3 podologie - Association pour le Développement de la Podologie

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3 podologie - Association pour le Développement de la Podologie
Le pied de la gymnaste rytmique
Coralie TREVISAN - Podologue - Castelnaudary
LA GYMNASTIQUE RYTHMIQUE
La gymnastique rythmique est issue de la gymnastique artistique, et s’apparente également à la danse
par sa chorégraphie. C’est une discipline impliquant
l’alliance de qualité d’adresse, de souplesse et de
grâce ; ayant pour but de présenter une chorégraphie musicale avec manipulation d’engins. Ce sport
présente une double difficulté car la gymnaste doit
avoir une parfaite maîtrise d’une part du geste dansé
et d’autre part de la technique spécifique à chaque
engin. Ces engins sont au nombre de cinq et doivent
répondre à des caractéristiques précises quant au
poids, à la taille et au matériau. On distingue donc
le cerceau, le ballon, la corde, les massues et le
ruban. [1]
LES CHAUSSONS DE DEMI-POINTES
La protection et l’aspect esthétique du pied sous soumis à un code de pointage qui détermine, entre
autre, la réglementation concernant l’habillage du
pied. Généralement les gymnastes rythmiques utilisent des demi-chaussons, encore appelés demipointes. Le travail pieds nus est néanmoins autorisé.
Ces chaussons ont
pour limites supérieures les têtes
métatarsiennes
médianes, puis ils
remontent sur les
faces latérales du
pied, en arrière de
la styloïde du cinquième métatarsien, et en arrière de la base du premier métatarsien. A sa face inférieure il suit l’articulation cunéo-métatarsienne (Photo 1).
Il tient sur le pied grâce à des élastiques dont l’un
part des faces latérales du chausson pour ensuite
venir se placer au niveau du talon postérieur et dont
l’autre part de sous le chausson, en son milieu et
rejoint également le talon.
Ces demi-pointes sont confectionnées avec un procédé spécial à coutures plates pour ne pas blesser
la gymnaste et des matériaux souples comme la
microfibre ou la toile de coton, permettant à la
gymnaste de conserver une bonne perception de
ces appuis au sol.
La prestation des gymnastes que ce soit à l’entraînement ou en compétition se fait sur un praticable de
treize mètres sur treize mètres en mousse et moquette. Elastique et stable, il doit absorber l’énergie des
mouvements et amortir les chocs ; son revêtement
ne doit pas provoquer de brûlures par frottement.
Ceci est rarement le cas dans la réalité car les gymnastes réalisent une succession d’éléments qui doivent être enchaînés très rapidement, ce qui provoque des échauffements et parfois des brûlures.
Ces chaussons ont donc un but de protection et permettent également une meilleure adhérence au sol.
LA TECHNIQUE DE DANSE SUR DEMI-POINTES
Pour pouvoir se consacrer uniquement à l’engin, la
gymnaste doit avoir une parfaite maîtrise de son
corps et du geste dansé. Lors de la pratique de cette
discipline la gymnaste doit être le plus souvent sur
demi-pointes, ainsi le pied de la gymnaste se retrouve dans des conditions biomécaniques particulières
entraînant des contraintes inhabituelles.
Les actions musculaires
- La contraction du triceps
sural couplée à l’action du
long fléchisseur de l’hallux
et des muscles plantaires
(fig. 1) va projeter le talus,
en haut et en avant et permet ainsi la flexion plantaire du pied. Les derniers
degrés nécessaires aux
demi-pointes, sont davantage liés à la contraction
du long fléchisseur de
l’hallux qu’à celle du triceps. [7]
- La stabilité antéro-postérieure de l’articulation
tibio-tarsienne est assurée indirectement grâce à la
force des tendons qui l’entourent et par leur traction
sur les os du tarse antérieur. Les muscles triceps
sural, jambier postérieur, et péroniers assurent, lors
de leur contraction la solidité.
- L’équilibre transversal est assuré par le jambier postérieur et le triceps sural, qui s’opposent tous deux à
l’éversion du pied, ainsi que par le long péronier
latéral, qui s’oppose à l’inversion.[5,6]
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- L’équilibre global sur demi-pointes s’obtient par
des contractions simultanées du jambier postérieur,
des péroniers latéraux, ainsi que les muscles antérieurs de la cheville, en particulier le jambier antérieur.[9]
Les actions ostéo-articulaires
- La cheville est en flexion plantaire maximale (fig.
2). Le talus bute contre la malléole tibiale postérieure se plaçant en flexion plantaire forcée. La poulie
talaire offre son plus petit diamètre à la pince bi-malléolaire, les ligaments latéraux internes et externes
retiennent les mouvements de bascule mais il existe
tout de même une situation d’instabilité ostéo-articulaire.[2]
- L’articulation de Chopart,
classiquement
orienté
dans un plan vertical, se
positionne dans un plan
horizontal et travaille en
compression. Située au
sommet de la voûte, elle
encaisse
d’importantes
contraintes antéro-postérieures de cisaillements.
- L’articulation de Lisfranc
qui se trouve habituellement dans un plan vertical, se retrouve horizontalisée et devient une articulation portante, par conséquent elle travaille en compression.
Nous allons développer uniquement les sauts
(Photo 2), il en existe un très grand nombre dont la
difficulté peut varier.
Nous diviserons un saut en trois phases :
- La propulsion qui permet à la gymnaste de s’élever
dans les airs.
- L’envol correspondra à la durée pendant laquelle le
corps de l’athlète ne touche pas le sol.
- La réception lorsque la gymnaste reprend contact
avec le sol
Le pied est particulièrement sollicité lors des phases
de propulsions et de réceptions. Nous allons donc
étudier ces phases avec un peu plus d’attention.
La phase de propulsion
La propulsion vient d’une repoussée d’arrière en
avant des membres inférieurs dans le sol. Plusieurs
régions anatomiques peuvent être mises en jeu pour
cette propulsion, soit toutes à la fois, soit une ou
deux d’entre elles.
Tout d’abord le pied et la cheville. Au niveau du
pied il se produit une flexion plantaire, le pied quitte le sol en se déroulant et en appuyant successivement, au préalable, chacune de ces parties de l’arrière vers l’avant :
- Le talon se soulève, le pied s’appuie sur le médiopied, en externe grâce à un travail du triceps sural,
- On a une verticalisation des métatarsiens qui
s’écartent et reposent au sol par leur tête, ce sont eux
qui vont supporter la majorité du poids du corps
- Le médio-pied se soulève, le pied s’appuie sur les
têtes métatarsiennes grâce à un travail du long péronier latéral et du jambier postérieur
- Les métatarso-phalangiennes sont sollicitées en
hyper flexion dorsale.
- Les têtes métatarsiennes se soulèvent ainsi que les
orteils, l’un après l’autre, avec un travail du fléchisseur commun des orteils et des autres fléchisseurs
ayant pour terminaisons les orteils.
- Les sésamoïdes représentent une zone d’appui
élective, ils vont intervenir dans la propulsion et
l’amortissement des sauts et des relevés. Ils jouent un
rôle de pivots lors des pirouettes sur demi-pointes. Ils
vont être soumis à de fortes contraintes.
- Les orteils s’écartent au maximum, de part et
d’autre du deuxième orteil, pour élargir la base de
sustentation.[8]
LES SAUTS
En gymnastique rythmique il existe des éléments corporels sollicitant le pied de façon
intense. Parmi ces difficultés, on retrouve les
sauts, les équilibres, les
pivots et les relevés ou
réception sur pointes.
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- Le gros orteil effectue une dernière poussée sur le
sol avant que le pied ne quitte celui-ci ; il y a alors
un travail du long fléchisseur propre du gros orteil.
On a une triple extension du membre inférieur, avec
des muscles qui vont travailler de façon concentrique. Ce travail s’accompagne également d’une
extension de hanche, en effet les muscles grand fessier et ischio-jambiers étendent la hanche jusqu’à
l’impulsion de la hanche. Au moment de l’impulsion
du pied, tous les muscles qui participent à l’extension de hanche et du genou (muscle quadriceps crural) et à la flexion plantaire (muscle triceps sural et
autres muscles fléchisseurs plantaires) atteignent leur
plus haut pic de contraction.
La phase de réception
La phase de réception correspond en fait à un amortissement. Celui-ci est très important pour la protec-
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tion de l’appareil locomoteur. En gymnastique rythmique cet amortissement se fait généralement sur un
seul pied, tout comme l’impulsion d’ailleurs.
Le membre inférieur reprend contact avec le sol, de
façon liée, successivement par :
- Les extrémités des deux premiers orteils
- Le dessous des orteils
- Les têtes métatarsiennes
- L’isthme et le talon.
Le tout est synchronisé avec une flexion simultanée
des chevilles, des genoux et des hanches. Le muscle
grand fessier commence à se contracter dès la pose
du talon. Le muscle jambier antérieur contribue pour
une grande part au rapprochement de la jambe du
pied.
Le muscle triceps sural assure avec les muscles tenseurs du pied, le contact maximum de la plante du
pied avec le sol ; le muscle triceps sural se contracte pendant la pose des orteils. Le quadriceps sural se
contracte également une première fois lors de la
pose des orteils et le muscle tenseur du fascia lata
stabilise le membre inférieur au niveau du genou.
Tout ces muscles travaillent de façon excentrique,
freinant la triple flexion.
Lors de la phase de réception, il peut se produire
divers obstacles empêchant un bon déroulement de
la réception. Tout d’abord, il peut manquer une
amplitude de mouvement sur un point de la chaîne,
le mouvement sera stoppé sur cette zone raide et
l’amortissement ne pourra se faire :
- La flexion de la hanche ou du genou peut-être
insuffisante;
- La flexion dorsale de la cheville peut-être insuffisante, empêchant d’amener le poids du corps vers le
talon ou en empêchant même le contact du talon
avec le sol.
- Lors du déroulement du pied au sol, la voûte plantaire peut-être trop raide avec impossibilité de mettre
les talons au sol en cas de pieds creux.
- La musculature peut-être trop faible, ou ce qui est
plus fréquent mal contrôlée.
Ce saut mal amorti est bruyant, on entend tomber le
corps avec lourdeur, les talons ne touchent pas le sol
à l’arrivée ou au contraire, on entend le talonnage,
c’est à dire que les talons arrivent au sol en cognant
celui-ci. La retombée du saut donne à regarder une
impression de lourdeur.
Les sauts comme tout les éléments gymniques entraînent de nombreuses pathologies au niveau du pied,
ce qui s’explique par les microtraumatismes reçus et
la position anti-physiologique des pieds sur demipointes. [3]
LES SESAMOIDOPATHIES
Ce sont les pathologies les plus souvent rencontrées
chez la gymnaste rythmique. Le terme de sésamoïdopathie regroupe différentes affections qui sont
toutes rencontrées dans cette discipline. On distingue les enthésopathies, les sub-luxations, ainsi
que les fractures.
Enthésopathies de la région sésamoïdienne
Ce sont des pathologies d’insertions des muscles
sésamoïdiens qui sont tous fléchisseurs du gros
orteil. En cas d’insuffisance d’appui de la première
métatarso-phalangienne, le premier orteil va chercher à suppléer le manque d’appui d’ou un surmenage des muscles et des douleurs à type de tendinites d’insertions.
On retrouve une douleur à l’effort de la région sésamoïdienne, avec une irradiation possible sous la
voûte en interne. La palpation est douloureuse ainsi
que la mise en extension du premier orteil.
Les radios n’ont pas d’aspects particuliers.
Le traitement est la mise en décharge de la métatarso-phalangienne du premier orteil. On place donc
un sous-capital du premier métatarsien avec un
matériau en mousse et évidemment sous la zone
douloureuse.
Sub-luxation des sésamoïdes
La luxation des sésamoïdes est toujours liée à l’hallux-valgus qui une affection également très fréquente chez la gymnaste, il s’agit en fait d’un déplacement des sésamoïdes dans l’espace inter métatarsien, ce qui va entraîner trois troubles importants :
• Les os sésamoïdes suppriment l’appui principal de
l’avant pied par désorganisation de la sangle glénosésamoïdienne.
• Ils empêchent la correction du métatarsus varus en
se plaçant dans la premier espace inter métatarsien.
• Ils modifient la direction et l’action des muscles
s’insérant sur eux.
Les fractures
Elles intéressent essentiellement l’os sésamoïde
médial.
Les facteurs pathogéniques principaux à l’origine des
atteintes traumatiques de l’appareil sésamoïdien sont
connus actuellement :
• En premier il s’agit de contraintes sésamoïdiennes,
les sésamoïdes étant soumis à deux types de contractions de directions orthogonales (fig 3):
- Une force de compression, qui apparaît dés l’appui, dirigée vers le sol et exercée par la première tête
métatarsienne sur les deux sésamoïdes.
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- Des forces de tensions
intra-tendineuses des
sésamoïdes. Cette tension reste permanente
en raison du tonus des
muscles intrinsèques.
• Une surcharge fonctionnelle sportive peut
augmenter la fréquence
des microtraumatismes sur les sésamoïdes.
• La rotation selon l’axe du premier métatarsien va
entraîner des variations de pression sur les sésamoïdes.
• Un traumatisme peut-être également en cause,
choc direct ou indirect par torsion du pied.
L’association d’une fracture avec une luxation métatarso-phalangienne reste possible. Parfois il s’agit
d’une fracture de fatigue rencontrée chez un sportif.
Au niveau clinique, on retrouve une douleur élective, sinon c’est un patient souffrant d’une impotence
douloureuse de la métatarso-phalangienne du premier orteil, qui est globalement oedematiée. La
marche se fait en varus avec un appui limité sous le
premier rayon.
Le traitement doit être le plus conservateur possible,
en associant une contention élastique adhésive et
une semelle de décharge de la métatarso-phalangienne du premier orteil qui doit être porté avec persévérance pendant un an. Certains proposent une
botte plâtrée immobilisant la métatarso-phalangienne en flexion plantaire pendant trois à six semaines.
Dans les cas de fractures négligées ou déplacées, d’absence complète de consolidation ou de nécrose sésamoïdienne on peut discuter la sésamoïdectomie.[4]
CONCLUSION
Comme nous l’avons vu précédemment, le pied est
sollicité lors de la pratique de la gymnastique rythmique, les contraintes importantes qui s’y reportent
et certains éléments comme le niveau d’entraînement, la technique plus ou moins bonne, un échauffement insuffisant, un équipement déficient peuvent
engendrer des pathologies au niveau du pied et de la
cheville.
Certaines de ces pathologies peuvent être évitées et
traitées par les pédicures-podologues, ce qui est très
peu connu dans cette discipline. Effectivement sur
cinq centres de sport études en France, seul un possède un pédicure-podologue rattaché au pôle de formation.
Il est vrai que le rôle que nous pouvons jouer paraît
bien compromis étant donné la dimension du chaussant, placer un quelconque appareillage à l’intérieur
relèverai d’un exploit, pourtant avec les innovations
de ces dernières années, on peut arriver grâce à des
matériaux peu encombrants et malléables à appareiller dans les chaussants de gymnastique.
Il ne s’agit pas de placer des éléments trop volumineux que le gymnaste ne pourrait pas supporter,
mais d’apporter un confort avec un matériau permettant d’augmenter l’épaisseur de la semelle, ce
qui permet une meilleure absorption des chocs, tout
en conservant une bonne perception de ces appuis
au sol. Il est également possible d’appareiller en
dehors des demi-pointes, dans les chaussures normales, sur des morphologies de pied qui pourraient
entraîner des pathologies, il reste bien sur les soins
de pédicurie, pour éviter les douleurs liées aux
hyperkératoses résultant des hyper-pressions souvent
très nombreuses dans ce sport, et en prévention les
tannages de peau pour éviter les ampoules et les brûlures.
Le domaine de la pédicurie-podologie dans cette
discipline reste certes très restreint, mais il connaît
actuellement un essor qui laisse présager que d’ici
quelques années, les techniques et les matériaux
nous permettront d’être plus performant et donc plus
présent dans cette discipline.
Bibliographie
1 - ARADAN N : Code de pointage Gymnastique Rythmique et Sportive, Commission nationale sportive de G.R.S, 2001.
2 - Barrel H. : Le pied de la danseuse et son chausson de pointe, Institut de formation en Pédicurie Podologie,
Toulouse, 1999, pages 27-28-30-31-34-35.
3 - CALAIS-GERMAIN B., LAMOTTE A. : Anatomie pour le mouvement, tome 2, Ed Désiris, 2001, pages 290-302
4 - DAUM B, DIEBOLD P.F.: Pathologie sésamoïdienne, Encyclopédie Médico-Chirurugicale, 3e numéro, Trimestriel
2000, Elsevier.
5 - FAURE P., FAURE C., BONNEL F : Biomécanique et pathologie de l’arrière pied de la danseuse classique, Journées
Podologiques, Expansion scientifique française, 1997, pages 73-84.
6 - FAURE P., GARCIA C., PICY L., BONNEL F. : Base biomécanique et pathologie du pied de la danseuse classique,
Masson, 1997, pages 30-40.
7 - LEDOUX M., REVEL M. : Les tendinopathies du long fléchisseur propre du gros orteil chez les danseurs, Journées
podologiques, Expansion scientifique française, 1993, pages 24-32.
8 - ROSENBLAT M., BAUCHOT G. : Le pied du gymnaste, Le pied du sportif, Simon L., Claustre J., Benezis C., Masson,
1997, pages 52-57.
9 - THIESCE A. : Le geste dansé et ces conséquences en rhumatologie, Laboratoire Ciba-Geigy, 1996.
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