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entrepriseéconomiemétiers
Facture instrumentale
et innovation :
enjeux, dispositifs,
perspectives
VINCENT DOUTAUT
Responsable Innovation
& Développement Technologique ITEMM, Le Mans
Sommaire
I.
Métiers d’art : contexte et constats
54
A — Métiers d’art comme activité : quelle réalité ?
B — Métiers d’art comme enjeu de développement local :
quel constat ?
C — Métiers d’art comme entreprise :
quelles filiations et quels besoins ?
II.
Développement technologique des entreprises artisanales
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A — Réseaux de Développement Technologique (RDT)
B — Réseaux de Diffusion des Innovations
dans l’Artisanat (RDIA)
III.
Pôles d’innovation des métiers
56
A — Pôles d’innovation : missions et objectifs
B — Soutien aux entreprises des métiers d’art :
gageure ou exigence ?
IV.
Facture instrumentale en action
musique & technique
Face à l’internationalisation des échanges
économiques et des modes de production,
les entreprises artisanales – en particulier
en facture instrumentale –, sont désormais
confrontées à une exigence de qualité
toujours plus fine et amenées à s’inscrire
dans une nécessaire démarche d’innovation.
Depuis une quinzaine d’années, les pouvoirs publics ont structuré le soutien aux
entreprises de manière à accompagner
celles-ci dans leur politique de développement, notamment sur les questions
d’ordre technologique. Force est de
constater que l’ensemble de ces dispositifs
est difficile à appréhender par l’entrepreneur artisanal.
Dans sa mission de service aux entreprises,
l’ITEMM, via ce premier numéro de la
revue musique & technique, se fait l’écho
de l’existant et mène une présentation
générale de ces mécanismes d’aide et
d’accompagnement. C’est aussi l’occasion
d’expliquer l’origine de la mise en place
des « pôles d’innovation » de l’artisanat
et d’en décrire les perspectives de
déploiement en application directe aux
métiers techniques de la musique.
57
revue professionnelle de la facture instrumentale
53
Facture instrumentale et innovation
I. Métiers d’art : contexte et constats
Le cœur de la problématique d’innovation en facture instrumentale
dépasse certainement le cadre strict de ce secteur spécifique
d’activités. En effet, la taille et le contexte d’évolution des
entreprises concernées ont, à bien des égards, de nombreux points
communs avec l’ensemble des métiers regroupés sous le terme
générique d’artisanat d’art.
Ainsi, à partir de l’évocation des particularités tant économiques
que technologiques des métiers d’art, le propos de cet article est de
présenter les dispositifs généraux de soutien et d’accompagnement
des entreprises, afin de mettre en valeur les mesures d’intérêt direct
pour l’artisanat d’art. En particulier, il s’agit d’exposer la notion de
« pôle national d’innovation de l’artisanat », d’en détailler les
grandes missions et d’en préciser les services aux entreprises, les
actions concrètes et les perspectives d’évolution, en prenant bien
sûr modèle sur le domaine de la facture instrumentale.
A — Métiers d’art comme activité :
quelle réalité ?
Les métiers d’art expriment une grande intelligence de savoir-faire
issue d’une conjugaison d’héritages complémentaires de
connaissances et de pratiques traditionnelles. Entre création
artistique et maîtrise manuelle, les frontières de l’artisanat d’art
sont longtemps restées floues1. On peut néanmoins s’accorder à
caractériser le professionnel des métiers d’art à la fois comme
« technicien et créateur donnant une forme et un sens à un
matériau ». Son activité s’exerce dans une multitude de spécialités
liées en majeure partie au travail des matériaux bruts : bois, terre,
métaux, textile, verre, cuir, voire composites…
Cependant, ce foisonnement de compétences et d’objectifs nourris
de passion ne s’inscrit pas moins dans un contexte d’entreprise qui
impose un équilibre délicat entre recherche d’excellence et
rentabilité financière. On assiste bien souvent à un accroissement
constant des activités commerciales et de services – vente, conseil
et maintenance – vis-à-vis de celles liées à la création et à la
fabrication. Cette ambivalence constitue le fondement même de la
réalité des métiers d’art en posant à elle seule la problématique de
leur identité.
B — Métiers d’art comme enjeu
de développement local :
quel constat ?
Sous des composantes très diffuses, ce patrimoine, ancré dans nos
territoires, constitue un potentiel remarquable de développement,
en termes :
– de compétences à préserver, à enrichir et à valoriser ;
– d’économie locale et de facteur d’innovation à soutenir, à
encourager et à diffuser.
1
54
L’arrêté officiel fixant la liste des métiers relevant de l’artisanat d’art date du
12 décembre 2003, publié au Journal 0fficiel du 27 décembre 2003.
Par nature hybride – technique, créativité, esthétique, service –, ce
secteur professionnel souffre significativement d’être à la marge de
circuits et de dispositifs conçus en majeure partie pour répondre à
une logique industrielle et d’économie de marché à grande échelle.
C — Métiers d’art comme entreprise :
quelles filiations et quels
besoins ?
Un récent slogan « Artisanat. Première entreprise de France » a
remis en valeur la force, la qualité et la diversité des métiers qui
sont pratiqués de nos jours sous « statut » d’artisan sur l’ensemble
du territoire national. De fait, le volume de la population active
affiliée à ces métiers est considérable. Il est évalué à plus de deux
millions d’emplois, en se limitant à ne comptabiliser que ceux qui
relèvent d’une stricte inscription au répertoire des métiers.
Par définition, les entreprises artisanales se caractérisent par
l’exercice d’activités manuelles et de service de proximité et, dans
le principe, par un nombre de salariés inférieur à dix. L’extrême
diversité des activités, des statuts et des tailles des entreprises
artisanales souligne la complexité de l’animation économique à la
charge des organismes consulaires (Chambres des Métiers et
Chambres de Commerce et d’Industrie).
Dans ce contexte, on comprend que les activités affiliées aux
« métiers d’art » sont rarement approchées en tant que telles,
d’autant plus qu’elles se rattachent pour leur grande majorité à de
très petites entités qui, de manière inégale suivant les secteurs,
restent dispersées sur le territoire, diversement regroupées ou
organisées, difficiles à identifier et par conséquent souvent
méconnues des structures institutionnelles comme a fortiori du
grand public.
Cette situation se vérifie dans différentes « disciplines » des métiers
d’art. Que dire alors des métiers d’art dans leur globalité ?
Pourtant, les professionnels expriment de nombreuses attentes,
tant au niveau individuel que collectif. En contrepartie, ils révèlent
une certaine difficulté à développer par eux-mêmes une synergie
visant à structurer leurs métiers et à développer une image
commune et dynamique. Les besoins essentiels d’informations
concernent :
– l’évolution des métiers, leur représentativité et leur poids
économique ;
– l’évolution des techniques, leur diffusion et leur adaptation aux
métiers.
Le problème de reconnaissance est important. Il faut savoir par
exemple qu’en facture instrumentale, nombre d’artisans sont
répertoriés dans la catégorie « vente d’électroménager ». En terme
d’image, l’enjeu s’avère fondamental à l’international pour le
commerce extérieur, sachant que les métiers d’art représentent un
entrepriseéconomiemétiers
potentiel remarquable de ce point de vue. À titre d’illustration en
facture instrumentale, on peut citer le succès de l’opération
« acheteurs américains » du printemps 2004, organisée par le
réseau des Chambres de Métiers et le CFCE – Comité Français au
Commerce Extérieur, structure désormais nommée UbiFrance –
ayant généré un volume d’affaires de l’ordre de 80 000 dollars !
Enfin, l’innovation n’est pas moins capitale aux métiers d’art.
Comme dans d’autres secteurs économiques, les technologies, les
procédés ou les matériaux nouveaux constituent autant de sujets
vitaux pour l’avenir des métiers. Ces thèmes de développement
technologique sont ici d’autant plus cruciaux qu’ils sont renforcés
par une indispensable adaptation des savoir-faire dans le respect
des traditions. En prenant toujours appui sur la facture
instrumentale, la concurrence internationale des plus féroces à
laquelle on assiste depuis plusieurs années, ne doit-elle pas pousser
les professionnels vers un accroissement toujours plus important de
la qualité des instruments, une recherche systématique de
l’optimisation et de l’innovation ?
Conscients des enjeux, les pouvoirs publics ont contribué
activement à la mise en place progressive de dispositifs spécifiques
destinés à soutenir les métiers d’art. Ainsi, au plan national des
organismes œuvrent efficacement depuis plusieurs années comme
la SEMA – Société d’Encouragement aux Métiers d’Art – et l’ISM
– Institut Supérieur des Métiers.
Néanmoins, les travaux engagés, pour atteindre leur pleine mesure,
doivent être irrigués par une communication transversale
permanente. En effet, restent à établir les liaisons visant à favoriser
la mise en réseau des connaissances et de l’ensemble des moyens
humains et structurels existants qui contribuent au développement
des métiers d’art.
II. Développement
technologique des
entreprises artisanales
L’organisation du soutien au développement économique et
technologique des entreprises s’est structurée à partir des réseaux
des chambres consulaires (Chambres de Métiers et Chambres de
Commerce et d’Industrie). L’ascendant toujours plus prégnant des
évolutions technologiques sur la vie des entreprises a induit un
accompagnement indispensable de celles-ci sur ces questions.
musique & technique
A — Réseaux de Développement
Technologique (RDT)
Depuis une quinzaine d’années, les pouvoirs publics ont pris des
mesures importantes afin de :
– connaître le tissu économique des PME-PMI et définir leurs
besoins ;
– rapprocher les entreprises des centres techniques et des
laboratoires de recherche ;
– faciliter l’accès et l’intégration des nouvelles technologies au sein
des entreprises ;
– améliorer la diffusion des connaissances et des pratiques ;
– optimiser le transfert de technologie et l’innovation dans les
PME-PMI.
Ainsi, cet accompagnement des entreprises s’est instauré par la
constitution de réseaux technologiques élargis. L’effort s’est
d’abord porté sur les PME-PMI et à l’initiative des Ministères de
la Recherche et de l’Industrie, les RDT – Réseau de
Développement Technologique – ont été mis en place à titre
expérimental dans quatre régions en 1990. Ils sont désormais
opérationnels dans les 22 régions métropolitaines, coordonnés au
niveau national par le Réseau Interrégional de Développement
Technologique (RIDT).
Sous convention avec l’ANVAR (Agence Nationale de VAlorisation
de la Recherche) et les Conseils Régionaux afin d’adapter leur
fonctionnement selon les particularités de chaque région, les RDT
ont pour but de faciliter l’accès aux ressources de recherche. Ils
s’appuient donc sur les délégations régionales des établissements
techniques et institutionnels tels que : ARIST (Agence Régionale
d’Information Scientifique et Technique) ; CCI – CRCI (Chambre
– Régionale – de Commerce et d’Industrie) ; Conseil Régional,
Conseils Généraux, Comités d’Expansion Économique,
Communauté de Communes, etc. ; CRITT (Centres Régionaux
d’Innovation et de Transfert de Technologie) ; DRRT (Délégations
Régionales à la Recherche et à la Technologie) ; INPI (Institut
National de la Propriété Industrielle) ; Laboratoires et centres de
recherche publics et privés (universités, écoles…), etc.
Un outil financier, la PTR – Prestation Technologique Réseau – a
été créé afin d’aider les entreprises dans la gestion de leur
développement technologique. L’objectif de la PTR est de
permettre la réalisation d’études de faisabilité scientifiques et
techniques (essais, modélisations, calculs), de caractérisations de
produits et de prototypes, de recherches d’antériorité, de premier
dépôt de brevet français, de veille technologique, d’études de
marché de nouveaux procédés ou produits, etc. Cette aide peut
financer jusqu’à 75 % du coût de la prestation, à concurrence d’un
montant plafonné à 5 000 euros.
revue professionnelle de la facture instrumentale
55
Facture instrumentale et innovation
En pratique, force est de constater que la vocation de la plupart des
structures rattachées aux RDT est orientée prioritairement vers les
entreprises industrielles et de production en série. Le niveau
technologique initial de celles-ci leur permet d’exploiter pleinement
la mise en réseau des ressources et des moyens d’accompagnement
comme la PTR. De fait, à de rares exceptions près, ces dispositifs
ne profitent pas aux entreprises artisanales.
B — Réseau de Diffusion
des Innovations dans l’Artisanat
(RDIA)
Les entreprises artisanales ne disposent pas des moyens financiers,
stratégiques, ni logistiques pour s’engager seules dans une
démarche de développement économique par l’innovation ou
bénéficier directement de l’effort de recherche. Afin d’apporter une
réponse adaptée aux problèmes particuliers des entreprises de très
petite taille (TPE pour Très Petites Entreprises), sous l’impulsion
du Secrétariat d’État en charge de l’Artisanat, de l’APCM
(Assemblée Permanente des Chambres de Métiers), et de l’UPA
(Union Professionnelle Artisanale), l’ISM (Institut Supérieur des
Métiers) a été créé à cet effet en juillet 1990.
Les missions confiées à l’ISM se déclinent suivant quatre axes :
– former les élus professionnels de l’artisanat, les responsables et
les cadres employés par les Chambres de Métiers et les
Organisations Professionnelles ;
– coordonner le développement technologique et l’innovation dans
l’artisanat ;
– mettre à disposition un centre de documentation et d’information
pour l’artisanat ;
– réaliser des études et recherches sur l’artisanat.
À titre d’illustration, l’ISM diffuse en ligne un catalogue complet
des aides financières aux petites entreprises, du niveau européen à
l’échelle locale.
Ainsi, parmi ces missions, l’ISM anime le RDIA – Réseau de
Diffusion des Innovations dans l’Artisanat – en s’appuyant sur un
dispositif intégrant les besoins spécifiques des TPE artisanales. Le
RDIA est structuré de manière à intervenir en totale
complémentarité à l’action des RDT régionaux, avec un
agencement des moyens en sous-réseaux de :
– conseillers en développement économique dans les Chambres de
Métiers ;
– conseillers en développement technologique des Chambres
Régionales de Métiers ;
– pôles d’innovation des métiers dans chaque spécialité artisanale.
Ce complément propre au soutien du secteur des TPE artisanales
représente actuellement un effectif d’une centaine d’ingénieurs et
d’une vingtaine de pôles d’innovation répartis sur le territoire
national.
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III. Pôles d’innovation
des métiers
Le socle du dispositif de soutien aux entreprises artisanales est
constitué par le réseau des pôles d’innovation. Par définition, un
« pôle d’innovation » est un agrément accordé à une structure par
le Ministère en charge de l’Artisanat et par l’ISM. De fait, ce label
est majoritairement attribué à un organisme de formation
professionnelle (initiale et/ou continue), doté de moyens humains et
matériels performants pour conjointement apporter un soutien
technique aux entreprises artisanales. L’imbrication entre
formation et appui technique garantit un échange direct entre les
futurs professionnels et les artisans en exercice. Il s’agit ici à la fois
de créer un impact à long terme sur les entreprises et de répondre
à court et moyen terme aux sollicitations et aux problèmes des
entreprises.
A — Pôle d’innovation :
missions et objectifs
L’ambition annoncée est de bénéficier d’un pôle d’innovation par
secteur des métiers ou, à défaut, par grand type d’activité de
l’artisanat. Ainsi, sur la vingtaine de pôles d’innovation
actuellement constitués, les domaines couverts sont entre autres :
les métiers de bouche et de l’alimentation (boulangerie, pâtisserie,
charcuterie, boucherie…) ou les métiers de l’électronique et de la
mécanique (automobile, machinisme agricole, génie climatique…).
De manière officielle, les missions des pôles d’innovation
s’agencent suivant quatre champs principaux d’actions :
– liaison avec les ressources externes (interface avec les centres de
compétences scientifiques et techniques) ;
– recherche de solutions adaptées aux petites entreprises (veille
technologique, recherche appliquée, développement de méthodes
et d’outils dédiés aux métiers) ;
– diffusion des connaissances et des pratiques appropriées
(journées techniques, site Internet, revues professionnelles,
guides techniques, cycles de formation spécifiques).
– assistance directe aux entreprises (prestations matérielles et
immatérielles, expertises techniques).
Par son organisation, le RDIA apporte une réponse à la fois
synthétique et spécialisée aux entreprises du secteur artisanal. En
effet, l’ensemble des problématiques auxquelles sont confrontés les
entrepreneurs des TPE est couvert par le RDIA : évolution des
métiers et développement économique, innovation et adaptation
aux nouvelles technologies, formation et information du personnel.
entrepriseéconomiemétiers
Cette structuration permet également d’établir un lien entre
institutions et entreprises en tenant compte des attentes spécifiques
à chaque métier. Au travers des pôles d’innovation, la connexion
avec les RDT régionaux et les centres de compétences scientifiques
et techniques se réalise naturellement.
B — Soutien aux entreprises des
métiers d’art : gageure ou
exigence ?
On peut s’interroger sur les raisons conduisant au constat que les
métiers d’art sont insuffisamment concernés par ces dispositifs, ni
vraiment partie prenante de compétences pourtant disponibles à
proximité, et souvent gratuites du fait d’un positionnement hors
champs concurrentiels.
Les métiers d’art sont-ils clairement identifiés ? Sont-ils
convenablement renseignés par les associations et les organisations
professionnelles dont ils dépendent ? Par voie de conséquence, ne
souffrent-ils pas d’un manque d’information sur les ressources
scientifiques et les compétences technologiques auxquelles ils
pourraient faire appel ?
En contrepartie, les professionnels des métiers d’art n’ont-ils pas
encore trop tendance à se replier sur eux même, à entretenir une
certaine réticence aux échanges interprofessionnels mais également
intra-professionnels ? La légitimité de la protection de ses propres
savoir-faire ne trouve-t-elle pas ses limites face à la nécessaire
formation des jeunes, à l’évolution des goûts et des pratiques, à
l’écoute du marché, aux innovations et à la maîtrise de mise en
œuvre de nouvelles techniques de production ?
Régulièrement, la SEMA, les Chambres de Métiers, les
organisations professionnelles ou bien, en facture instrumentale, le
prix Musicora, portent au-devant de la scène des savoir-faire
remarquables qui sont autant d’exemples d’ouverture, de créativité
et d’esprit d’innovation. L’enjeu est de dépasser l’exception et
l’observation de cas particuliers, afin que ces modèles deviennent
autant d’indicateurs des potentiels, agissent comme stimulant pour
la profession et soient porteurs de développement et d’image.
Néanmoins, les entreprises des métiers d’art disposent déjà au
niveau national d’un soutien à leur développement économique
directement adapté à leur contexte spécifique, tant sur les aspects
de valorisation des savoir-faire que de technologie associée. Un
rapide tour d’horizon de l’existant permet de faire état de quelques
structures :
– Société d’Encouragement aux Métiers d’Art (SEMA)
Sous tutelle du Secrétariat d’État en charge de l’Artisanat, la
musique & technique
SEMA a pour vocation de dynamiser le secteur des métiers d’art en
France et à l’international. Depuis la décentralisation, la SEMA est
devenue le partenaire des collectivités territoriales dans leur
démarche de développement économique, avec l’appui de son
réseau de délégués locaux, chargés de relayer son action auprès des
professionnels. La SEMA fournit un appui logistique auprès des
régions et participe à la mise en place des programmes
opérationnels en faveur de l’artisanat d’art. Par l’animation d’un
centre de ressources et l’édition de la revue « Métiers d’art », la
SEMA informe sur l’actualité de ces domaines. La promotion des
métiers est assurée en intégrant les différents éléments de leur
développement : aménagement du territoire, tourisme, culture,
patrimoine… La SEMA agit donc en partenariat étroit avec les
institutions en charge de ces domaines dans une perspective de
cohérence et d’efficacité des actions au profit de l’artisanat d’art.
– Institut Supérieur des Métiers (ISM)
L’organisation du RDIA permet en effet de tenir compte de la
spécialité des métiers par les pôles d’innovation, lesquels peuvent se
voir comme des antennes technologiques de l’ISM en régions, tout
en gardant une vocation nationale. À ce jour, quatre pôles
d’innovation sont expressément destinés aux métiers d’art, à savoir
pour :
1. les métiers du verre : CERFAV (Centre Européen de Recherche
et de Formation aux Arts Verriers) – Vannes-le-Châtel (Meurthe
et Moselle) ;
2. les métiers du métal : IFRAM (Institut de Formation et de
Recherche pour les Artisans des Métaux) – Gruchet-le-Valasse
(Haute Normandie) ;
3. les métiers de la musique : ITEMM (Institut Technologique
Européen des Métiers de la Musique) – Le Mans (Sarthe) ;
4. les métiers de la pierre : ISRFMP (Institut Supérieur de
Recherche et de Formation aux Métiers de la Pierre) – Rodez
(Aveyron).
IV. Facture instrumentale
en action
D’aucun aura remarqué la présence de l’ITEMM dans la liste des
pôles d’innovation. L’Institut représente depuis une décennie le
centre de formation des métiers de la facture instrumentale le plus
important sur le territoire national, en couvrant les familles
instrumentales des pianos, des guitares, des instruments à vent et
des accordéons. En partenariat étroit avec l’École Nationale de
Lutherie de Mirecourt (Vosges), pour les instruments du quatuor,
et le Centre National de Formation d’Apprentis d’Eschau (BasRhin), pour la facture d’orgues, l’Institut a été agréé pôle national
d’innovation des métiers de la musique en fin d’année 2001. Depuis
revue professionnelle de la facture instrumentale
57
Facture instrumentale et innovation
trois ans, il s’est doté progressivement d’une cellule opérationnelle
d’animation technologique – service « Innovation et Développement
Technologique » – et d’un centre de documentation spécialisé afin
de répondre au mieux aux attentes des professionnels de toutes les
familles instrumentales.
De part leur présence aux Conseils d’Administration et à la réunion
annuelle du Conseil d’Orientation Scientifique et Technique,
l’Institut agit en collaboration étroite avec les associations
professionnelles et les partenaires scientifiques et techniques du
domaine, sous l’égide des institutions nationales (Ministères en
charge de la Culture, de l’Artisanat, de l’Éducation, ISM, SEMA,
CSFI, Cité de la Musique…) et des collectivités territoriales.
Situé sur le technopôle universitaire du Mans, l’ITEMM bénéficie
de collaborations naturelles de proximité avec l’un des deux plus
importants laboratoires d’acoustique français, le LAUM –
Laboratoire d’Acoustique de l’Université du Maine –, qui conduit
entre autres des recherches sur la physique des instruments de
musique, mais aussi avec l’ensemble de la communauté scientifique
concernée, notamment au travers du GSAM-SFA – Groupe
Spécialisé d’Acoustique Musicale de la Société Française
d’Acoustique – qui regroupe laboratoires et centres techniques du
domaine.
Réalisations et perspectives en
facture instrumentale
Une fois brossé le portrait d’ensemble du soutien technologique
aux entreprises, qu’en est-il concrètement des actions engagées visà-vis de la facture instrumentale ?
Interface entre facture instrumentale et recherche scientifique.
À partir de contacts directs et réguliers avec les entreprises, des
problématiques individuelles ou collectives ont pu être mises à jour
et déboucher sur des études et des recherches où l’ITEMM
intervient comme coordinateur, partenaire ou relais suivant la
nature des projets. On peut citer sur ce point la conduite de travaux
sur la harpe, la guitare et les archets par le biais de stages
d’étudiants (écoles d’ingénieurs et masters universitaires) en lien
avec des entreprises. Un travail de recherche dans le cadre d’une
thèse de doctorat est actuellement poursuivit au LAUM en
collaboration avec l’entreprise CAMAC-Harps, en vue de
l’amélioration du rendement acoustique de l’instrument. D’un point
de vue collectif, afin de répondre aux difficultés, voire interdictions,
d’utilisation de certaines essences intervenant en lutherie
(pernambouc, palissandre de Rio, acajou du Brésil…), une
réflexion est en cours depuis plusieurs années avec les
professionnels, notamment ceux regroupés au sein de l’UNFI –
Union Nationale de la Facture Instrumentale. Là également, un
travail prometteur de thèse de doctorat en sciences du bois est
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actuellement conduit au LMGC de Montpellier – Laboratoire de
Mécanique et de Génie Civil – afin de déterminer des essences de
substitution potentielles.
Organisation de la veille technologique. Outre ces aspects
d’études à plus ou moins long terme, il incombe au pôle
d’innovation de la facture instrumentale d’organiser la collecte des
informations techniques dans le domaine et d’en structurer la
diffusion au plus grand nombre. À ce titre, un système de bases de
données de références bibliographiques techniques et scientifiques
a été développé. Sa mise en forme finale est en cours de réalisation
dans la perspective d’une mise en ligne sur l’Internet début 2005.
Un projet de lexique de vocabulaire technique multilingue est
également à l’étude.
Formation et information des professionnels. Les vecteurs de
communication d’ordre technique avec les professionnels
recouvrent d’une part, la définition et la mise en œuvre d’une
politique éditoriale, et d’autre part, la diffusion ciblée et directe
d’informations. Sur ce dernier point, des journées de formations
professionnelles et des journées d’études sont organisées
régulièrement pour faire le point sur des thèmes particuliers :
caractérisation acoustique des instruments par famille, matériaux
de substitution, produits de finition et d’assemblage, qualité des
instruments de musique…
La ligne éditoriale adoptée se décline de trois manières :
– édition d’ouvrages et de guides techniques. Partant du constat d’un
manque important de documentation en langue française, il a été
décidé de traduire et d’éditer des ouvrages de référence, voire de
soutenir le développement de guides techniques lorsque cela
s’avère nécessaire. Un premier ouvrage a été publié, « le marteau
du piano » de W. Pfeiffer. D’autres projets sont en chantier sur les
instruments à vent et la guitare.
– information en ligne. Permettant de s’affranchir des distances
géographiques et des contraintes de distribution, la
documentation électronique constitue maintenant un support
incontournable. À cette fin, le site Internet de l’ITEMM passe en
deuxième version au cours de l’automne 2004. Son organisation
a été conçue de manière à faciliter l’accès aux informations
pratiques et services utiles à destination des professionnels.
– publication d’une revue de la facture instrumentale. Souhaitant disposer
d’une tribune d’expression ouverte à l’ensemble d’une
communauté d’intérêt autour des instruments de musique, l’idée
d’une revue spécialisée s’est imposée d’elle-même. Le vide laissé
en son temps par l’arrêt de la publication des bulletins du GAM
– Groupe d’Acoustique Musicale – et le plébiscite toujours actuel
de ceux-ci, ont également motivé cette démarche en élargissant la
ligne éditoriale aux questions d’économie et de vie des entreprises
de la facture instrumentale. Au fur et à mesure, de nouvelles
rubriques viendront étoffer ce premier numéro – que nous
espérons, vous avez plaisir à découvrir !
entrepriseéconomiemétiers
Développements et prestations. Enfin, une mission importante du
pôle d’innovation des métiers de la musique est d’apporter un
soutien direct aux entreprises dans leurs projets par la mise à
disposition d’équipements et de compétences. À cette fin, un
« Atelier de Recherche Appliquée » est développé, bénéficiant
d’appareils d’acquisition et d’analyse (mesures acoustiques et
mécaniques), de conception et de bancs d’essai sur les instruments.
L’objectif de cette activité de recherche et développement est de
définir, en collaboration avec les professionnels, des outils et des
protocoles de caractérisation dédiés au travail en atelier de facture,
d’adapter et de valoriser les résultats de recherche issus des
laboratoires universitaires, de conduire des essais sur prototypes
d’instruments pour le compte des entreprises, de promouvoir les
nouveaux outils de conception existants en facture instrumentale.
Ainsi, un effort important de structuration de la mission de soutien
aux entreprises de la facture instrumentale a été fourni au cours de
ces dernières années. Les fondations sont désormais posées et la
conduite des activités essentielles du pôle d’innovation converge
vers une vitesse de croisière naturelle. Demeure pour l’avenir à
intensifier le développement de contenus d’informations
techniques, à offrir une palette plus large de services aux
entreprises et naturellement à renforcer les liens avec les
professionnels. Convaincus de la qualité et du potentiel de la
facture instrumentale, l’objectif qui nous anime collectivement –
facteurs, musiciens, scientifiques, institutionnels – reste somme
toute de mettre le plus longtemps possible nos compétences
respectives au service de la musique ; autrement dit, de conjuguer
passion avec raison.
RÉFÉRENCES
> Institut Technologique Européen des Métiers de la Musique : http ://www.itemm.fr
> Institut Supérieur des Métiers : http ://www.infometiers.org
> Réseau Interrégional de Développement Technologique : http ://www.ridt.org/
> Société d’Encouragement aux Métiers d’Art : http ://www.metiersdart-artisanat.com/
musique & technique
revue professionnelle de la facture instrumentale
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