
de H2SO4 (4% en masse) et de catalyseurs à base de
silice et d’alumine (1,3% en masse).
Dans le but de mieux comprendre le
réarrangement de l’éthylène glycol 1 en milieu
hétérogène, nous avons effectué une étude
Figure 3: Evolution des produits 2, 3 et 5 formés en
présence d’alumine commerciale Al com.
Figure 4: Evolution des produits 2, 3 et 5 formés en
présence de silice commerciale Si com.
Firas Aboumessaad and al., J. Soc. Chim. Tunisie, 2015, 17, 11-22
Figure 5: Evolution des produits 2, 3 et 5 formés en
présence de la silice synthétique Si syn.
15
Figure 7 : Evolution du rendement global en fonction
de la nature du catalyseur utilisé.
cinétique par le biais des catalyseurs Al com, Si
Com et Si syn à la température de 150 °C, sous
pression autogène et pendant des temps
variables. L’analyse de l’allure des courbes
représentées dans les figures 3, 4 et 5 montre
que la conversion de l’éthylène glycol 1 en
diéthylène glycol 2, 1,4-dioxane 3 et 2-méthyl1,3-dioxolane 5 dépend étroitement de la
nature du catalyseur employé et de la durée de
la réaction. La formation des produits
secondaires par action des ces trois catalyseurs
est un résultat perceptible. En effet, nous
avons remarqué que les produits de
dimérisation 2 et 3 sont obtenus avec des
rendements faibles ne dépassant pas 6% quels
que soient la nature du catalyseur utilisé et le
temps de réaction.
Nous avons par ailleurs remarqué que ce
composé 5 est le produit majoritaire de ces
réactions ; il est obtenu avec un rendement de
28% en présence d’alumine Al com après 68 h
de réaction, de 22% en présence de gel de
silice Si com après 24 h de réaction et de 30%
lors de l’utilisation de la silice synthétique
Si syn après 42 h de réaction (Figure 6).
Nous avons aussi constaté en outre que le
rendement global de la transformation de
l’éthylène glycol 1 en produits 2, 3 et 5 atteint
un maximum de 33% en présence d’alumine
Al com après 68 h de réaction, de 26% en
présence de gel de silice Si com après 24 h de
Figure 6 : Evolution du dioxolane 5 en fonction de la
nature du catalyseur et de la durée de réaction.
Figure 8 : Evolution des produits de dimérisation et de
cyclisation en fonction du temps et en présence
d’alumine commerciale Al com.
16
Firas Aboumessaad and al., J. Soc. Chim. Tunisie, 2015, 17, 11-22
Il est intéressant de noter que la vitesse de
la réaction de dimérisation est moins
importante que celle de la réaction
d’acétalisation (Figures 8, 9 et 10). La silice
synthétique tunisienne Si syn représente donc le
catalyseur prometteur car elle favorise le
rendement en produits de dimérisation (10%)
et d’acétalisation (30%) après 42 h de réaction
(Figure 10). Nous pouvons ainsi conclure que
la silice synthétique tunisienne Si syn représente
le catalyseur prometteur car il favorise le
rendement le plus élevé pour une durée de
réaction relativement longue.
Figure 9 : Evolution des produits de dimérisation et
d’acétalisation formés en présence de la silice
commerciale Si com.
Figure 10 : Evolution des produits de dimérisation et
d’acétalisation formés en présence de la silice
synthétique Si syn.
réaction et de 40% en présence de la silice
synthétique Si syn après 42 h de réaction
(Figure 7).
Etude théorique et spectroscopique
L’étude théorique a été réalisée en utilisant le
programme
GAUSSIAN
09
[32].
L’optimisation des structures relatives aux
réactifs et produits a été réalisée en utilisant la
méthode DFT [33-37] avec la fonctionnelle
corrigée du gradient de Becke, Lee, Yang et
Parr (B3LYP), d’échange et de corrélation
avec la base standard 6-311G++(2d,2p). Les
fréquences de vibrations harmoniques des
points stationnaires ont été calculées avec la
même base afin d'identifier les minima locaux.
Seul le calcul des fréquences permet de
contrôler la nature de ce point stationnaire
[38].
L’analyse des énergies de géométries
optimisées montre une bonne concordance
entre les résultats expérimentaux et théoriques
(Figure 11).
En effet, nous avons remarqué que dans le
cas de l’éthylène glycol 1 et le 1,4-dioxane 3,
les atomes de carbone C1 et C2 ont les mêmes
charges atomiques et de même pour les atomes
d’oxygène O1 et O2 (Tableau III).
Dans le cas de diéthylène glycol 2,
Figure 11. Géométries optimisées des composés 1-5 par la méthode DFT/ B3LYP
avec la base standard 6-311++G (2d,2p).
Firas Aboumessaad and al., J. Soc. Chim. Tunisie, 2015, 17, 11-22
Tableau III. Principales caractéristiques physiques de l’éthylène glycol 1 et de ses dérivés 2-5.
17
18
Firas Aboumessaad and al., J. Soc. Chim. Tunisie, 2015, 17, 11-22
l’acétaldéhyde 4 et le 2-méthyl-1,3-dioxolane
5 les atomes de carbone C1, C2 et C3
n’affichent pas les mêmes valeurs des charges
atomiques, idem pour les atomes d’oxygène
O1 et O2 (Tableau III, entrées 1-6). De plus, les
longueurs des liaisons C-C, C-O et C-H
dépendent étroitement de la structure de la
molécule étudiée (Tableau III, entrées 7-14).
Enfin, la nature des atomes et la structure des
molécules ont un effet important sur les angles
(Tableau III, entrées 15-22) et les angles
dièdres (Tableau III, entrées 23-27) des
composés 1-5 étudiés.
De même, au cours du chauffage de
l’éthylène glycol 1, il s’est formé in situ deux
intermédiaires
majeurs ;
l’oxirane
et
l’acétaldéhyde qui ont évolué différemment
pour conduire aux produits 2, 3, 4 et 5. Le
calcul théorique des charges NBO de ces
intermédiaires montre que la réaction évolue
dans les sens de formation du dioxolane 5 à
partir de l’acétaldéhyde 4. En effet, la charge
atomique du carbone du groupe C=O de
l’acétaldéhyde 4 (0,453) est supérieure à celles
des carbones (-0,079) de l’oxirane. L’addition
de l’éthylène glycol 1 introduit en excès est
alors plus favorisée sur le carbone le plus
électrophile de l’acétaldéhyde en dépit des
deux carbones de l’oxirane (Schéma 3).
D’autre part, l’étude comparative par
spectroscopie de RMN du 1H (Tableau III,
entrées 28-31) et de RMN du 13C (Tableau III,
entrées 33-36) révèle que les déplacements
chimiques des protons et du carbone-13 des
composés 1-5 étudiés dépendent étroitement
des effets électroniques et stériques de ces
derniers.
Mécanisme réactionnel proposé
Ces résultats intéressants nous ont mené
alors à avancer un mécanisme ionique pour
expliquer la formation du mélange de trois
produits 2, 3 et 5 à partir de l’éthylène glycol 1
(Schéma 3). La première étape de la
conversion de l’éthylène glycol 1 en dioxolane
5 se manifeste par la réaction du 1,2-diol 1
avec les sites de Brönsted localisés à la surface
active des trois catalyseurs Al com, Si Com et
Si syn pour conduire en premier lieu, après
élimination de l’eau de l’ion oxonium I, au
carbocation aliphatique primaire II. Dans ce
cas trois possibilités se présentent : une
première où ce carbocation primaire II subit
directement l’attaque nucléophile de l’éthylène
glycol 1 en excès pour conduire au diéthylène
glycol 2 via de l’oxonium III. La
déshydratation de ce dimère 2 initiée par le
chauffage en milieu acide conduit à l’oxonium
V qui libère une molécule d’eau et forme le
deuxième carbocation primaire VI. La
cyclisation
intramoléculaire
de
cet
intermédiaire VI donne le 1,4-dioxane 3
(Schéma 3, voie a). La deuxième possibilité se
manifeste par le fait que le carbocation
primaire II se cyclise en oxirane protoné IV
qui subit l’addition nucléophile du réactif 1 sur
le carbone méthylénique pour conduire au
diéthylène glycol 2 via de l’oxonium III
(Schéma 3, voie b). Enfin, la troisième voie
montre que ce carbocation II subit une
transposition de type Wagner-Meerwein le
transformant en un carbocation secondaire plus
stable VII. L’acétaldéhyde 4 formé in situ sera
piégé à son tour par le diol 1 pour conduire à
l’ion oxonium VIII qui se réarrange en ions
oxonium IX et XI. La déshydratation de ce
dernier XI conduit à un troisième carbocation
aliphatique qui se cyclise par une O-alkylation
intramoléculaire en 2-méthyl-1,3-dioxolane 5
(Schéma 3, voie c).
Nous pouvons alors conclure que les
calculs théoriques confirment bien les résultats
expérimentaux et que le composé 5 est le
produit majoritaire de la conversion de
l’éthylène glycol 1 et également le produit le
plus stable thermodynamiquement ce qui
confirme ses proportions dans le mélange
obtenu. Il est à noter que les deux autres
produits 2 et 3 sont moins stables donc ayant
des faibles proportions dans le même mélange.
De plus, nous avons remarqué que les
intermédiaires formés in situ comme l'oxirane
et l'acétaldéhyde 4 sont effectivement les
produits cinétiques de cette réaction de
conversion de l'éthylène glycol 1 (Figure 12).
Firas Aboumessaad and al., J. Soc. Chim. Tunisie, 2015, 17, 11-22
Schéma 3 : Mécanismes réactionnels de formation des différents produits.
Figure 12. Profil énergétique des composés 1- 5 optimisées par la méthode DFT/ B3LYP
avec la base standard 6-311++G (2d,2p).
19
20
Firas Aboumessaad and al., J. Soc. Chim. Tunisie, 2015, 17, 11-22
CONCLUSION
Nous avons présenté dans ce travail une
nouvelle voie de synthèse de 1,3-dioxolanes en
utilisant de nouveaux catalyseurs répondant aux
demandes de la chimie verte. A partir des
résultats obtenus, nous avons montré que le
rendement du diéthylène glycol 2, du dioxane 3
et du 2-méthyl-1,3-dioxolane 5 dépendent de la
capacité d’échange cationique de l’alumine, du
gel de silice et de la silice tunisienne
synthétique. La vitesse de la réaction
d’acétalisation de l’acétaldéhyde 4 formé in situ
est plus importante que la réaction de
dimérisation de l’éthylène glycol 1. De plus, les
catalyseurs locaux comme la silice synthétique
sont très efficaces du réarrangement de
l’éthylène glycol 1 en 2-méthyl-1,3-dioxolane
5. Enfin, les calculs de chimie quantique
effectués à l’aide du programme Gaussian 09
en utilisant la méthode DFT (B3LYP/6311++G (2d,2p)) confirment le mécanisme
réactionnel proposé pour expliquer la formation
des différents produits.
PARTIE EXPERIMENTALE
1. Appareillage
Les spectres de RMN ont été enregistrés sur un
spectromètre Bruker Avance III (300 MHz 1H
et 75 MHz 13C) en solution dans CDCl3. Les
déplacements chimiques (δ) des signaux sont
exprimés en ppm par rapport au TMS pris
comme référence interne. Les abréviations
suivantes sont utilisées : s : singulet, t : triplet.
Les constantes de couplage scalaire (J) sont
exprimées en Hz. L’éthylène glycol de type
Aldrich-Sigma. Le gel de silice est commercial
de type Merck 60 (70-230 mesh) et l’alumine
est un produit commercial Aldrich (150 mesh).
2. Modes opératoires
2.1. Action de l’acide sulfurique
2.1.1. Réaction sous pression atmosphérique
Dans un ballon mono-col rodé muni d’un
réfrigérant ascendant et d’un agitateur
magnétique, on introduit 6,9 mL (7,68 g, 0,124
mmol) d’éthylène glycol 1 auquel on
additionne 0,307 g (1,3% en masse) d’acide
sulfurique concentré. Le mélange est chauffé
sous reflux à 196 °C pendant 1h et 3h et sous
pression atmosphérique. Après refroidissement
à la température ambiante, on ajoute 20 mL
d’eau au brut réactionnel pour éliminer
l’éthylène glycol 1. On extrait la phase
aqueuse par l’éther (3 x 20 mL) puis on sèche
la phase organique sur MgSO4. Après filtration
et évaporation du solvant sous vide, on
récupère un mélange de diéthylène glycol 2 et
de 1,4-dioxane 3.
2.1.2. Réaction sous pression autogène
6,9 mL (7,68 g, 0,124 mmol) d’éthylène glycol
1 et 0,307 g (1,3% en masse) d’acide
sulfurique concentré sont placés dans un
autoclave étanche puis le mélange est chauffé
à 150 °C sous pression autogène pendant des
temps variables. Après refroidissement du
réacteur à la température ambiante, on ajoute
20 mL d’eau au filtrat pour éliminer l’éthylène
glycol 1 restant dans le mélange réactionnel.
On extrait la phase aqueuse par l’éther (3 x 20
mL) puis on sèche la phase organique sur
MgSO4. Après filtration et évaporation du
solvant sous vide, on récupère un mélange de
diéthylène glycol 2 de 1,4-dioxane 3.
2.2.1. Préparation de la silice synthétique
La silice synthétique Si syn est obtenue par
précipitation de la silice à partir d’une solution
de silicate de sodium de concentration [Si]=
1,667 mol.L-1 en ajoutant, goutte à goutte et
sous agitation, de HCl (2M) jusqu’à atteindre
un pH égal à 4. La silice Si syn est récupérée
après lavage successif pour éliminer le
chlorure de sodium et séchage à une
température de 100 °C pendant quelques
heures. Le silicate de sodium est obtenu par
fusion alcaline d’un sable extra-siliceux,
originaire de la région de Borj Hefaiedh de
Nabeul du Nord-Est Tunisien, avec du
carbonate de sodium dont le rapport SiO2/
Na2O = 1.
2.2.2. Réaction des catalyseurs sur
l’éthylène glycol 1
7,68 g (124 mmol) d’éthylène glycol 1 et 0,1 g
du catalyseur (1,3% en masse) sont placés
dans un autoclave étanche puis chauffés à 150
°C sous pression autogène pendant des temps
variables. Après refroidissement du réacteur à
Firas Aboumessaad and al., J. Soc. Chim. Tunisie, 2015, 17, 11-22
la température ambiante, le catalyseur est
séparé par filtration. On ajoute 20 mL d’eau au
filtrat pour éliminer l’éthylène glycol 1 restant
dans le mélange réactionnel. On extrait la
phase aqueuse par l’éther (3 x 20 mL) puis on
sèche la phase organique sur MgSO4. Après
filtration et évaporation du solvant sous vide,
on récupère un mélange de diéthylène glycol 2
de 1,4-dioxane 3 et de dioxolane 5.
2.3. Analyse spectrale des produits 2, 3 et 5
L’identification des composés 2, 3 et 5 est
effectuée à partir des spectres de RMN du 1H
et de RMN du 13C des bruts réactionnels alors
que leurs rendements sont estimés à partir des
spectres de RMN du 1H afin d’éviter leurs
décompositions par action des phases
stationnaires à base de silice ou d’alumine à
caractère acide de Lewis en produits
indésirables sur colonne chromatographique
similairement à d’autres travaux [30].
REMERCIEMENTS: La silice synthétique est fournie
par le Docteur Mounir Hajji Enseignant Chercheur au
Laboratoire de Valorisation des Matériaux Utiles dirigé
par le Professeur Adel M'nif au Centre National des
Recherches en Sciences des Matériaux que nous
remercions vivement.
REFERENCES
[1] P. Sudarsanam, B. Mallesham, A.N. Prasad, P.S.
Reddy, B.M. Reddy, Fuel Process. Technol., 2013,
106, 539-545.
[2] N.A.A. Rossi, Y. Zou, M.D. Scott, J.N.
Kizhakkedathu, Macromolecules, 2008, 41, 52725282.
[3] B.N.M. Silva, B.V. Silva, F.C. Silva, D.T.G.
Gonzaga, V.F. Ferreira, A.C. Pinto,
J. Braz. Chem. Soc., 2013, 24 (2), 179-183.
[4] B.V. Silva, J. Braz. Chem. Soc., 2013, 24 (5), 707720.
[5] J.Z. Vlahakis, R.T. Kinobe, R.J. Bowers, J.F.
Brien, K. Nakatsu, W.A. Szarek, J. Med. Chem.,
2006, 49 (14), 4437-4441.
[6] L.Z. Xu, S.S. Zhang, S.Y. Niu, Y.Q. Qin, X.M. Li,
K. Jiao, Molecules, 2004, 9 (11), 913-921.
[7] R.T. Kinobe, Y. Ji, J.Z. Vlahakis, R. Motterlini,
J.F. Brien, W.A. Szarek, K. Nakatsu, J.
Pharmacol. Exp. Ther., 2007, 323 (3), 763-770.
[8] I. Agirre, M.B. Güemez, A. Ugarte, J.M. Requies,
V.L. Barrio, J.F. Cambra, P.L. Arias, Fuel Process.
Technol., 2013, 116, 182-188.
[9] N. Besbes, D. Hadji, A. Mostefai, A. Rahmouni,
M.L. Efrit, E. Srasra, J. Soc. Chim. Tun., 2012, 14,
39-46.
21
[10] W. Hagui, A. Mostefai, A. Rahmouni, M.L. Efrit,
E. Srasra, N. Besbes, J. Soc. Chim. Tun., 2015, 17,
1-9
[11] A.T. Khan, E. Mondal, P.R. Sahu, S. Islam,
Tetrahedron Lett., 2003, 44 (5), 919-922.
[12] S.K. De, Tetrahedron Lett., 2004, 45 (5), 1035-1036.
[13] E. Mondal, P.R. Sahu, G. Bose, A.T. Khan,
Synlett., 2002, 3 ( 3), 463-467.
[14] P.K. Mandal, S.C. Roy, Tetrahedron, 1995, 51
(28), 7823-7828.
[15] Y.J.M.W.J. Monbaliu, M. Winter, B. Chevalier, F.
Schmidt, R. Hoogendoorn, M. Kousemaker, C.V.
Stevens, Chem. Today, 2010, 28, 8-11.
[16] D.C. Anderson, K.W. Brown, J.C. Thomas, Waste
Manag. Res., 1985, 3 (4), 339-349.
[18] N. Kaur, D. Kishore, J. Chem. Pharm. Res., 2012,
4 (2), 991-1015.
[19] U.V. Desai, T.S. Thopate, D.M. Pore, P.P. WadGaonkar, Catal. Comm., 2006, 7 (7), 508-511.
[20] S. Chandrasekhar, M. Takhi, Y.R. Reddy, S.
Mohapatra, C.R. Rao, K.V. Reddy, Tetrahedron,
1997, 53 (44), 14997-15004.
[21] P. Datta, H.B. Borate, A. Sudalai, T.
Ravlndranathan, V.H. Deshpande, Tetrahedron
Lett., 1996, 37 (26), 4605-4608.
[22] T. Okuhara, N. Mizuno, M. Misono, Adv. Catal.,
1996, 41, 113-252.
[23] L. Roldán, R. Mallada, J.M. Fraile, J.A. Mayoral,
M. Menéndez, Asia-Pac. J. Chem. Eng., 2009, 4,
279-284.
[24] C.X.A. da Silva, V.L.C. Goncalves, C.J.A. Mota,
Green Chem., 2009, 11, 38-41.
[25] M. Poliakoff, P. Licence, Nature, 2007, 450, 810812.
[26] B. Perio, M.J. Dozias, P. Jacquault, J. Hamelin,
Tetrahedron Lett., 1997, 38 (45), 7867-7870.
[27] M. Csiba, J. Cleophax, A. Loupy, J. Malthête, S.D.
Gero, Tetrahedron Lett., 1993, 34 (11), 1787-1790.
[28] S. Mnasri, N. Besbes, N. Frini-Srasra, E. Srasra, C.
R. Chim., 2012, 15 (4), 437-443.
[29] N. Besbes, H. Jellali, P. Pale, E. Srasra, M.L. Efrit,
C. R. Chim., 2010, 13 (3), 358-364.
[30] N. Besbes, H. Jellali, P. Pale, M.L. Efrit, E. Srasra,
Phosphorus, Sulfur and Silicon, 2010, 185 (4), 883
-889.
[31] S.D. Barton, W.D. Ollis, Comprehensive Organic
Chemistry, The Synthesis and Reactions of Organic
Compounds, Pergamon Press. Ltd, Paris, 1979, p.
881.
[32] Gaussian 09, Revision A.1, M.J. Frisch, G.W.
Trucks, H.B. Schlegel, G.E. Scuseria, M. A. Robb,
J.R. Cheeseman, G. Scalmani, V. Barone, B.
Mennucci, G.A. Petersson, H. Nakatsuji, M.
Caricato, X. Li, H.P. Hratchian, A.F. Izmaylov, J.
Bloino, G. Zheng, J.L. Sonnenberg, M. Hada, M.
Ehara, K. Toyota, R. Fukuda, J. Hasegawa, M.
Ishida, T. Nakajima, Y. Honda, O. Kitao, H. Nakai,
T. Vreven, J. A. Montgomery, Jr., J.E. Peralta, F.
22
Firas Aboumessaad and al., J. Soc. Chim. Tunisie, 2015, 17, 11-22
Ogliaro, M. Bearpark, J.J. Heyd, E. Brothers, K.N.
Kudin, V.N. Staroverov, R. Kobayashi, J.
Normand, K. Raghavachari, A. Rendell, J.C.
Burant, S.S. Iyengar, J. Tomasi, M. Cossi, N. Rega,
J.M. Millam, M. Klene, J.E. Knox, J.B. Cross, V.
Bakken, C. Adamo, J. Jaramillo, R. Gomperts, R.E.
Stratmann, O. Yazyev, A.J. Austin, R. Cammi, C.
Pomelli, J.W. Ochterski, R.L. Martin, K.
Morokuma, V.G. Zakrzewski, G.A. Voth, P.
Salvador, J.J. Dannenberg, S. Dapprich, A.D.
Daniels, Ö. Farkas, J.B. Foresman, J.V. Ortiz, J.
Cioslowski, and D.J. Fox, Gaussian, Inc.,
Wallingford CT, 2009.
[33] Y. Arfaoui, M.L. Efrit, N. Besbes, J. Mol. Mod.,
2013, 19, 4603-4612.
[34] A.D Becke, J. Chem. Phys., 1993, 98, 5648-5652.
[35] C. Lee, W. Yang, R.G. Parr, Phys. Rev. B, 1988,
37, 785-789.
[36] A. Arfaoui, F. Saâdi, Y. Ben Smida, Y. Arfaoui, A.
Nefzi, H. Amri, Tetrahedron Lett., 2015, 56, 98100.
[37] A. Haloui, Y. Arfaoui, J. Mol. Struc. THEOCHEM, 2010, 950, 13-19.
[38] Y. Arfaoui, A.S. Al-Ayed, R. Ben Said, A.I.
Hamed, Inter. J. Chem., 2013, 5 (4), 73-79.

Documents pareils