La matrice des styLes de pLacement

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La matrice des styLes de pLacement
La matrice des styles
de placement
– De la substance au style
PAR Pierre Collins, CA, CFA,
conseiller principal
Pavilion Groupe Conseils MC
Nous avons tous vu la fameuse matrice des styles de
placement, qui place la capitalisation (grande, moyenne,
petite) sur l’axe vertical et le style (Valeur, Mixte (Core),
Croissance) sur l’axe horizontal. La plupart des investisseurs
institutionnels l’utilisent comme base pour créer une structure
de portefeuille diversifié en recourant à des gestionnaires
appartenant aux différents styles – de la croissance à la
valeur et des petites aux grandes capitalisations. Trouver
des gestionnaires de placement pour chaque case est ainsi
devenu une activité florissante et un sujet d’intenses débats
dans notre secteur. Et les termes « croissance » ou « valeur
» restent les plus fréquemment utilisés pour qualifier la
stratégie d’un gestionnaire de capitaux.
Russell a lancé les indices Russell 1000 (grandes
capitalisations) et Russell 2000 (petites capitalisations)
en 1984, puis, en 1987, les indices Russell 1000 Croissance
et Russell 1000 Valeur. Par la suite, en 1992, Morningstar a
présenté la matrice à neuf cases (3 x 3) et au cours des 20
dernières années, cette vision des styles d’investissement
s’est bien enracinée dans notre secteur. Mais les recherches
et le débat sur les « styles » de gestion de placement
ont commencé bien avant. Ben Graham et David Dodd,
auteurs du livre Security Analysis, sont largement reconnus
comme les pères de « l’investissement valeur » en 1934.
Cinq ans plus tard, Thomas Rowe Price Jr. publiait un
article intitulé « Picking Growth Stocks » (la sélection
d’actions de croissance) pour Barron’s, qui vantait les
vertus de l’investissement dans des actions présentant
une « croissance sous-jacente des bénéfices » favorable à
long terme en dépeignant les actions de valeur chères à
Graham et Dodd comme des titres de sociétés parvenues
à maturité ou en déclin. Il est intéressant de noter que tout
en concentrant leurs recherches sur la valeur intrinsèque,
Graham et Dodd soulignaient l’importance des « facteurs
de valeur future », en d’autres termes, de la croissance. De
la même manière, bien que M. Price préférait clairement
les actions présentant des perspectives de croissance
intéressantes, son article relevait aussi qu’il y a des limites à
que l’on devrait payer pour la croissance. Par conséquent,
alors qu’on pense parfois que valeur et croissance sont
mutuellement exclusives, en réalité, les deux notions sont
importantes pour déterminer les perspectives d’une action.
C’est généralement la prédilection pour l’un ou l’autre qui
différencie les stratégies de placement.
Au cours des années qui ont suivi, la question des styles
Valeur ou Croissance a été analysée et débattue en
profondeur et divers termes – Grande valeur, Valeur relative,
Croissance à un prix raisonnable et Croissance dynamique –
sont apparus pour décrire les variantes de ces approches et
distinguer les « degrés » de valeur ou de croissance intégrés
dans chaque stratégie de placement. Si ces désignations
sont parfois utiles, elles réduisent la perception des actions
et des styles de placement à une réalité bidimensionnelle,
allant de grande à petite et de valeur à croissance. Mais
si, chez Pavilion, nous devions oser une appréciation de la
matrice des styles de placement, nous la qualifierions d’«
incomplète »; nous savons d’expérience que les styles de
placement ne peuvent pas être catégorisés aussi facilement.
Pour le démontrer, nous nous sommes tournés vers
notre base de données exclusive sur les gestionnaires de
placements et avons sélectionné un de nos mandats les
plus fréquemment utilisés, celui des actions de sociétés
à grande capitalisation mondiales, pour illustrer notre
propos. Nous créons et maintenons des sous-ensembles
2
de notre base de données sur les actions mondiales en
classant les produits qu’elle contient en trois styles : Valeur,
Mixte et Croissance. Une analyse des rendements annuels
excédentaires (par rapport à l’indice MSCI Monde) des
gestionnaires de chacun de ces sous-univers révèle qu’il
existe une grande dispersion entre le gestionnaire du 25e
percentile et celui du 75e percentile – comme on le voit sur
la figure 1 ci-dessous :
Figure 1 – Différence des rendements annuels excédentaires des
gestionnaires d’actions mondiales actifs, par style
risque lié à la stratégie sous-jacente. La figure 2 ci-dessous
présente l’écart-type du 25e percentile, de la médiane et
du 75e percentile de nos univers mondiaux Valeur, Mixte et
Croissance et de l’univers Actions mondiales global.
Figure 2 – Écart-type des gestionnaires d’actions mondiales
actifs par style
Écart Type par Style sur 5 ans
(fin en Juin 2013)
20.0
19.0
Actions globales valeur - B.D. de Pavilion
Rendements annuels excédentaires
15.0
18.0
17.0
25th Percentile
75th Percentile
10.0
16.0
15.0
14.0
5.0
13.0
0.0
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
-5.0
11.0
10.0
-10.0
Valeur
Actions globales Core - B.D. de Pavilion
Rendements annuels excédentaires
15.0
25e percentile
25th Percentile
75th Percentile
10.0
5.0
0.0
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
-5.0
-10.0
15.0
12.0
Actions globales croissance - B.D. de Pavilion
Rendements annuels excédentaires
25th Percentile
75th Percentile
10.0
5.0
0.0
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
-5.0
-10.0
La différence annuelle moyenne entre le gestionnaire du
25e percentile et celui du 75e pendant cette période est
de 7,3 % pour l’univers Valeur, 5,6 % pour l’univers Mixte
et 8,5 % pour l’univers Croissance. Seuls les gestionnaires
Mixtes se classent sous la moyenne de 7,3 % de l’ensemble
de l’univers des actions mondiales.
Le style de placement, dans sa définition traditionnelle,
ne semble pas non plus être un indicateur puissant du
Core
Croissance
Médiane
Tous
75e percentile
Comme l’illustre la figure 2, il existe une différence
relativement importante de volatilité entre les gestionnaires
dans chacun des groupes de style, particulièrement en ce
qui concerne les sous-ensembles Valeur et Croissance.
Une partie des variations du rendement et de l’écart-type
peut certainement simplement être attribuée aux différences
entre les répartitions sectorielles, aux capacités de sélection
d’actions et au hasard. Mais les différences semblent trop
importantes et persistantes pour être imputables à ces
seuls facteurs. Par conséquent, les styles de placement
de la matrice Croissance/Mixte/Valeur semblent avoir un
pouvoir explicatif relativement limité des variations du
rendement des gestionnaires et des indicateurs de risque.
Il y a donc vraisemblablement d’autres facteurs de style
importants qui contribuent aux résultats d’un gestionnaire.
Et quels pourraient être ces facteurs ? Il existe bien entendu
de multiples autres composantes du style, mais l’une des
plus importantes et la plus fréquemment omise est la «
qualité ». La qualité est un terme subjectif qui peut être défini
de différentes manières, mais qui décrit habituellement
des sociétés possédant des bilans solides, ayant peu ou
pas de dettes et dégageant des résultats et des flux de
trésorerie stables, des marges bénéficiaires supérieures à la
moyenne et un rendement des fonds propres ou du capital
investi élevé. Inversement, les actions de moindre qualité
sont plutôt celles d’entreprises cycliques aux résultats
et flux de trésorerie volatils, appartenant à des secteurs
3
Pourquoi retenir la qualité comme dimension manquante
dans la matrice des styles de placement ? Nous savons
d’expérience que les indicateurs de qualité semblent parfois
mieux expliquer le rendement et le risque d’un gestionnaire
que la classification traditionnelle de valeur et de croissance.
Atlanta Capital écrivait dans un article en 2010 intitulé The
Third Dimension que :
[TRADUCTION] « En fait, la performance d’actions de
grande et de faible qualité peut avoir une influence
importante sur les caractéristiques de risque et de
rendement de l’investisseur, bien souvent plus grande
que l’influence que peut avoir la taille ou le style. »1
Comme preuve supplémentaire de l’importance de la qualité
comme élément du style, notons que Russell Investments,
le pionnier des indices Grande/Petite capitalisation et
Valeur/Croissance, a récemment lancé une nouvelle famille
d’indices, les indices de stabilité. Les indices de stabilité
comprennent des valeurs « défensives » à une extrémité du
spectre et des valeurs « dynamiques » à l’autre. Les facteurs
utilisés par Russell pour constituer ces indices comprennent
trois indicateurs de qualité (variabilité du bénéfice, effet de
levier et rendement de l’actif), ainsi que deux indicateurs de
la volatilité du cours des actions : la volatilité du rendement
total sur 52 semaines et la volatilité du rendement total sur
60 mois.
Mais la thèse de la « Qualité/Stabilité » comme style résistet-elle à une confrontation à la réalité des gestionnaires
d’actions actifs ? Nous avons testé notre théorie en analysant
notre base de données d’actions de sociétés mondiales de
grande capitalisation. Nous avons choisi les produits pour
lesquels existaient des antécédents de cinq ans et qui nous
présentaient leur composition dans un format approprié
pour une analyse systématique en utilisant StyleResearch
Portfolio Analyzer (un logiciel d’analyse de style et de
risque basé sur les positions). Nous avons ensuite réparti les
gestionnaires entre cinq quintiles de qualité en utilisant leurs
notes relatives pour quatre facteurs équipondérés, basés
exclusivement sur la composition réelle du portefeuille :
• rendement des fonds propres
• ratio bénéfice/chiffre d’affaires (marge nette)
• coefficient bêta du marché (basé sur le coefficient bêta
des actions détenues dans le portefeuille)
• ratio dette/fonds propres
Ayant groupé les produits en cinq quintiles de qualité (le
quintile 1 représentant les produits aux meilleures notes),
Figure 3 – Répartition des rendements annualisés sur cinq ans,
quintiles de qualité 1 et 5
Distribution des rendements annualisés
12
10
8
Fréquence
capitalistiques qui exigent un endettement élevé par rapport
aux fonds propres et ayant des niveaux relativement faibles
de rendement des fonds propres/du capital investi.
6
4
2
0
< 0%
0% - 2%
2% - 4%
Quintile de qualité 1
4% - 6%
6% - 8%
8% - 10%
> 10%
Quintile de qualité 5
nous avons ensuite analysé les rendements annualisés sur
cinq ans et les indicateurs de risque pour chaque quintile.
La figure 3 illustre la répartition des rendements annualisés
pour les quintiles 1 et 5.
Comme en témoigne la figure 3, l’indicateur de qualité
des produits présente une différenciation nette entre les
deux groupes. Les gestionnaires du quintile supérieur
étaient répartis relativement largement, mais avec une
prépondérance des gestionnaires dans la catégorie de 6 %
et plus (la médiane était de 6,2 %). Les gestionnaires du
quintile de qualité le plus bas étaient les plus représentés
dans la catégorie de 6 % et moins (médiane de 4,4 %).
Nous avons immédiatement vu que les rendements des
différents styles varient nettement avec le temps. Si les
produits de meilleure qualité ont dépassé les autres au
cours des cinq dernières années, il y a assurément eu des
périodes pendant lesquelles les stratégies plus « dynamiques
» ont dépassé les stratégies « défensives » (pour utiliser le
vocabulaire de Russell).
L’analyse des tendances de rendement donne une idée
de ce qu’est la qualité en tant que style, mais ce n’est
qu’en examinant les indicateurs de risque que ressortent
les différences entre les stratégies « défensives » et «
dynamiques ». La figure 4 présente la répartition à la fois
des écarts-types et du coefficient bêta, deux indicateurs
statistiques de la volatilité des rendements.
La figure 4 illustre clairement la différence dans les indicateurs
de volatilité entre les stratégies défensives (quintile 1) et
dynamiques (quintile 5). Là encore, en utilisant le spectre de
la qualité, les stratégies du quintile supérieur ont des écartstypes centrés entre 12 % et 16 %, avec une médiane à 14,3 %.
Presque toutes les stratégies du quintile le plus bas ont des
écarts-types supérieurs à 14 %, avec une médiane de 17,2 %.
L’indication du coefficient bêta nous présente une situation
1 - The Third Dimension, An Investors’ Guide to Understanding the Impact of “Quality” on Portfolio Performance, Brian Smith, Atlanta Capital
Management, mars 2010.
4
Armés d’une compréhension des divers aspects des styles
et des bons outils pour les évaluer, les investisseurs peuvent
mieux comprendre les compromis, les similitudes et les
différences entre les produits de placement existants et
potentiels. Qu’ils choisissent de créer des portefeuilles
mieux diversifiés ou concentrent leurs portefeuilles sur des
stratégies qui sont mieux alignées sur leurs préférences en
matière de risque, les investisseurs qui prennent la qualité/
stabilité des stratégies de placement en considération auront
une opinion plus nuancée et équilibrée des complexités des
styles de placement.
Distribution de l'écart-type
9
8
7
6
Fréquence
Ces résultats concordent nettement avec d’autres
recherches sur le sujet et corroborent l’idée que la qualité
est un composant important du style de placement. Certes,
il peut être aussi difficile d’évaluer la « qualité » relative
d’une stratégie que d’essayer de déterminer à quel point
du spectre valeur-croissance elle s’insère. L’analyse des
portefeuilles basée sur les positions détenues et un examen
du rendement et des mesures du risque historiques sont
certainement nécessaires, mais il faut aussi un examen
qualitatif de la philosophie du gestionnaire et un processus.
Figure 4 – Répartition de l’écart-type et du coefficient bêta sur
cinq ans, quintiles qualité 1 et 5
5
4
3
2
1
0
< 10%
10%-12%
12%-14%
14%-16%
Quintile de qualité 1
16%-18%
18%-20%
> 20%
Quintile de qualité 5
Distribution du beta
18
16
14
12
Fréquence
similaire, presque tous les produits du quintile 1 ayant un
coefficient bêta inférieur à 1,0 (médiane de 0,93), alors que
l’autre moitié des produits du quintile 5 ont un coefficient
bêta de 1,1 ou plus (médiane de 1,12).
10
8
6
4
2
0
< 0.6
0.6 - 0.7
0.7 - 0.8
Quintile de qualité 1
0.8 - 0.9
0.9 - 1.0
1.0 - 1.1
> 1.1
Quintile de qualité 5
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