espace solidarite habitat protection des occupants en hotels
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ESPACE SOLIDARITE HABITAT PROTECTION DES OCCUPANTS EN HOTELS MEUBLÉS BILAN 2012 L'Espace Solidarité Habitat (ESH), établissement de la Fondation Abbé Pierre, est un lieu d'accès aux droits pour un public mal-logé de la région parisienne. A ce jour, ses principales missions sont : La prévention des expulsions locatives pour impayés ; La prévention des expulsions locatives pour congé ou sans droit ni titre ; L’accès aux droits des occupants en logements indignes ou indécents ; La protection des occupants en hôtels meublés ; La lutte contre les discriminations ; L'aide à la recherche d’un nouveau logement. L’accompagnement que propose l’Espace Solidarité Habitat (ESH) est de défendre ou de faire valoir les droits des occupants qui ont leur résidence principale dans un hôtel meublé (y compris l’obligation de décence des chambres) en s’appuyant sur les textes législatifs notamment les articles L.632-1 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation (CCH). L’équipe, composée de bénévoles et permanents de la Fondation Abbé Pierre et de juristes de la CGL, a pour mission d’informer et d’accompagner les ménages parisiens. L’équipe suit les ménages en lien avec un réseau d’avocats et travaille en étroite collaboration notamment avec le service Hôtels et Foyers de la Préfecture de Police et avec les travailleurs sociaux. L’ESH intervient le plus souvent à la demande des occupants ou des services sociaux, mais aussi des associations ou des institutions qui nous sollicitent pour prendre contact avec des occupants d’hôtels. Nous avons suivi en 2012, 49 dossiers dont 10 collectifs (car un conflit comme une demande de quitter les lieux par un gérant concerne souvent l’ensemble des occupants) ce qui représente au total 122 ménages. Les personnes reçues à l’ESH ont généralement des revenus modestes et précaires. Sur les 49 dossiers suivis, 21 situations sont nouvelles en 2012. L’ensemble des situations suivies en hôtel sont situées à Paris. Au delà de l’accueil et du suivi des ménages, l’équipe de l’ESH essaye également de rencontrer, échanger et partager ses connaissances avec l’ensemble des acteurs du secteur. LE CONTEXTE GÉNÉRAL La plupart des occupants sollicitent l’aide de l’ESH car leurs exploitants et/ou propriétaires leur demandent de partir pour raison de travaux ou de retard dans les paiements du loyer. Même si les services sociaux font beaucoup d’efforts pour trouver des solutions de relogement à ce public souvent vieillissant, la situation est le plus souvent scandaleuse. Le plus souvent, les occupants sont soumis à une forte pression des gérants et parfois même à des violences. Facteur aggravant, les commissariats n’acceptent toujours pas systématiquement d’enregistrer les plaintes. Les occupants sont fragiles et certains exploitants pratiquent une guerre d’usure, en étant souvent à la limite de la légalité, reculant éventuellement si les pouvoirs publics ou la justice interviennent. En septembre 2012, une assistante sociale nous téléphone car elle s’interroge sur les pratiques d’un gérant d’hôtel de l’arrondissement qui met les personnes dehors dès qu’il y a un retard de paiement et ce, alors même qu’il y a une prise en charge hôtelière. L’assistante sociale nous indique que si les ménages se déplacent au commissariat pour porter plainte, à l’accueil, il leur est répondu que c’est normal car ils n’ont pas payé leur loyer…. Il est vrai cependant que, comme en 2011, nous avons aussi suivi quelques situations où l’hôtelier semble avoir enfin intégré le fait qu’un occupant d’hôtel meublé ait des droits. L’hôtelier délivre alors un congé écrit ou assigne en cas de dettes sans se faire « justice » lui même. LES ACTIONS MENEES PAR L’ESH Les principales actions menées en phase pré contentieuse, ou contentieuse sont de : - S’opposer au départ des occupants (contestation de congé, relogement provisoire ou définitif), Faire valoir leur droit à vivre dans des conditions décentes, Contester les augmentations de loyers. S’opposer au départ des occupants (contestation de congé, relogement provisoire ou définitif) Le motif invoqué est souvent le même : l’obligation de réaliser des travaux demandés par la Préfecture de Police, alors que la réalisation de ces travaux ne nécessite pas de libérer les lieux ou peut être provisoirement. Parfois, le gérant profite de l’absence de l’occupant pour changer les serrures en raison de retard de paiement ou d’un comportement de l’occupant qu’il désapprouve. Les litiges très complexes qui ont tendance à se développer concernent la cessation d’activité ou la vente du fonds de commerce à un nouvel exploitant. Souvent le repreneur envisage de faire des travaux afin de transformer l’établissement en hôtel de tourisme, ce qui met en cause le maintien des habitants « historiques ». Dans ces dossiers, on est en présence du propriétaire des murs, de l’ancien et du nouveau gérant, qui souvent, se renvoient la balle et se soucient peu des occupants. En effet, le plus souvent l’ancien gérant donne un congé (en général nul ou contestable) aux occupants, afin de vendre son bien « vide » ; l’acheteur sans trop vérifier la situation, de bonne ou mauvaise foi, se lance dans des travaux avec ou sans autorisation et malgré l’aide que nous pouvons apporter et/ou les actions en justice, la vie des occupants est gravement troublée. Il arrive même que le gérant reste dans les lieux après un congé validé, continue à louer les chambres et à percevoir les loyers (y compris avec prise en charge Aide Sociale à l’enfance). Les occupants d’un hôtel du 20eme arrondissement de Paris suivis depuis 2009 par l'ESH après réception de congés irréguliers sont dans cette situation inconfortable : l’exploitant a lui-même reçu congé du propriétaire des murs, congé qui a été validé par jugement du 9 novembre 2011. Les congés des locataires n’ont jamais été validés par le tribunal ; l’hôtel est en très mauvais état et des travaux ont d’ores et déjà été engagés, mettant les occupants en grande difficulté. Les arrêtés portant interdiction temporaire d'habiter, ou les arrêtés portant mise en demeure avant travaux d'office se succèdent. A la suite de pressions sur les occupants, de problèmes d'eau chaude et chauffage, une assignation en référé est lancée en urgence ; l'ordonnance de référé donne partiellement satisfaction sur le chauffage et l'eau chaude. Un appel est en cours et de nouvelles assignations vont être délivrées ; dans cette attente, la situation des occupants est catastrophique. Bilan 2012 / ESH / Hôtels meublés 2 Le dossier collectif qui a nécessité le plus important suivi en 2012 ne relève pas d’un conflit avec un hôtelier aux pratiques de marchand de sommeil mais d’un conflit avec la Ville de Paris qui, après le rachat d’un établissement, a contesté le fait de devoir reloger les occupants (notamment ceux sans titre de séjour). Jugement du 3 juillet 2012 du Juge de l'Expropriation, Paris – Obligation de relogement de tous les occupants y compris ceux dont la situation administrative ne permet pas le relogement dans le parc social L'ESH est contacté en décembre 2011 par les occupants d'un hôtel dans le 20e arrondissement de Paris. L'immeuble a été exproprié au profit de la Ville de Paris en novembre 2011. Les occupants sont convoqués par le juge de l'expropriation le 12 décembre 2011. La Ville de Paris prévoit une indemnisation et un relogement mais uniquement pour les personnes titulaires d'un titre de séjour. La Ville de Paris soutient qu'une personne séjournant irrégulièrement en France ne peut être occupante de bonne foi et qu'en outre , le relogement serait impossible car contraire aux dispositions de l'article R. 441-1 du CCH et passible des dispositions de l'article L.622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Par jugement du 3 juillet 2012, le juge de l'expropriation fixe les indemnités et ouvre droit au relogement pour tous les occupants. Le juge rappelle que la personne publique qui bénéficie d'une expropriation ou qui est chargée d'une opération d'aménagement public est tenue de reloger tous les occupants concernés par l'opération conformément aux articles L 314-1 et suivants du CCH et que la personne publique ne peut ajouter une condition (situation administrative) à un texte protecteur d'ordre public. Le Juge rappelle enfin que La Ville ne peut prétendre que le relogement (sans être tenue de les reloger dans le parc social) puisse la placer sous le coup de la loi pénale, ce relogement s'imposant à elle. Malheureusement, la ville de Paris a fait appel de l’ensemble des décisions (quelle que soit la situation administrative des familles) et la décision de la Cour d’Appel risque de ne pas intervenir avant plusieurs années, les familles restant immobilisées dans cet hôtel en mauvais état. La position de la Ville de Paris est d’autant plus étonnante que la Cour de Cassation a déjà confirmé dans une jurisprudence très claire que la personne publique qui procède à une expropriation ou qui est chargée d'une opération d'aménagement public, est tenue de reloger tous les occupants concernés par l'opération. Faire valoir leur droit à vivre dans des conditions décentes Le respect des critères de décence (l’article 6 de la loi de 1989 s’applique également aux locations meublées donc aux chambres louées en tant que résidences principales en hôtel) est rarement appliqué (minimum d’un coin cuisine avec eau froide / chaude dans les logements d’une seule pièce). Nous encourageons les occupants d’hôtels que nous suivons à contester en appel les décisions de justice ne respectant pas cette législation; malheureusement le public des hôtels est fragile et parfois instable et la poursuite de longues procédures, n’est pas toujours comprise, les occupants qui ont quitté les lieux préférant souvent tourner la page. Pourtant lorsque les magistrats reconnaissent que l’obligation de décence n’a pas été respectée par le bailleur, ce dernier peut être condamné à payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Plus généralement, nous obtenons régulièrement la requalification du bail meublé en logement vide soumis à la loi de 1989, l’interdiction de faire la cuisine suffisant à établir que le logement ne peut être qualifié de meublé. Bilan 2012 / ESH / Hôtels meublés 3 Contester les augmentations de loyers Nous sommes souvent amenés à faire des rappels à la loi concernant les augmentations de loyers ne respectant pas l’article L.632-1 et suivants du CCH. Nous avions évoqué dans nos précédents bilans que les conflits survenus à la suite des arrêts de prise en charge hôtelière étaient fréquents ; cette problématique est moins forte en 2012 dans le cadre du suivi de l’ESH. Cette baisse est peut-être malheureusement une conséquence des nouvelles dispositions du règlement départemental d’Aide Sociale de 2011 concernant les prises en charge hôtelières qui n’envisage plus de mettre des familles à l’abri sur le budget de l’Aide Sociale à l’Enfance tant qu’il n’y a pas danger et qu’il y a d’autres moyens de répondre au problème d’hébergement (solidarité familiale, 115, centres d’hébergements). Cependant les phénomènes d’augmentation importante de loyers à la relocation demeurent fréquents. PROPOSITIONS POUR AMELIORER LA PROTECTION DES OCCUPANTS EN HOTELS MEUBLES ➘ Développer l’information des acteurs de terrain (sociaux et associatifs) sur les pratiques juridiques en matière de droits des occupants en hôtels meublés ; ➘ Aligner le régime de la location meublée (article L632-1 et suivants du Code de la construction et de l’Habitation) sur celui de la location vide (notamment l’obligation de notification de l’assignation au Préfet en cas d’impayés) ; ➘ Améliorer les critères de décence (article 6 de la loi de 1989 qui s’applique également aux locations meublées donc aux chambres louées en tant que résidence principale en hôtel) en y intégrant progressivement des critères de performance énergétique pour éviter la mise en location de chambres qui sont des passoires thermiques ; ➘ Poursuivre la sensibilisation des agents des commissariats parisiens pour qu’un occupant menacé par son exploitant puisse, sans exception, déposer plainte ; ➘ Faire en sorte que les services du département et de l’Etat s’accordent pour imposer leurs conditions aux hôteliers et non pas l’inverse (en termes de tarifs, de respect des droits des occupants et d’une offre minimum de services). En 2013, le suivi des personnes logées en hôtels sera élargi aux personnes en Foyers/logements d’insertion car nous avons constaté des similitudes entre ces situations: il s’agit en principe de logements non pérennes, les législations applicables ne sont pas toujours bien connues, y compris des bailleurs et les occupants ont des difficultés à faire respecter leurs droits alors même qu’il s’agit de leur domicile. CONTACT Espace Solidarité Habitat - Fondation Abbé Pierre 78/80 rue de la Réunion 75020 Paris [email protected] www.fondation-abbe-pierre.fr tél : 01 44 64 04 40 Bilan 2012 / ESH / Hôtels meublés 4