Acquisition et développement des compétences des ingénieurs de l

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Acquisition et développement des compétences des ingénieurs de l
Acquisition et développement des compétences des ingénieurs de l'armement
1 – Introduction
Jadis la question de la compétence de la DGA en général et des ingénieurs de l'armement en particu lier ne se posait pas, car on considérait que cette compétence allait de soi ; en y regardant de plus près et avec
le recul des ans, on constate qu'en fait elle ne venait pas par l'opération du Saint Esprit mais qu'elle était due,
au moins en partie, à certaines habitudes et à la mise en œuvre de certains moyens dans la structure de la
DGA de l'époque, habitudes et moyens dont certains n'existent plus et dont d'autres ne sont plus praticables
aujourd'hui au sein de l'institution, et aussi à un format et à des effectifs de la Délégation bien supérieurs à
ce qu'ils sont devenus. Comment acquérir et conserver les compétences nécessaires, pour la DGA et pour les
ingénieurs de l'armement qu'elle conserve et aussi pour ceux qui décident de rayonner, est donc une question
qui mérite d’être posée aujourd’hui.
2 – Le corps de l'armement et la DGA
Contrairement à un certain nombre d'autres grands corps, le corps de l'armement a la chance d'avoir
une maison mère, la DGA, laquelle a une mission claire et unique au sein de l'administration : l’armement
est le principal domaine d’achat de l’État central et il a en outre des caractéristiques propres par rapport aux
investissements des administrations civiles. Qui plus est la DGA emploie elle-même de nombreux IA et n'est
donc pas qu'une sorte de bureau de passage pour les membres du corps.
Actuellement la DGA est en contraction, tant du fait de la diminution des budgets d'équipement de la
Défense que de la recherche forcenée d'économies de fonctionnement dans le ministère, plus forcenée, certainement, que dans d'autres ministères. Dans les programmes, il est devenu plus difficile d'optimiser le compromis coût-performances. Cette contraction pousse le corps à rechercher un complément de vie propre en
dehors de la DGA – c'est pour lui une condition nécessaire de sa bonne santé.. Qui plus est, cette respiration
de corps est dans une large mesure bénéfique pour la DGA qui a moins de postes de haut niveau à offrir que
de postes de niveau intermédiaire.
Il faut enfin rappeler que les compétences acquises et cultivées dans la DGA constituent l'essentiel de
l'avantage concurrentiel des IA qui rayonnent.
3 – Les IA hors DGA
On n'a pas observé récemment de changement pour les destinations traditionnelles des IA qui
rayonnent, à savoir les autres administrations et ministères français, l'industrie et les services, l'OTAN... sinon que la conjoncture économique comme celle des finances publiques rendent ces destinations moins réceptives à l’accueil ou à l’embauche d'ingénieurs de l'État. Cette une tendance défavorable s’accroît
actuellement, dans l'industrie de défense, où le rayonnement est déjà fortement bridé par les contraintes dites
déontologiques ; ce secteur industriel est en effet devenu beaucoup plus sélectif dans ses recrutements, au
point que même un jeune ingénieur en chef peut avoir des difficultés à s'y faire embaucher, handicapé
notamment par sa méconnaissance du fonctionnement de l'industrie 1. À ceci près, qui est loin d'être
négligeable hélas, et comme indiqué ci-dessus, le rayonnement doit être accentué, mais, pour ces destinations
traditionnelles, les façons de faire habituelles semblent donc toujours adaptées.
À côté de ces destinations traditionnelles, il apparaît maintenant nécessaire de s'intéresser sérieusement à l'Europe. Il peut arriver en effet que la DGA et le corps poursuivent des objectifs différents, mais la
position vis-à-vis des institutions européennes pourrait être un domaine de convergence – si toutefois on croit
à l’avenir de l’Europe. La DGA a un peu préparé le terrain aen s’impliquant fortement dans la création de
l’AED et de l’OCCAR ; ces deux organismes mériteraient plus d’attention de sa part et plus de réflexion de
la part des corps de l’armement. La Commission, de son côté, s'appuie souvent, pour les questions
techniques, sur des consultants extérieurs, dont l'indépendance vis-à-vis des lobbies n'est pas toujours claire :
le recrutement de fonctionnaires nationaux techniquement compétents ne présente pas cet inconvénient et il
faut donc d'abord encourager des fonctionnaires français, et en particulier des IA, à être recrutés par la
Commission, et ensuite garder un contact avec eux pour mieux gérer la relation entre gouvernement français
1
Alors qu'il y a 30 ans la DATAR affirmait que les IA « étaient les seuls fonctionnaires qui connaissaient l'industrie »
et estimait qu'il en avaient vraiment une bonne connaissance.
et Commission, ce que savent semble-t-il faire les Anglais.
4 – La DGA et son environnement changent ...
… mais il y a des constantes : comme Henri Proglio l'a récemment affirmé pour EDF « Innovation et
expertise sont nos deux piliers » ; le DGA n'aurait pas pu mieux dire.
4.1 – Les évolutions de l'environnement de la DGA
On peut citer, en vrac : la quasi disparition de la concurrence entre industriels français de l'armement,
l'accent qui est mis, actuellement, sur la réduction des coûts des programmes, et non plus sur leurs perfor mances techniques ; l'alourdissement des contraintes juridiques au point que l’excès de l’appel au « principe
de précaution » et à l’extrême prudence pousse désormais les acteurs à ouvrir les parapluies le plus largement
possible et en permanence ; le souci du suivi en service des systèmes jusque et y compris le démantèlement
des matériels retirés du service, d'où la prise en compte systématique de ce suivi en service, et aussi du
démantèlement, dès la conception ; les réglementations environnementales (REACH par exemple) ; les
garanties de sécurité des personnes et des biens … Tout ceci accroît les contraintes, voire en crée de
nouvelles.
Il faut aussi, et surtout peut-être, citer une évolution majeure, et d'une toute autre nature, qui est
l'émergence des systèmes de systèmes ou « métasystèmes », ou du moins la prise de conscience de l'existence de ces métasystèmes. Seule la DGA 2, maître d'ouvrage des systèmes, est capable d'assurer la maîtrise
d'œuvre de ces métasystèmes, du moins à un coût et avec des risques acceptables ; cette évolution comporte
évidemment des obligations de compétence.
4.2 - La DGA elle-même a évolué et continue d'évoluer
L'ambition des nouveaux programmes change de forme, le format de la DGA diminue, ainsi que les
budgets qu'elle gère. En conséquence le nombre de ses centres techniques diminue également, ainsi que
l'éventail des domaines techniques qu'ils couvrent et le nombre de postes d'ingénieurs débutants dont ils ont
besoin, alors même que les établissements industriels, très formateurs eux aussi pour les jeunes ingénieurs,
ont quitté la DGA. De plus, en s'adaptant à cette réduction de format, la DGA envisage de nouvelles façons
de faire : se contenter plus souvent de sauts technologiques modestes, recourir plus largement aux achats sur
étagère, s'appuyer plus souvent sur des maîtres d'œuvre globaux, en évitant toutefois aussi bien de les charger
de tous les risques du développement que d'exclure les PME de ces développements ; d'une façon générale
tendre à globaliser les marchés, y compris sans doute les marchés d'études, ce qui réduit la charge de travail
que représente la passation des contrats, mais continuer néanmoins d'assurer un suivi sérieux de ces contrats
et d'appliquer, bien sûr, la politique industrielle .
Enfin la DGA doit couvrir de nouveaux domaines, comme la cybersécurité, les armes « respectueuses de l'environnement3 », ainsi que la maîtrise d'œuvre des métasystèmes ; rien de très nouveau certes,
puisque la DGA a toujours su maîtriser les nouveaux domaines et les sauts de complexité 4 quand ils devenaient indispensables aux systèmes d'armes, mais il faut aujourd'hui le faire avec des effectifs et des moyens
plus contraints que jamais.
4.3 – Les compétences nécessaires demeurent, voire s'étendent, pour les IA comme pour le reste de la
Délégation
D'une façon générale, la DGA doit bien sûr disposer des compétences nécessaires à l'accomplisse ment de ses missions actuelles et prévisibles, mais de plus ne pas négliger d'entretenir un vivier de personnels de haut niveau capables de lui conserver son dynamisme à terme et de faire face aux défis sûrement
nombreux et mal cernés à l’avance qui l’attendent.
Pour les missions actuelles et prévisibles, les compétences nécessaires sont d'ordre :
2
3
4
Le maître d’ouvrage est in fine toujours son propre maître d’œuvre dès lors que ce qu’il achète s’insère dans une
organisation et en contact de systèmes préexistants. Il peut sous-traiter une partie des tâches concrètes d’intégration,
mais lui seul peut en assumer la responsabilité.
Par exemple la bombe à neutrons.
Cf notamment, dans les années 80, le développement de la discrétion acoustique des sous-marins et la coordination
système des avions d'armes, dont les enseignements furent exposés lors de l'assemblée générale 2014 de la CAIA.
- technique pour :
- « être un client intelligent », pour les développements face à des maîtres d'œuvre d'envergure qui
peuvent rechigner à faire preuve de transparence vis-à-vis de leur client, mais même aussi pour des
achats sur étagère, comme par exemple les armes et munitions de petit calibre,
- préparer l'avenir par la prospective des risques techniques et par des marchés d'études, même dans
des domaines où les industriels peuvent avoir intérêt à investir sur fonds propres, et a fortiori dans les
domaines où les industriels n'ont aucun intérêt à investir sur fonds propres ; il est clair que si la DGA
abandonne ses compétences dans ces domaines-ci, elle renonce ipso facto à tout progrès en France : il
faut donc préalablement à tout abandon en apprécier les conséquences sur l'indépendance et l'autonomie de décision nationales ; cette préparation de l'avenir, une des missions fondamentales de la DGA,
nécessite des compétences techniques et scientifiques exceptionnelles pour être menée efficacement et
économiquement5
- mener, ne serait-ce qu'en tant qu'acheteur, une politique industrielle avisée dans le domaine de souveraineté qu'est l'armement,
- dans quelques domaines précis, faire elle-même (cryptologie, sécurité des systèmes d'information,
mais aussi, bien souvent, moyens d'essais6),
- maîtriser les systèmes complexes 7 ; on considère qu'elle doit pour cela avoir une bonne connaissance
du métier de son maître d'œuvre et aussi de ses fournisseurs de premier rang,
- de maîtrise d'œuvre des méta-systèmes, au delà des « systèmes complexes » évoqués ci-dessus, alors que
la DGA s'est peu à peu retirée des maîtrises d'œuvre de rang inférieur,
- de connaissance de l'entreprise, de ses ressorts et de ses motivations, aussi bien les lois fondamentales du
fonctionnement de l’entreprise capitaliste (que l’on peut apprendre par exemple au cours d'un stage comme
le STEGE),que les arcanes de la négociation de l’entreprise avec son donneur d’ordre, la négociation initiale
d'une maîtrise d'œuvre puis les discussions et arbitrages au jour le jour face aux aléas inévitables des
développements ; cette connaissance est d'autant plus importante qu'en général la DGA négocie avec des
monopoles, or elle est difficile à acquérir par des cours ; comme déjà mentionné supra, elle est de plus en
plus nécessaire pour rayonner dans l'industrie,
- juridique : ce domaine était jadis quasi ignoré dans la DGA ; des progrès ont heureusement été faits, mais
il faut qu'à côté de juristes spécialisés, tous les ingénieurs de la DGA aient un minimum de culture juridique,
pour ne pas commettre d'imprudences bien sûr, mais aussi pour ne pas être paralysé par la crainte du juge 8 ;
il faut au minimum que les ingénieurs et autres responsables techniques comprennent ce que leur disent les
juristes professionnel,
- de direction de programmes : comme il l'a déjà été indiqué, le directeur de programme doit avoir (entre
autres compétences!) une excellente connaissance des organisations de maîtrise d’œuvre industrielles avec
lesquelles il doit discuter et avoir acquis une bonne maîtrise pratique de ce type de métier qui même du côté
étatique est au cœur d’un programme réussi ; après avoir été longtemps acquise uniquement par osmose au
fil de la carrière, cette compétence a été renforcée il y a une vingtaine d'années par la création du stage diplô mant de directeur de programme,
- d'animation des équipes et de commandement : ici encore la compétence s'acquiert par osmose au fil de
la carrière, renforcée par des stages ciblés ; il en est de même de la qualité, des méthodes, des finances et des
relations internationales ; remarquons que ces compétences-ci sont nécessaires dans tout type d'organisation
et que les IA qui rayonnent doivent donc les avoir acquises préalablement.
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6
7
8
La pratique américaine en la matière est techniquement efficace, mais économiquement plus discutable.
Sauf mutualisation européenne.
Cette maîtrise est un des points forts des ingénieurs de la DGA, car elle est bien rare ailleurs dans l'administration.
Parmi les rares succès hors DGA, il faut citer la refonte de l'informatique fiscale, programme gigantesque dont les
seuls coûts externes ont atteint le milliard. Quid du domaine de l'Équipement, viaduc de Millau etc. ?
Sont particulièrement concernées les autorités techniques qui certifient l'aptitude à l'emploi des systèmes militaires,
et en particulier que ces systèmes ne mettront pas en danger la vie ou la santé de leurs utilisateurs.
5 – Que peut faire la DGA pour continuer d'acquérir et d'entretenir ces compétences, en qualité et en
quantité nécessaires ?
5.1 – « En qualité et quantité nécessaires »
Il faut bien sûr déterminer ce qui est nécessaire et donc examiner soigneusement le spectre de compétences à couvrir, les conséquences et les risques des abandons auxquels il faudrait se résigner, sachant qu'il
faudra toujours pouvoir orienter les choix dans les programmes et en mesurer les coûts et les risques, préparer l'avenir, mener une politique industrielle avisée, tirer les enseignements des incidents et acheter intelli gemment, y compris sur étagère. Il faut aussi améliorer l'efficacité des moyens dont on dispose, tâche permanente certes, rien de nouveau en cela pourrait-on dire, sinon que, dans une DGA de moins de 10.000 per sonnes (et combien dans une dizaine d'années?), il faut non seulement optimiser les métiers et l'organisation
mais encore explorer les possibilités de coopération, soit avec des organismes nationaux (CEA, CNES,
ONERA, SHOM …), soit avec des homologues étrangers qui subissent les mêmes réductions de moyens et
peuvent donc eux aussi rechercher des coopérations. Il faut enfin, dans cette DGA resserrée, gérer ces
moyens au plus juste.
À tout cela la DGA s'emploie énergiquement, comme elle l'a exposé lors de l'assemblée générale
2014 de la CAIA.
5.2 – Quelles compétences ?
Passons sur les compétences juridiques : un stage de quelques jours voire de quelques semaines suffirait probablement pour que les IA puissent discuter intelligemment avec la direction des affaires juridiques
et éviter, comme il est dit ci-dessus, les imprudences sans être tétanisés par la crainte du juge. Passons aussi
sur l'animation des équipes et le commandement, la qualité, les méthodes et les finances, et, enfin,
l'international, pour les raisons indiquées ci-dessus, à savoir que rien ne remplace l'osmose pratiquée dans les
équipes en place, appuyée éventuellement par quelques stages : cette osmose peut et doit toujours être pratiquée, même si les équipes au sein desquelles les jeunes ingénieurs apprennent ces métiers sont moins étoffées que jadis ; d'ailleurs l'expérience est constante à la DGA, et c'est d'ailleurs une de ses forces, que les
jeunes ingénieurs, placés dans un environnement adapté, traitent brillamment les affaires qui leur sont
confiées. Laissons enfin de côté la « connaissance de l'entreprise » : les stages genre STEGE et ICG
couramment pratiqués jadis sont toujours utiles mais ne suffisent sans doute plus pour donner aux ingénieurs
cette connaissance qui leur permettra d'abord de discerner les intentions et motivations de leurs partenaires
industriels, par exemple au cours de négociations qu'ils conduisent 9 ; les détachements en entreprise, qui se
pratiquent en début de carrière principalement pour mettre ces ingénieurs au contact des réalités techniques,
doivent aussi donner cette connaissance, pourvu que l'ingénieur ainsi détaché y acquière par surcroît une
connaissance intime du fonctionnement de l'entreprise.
5.2.1 – La maîtrise d'œuvre des métasystèmes
Qui est le mieux préparé au pilotage d’un méta-système ? Il fait appel à des capacités d’analyse et de
synthèse qui n’acceptent aucun amateurisme ; il demande de la rigueur, de la rapidité et ne tolère pas l’idée
préconçue, la préférence sentimentale. Il doit accepter le foisonnement des idées en lui donnant un cadre
structurel maîtrisé.
C’est au militaire d’émettre ses besoins ; ce n’est pas à lui de les structurer et de les ordonner ... sinon il
s’autocensure et perd sa lucidité et son objectivité. Ce n’est pas non plus à l’industrie qui ne saurait s’investir
sur le long terme dans un exercice difficile dont ses intérêts ne doivent pas fausser la droiture.
C’est typiquement un travail de la DGA, sans doute le cœur de son métier… si elle convainc les autres
parties prenantes de la qualité de son engagement dans ce chantier : à l’écoute des militaires, à l’écoute des
industriels… Il lui faut donc être suffisamment acceptée de la communauté opérationnelle pour recevoir et
comprendre ses souhaits, et crédible dans son écoute et sa connaissance des possibilités et contraintes de
l’industrie, tant techniques que financières.
On méditera avec profit l’exemple pédagogique du « future combat system » confié par l’armée de Terre
9
Et à leur conférer cette connaissance de l'industrie (cf §3) dont l'insuffisance les handicape quand ils recherchent
un poste dans les entreprises.
américaine, sur initiative du Général SHINESEKI, à la société BOEING… très grand maître d’œuvre !
Deux ans de battage médiatique, de documents écrits très imagés, de powerpoints, de vidéos futuristes et
optimistes pour aboutir aux premiers dérapages : les familles de véhicules admirablement cohérentes se
délitaient sous l’action des industriels « spécialistes » qui refusaient de se laisser imposer les contraintes
générales et proposaient des véhicules de plus en plus spécifiques. Sous la pression de rénovateurs actifs et
imaginatifs, tant militaires qu’industriels, les propositions les plus fantaisistes n’étaient pas censurées et le
tableau des projets enflait sans cesse entraînant dans cette inflation les budgets à court et long termes : il n’y
avait plus de pilote dans l’avion qui finit par se disloquer et disparaître dans un de ces « trous noirs » dont le
Pentagone a le secret.
5.2.2 – Les moyens traditionnellement utilisés pour acquérir et maintenir les compétences techniques
Jadis étaient utilisés :
- les affectations en début de carrière dans les centres d'études et dans les établissements indus triels ; à noter
cependant que les postes occupés par les jeunes IA n'étaient pas des postes d'ingénieurs débutants ordinaires
mais le début d'une carrière de ce qu'on appelle maintenant les « hauts potentiels »,
- la fréquentation constante des industriels, que ce soit grâce à la concurrence quand elle existait encore,
grâce aux marchés d'études, qui étaient des marchés peu volumineux et suivis de près, et grâce aussi au suivi
constant des programmes dans des relations fluides avec les industriels fournisseurs, au sein d'équipes com portant des ingénieurs expérimentés ; cette fréquentation était évidemment particulièrement développée dans
les services techniques, y compris pour les ingénieurs débutants qui y étaient affectés,,
- les détachements dans des organismes publics (CNES, ONERA, CEA …), mais le taux de retour après détachement était inégal10,
- la formation par la recherche avec obtention d'un doctorat.
La DGA disposait ainsi, dans la plupart des domaines techniques qu'elle devait maîtriser, de solides
équipes d'experts de grande compétence, composées d' IA, d'IETA, d'ingénieurs contractuels, mais aussi
d'ITEF et fréquemment de techniciens et cette expertise était continuellement entretenue par la pratique.
5.2.3 – Il ne faut négliger aucun de ces moyens traditionnels, mais les adapter si nécessaire
Les centres d'études et d'essais de la DGA offrent toujours aux jeunes ingénieurs des postes aussi intéressants que formateurs, malgré la réduction du nombre de ces centres, la diminution de leurs effectifs et le
rétrécissement du champ des techniques couvertes. Quelles que soient les évolutions statutaires que pour raient connaître ces centres (cf récemment le CEG), il est nécessaire qu'ils continuent d'offrir des postes d'IA
débutants.
À la place des affectations dans ses propres établissements industriels, puisqu'ils ont disparu, la DGA
commence à détacher de jeunes ingénieurs dans l'industrie d'armement, voire dans d'autres secteurs à examiner11 ; ce peut être la première affectation, mais un détachement en deuxième affectation pourrait également
être fructueux ; dans les deux cas, il convient de veiller à ce que les postes occupés soient, comme jadis dans
les établissements de la DGA, adaptés au début d'une carrière de « haut potentiel ». Les détachements dans
les organismes de soutien des armées, Sections flotte en service et SIAé sont également à pratiquer ; ils donneront les mêmes résultats que jadis les affectations dans les sections « Réparations » des ports et dans les
AIA, quand ils appartenaient à la DGA. Il convient aussi de renforcer les détachements dans les organismes
publics (CNES, ONERA, CEA …) et d'organiser (enfin?) des navettes entre la DGA et ces organismes.
Pour la « fréquentation constante des industriels », force est de constater d'abord que la concurrence
a pratiquement disparu pour les développements et les maîtrises d'œuvre – même au niveau européen les
monopoles sont fréquents et le deviendront progressivement encore plus ; la DGA elle-même a largement
encouragé cette consolidation dans tous les secteurs où le marché national était trop réduit pour faire vivre
plusieurs industriels de bon niveau. Une certaine concurrence reste cependant possible pour les marchés
10 Ce taux de retour faible parfois mis en avant pour minimiser l’intérêt pour la DGA de ces détachements peut être
immédiatement porté au pourcentage souhaité : c’est une simple question de clarté du contrat explicite ou tacite
passé entre les trois parties.
11 Le détachement dans des industries d’armement peut poser des problèmes, au moins formels, de déontologie.
d'études, concurrence à utiliser comme indiqué ci-dessus, c'est à dire avec discernement et en application
d'une politique industrielle bien définie. Il faut de toutes façons faire un suivi précis de ces marchés, suivi
qui sera aussi instructif pour le client que motivant pour le titulaire, mais – on n'a rien sans rien – qui exige
du soin et du travail. Pour les développements et, a fortiori, les maîtrises d'œuvre, les méthodes anglaises ont
fait la preuve de leur nocivité, comme l'avait fait remarquer le DGA à propos de l'A400M, et plus personne
ne conteste la nécessité d'un suivi précis des l'avancement industriel; il faut néanmoins concilier cette
nécessité avec les contraintes du code des marchés publics (CMP), qui se sont peu à peu alourdies, et se
débarrasser des superstitions qui paralysent parfois sur ce point les ingénieurs de la DGA, lesquels ne font
pas du tout le même métier que la plupart des acheteurs publics, il faut le répéter et le faire comprendre, y
compris aux juristes du ministère de la Défense 12.
Enfin il apparaît que la formation par la recherche donne bien les résultats qu'on en attend et ne re quiert donc aucune remise en cause.
5.3 – Risques et opportunités
Il est difficile d'isoler les risques et opportunités qui concernent la compétence des IA de ceux qui
concernent toute la DGA, car, comme indiqué ci-dessus :
- non seulement la DGA emploie un grand nombre d'IA,
- mais encore ce sont les compétences acquises dans la DGA telle qu'elle existe actuellement qui donnent
aux IA un avantage concurrentiel lorsqu'il cherchent à rayonner.
Ceci étant :
- il peut y avoir une tendance à l'externalisation de certaines parties de la DGA, comme par exemple les
centres techniques, qui sont indispensables à la formation des jeunes ingénieurs : cette éventualité doit être
anticipée et, comme indiqué ci-dessus, il faut que ces parties de la DGA actuelle continuent d'employer de
jeunes IA, aussi longtemps qu'elles remplissent les missions qui sont actuellement les leurs et quel que soit
leur statut,
- la poursuite de la diminution des effectifs et des moyens de la DGA constitue une éventualité qui ne serait
évidemment pas sans conséquences sur l'efficacité de l'institution et le succès de ses missions, mais aurait
aussi des conséquences sur la compétence des IA et donc sur leur employabilité hors DGA,
- la maîtrise d'œuvre des métasystèmes est une opportunité à saisir absolument pour la DGA.
- les opportunités de coopération européenne, surmontant enfin les difficultés et les égoïsmes nationaux car
poussée par la nécessité et l'urgence doivent être saisies : centres techniques, certainement, acquisitions peutêtre aussi, en commençant de façon pragmatique13.
6 – Recommandations et conclusion
Malgré la diminution de son format, la DGA dispose d'une large palette de moyens pour développer
et entretenir les compétences nécessaires à l'accomplissement de ses missions, et par voie de conséquence,
les compétences des Ingénieurs de l'Armement qu'elle emploie aussi bien que de ceux qui décident de la
quitter pour un temps plus ou moins long. Il est judicieux que les premières affectations soient dans les
centres techniques de la DGA ou dans des organismes publics comme les Sections Flotte en service et le Service industriel de l'Aéronautique, voire le SHOM au ministère de la défense, et, hors défense, l'ONERA, le
CNES et le CEA. Un détachement dans l'industrie est également très souhaitable, en premier ou peut-être
plutôt en deuxième poste, aussi bien pour le contact avec les réalités concrètes qu'il permet que pour acquérir
cette connaissance intime du fonctionnement concret des entreprises industrielles aussi nécessaire pour les
tâches futures dans la DGA que pour le rayonnement. Ultérieurement, cette compétence doit être entretenue
12 Un exemple : l'article 3-7° du CMP indique que « les dispositions du présent code ne sont pas applicables aux
accords-cadres et marchés qui exigent le secret » ; la Défense a fait une circulaire d'application de cet article qui en
a réduit le champ aux seules armes et munitions proprement dites, sans se soucier par conséquent de quantité de
marchés concernant par exemple le renseignement ou la cybersécurité, lesquels restent donc soumis au CMP, avec
publicité européenne etc.
13 Est-ce ce qui se passe déjà avec les Pays-Bas pour les radars de veille navals, jadis domaine d'excellence du
STCAN, jusqu'au DRBJ-11B inclus, puis peu à peu délaissé par la DGA ?
par des relations constantes avec les industriels, « dans le respect du Code des marchés publics »
évidemment – le manque de respect serait un délit – mais en s'affranchissant de la crainte quasi superstitieuse
qu'inspire souvent ce code trop redouté à tort.
Bien des jeunes ingénieurs se trouveraient donc hors de la DGA, avant d'y retourner pleins d'expérience et de compétence : il serait donc bon que le recrutement initial à l'X et autres écoles de niveau 1 soit
accru et on peut penser que le corps de l'armement serait encore plus attrayant en proposant un début de car rière qui combine ainsi judicieusement centres techniques, détachements dans l'industrie et administration
centrale, offrant ainsi des perspectives ultérieures de rayonnement, de postes internationaux et de responsabilités éminentes dans la DGA .
La DGA y trouverait largement son compte, disposant alors d’un vivier sous de nombreux aspects
plus riche.