L`ACTION EN JUSTICE AU NOM DE LA COMMUNE

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L`ACTION EN JUSTICE AU NOM DE LA COMMUNE
L'action en justice au nom de la commune
1. Les personnes pouvant être autorisées à agir au nom de la commune...... 1
2. L’intérêt de l’affaire ....................................................................................... 2
3. La procédure................................................................................................... 4
La loi permet à « tout contribuable inscrit au rôle de la commune…d’exercer,
tant en demande qu’en défense, à ses frais et risques, avec l’autorisation du
tribunal administratif, les actions qu’il croit appartenir à la commune et que
celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d’exercer »
(article L.2132-5 du Code général des collectivités territoriales, CGCT).
Cette « action en substitution » de la commune défaillante s’applique à toute
action en justice ouverte à celle-ci.
Il s’agit couramment d’une action devant le Juge répressif et, plus
précisément, d’une plainte avec constitution de partie civile (CE ass., 26 juin
1992, Monnier–Besombes, req. n°133901). Il peut s’agir également d’une
action civile (CE ass., 26 juin 1992, Lepage-Huglo et autres, req. n°137345 :
action en rescision pour lésion d’une vente) ou d’une action pour laquelle le
Juge administratif est compétent (CE, 22 octobre 1990, Bigot, req. n°54540).
La demande peut, en outre, concerner aussi bien l’action initiale, en
première instance, que l’exercice d’une voie de recours (CE, 22 octobre 1990,
Bigot, précité). Dans le second cas, il est en effet prévu que « lorsqu’un
jugement est intervenu, le contribuable ne peut se pourvoir en appel ou en
cassation qu’en vertu d’une nouvelle autorisation » (art. L.2132-7 du CGCT).
Ce mode des participations des contribuables à la démocratie locale est
toutefois susceptible de porter atteinte à la libre administration des
collectivités territoriales, en tant qu’elle fait intervenir le Juge administratif
dans leur sphère décisionnelle, voire au bon fonctionnement de la
collectivité, en tant qu’il peut susciter des recours abusifs. C’est pourquoi,
son usage doit rester exceptionnel. Tel est du moins le sens des règles qui
encadrent son exercice, ainsi que posées tant par les textes en vigueur que
par la jurisprudence. Ainsi : le contribuable doit être inscrit au rôle de la
commune ; l’action projetée doit être opportune pour la commune et avoir
des chances sérieuses d’aboutir ; la commune doit avoir préalablement
refusé ou négligé d’agir, pour permettre au contribuable de solliciter
l’autorisation du Juge administratif à qui il revient de contrôler la réunion
des éléments sus énoncés.
Observations : ce droit d’action en justice est également offert au contribuable pour les
actions appartenant à l’établissement public de coopération intercommunale (cf.
dispositions de la loi n°99-586 du 12 juillet 1999, codifiées à l’article L.5211-58 du CGCT),
au département (art. L.3133-1 du CGCT ; CE, 30 décembre 2002, Guenais et autres, req.
n°245739) et à la région (art. L.4143-1 du CGCT).
1. Les personnes pouvant être autorisées à agir au nom de la commune
Le droit de demander au Juge l’autorisation d’exercer une action
appartenant à la commune peut être accordé à toute personne, dès lors
qu’elle est en mesure de justifier de sa qualité de contribuable inscrit au rôle
de la collectivité. Cette condition est nécessaire et suffisante (CE, 16
décembre 1994, Casanovas, req. n°118546).
Aussi, un conseiller municipal peut agir en qualité de contribuable (CE, 22
juillet 1992, Avrillier, req. n°135976). De même, s’agissant du maire, et ce,
quand bien même le conseil municipal lui aurait précédemment refusé
l’autorisation de représenter la commune en justice (TA Limoges, 26 mai
1986, Lumet, Leb. p.439).
Par ailleurs, plusieurs contribuables peuvent présenter une demande
unique au Juge (CE ass., 26 juin 1992, Lepage-Huglo et autres, précité).
Mais, en ce qui concerne les groupements, une association de contribuables
n’a pas qualité pour faire une demande, si elle ne justifie pas de sa propre
qualité de contribuable inscrit au rôle de la commune (CE, 13 janvier 2003,
association de défense des contribuables Ansois, Donna-Erié et autres, req.
n°242768 et 242769 : l’association s’était bornée à produire un avis
d’imposition aux taxes locales établies au nom de son président).
Observations : « l’action en substitution » ne fait pas obstacle au droit de toute personne
lésée personnellement et directement par un crime ou un délit de porter plainte et de se
constituer partie civile (Cass. Crim., 9 novembre 1995, société d’organisation de loisirs et
spectacles, pourvoi n°94-85057).
2. L’intérêt de l’affaire
Le contribuable n’a pas à justifier d’un intérêt direct et personnel à l’action
(CE, 9 avril 1896, Cantayre, Leb. p.907). Cette dernière doit, en vérité,
remplir cumulativement deux conditions (CE, 26 juin 1992, Pezet et San
Marco, req. n°133901; 20 octobre 2004, synd interdépartemental pour
l'assainissement de l'agglomération parisienne, req. n°265403) :
- l’action projetée doit présenter des chances sérieuses d’aboutir ;
- elle doit être d’un intérêt suffisant pour la commune.
La demande d’action substitution doit, par conséquent, tendre à la défense
des intérêts matériels, et non moraux, de la collectivité (CE, 17 juin 1998,
Berger, req. n°192498). Les agissements susceptibles de mettre en cause la
responsabilité pénale d’élus (ou de tiers) ou de nuire gravement aux intérêts
pécuniaires de la collectivité légitime l’exercice par un contribuable des
actions appartenant à la commune, en tant qu’elles présentent un intérêt
suffisant. On en vaudra pour illustrations :
- l’action en répétition de l’indu à l’encontre d’une l’entreprise en raison
du caractère fictif des travaux, dès lors que, d’une part, le décompte
général du marché n’a pas acquis un caractère définitif et irrévocable
et que, d’autre part, l’action en justice n’est pas dépourvue de chances
de succès (CE, 23 mai 2001, Mailharro, req. n°221732) ;
- la mise en cause d’élus locaux qui ont obtenu des indemnités de
fonction au-delà de la réglementation applicable ou en l’absence de
délibération décidant le versement de ces indemnités (CE, 23 mai 2001,
cne de Fenouillet c/ Pascaud, req. n°220214) ;
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un permis de construire accordé à une société qui ne s’est pas acquittée
des obligations financières y afférentes (CE, 7 avril 1993, Trani, req.
n°137831) ;
- une indemnité d’expropriation excessive occasionnant un préjudice
matériel pour la commune (CE, 7 février 1994, Quémar, req.
n°147735) ;
- la cession à titre gratuit à une entreprise d’un terrain de 2.6 hectares
que la commune avait acheté 1.7 MF (CE, 30 avril 1997, cne de Cahors
c/ Mas, req. n°183379) ;
- le recrutement de plusieurs dizaines de personnes sur des emplois
soupçonnés d’être fictifs (CE, 26 mars 1999, ville de Paris, req.
n°202245 ; voir aussi : CE, 26 mars 1999, Coly et autres, req.
n°199481 ; CE, 23 mai 2001, cté urbaine de Lille, req. n°223055) ;
- des études non réalisées mais payées à des agents qui avaient été
licenciés pour écoutes téléphoniques (CE, 29 juillet 2002, Quémar, req.
n°237844).
Au contraire, le Juge considère que sont dépourvus d’intérêt suffisant :
- la mise en cause d’agissements imputés à des parents d’élèves inscrits
dans des écoles primaires de la commune (CE sect., 22 juillet 1992,
Neuilly s/Seine, req. n°137344) ;
- une plainte contre la vente d’un terrain de 30 m² à un prix qui serait
anormalement bas (CE, 13 mai 1994, Levais, req. n°150047) ;
- l’action visant à mettre fin à une occupation irrégulière du domaine
public d’ampleur limitée et sans préjudice pour la commune (CE, 27
mars 1996, Verrier, req. n°163909) ;
- l’action en nullité de la transaction conclue entre la ville et son
délégataire qui risque d’aboutir à ce que la ville soit tenue de verser à
son délégataire une indemnité supérieure à celle qu’elle s’est engagée à
verser dans le cadre de la transaction (CE, 29 décembre 2000,
Comparat, req. n°219918).
Quant à la condition tenant aux chances suffisantes de succès, le Juge
considère que l’action n’en est pas dépourvue, à propos :
- d’une demande d’action en rescision pour lésion (CE ass., 26 juin 1992,
Mme Lepage-Huglo et autres, précité) ;
- de la cession à titre gratuit à une entreprise d’un terrain de 2,6
hectares que la commune avait acheté 1.7 MF, eu égard à la nature des
liens existant entre le groupe industriel auquel appartient l’entreprise
et le maire de la commune (CE, 30 avril 1997, cne de Cannes c/ Mas,
précité).
Au contraire, sont estimés manquer de chance d’aboutir :
- une demande qui invoque un moyen non fondé (CE, 14 janvier 1998,
cne de St Vincent de Boisset, req. n°186042) ;
- une demande fondée sur des allégations non assorties des précisions
nécessaires pour en apprécier la portée (CE ass., 26 juin 1992,
Monnier-Besombes, précité ; CE, 30 avril 1997, Carrière, req.
n°182355) ;
- une demande qui fait état de simples soupçons sans apporter
d’éléments précis sur des infractions pénales qui auraient pu être
commises à l’occasion d’une opération dont la gestion s’est révélée peu
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rigoureuse (CE, 29 juillet 2002, ville de Marseille c/ Carrière, req.
n°239368) ;
l’action en nullité pour dol d’une concession d’aménagement (CE, 30
avril 1997, Carrière, précité).
La constitution de partie civile au nom de la commune : les demandeurs doivent préciser les
faits reprochés et/ou démontrer que les infractions ont causé un dommage à la commune
(CE, 13 janvier 2003, association de défense des contribuables Ansois et autres, précité ;
CE, 21 octobre 1998, association « Hero Conso » et Montmeza, req. n°192503 : il ne suffit
pas d’invoquer une infraction ; CE, 15 mars 1999, Lorentz, req. n°197033 : absence
d’éléments précis étayant les prétendus faits délictueux dénoncés). Le juge n’accorde pas
l’autorisation de plaider aux contribuables qui envisagent de se constituer partie civile :
alors que le préjudice communal n’est pas d’une importance suffisante (CE, 30 juillet 1997,
Emmerich et Simon Rossignon, req. n°182064) ; pour gestion de fait de deniers publics (CE,
14 janvier 1998, cne d’Hem c/ Vantroys, req. n°186453).
3. La procédure
Le contribuable, qui entend être autorisé à plaider pour le compte de sa
commune, doit préalablement inviter celle-ci à exercer elle-même l’action
contentieuse (CE sect., 22 juillet 1992, Grapin, req. n°134986 : la demande
doit être formelle). Il s’agit là d’une formalité substantielle, non
régularisable, à laquelle il ne peut être suppléé par la transmission
ultérieure du mémoire du contribuable (CE sect., 22 juillet 1992, Avrillier,
précité ; CE, 27 avril 2001, Lasserre, req. n°222290).
En cas de refus explicite ou implicite de la collectivité, le contribuable peut
alors saisir le Tribunal administratif, pour passer outre ce rejet. On relèvera
que la demande préalable n’a pas obligatoirement pour auteur le
contribuable qui saisit finalement le Tribunal (CE sect., 22 juillet 1992,
Grapin, précité).
Attention : si les textes ne prescrivent aucun délai pour saisir le Juge, le Conseil d’Etat a
posé que le contribuable ne peut contester le refus de la commune que « dans un délai qui, à
défaut de prescriptions spéciales, ne peut être autre que le délai de droit commun de deux
mois régissant normalement le recours formé devant une juridiction administrative, lequel
est applicable alors même que le tribunal administratif statue en la forme administrative »
(CE, 15 janvier 1999, O’Neilly, req. n°1996248).
L’article L.2132-6 du CGCT prévoit que « le contribuable adresse au
tribunal administratif un mémoire détaillé », à peine d’irrecevabilité (CE, 4
novembre 1992, cne de Yerres c/ Prats, req. n°137869). « Le préfet, saisi par
le président du tribunal administratif, transmet immédiatement ce mémoire
au maire, en l’invitant à le soumettre au conseil municipal » (art. R.2132-1
du CGCT). « Le maire soumet ce mémoire au conseil municipal lors de la
plus proche réunion tenue en application des articles L.2121-7 et L.2121-9 »
(art. L.2132-6 du CGCT).
Attention : l’engagement par la collectivité de l’action demandée, entre la demande et la
décision du Tribunal fonde le refus d’autorisation (CE ass., 26 juin 1992, Le Mener, req.
n°137343).
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Le tribunal administratif, qui statue en la forme administrative, a deux
mois pour rendre sa décision, cette dernière devant être motivée en cas de
refus d’autorisation (art. R.2132-1 du CGCT ; CE, 13 octobre 2003, cne de
Beaurieux, req. n°253701). A l’expiration du délai, il est dessaisi et ne peut
plus statuer sur la demande qui a fait l’objet d’une décision implicite de
rejet.
Quant au rôle du Juge, en aucun cas il ne peut se substituer au Juge de
l’action (CE, 15 janvier 1999, Bernard, req. n°193292). Il doit s’en tenir à
examiner si le contribuable est recevable en sa demande (cf. ci-avant sur
l’intérêt à agir) et, notamment, si la commune a effectivement refusé
d’exercer l’action en cause (CE, 29 décembre 1995, Union pour la sauvegarde
des intérêts des contribuables et du patrimoine Cabourgeais et autres, req.
n°161372).
A cet égard, la commune ne peut être considérée avoir refusé ou négligé
l’action demandée, dès lors qu’elle s’est régulièrement constituée partie
civile pour les faits dénoncés (CE, 30 avril 1997, Voguel, et Jarry, req.
n°181658). De même, la « substitution » peut être refusée lorsque la
commune ne s’est pas désintéressée de l’affaire et a mis en œuvre des
moyens non juridictionnels pour y mettre fin (CE, 7 avril 1993, Trani,
précité ; CE, 28 juillet 1999, syndicat des hôteliers, cafetiers et
restaurateurs de Val d’Isère, req. n°202144). Est, au contraire, défaillante la
commune qui a engagé l’action sollicitée par un contribuable, celle-ci
s’avérant, en réalité, destinée à rendre impossible l’action du contribuable
(CE, 13 octobre 2003, Predon, req. n°253804).
Observations : le Juge administratif, qui se prononce au vu des éléments qui lui sont
fournis, peut revenir sur un rejet d’autorisation de plaider, lorsque le contribuable formule
une nouvelle demande, en produisant cette fois de nouvelles pièces (CE, 26 mars 1999, ville
de Paris, req. n°202245).
« Lorsque le tribunal administratif ne statue pas dans le délai de deux mois
ou lorsque l’autorisation est refusée, le contribuable peut se pourvoir devant
le Conseil d’Etat », dans le mois qui suit (art. R.2132-2 et R.2132-3 du
CGCT). Ce dernier, qui a théoriquement trois mois pour statuer, pourra se
fonder sur des éléments survenus même postérieurement à la décision du
tribunal (CE, 29 juillet 1994, Ghis et autres, req. n°154682 et 154781).
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