Le Solar Impulse a rempli sa mission de «laboratoirevolant»
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Le Solar Impulse a rempli sa mission de «laboratoirevolant»
LE FIGARO samedi 25 - dimanche 26 août 2012 entreprises BMW et Volkswagen : nouveaux records de ventes cet été bourse.lefigaro.fr 25 Kodak veut vendre sa division « imagerie » Faute d’avoir trouvé un repreneur pour ses brevets, le géant déchu de la photo cherche d’autres actifs à céder. ELSA BEMBARON Les kiosques Kodak, installés dans les drugstores américains, ont été mis en vente. DR PHOTO Rien ne va plus chez Kodak. Le groupe, qui a déposé son bilan en janvier, a annoncé vendredi qu’il mettait en vente sa division imagerie et documents. Celle-ci comprend les pellicules pour le grand public, les kiosques photo (destinés au tirage papier de photos numériques et installés dans un millier de drugstores aux États-Unis) et ses scanners professionnels. Si cette transaction devait aboutir, il ne resterait à Kodak que la production d’imprimantes à jet d’encre et celle de pellicules et films destinés aux clients professionnels, y compris à l’industrie du cinéma. Certes symbolique, cette activité n’est plus très lucrative. Au plus mal, Kodak cherche à ramener ses comptes à l’équilibre. La firme a déjà mis en vente un portefeuille de brevets concernant essentiellement le domaine de l’imagerie numérique. En début d’année, le groupe avait estimé que la valeur de ses brevets était comprise entre 2,21 et 2,27 milliards de dollars. L’exploitation sous licence de certains brevets dans le domaine de l’imagerie numérique aurait en outre rapporté plus de 3 milliards de dollars de chiffre d’affaires, selon Bloomberg. Mais Kodak n’a, pour le moment, pas reçu d’offres d’un montant financier satisfaisant (500 millions de dollars tout au plus) et pourrait renoncer à céder ses brevets. Dans ce cas, il lui faudrait alors parvenir à optimiser les licences. Une activité qui peut être aussi lucrative que risquée, alors que les plus grands groupes sont parfois réticents à s’acquitter des sommes qui leur sont réclamées. L’imbroglio des brevets La situation est d’autant plus complexe pour Kodak que le groupe espérait une indemnisation à l’issue du procès qui l’oppose à Apple pour violation de brevets, toujours dans le domaine de l’imagerie numérique. Fin juillet, un juge avait partiellement donné raison à Ko- dak, pour l’utilisation de deux brevets. Mais Apple a décidé de faire appel de cette décision, mettant notamment en avant le fait que Kodak pourrait céder ces brevets à un tiers. Au fil des annonces, l’avenir de Kodak devient de plus en plus flou. Après avoir demandé à ce que Kodak soit placé sous la protection du chapitre 11, Antonio Perez, le PDG du groupe, avait expliqué qu’il se recentrerait sur la division imagerie. Or, c’est justement elle qu’il vient de mettre en vente. ■ Le Solar Impulse a rempli sa mission de «laboratoire volant» L’avion solaire permet aux industriels de tester des technologies qui pourraient réduire jusqu’à 50% notre consommation d’énergie fossile. ENVOYÉE SPÉCIALE À LAUSANNE AÉRONAUTIQUE L’image a fait le tour du monde. Dans la nuit marocaine, un oiseau-libellule brille de tous ses feux. Après avoir décollé le 24 mai de Payerne (Suisse), le Solar Impulse se pose silencieusement à Ouarzazate, future capitale de l’énergie solaire du Maroc, le 22 juin à 0 h 25. L’appareil éclaire la piste à l’aide de ses 26 phares équipés de LED (diodes électroluminescentes). Le pari de Bertrand Piccard et d’André Borschberg, cofondateurs et pilotes du Solar Impulse, est gagné : réaliser le premier vol intercontinental avec leur avion à propulsion solaire. Pour les 80 partenaires du projet, c’est un succès d’image mais aussi une victoire technologique. « Le Solar Impulse n’est pas qu’un avion, c’est aussi un symbole pour stimuler le changement dans une société où toute nouvelle idée se heurte au scepticisme sur le thème du “ce n’est pas possible” », explique André Borschberg. « Or, le Solar Impulse est un laboratoire volant avec lequel nous démontrons ce qu’il est possible de réaliser avec des technologies disponibles afin de réduire notre dépendance au pétrole.» Les partenaires profitent déjà Bertrand Piccard. DENIS BALIBOUSE/ REUTERS du retour d’expérience. Plus de dix applications ont déjà fait l’objet d’un dépôt de brevet. « Les solutions trouvées pour le Solar Impulse en matière d’énergies alternatives et de nouveaux matériaux, qui sont notre cœur de métier, pourront trouver des applications dans la vie de tous les jours», assure Claude Michel, directeur du partenariat Solvay-Solar Impulse. Premier à avoir cru au projet, le groupe chimique a développé un film de protection des cellules solaires de l’avion qui est désormais utilisé dans des applications terrestres. «Nous avons perfectionné des techniques existantes en les poussant aux limites», ajoute le directeur. Crème anti-UV conçue pour la haute altitude Solvay s’est également associé avec Bayer MaterialScience dans les composants pour batteries polymères afin d’améliorer la propulsion de l’avion solaire. Ces composants équipent désormais les batteries autos du sud-coréen Kokam, mais aussi des PC, des smartphones et autres tablettes, précise Claude Michel. Solvay a également travaillé sur des mousses isolantes qui ont permis d’alléger le cockpit de l’avion qui font désormais partie des lignes de produits d’isolation ther- Plus qu’un avion, le Solar Impulse est aussi pour ses concepteurs la preuve que rien est impossible. mique pour habitation du groupe. De même, la plupart des matériaux en plastique utilisés pour alléger la structure du Solar Impulse ont trouvé des débouchés dans l’aménagement intérieur des voitures et des cabines passagers des avions de ligne. Les grands avionneurs qui utilisent massivement les composites dans le fuselage et les ailes des appareils de nouvelle génération regardent aussi avec intérêt les avancées du chantier naval suisse Decision SA, en charge de la structure en composite de l’avion. En matière de pneumatique, Michelin a développé un nouveau produit qui répond aux exigences de légèreté et de résistance afin de réduire la masse de l’appareil tout en lui assurant une grande fiabilité. À l’origine, le pneu à carcasse radiale NZG mis au point pour l’Airbus A380 qui a permis d’alléger la masse du superjumbo de 360 kilos. Chaque pneu est capable de supporter le poids d’un gros camion (33 tonnes) en roulant à la vitesse d’une Formule 1 (370 km à l’atterrissage). « Pour les ingénieurs de Michelin, l’avion solaire est un laboratoire qui permet d’engranger des informations pour améliorer nos lignes de produits», explique-t-on chez Michelin. Dans un tout autre domaine, le fabricant de cosmétique Clarins n’a certes pas fourni de technologies aéronautiques. Mais ses chercheurs ont créé une crème de protection anti-UV en haute altitude pour Bertrand Piccard et André Borschberg. La cabine du premier Solar Impulse les protégeant très mal du rayonnement solaire. Les exemples pourraient être multipliés et montrent que plusieurs pans de l’industrie profitent des avancées technologiques de l’avion solaire. La démarche est la même pour le second appareil qui sera « un tremplin pour améliorer encore nos technologies», résume Claude Michel. ■ Bertrand Piccard cherche encore 30 millions d’euros pour un deuxième avion et un tour du monde en 2015 PROPOS RECUEILLIS À LAUSANNE PAR VÉRONIQUE GUILLERMARD Le confondateur du projet Solar Impulse détaille au Figaro ses projets et lance un appel pour trouver de nouveaux partenaires. « GILLIERON/EPA/MAXPPP ■ Budget 110 millions d’euros sur la période 2003-2015 ■ 2 appareils ■ 2 pilotes Bertrand Piccard, psychiatre et explorateur André Borschberg, ingénieur et ancien pilote de chasse ■ Effectifs 90 personnes ■ Université École polytechnique de Lausanne ■ 80 partenaires Dont les 4 principaux : - Solvay (chimie-matériaux) - Schindler (ascenseurs) - Omega (horlogerie) - Deutsche Bank (banque) ■ Comité de parrainage 13 membres dont: - Elie Wiesel - Yann Arthus-Bertrand - Paulo Coelho - Albert de Monaco - Buzz Aldrin - Al Gore - Hubert Reeves ■ Des «business angels» VÉRONIQUE GUILLERMARD LE FIGARO. - Comment l’industrie aéronautique a-t-elle accueilli le projet du Solar Impulse ? Bertrand PICCARD. - Avec André Borschberg, nous voulions soustraiter la construction de l’appareil à un avionneur. Nous avons rencontré cinq constructeurs aéronautiques, y compris d’avions de ligne. Aucun n’a été convaincu. Le projet était jugé sans intérêt ou irréalisable. André a constitué une équipe technique et nous avons développé notre propre unité de production à Dübendorf. C’est le chantier naval suisse de hautes technologies, Decision SA, qui fournit les éléments de structure de l’appareil, notamment les longerons des ailes. Il a aussi réalisé une partie de l’hydroptère DCNS, le trimaran d’Alain Thébault. En 2004, Dassault Aviation est entré dans le projet comme avionneur conseil et a été le « gardien de la réalité aéronautique ». Près de dix ans après le début de l’aventure, où en êtes-vous financièrement ? Depuis que nous avons lancé le projet en 2003, nous avons en permanence un an de visibilité financière. C’est toujours le cas aujourd’hui. Nous avons encore besoin de 30 millions d’euros pour boucler notre budget, c’est-àdire achever la construction du deuxième appareil, réaliser le tour du monde en 2015 et mener à bien nos actions LE SECOND APPAREIL VA PLUS LOIN AVEC LES TECHNOLOGIES DE DEMAIN » éducatives. Entre 2003 et 2015, nous aurons consommé 110 millions d’euros, soit 4 % du budget d’une écurie de Formule 1 sur la même période. Nous cherchons donc de nouveaux partenaires. Nous allons prochainement annoncer l’arrivée d’un assureur à nos côtés. Il y a aussi d’autres domaines qui nous intéressent comme Renault ou Schneider Electric. Nous aimerions motiver un spécialiste des IT (Internet, communication) et un pétrolier comme Total qui a racheté Sun Power, le fournisseur des cellules solaires du Solar Impulse. Pourquoi avez-vous décalé votre tour du monde d’un an ? Lors de tests, la partie centrale du longeron de l’aile du Solar Impulse 2 a cassé car nous avons poussé les technologies d’allégement des pièces à leur extrême limite. D’où un décalage de trois mois sur notre calendrier, ce qui reporte le départ à la saison printemps-été 2015. Quel sera l’apport du Solar Impulse 2 par rapport au premier ? Le premier avion a été développé avec les technologies d’hier. C’est un démonstrateur : ces technologies sont capables de faire voler un avion jour et nuit sans carburant fossile. Les moteurs électriques du Solar Impulse ont un rendement de 92 %, les 26 phares consomment 100 watts, soit l’équivalent de deux ampoules de lampe de chevet grâce aux LED… Si l’on utilisait massivement ces technologies, on diviserait par deux notre consommation d’énergie fossile quotidienne. Les industriels sont prêts à lancer la fabrication en série pourvu qu’il existe un cadre légal qui impose ces technologies. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Parallèlement, il faut accélérer les investissements dans les énergies renouvelables, car la plupart sont déjà rentables. Le second appareil va plus loin avec les technologies de demain. Decision SA a développé des feuilles de carbone trois fois plus légères, de 25 grammes par mètre carré. À comparer avec 80 grammes par mètre carré pour une feuille de papier. Les avionneurs s’intéressent au procédé de Decision SA. ■ A Un projet d’envergure