Histoire : Fred et le Défi Noyellois - Accueil - Courir à Noyelles
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Histoire : Fred et le Défi Noyellois - Accueil - Courir à Noyelles
Comment j'ai retrouvé mes ailes Frédéric BLANCHARD, Avril 2013 J Quelques jours plus tard, je rejoins mon affectation, le service photo cinéma des armées… Ah oui, j’ai oublié de vous dire que j’étais un “planqué” de l’armée, grâce à la bonne relations de l’armé avec l’école de photographie Louis Lumière que je venais de terminer ! Enfin bref, au bout de quelques jours au Fort d’Ivry, il m’était de plus en plus difficile de marcher, à cause des douleurs aux genoux, si bien que le médecin a dû m’envoyer à l’hôpital militaire de Paris pour y subir des examens. Je me souviens de l’aller et retour à pied, je marchais à 2 à l’heure tellement j’avais mal à chaque pas. e n’ai jamais vraiment aimé ce que l’on appelait à l’école “Le cross” ! Au collège, j’essayais (et je réussissais) de tricher en coupant dans le parcours en boucles pour faire le moins de distance possible. Être obligé à courir, quel intérêt, alors que je pouvais courir quand je voulais dans la vie de tous les jours sans y être obligé… Gamin, j’avais la chance d’habiter le logement de fonction d’une école (ma mère était directrice d’école), et j’avais donc accès tous les soirs, les week-ends et les vacances à la cour d’école dans laquelle je pratiquais le skate board, le tennis (et même souvent seul en tapant sur un mur), le vélo, dans un environnement tranquille et protégé. Au final, le diagnostique fut classique : tendinites aux genoux. Me revoilà donc renvoyé chez moi, avec des béquilles, pour 15 jours, puis 1 mois à l’hôpital militaire de Lille (planqué, je vous dis !). Alors à quoi bon faire semblant d’être heureux de courir quand je courais quand je voulais sans obligation ? À mon retour au service photo cinéma des armées, je rejoins mon poste à l’agence de presse où je m’occupe d’envoyer des photos et des vidéos à la presse et à la télé, et je ne pratique plus aucune activité sportive… J’ai pratiqué le judo durant pas mal d’années. Au début, je me sentais un peu obligé d’y aller, et ensuite je me suis fait des amis, j’ai progressé, fait quelques compétitions (et même une apparition au championnat de France), mais l’entraîneur rechignait à nous faire “monter en ceintures” et j’ai finalement perdu ma motivation. De retour à la “vie civile”, j’essaie de reprendre le judo, le tennis, mais à chaque fois je ressens des douleurs, à priori des tendinites, aux genoux. J’ai retrouvé le sport à l’armée, un peu obligé forcément, avec les joggings du matin et les parcours du combattant. En fin de classes (les plus jeunes ne comprendront pas ce mot !), il était organisé une “marche commando” de 40 km, au retour de 3 jours de bivouac dans la forêt de Fontainebleau. Je prends donc rendez-vous avec un rhumatologue à l’hôpital de Lens qui me fait passer une radio, me revoit à nouveau, me fait faire quelques exercice en me demandant si ça fait mal aux genoux au bout de quelques flexions (oui, ça chauffait pas mal) et me demande si j’ai des antécédents d’arthrose dans la famille. Si vous me connaissez un peu, vous savez que je suis toujours du genre à faire mon malin, et pour épater les copains, je me suis amusé à courir, sauter au dessus des obstacles, avec mon sac à dos de très chargé (on avait pas les tentes “2 secondes” de Décathlon)… Au retour, évidemment, j’avais mal aux genoux, mais ça devait être normal après une marche de 40km avec un sac lourd. -1- Je les accompagne donc depuis le samedi matin. Départ en bus, arrivée à l’hôtel, retrait des dossards à marathon-expo, ballade et resto tard dans Paris (pas très raisonnable après-coup !) et je vis toute l’ambiance du pré-marathon : lever à 5h du matin, préparation des gels dans la ceinture porte-gels, accrochage du dossard, badigeonnage de vaseline dans les chaussettes, les cuisses… bref, je découvre un monde que je ne connais pas, mais qui a l’air sympa, même si je ne comprends pas tout. Ma grand-mère souffrait effectivement d’arthrose aux genoux. Le médecin me dit donc que je souffre moi aussi d’arthrose aux genoux, que c’est rare à mon âge mais que ça arrive quand il y a des prédispositions génétiques et qu’il faut absolument que j’arrête certaines activités sportives, faute de quoi mon cartilage va se détruire et que la seule solution sera de me faire opérer du genoux pour mettre une prothèse, opération qui peut marcher mais qui peut aussi rater et me rendre encore plus “infirme” ! Bref, le seul sport qu’il me reste, c’est la natation ! Le rhumato me dit que la douleur que je ressens quand je fais aller mon genoux, c’est une inflammation du cartilage et que c’est signe qu’il commence à se désagréger. Arrivée sur les Champs Elysées, on fait une photo devant l’Arc de Triomphe avec une pancarte qui suivait la mode de l’époque (quelques mois après le film de Dany Boon “Bienvenue chez les Ch’tis) : “Défi Noyellois, Vas-y Biloute !”. À 23 ans, me voici donc avec des genoux de grand-mère ! Mais la chance que j’avais, à l’époque, c’est d’avoir eu un diagnostique assez précoce de mon arthrose et j’avais donc la possibilité durant toute ma vie de préserver mon cartilage pour continuer à avoir une vie quasi normale. Vie que j’ai d’ailleurs eue de 23 à 45 ans, ayant toujours préservé mes cartilages. Parfois, quand je courais quelques dizaines de mètres, les douleurs aux genoux me rappelaient à la réalité : courir, c’est fait pour les autres. En 1997 j’ai rejoint la mairie de Noyelles-sous-Lens et au fil des années j’ai rencontré des personnes qui ont su me faire partager leurs passions. Parmi celles-ci, j’ai petit à petit sympathisé avec Laurent Lempereur, jeune animateur sportif, qui a mis en place le “Défi Noyellois”, projet qui permet à toutes les personnes un tant soit peu sportives de participer au marathon de Paris. Les coureurs rejoignent leurs sas, j’avance de quelques centaines de mètres (après le pont de la caméra) et je fais des photos des coureurs quand ils s’approchent de moi et de Gérard, le chauffeur du bus qui est là pour récupérer la banderole. En 2008, Laurent me propose de les accompagner à Paris afin de faire un reportage photo sur les coureurs du “Défi Noyellois” qui courent le marathon, une place étant disponible dans le bus et à l’hôtel. -2- De retour à Noyelles, je gardais un bon souvenir de ce week-end parisien, de cette joie intense chez tous les coureurs et de l’ambiance folle du marathon de Paris… en tant que spectateur, puisqu’il ne m’était même pas venu à l’idée que ce serait un jour mon tour : Comment imaginer voler quand on a pas d’ailes ? À peine passés, je fonce avec Adil (un coureur blessé qui a juste pris le départ pour porter la banderole) dans le métro pour les attendre au 19ème km, juste à la sortie du bois de Vincennes. Les années suivantes, Laurent a continué a organisé le “Défi Noyellois” et est reparti accompagner des coureurs au marathon de Paris, mais aussi du Mont Saint-Michel, Berlin, etc. Cela faisait partie de la vie de tous les jours à la mairie et je n’y portais pas vraiment attention. En 2012, Laurent me propose de revenir à Paris avec eux, à l’occasion du 5ème anniversaire du “Défi Noyellois”. Pour ce marathon 2008, Laurent n’a pas couru à son allure mais a accompagné les débutants pour les coacher tout le long du parcours. C’est donc sans peine pour lui que nous-nous téléphonons régulièrement pour savoir où ils sont sur le parcours. À l’époque, l’exploit de courir 42km en téléphonant ne m’avait même pas titillé… Après le 19ème, je me rends en métro au 35ème km, aux abords de hippodrome d’Auteuil, dans un faux plat d’environ 1km. Évidemment, ils vont moins vite, je peux même faire quelques dizaines de mètres avec eux, en courant en marche arrière, pour faire quelques photos sympas. J’accepte bien entendu, d’autant plus que je commençais à connaître pas mal de coureurs avec qui je m’entendais plus que bien. C’est donc plus pour faire plaisir à des amis que j’acceptais de les accompagner au marathon 2012 (les coureurs aiment avoir des photos d’eux en train de courir, personne ne me contredira là-dessus !). Je rejoins ensuite le bus stationné pas loin de l’arrivée et j’attends l’arrivée des derniers du “Défi Noyellois”. Cette année là, le dernier arrivera en 6h50, alors que tout était démonté (l’arche d’arrivée et les tentes de secours), et que la circulation commençait à être rendue aux automobiles… -3- Connaissant le parcours du marathon, je propose aux coureurs de les retrouver comme il y a quelques années au 19ème et au 35ème km. On fait un passage obligé à marathon-expo pour récupérer les dossards de chacun et Laurent en profite pour rencontrer pour la première fois Dominique Chauvelier, mentor de tous les runners, qui a accepté de parrainer la course que Laurent organise en octobre à Noyelles-sous-Lens. Je leur dis où je serais et je leur demande de me faire signe de loin car ce n’est pas évident de reconnaître une personne qu’on connaît parmi des milliers de coureurs dans un flot ininterrompu de coureurs de qui se ressemblent tous ! Bon, évidemment, si vous ne courez pas le marathon vous ne connaissez pas Dominique Chauvelier, mais dites-vous que pour un marathonien, rencontrer Dominique Chauvelier c’est un peu comme si un bouddhiste rencontrait Bouddha… (la preuve : il s’est fait un crâne à la Bouddha !) Comme je me suis renseigné sur les objectifs de chacun, je connais à peu près les temps de passages. Comme prévu, Nico passe en premier, quelques minutes après que je me sois installé à mon poste d’observation au 19ème. Greg et Laurent ne sont pas loin derrière, et je sais que j’ai ensuite un vingtaine de minutes avant de voir passer les derniers du “Défi”. Nous allons donc à la rencontre de Dominique Chauvelier, que je ne connaissais pas, ne faisant pas partie du monde du running, et bien entendu je le vouvoie. Immédiatement, il m’engueule en me disant qu’entre coureurs on se tutoie ! Je lui dis, “oui, mais moi je ne cours pas !”, et il me répond “peut-être, mais toi, tu me tutoies quand-même !”. À ce moment là, je me retrouve avec un autre photographe qui avait lui aussi trouvé mon observatoire bien placé, et naturellement on se met à parler… Au bout d’un certain temps, il me demande pourquoi je ne cours pas le marathon plutôt que de faire des photos. J’ai ma réponse bien rodée depuis une bonne vingtaine d’année : “j’ai de l’arthrose aux genoux et je ne peux pas courir, je l’ai eue jeune car il parait qu’il y a des facteurs génétiques”. Ça peut vous paraître bizarre, mais je me dis qu’à cet instant il m’avait peut-être déjà considéré comme un des siens, et cette demande de tutoiement est restée gravée dans mon esprit comme une invitation inconsciente à rejoindre le “grand monde du running” ! Ça fait 20 ans que je sors cette phrase et personne n’a jamais trouvé à y redire. Pourtant, cet inconnu, tellement important en fait, va me poser une question qui parait maintenant évidente : “Vous être sûr que c’est de l’arthrose ? ” et il ajoute : “Parce que moi je fais partie d’un club de running et un de mes amis qui pensait avoir de l’arthrose court très bien car ce qu’il avait n’était pas de l’arthrose, vous devriez vérifier que c’est bien ça que vous avez !” Bref, nous retournons à l’hôtel, pas de ballade ni de bouffe dans Paris cette fois-ci mais juste une petite mise en jambes dans un parc près de l’hôtel. -4- Cette petite phrase, à laquelle je n’ai pas porté attention tout de suite, est devenue, petit à petit, lancinante dans mon esprit si bien qu’un jour, bien après le retour du marathon de Paris, j’en ai parlé à Laurent Lempereur, juste comme ça, pour voir, pour savoir ce qu’il en pensait… Le Docteur Rogez me prescrit une IRM et une échographie qui confirmeront son diagnostic : une chondromalacie rotulienne ( http://www.doctissimo.fr/ html/sante/encyclopedie/chondromalacie-rotulienne.htm ) Bref, je peux courir ! J’aurai mal aux genoux, comme avant, mais le cartilage ne risque pas de se désagréger, il est juste “fissuré” et un peu moins solide. Bien m’en a pris car il m’a tout de suite conseillé de prendre rendez-vous avec son médecin du sport, un “crack” selon lui, le docteur Rogez qui officiait à la polyclinique de Liévin. Il me conseille de m’acheter des chaussures avec un bon amorti, d’essayer de courir une vingtaine de minutes pour voir ce que ça donne, mais de ne pas pratiquer la course en côtes ou en trail tant que mes articulations ne sont pas plus solides, et, tout de même, de ne jamais faire des sports trop violents pour les genoux (Tennis, Volley, Kamasutra tome II). J’ai bien réfléchi 2 semaines avant de téléphoner au secrétariat pour prendre rendez-vous, puisque d’après moi c’était quand même une perte de temps, je savais bien ce que j’avais, ça faisait plus de vingt ans que j’avais mal aux genoux quand je courais et si je n’avais pas d’arthrose alors ça y ressemblait beaucoup ! La suite de l’entretien, je ne m’en souviens pas très bien, mais je sais que j’ai vu plus de 20 ans de ma vie défiler, 20 ans pendant lesquels je m’étais sans doute privé d’un tas de choses, sans même me rendre compte que je m’en privais. Enfin bref, on joue bien au loto avec une chance sur dix millions de gagner, pourquoi je ne prendrais pas rendez-vous avec de crack, au moins je serai fixé une fois pour toutes et les petites idées du marathon qui commençaient à germer dans mon esprit seraient bien vite remises au placard, comme je vous le disais, à quoi sert de rêver de voler quand on a pas d’ailes ? Je n’avais pas été malheureux de ne pas courir pendant 20 ans, mais le fait, d’un seul coup, de savoir que j’aurai pu le faire, c’est une sensation de gâchis qui, heureusement, ne se vit que très rarement ! Il ma fallu un mois pour avoir rendez-vous. Mais le 1er juin 2012 à 11h30, j’étais à la polyclinique de Liévin. Sur le coup, je me suis dit que je n’avais rien à faire là ! Un médecin du sport, un monde qui n’était pas le mien, je ne venais que pour demander confirmation que je ne pourrais jamais courir, et je commençais à en vouloir à cet inconnu du 19ème km qui avait fait germer des rêves inaccessibles et qui me faisait perdre mon temps dans les couloirs de la salle d’attente du service de médecine sportive de la polyclinique de Liévin ! Dès les jours qui ont suivi, j’ai acheté tout l’équipement de base du running : short, maillot, chaussures. J’appelais Laurent sans arrêt pour lui demander conseil sur ce que je devais acheter. Une fois équipé, je vais au complexe sportif afin de mettre en pratique les conseil du docteur Rogez : courir une vingtaine de minutes et voir si les douleurs aux genoux disparaissent après la course. Évidemment, la suite, vous la connaissez, puisque c’est à ce moment là qu’une partie de ma vie a basculée. Après m’avoir examiné longuement, une vingtaine de minutes, sans presque rien dire, le Docteur Rogez me posa une question : “Qui vous a dit que vous aviez de l’arthrose ?” avec un air de sous entendre que ça n’en était pas. (S’il y avait de la musique, c’est là qu’on commencerait “les chariots de feu de Vangelis !) -5- Si vous courez, ça peut vous paraître ridicule de courir 20 minutes, mais je vous assure qu’au bout de 4 minutes j’ai dû arrêter et faire un tour de piste en marchant doucement pour me remettre ! C’est un sourd qui ré-entend, c’est un aveugle qui revoit, c’est un oiseau qui s’envole pour la première fois… Peut-être vais-je le terminer en 4h30, peut-être en 4h15 ou moins (4h ?), ou peut-être pas, mais même si je ne le termine pas, ça n’aura pas vraiment d’importance, personne ne m’en voudra, et surtout pas moi. J’ai fait ça 3 ou 4 fois, avec la crainte que la douleur continue après avoir couru ce qui aurait tout mis à plat. Mais non, je me rendais peu à peu à l’évidence, les douleurs disparaissaient petit à petit jusqu’à disparaître au bout de quelques dizaines de minutes ! Les coureurs savourent leur victoire sur la ligne d’arrivée. Pour moi, ce sera en passant la ligne de départ ! Je sentais mes ailes pousser, des petites ailes d’oisillon, mais des ailes ! Alors, ce 7 avril 2013 à partir 8h45, regardez-moi sur France 3 ou sur Eurosport, j’ai le dossard N° 16077 et je devrais passer la ligne de départ vers 9h sous la banderole “Défi Noyellois” (Banderole sur laquelle j’ai imprimé la photo de notre “Bouddha”), et si vous-vous approchez de votre écran, vous verrez peut-être mes ailes, elles sont à mes pieds ! Dimanche 7 avril 2013, je vais courir le marathon de Paris ! Ça pourrait vous sembler une aventure folle pour le commun des mortels, un défi personnel ou pour son entourage… Mais pour moi, c’est bien plus que ça : c’est l’impossible qui devient possible ! Merci à toutes celles et ceux qui m’ont soutenu (ou “supporté”) depuis le début (Greg et ma famille), mes partenaires d’entraînement (en particulier Osine et Kévin), le Dr Rogez, toutes celles-et ceux qui ont cliqué au moins une fois sur “J’aime” quand je racontais ma vie de nouveau sportif sur Facebook, et tout particulièrement à Laurent Lempereur, Dominique Chauvelier et cet inconnu du 19ème km qui, grâce à des mots qu’il fallait au moment où il fallait, ont permis de rendre possible l’impossible. Le 7 avril 2013, je termine mon premier marathon en 4h03 À quelques minutes près, je passais sous la barre des 4h… C’est donc reparti pour un nouveau défi ! -6- -7-