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Le point sur… Sport et scanner coronaire © Warren Goldswain - iStockphoto Quel intérêt potentiel ? introduction Un homme de 53 ans, marathonien expérimenté de longue date (3 h 40 mn), consulte avec un sentiment mitigé sur le résultat de son scanner thoracique. L’image pulmonaire suspecte ayant motivé l’examen est manifestement bénigne, mais des calcifications coronaires ont été détectées (score d’Agatston de 130) et son médecin s’interroge sur l’opportunité de signer le “certificat de non contre-indication à la pratique du sport de compétition”. Cet homme sans facteur de risque de maladie athéromateuse, hormis l’âge et un antécédent familial d’infarctus chez un oncle, est parfaitement asymptomatique. L’examen cardiologique pratiqué un an auparavant, dont une épreuve d’effort maximale, était strictement normal. Cette situation, qui risque de devenir de plus en plus fréquente, nous donne l’occasion de faire le point sur l’intérêt potentiel du scanner coronaire chez le sportif en tentant de répondre aux 4 questions suivantes : 1/ Que permet d’observer le scanner coronaire ? 2/ Quel est l’intérêt du scanner coronaire dans la cardiopathie ischémique ? 3/ Que craint-on en terme de pathologie coronaire chez le sportif ? 4/ Que dit la littérature sur scanner coronaire et sport ? Dr Benoît Gérardin* * Clinique Ambroise Paré, Hôpital de Neuilly, Neuilly-sur-Seine Cardio&sport n°33 23 Le point sur… Que permet d’observer le scanner coronaire ? Le scanner coronaire sans injection sinusal avec fréquence cardiaque inférieure à 70 bpm, apnée bien tenue pendant 10 secondes, score calcique inférieur à 1 000, il permet une bonne visualisation des troncs coronaires principaux. Il a une bonne valeur prédictive négative de cardiopathie ischémique. Il permet de visualiser et de quantifier les calcifications coronaires. Le volume des calcifications coronaires est mesuré par des scores calciques dont le plus connu est celui Quel est l’intérêt du d’Agatston, un score de 0 correspon- scanner coronaire dant à l’absence de calcification co- dans la cardiopathie ronaire, un score supérieur à 1 000 ischémique ? correspondant à un réseau très cal- Actuellement il y a un large consencifié. sus sur les trois points suivants. L’extension des calcifications coro- • Le scanner coronaire n’a pas d’innaires, quelle que soit la méthode térêt chez les patients symptomade mesure (score d’Agatston, “masse tiques chez qui la conviction médicalcique coronaire”…), est reliée à cale de maladie coronaire est forte l’importance de l’infiltration athé- ou certaine en raison du contexte romateuse du réseau coronaire mais (terrain, symptomatologie, signes n’est pas spécifique de l’obstruction ECG, données de l’épreuve d’efcoronaire. Ainsi, un sujet peut avoir fort…). Si l’âge et l’état général le une obstruction coronaire sans cal- permettent, la coronarographie est cification coronaire et vice versa. De alors indiquée. plus, en cas d’obstruction coronaire, • Le scanner coronaire peut avoir sa localisation n’est que très faible- un intérêt devant une symptomament corrélée à celle des calcifica- tologie suggestive de pathologie tions. coronaire ischémique mais dans un Le score calcique contexte où la maaugmente avec ladie coronaire est A âge égal, les l’âge (1-4). A âge peu probable. Son femmes ont en égal, les femmes intérêt est lié à sa moyenne un score ont en moyenne bonne valeur précalcique plus faible un score calcique dictive négative . que les hommes. plus faible que les • Le scanner corohommes. Il est en moyenne égal à naire n’a pas d’indication de dépiscelui d’un homme plus jeune de 15 tage chez les patients asymptomaans (3). tiques (5). Le scanner avec injection de produit de contraste iodé Le scanner avec injection de produit de contraste iodé qui fait suite à l’analyse du score calcique permet de visualiser le réseau coronaire. Sa définition est moins bonne que celle de la coronarographie. Toutefois, quand les conditions favorables d’examen sont réunies, rythme 24 En termes de risque d’exposition à la cardiopathie ischémique, les données des études, en particulier celles de l’étude MESA (Multi-Ethnic Study of Atherosclerosis) (6, 7), montrent que le risque de survenue d’évènements coronariens est faible pour un score calcique inférieur à 100, élevé pour un score supérieur à 300 et intermédiaire entre les deux. A noter que l’absence de calcifications coronaires et un score calcique de 0, peuvent s’observer chez des patients présentant une authentique cardiopathie ischémique (8). Par rapport au score de Framingham, le score calcique est peu contributif pour les extrêmes (9-11). Ainsi, avec un score calcique élevé, le risque de survenue d’évènement cardiovasculaire reste bas chez un patient à faible risque selon Framingham. A l’inverse, un faible score calcique ne diminue pas de façon significative le risque de survenue d’évènement cardiovasculaire chez un patient à haut risque selon Framingham. En revanche, pour les scores calciques intermédiaires, le niveau du score calcique abaisse (score calcique plutôt faible) ou augmente (score calcique plutôt élevé) le score de risque calculé selon Framingham. Pour résumer, à un âge donné, à un score de risque de Framingham donné, le score calcique affine sans le bouleverser le niveau du risque de survenue d’un évènement ischémique coronarien à 10 ans. Si nous prenons l’exemple de notre marathonien de 53 ans, son score de Framingham est de 4 %. Avec son score calcique de 130, son risque de survenue d’un évènement cardiovasculaire à 10 ans est de 12 %. A noter qu’il aurait été de 16 % avec un score calcique de 400 tout comme avec un score calcique de 1 000. Que craint-on en termes de pathologie coronaire chez les sportifs ? La population sportive présente moins de mortalité cardiovasculaire qu’une population sédentaire. Cardio&sport n°33 Toutefois, au moment de l’effort, surtout intense, ce risque est transitoirement accru, particulièrement pour la course à pied et le vélo (12-17). Les différentes études analysant la mortalité et les accidents cardiaques chez les sportifs, tout particulièrement chez le coureur, démontrent une prépondérance de l’étiologie ischémique athéromateuse au-delà de 35 ans. Avant 35 ans, les autres étiologies prédominent : cardiomyopathies hypertrophiques, cardiopathies arythmogènes génétiques, anomalies de naissance et/ou de trajet des coronaires. Les anomalies de trajet des coronaires à risque élevé de mort subite sont très rares ; elles se limitent essentiellement à celles responsables d’une compression d’un tronc coronaire entre l’infundibulum pulmonaire et l’aorte, dilatés par l’élévation du débit sanguin induite par l’effort. La fréquence rapportée des accidents varie beaucoup selon les études, allant de 1 à 2/100 000 chez les marathoniens à 1/7 500 chez les joggers (18-22). >>> Au moment de l’effort intense, le risque est transitoirement accru, particulièrement pour la course à pied et le vélo. aux autres marqueurs du risque cardiovasculaire chez plus de 4800 sujets). La comparaison porte sur le score calcique coronaire, le score de Framingham et s’attache en plus à la quantification des renforcements tardifs au gadolinium observés à l’IRM cardiaque. Les résultats sont instructifs : • Les marathoniens ont un score Que dit la littérature de Framingham bien plus favorable (7 % versus 11 %, p < 0,0001). sur scanner Les marathoniens ont un score coronaire et sport ? Seule l’étude allemande The Es- calcique identique (36 versus 38, sen Marathon study (24) a abordé p = 0,36). Et à score de Framingham ce sujet. Cette étude très intéres- égal, les marathoniens ont un score sante compare 108 hommes ma- calcique plus élevé (36 versus 12, rathoniens expérimentés appa- p = 0,02). • Enfin, lors du remment sains suivi sur près de 2 d’un âge moyen Par rapport ans (21 ± 3 mois), de 57 ans à 864 au score de aucun évènement hommes sédenFramingham, le n’est survenu chez taires du même score calcique est les 69 coureurs âge, issus de la peu contributif avec un score calpopulation du pour les extrêmes. cique inférieur à Heinz Nixford Re100, par contre 4 call Study (large étude épidémiologique menée évènements ischémiques, dont 2 dans une population non sélec- arrêts cardiaques récupérés, sont tionnée de la Ruhr comparant le survenus chez 4 (66 ans, 64 ans, 55 degré de calcifications coronaires ans et 62 ans) des 39 coureurs (10 %) Cardio&sport n°33 qui avaient des scores calciques supérieurs à 100. Au total donc, malgré un risque plus bas selon Framingham, le marathonien de plus de 50 ans n’est pas protégé de la cardiopathie ischémique et ce d’autant plus qu’il a un score calcique élevé. Quelles conclusions pouvons-nous apporter ? Après une visite de non contre-indication à la pratique sportive en compétition (VNCI), menée en accord avec les recommandations (examen clinique complet dont un interrogatoire “policier” et un ECG), les informations supplémentaires fournies par un scanner éventuel sont-elles pertinentes ? Chez le sportif asymptomatique • La mesure du score calcique permettrait de préciser un peu mieux le risque individuel de survenue d’évènements ischémiques coronaires par rapport au score de Framingham. Savoir que le risque de survenue 25 © Hshen Lim - iStockphoto Le point sur… Le point sur… d’évènement à 10 ans est de 4 % ou de 16 % (soit 0,4 % ou 1,6 % par an) ne peut être un élément décisif pour autoriser ou non la pratique sportive (on priverait ainsi à tort 84 % à 96 % des sportifs de la motivation que représentent les compétitions, une fraction d’entre eux diminuerait voire interromprait leur activité physique avec en corollaire une augmentation de leur score de Framingham ! ). • La découverte d’un score calcique élevé risque d’entraîner une multiplication des examens complémentaires, en particulier de scanners coronaires complets (coût, irradiation) dont la plupart seraient normaux et de coronarographies avec ensuite des débats sans fin sur l’attitude à tenir vis-à-vis de sténoses “intermédiaires” qui ne sont pas nécessairement dangereuses (23). Il paraît impossible de démontrer que la découverte fortuite de quelques sténoses serrées par un scanner coronaire pratiqué à large échelle dans cette indication contrebalance les inconvénients qui viennent d’être cités. Enfin, la population des sportifs compétiteurs est très importante. Elle est estimée à 10 millions en France avec une proportion importante de pratiquants de plus de 35 ans (50 à 75 % sur les marathons et semi-marathons). La diffusion de cette technique à faible rentabilité aurait donc un coût prohibitif. Chez le sportif symptomatique Guidé par les symptômes et le contexte, le scanner coronaire ne peut être la réponse diagnostique au problème posé. Le risque d’accident étant plus élevé lors de la pratique sportive, le doute n’est pas permis. Si l’étiologie ischémique est suspectée, elle doit être absolument affirmée ou éliminée par une coronarographie. 26 VNCI, Au-delà de l’ecg... En fait, le débat sur la pratique du scanner coronaire chez le sportif rejoint celui posé par l’intérêt de pratiquer ou non un examen plus poussé pour dépister une cardiopathie ischémique chez le sportif d’âge mur (homme de plus de 35 ans et femme de plus de 45 ans), dont la VNCI est rassurante. Dans cette situation, sans qu’il y ait de recommandations formelles des sociétés savantes, la communauté médicale conseille actuellement chez les patients “à haut risque” la pratique d’une épreuve d’effort, sans périodicité déterminée. L’épreuve d’effort a le mérite d’être une épreuve fonctionnelle. Les limites du scanner n’étant pas moindres que celles de l’épreuve d’effort, il n’y a pas lieu de le proposer en alternative dans cette indication. Il faut rappeler que la physiopathologie d’une proportion importante des accidents cardiaques ischémiques survenant lors d’efforts violents, à savoir la rupture d’une plaque préalablement non significative, mettra en défaut tous ces examens de prévention. Il y a donc à l’évidence une part de non-prédictibilité de ces accidents qu’il faut accepter et expliquer aux patients. Parfois réellement inaugural, l’accident coronaire peut, dans d’autres cas, être précédé, dans les jours ou semaines précédentes, de symptômes parfois atypiques, comme une baisse des performances, une fatigue ou une difficulté de récupération inhabituelle (16). Ces signes focntionnels atypiques doivent être systématiquement recherchés lors de l’interrogatoire d’un sportif. Les marathoniens, comme tous les sportifs, doivent ainsi savoir qu’une pratique sportive régulière associée à une bonne hygiène de vie n’est pas une garantie contre le développement de plaques coronaires à risque. Ainsi, pour notre patient, dont la patience commence à s’épuiser, après l’avoir scrupuleusement interrogé, examiné, et avoir analysé son ECG de repos, je lui signerai son certificat de non contre-indication à la pratique sportive en compétition en l’encourageant vivement à poursuivre sa pratique sportive qui participe au bon contrôle de ses facteurs de risques. Je lui expliquerai la signification de ses calcifications coronaires (augmentation significative du risque d’accident cardiaque à 10 ans par rapport à une population comparable qui en est dépourvue mais avec un risque absolu qui reste très modéré). Je lui préciserai que son activité physique ne le met pas à l’abri d’un accident cardiaque et que donc, devant tout symptôme inhabituel, il doit immédiatement consulter. Enfin, je lui remettrais la fiche des 10 règles d’or du Club des Cardiologues du Sport (clubcardiosport.com) en lui conseillant de la lire attentivement. En conclusion En dehors du cadre d’études scientifiques et dans l’état actuel de nos connaissances, le scanner coronaire n’est pas justifié en cardiologie du sport à titre médical d’une part et socio-économique d’autre part. La suspicion d’une anomalie de naissance des artères coronaires est l’exception. En pratique, il s’agit d’une situation à laquelle nous sommes exceptionnellement confrontés. Mots-clés Scanner coronaire, Calcifications, Cardiopathies, Sportif, Score calcique, Score de Framingham Cardio&sport n°33 Le point sur… Bibliographie 1. Budoff MJ, Achenbach S, Blumenthal RS et al. Assessment calculation using coronary artery calcium scoring and the of coronary artery disease by cardiac computed tomogra- Framingham risk score. Echocardiography 2011 ; 28 : 686-93. phy : a scientific statement from the American Heart Asso- 12. Thompson PD, Franklin BA, Balady GJ et al. Exercise and ciation Committee on Cardiovascular Imaging and Interven- acute cardiovascular events. 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