Monsieur YAO MOÏSE - Tribunal de Commerce d`Abidjan

Transcription

Monsieur YAO MOÏSE - Tribunal de Commerce d`Abidjan
KBF/KF/AE
REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE
------------------COUR D’APPEL D’ABIDJAN
--------------TRIBUNAL DE COMMERCE D’ABIDJAN
--------------RG N° 374/2016
-------JUGEMENT CONTRADICTOIRE
du 24/03/2016
-----------Affaire :
Monsieur YAO MOÏSE
(Me AMANY KOUAME)
Contre
LA SOCIETE ORANGE CÔTE D’IVOIRE
(Cabinet LAGO & DOUKA)
---------------DECISION :
---Contradictoire
----
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 24 MARS 2016
Le Tribunal de Commerce d’Abidjan, en son audience publique
ordinaire du jeudi vingt-quatre mars de l’an deux mil seize
tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient :
Docteur François KOMOIN, Président du Tribunal ;
Madame ESSO Millie Blanche épouse ABANET, Messieurs
KACOU BREDOUMOU Florent, N’GUESSAN Gilbert, SILUE
Daoda, René DELAFOSSE et ALLAH-KOUAME Jean Marie,
Assesseurs ;
Avec l’assistance de Maître KONE Songui Adama, Greffier ;
Déclare Monsieur YAO Moïse irrecevable en
son action pour autorité de la chose jugée ;
A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre :
Reçoit la société ORANGE Côte d’Ivoire en sa
demande reconventionnelle en paiement de
dommages et intérêts ;
MONSIEUR YAO MOÏSE, de nationalité ivoirienne, né le 1er
janvier 1959 à Elibou S/P de Sikensi, Ex-agent des Eaux et
Forêts à la retraite, demeurant et domicilié à Elibou ;
L’y dit partiellement fondée ;
Condamne Monsieur YAO Moïse à payer à la
société ORANGE Côte d’Ivoire la somme de
cinq cent mille (500.000) F CFA à titre de
dommages et intérêts pour procédure abusive et
vexatoire ;
La déboute du surplus de sa demande ;
Demandeur ayant pour conseil, le Cabinet de Maître AMANY
Kouamé, Avocat près la Cour d’Appel d’Abidjan, demeurant et
domicilié en ladite ville, immeuble NANAN YAMOUSSO,
Escalier C, 1er étage, porte 110, 04 BP 454 Abidjan 04,
Tél /Fax. : 21.25.31.92 ;
Condamne Monsieur YAO Moïse aux dépens.
D’une part ;
Et ;
LA SOCIETE ORANGE CÔTE D’IVOIRE, Société Anonyme
avec Conseil d’Administration au capital de 4.136.000.000 F
CFA, immatriculée au Registre de Commerce et du Crédit
Mobilier d’Abidjan sous le N° CI-ABJ-1996-B-196.AS1, dont le
siège social est à Abidjan - Marcory, Boulevard Valery Giscard
d’Estaing, Immeuble « Le Quartz », 11 BP 202 Abidjan 11,
prise en la personne de son Directeur Général, Monsieur
BAMBA Mamadou, agissant ès-qualité audit siège social ;
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Défenderesse ayant pour conseil, le Cabinet LAGO & DOUKA,
Avocats près la Cour d’Appel d’Abidjan ;
D’autre part ;
Enrôlée pour l’audience du 28 janvier 2016, l’affaire a été
appelée ;
A cette évocation, ayant constaté la non conciliation des
parties, le tribunal a ordonné une instruction confiée au juge
KOUASSI Amenan Hélène épouse DJINPHIE et renvoyé
l’affaire en audience publique pour le 25 février 2016 ;
La mise en état a été clôturée par l’ordonnance n° 324 du 17
février 2016 ;
A l’audience susindiquée, l’affaire a été mise en délibéré pour
décision être rendue le 24 mars 2016 ;
Advenue cette audience, le Tribunal a vidé son délibéré
comme suit ;
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier ;
Ouï les parties en leurs fins, demandes et conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par exploit du 14 janvier 2016, Monsieur YAO Moïse a
assigné la société ORANGE Côte d’Ivoire à comparaître le
28 janvier 2016 devant le Tribunal de ce siège à l’effet de
s’entendre :
-
condamner à lui payer les sommes suivantes :
cent millions (100.000.000) de francs CFA au titre du
préjudice moral ;
cent neuf millions (109.000.000) de francs CFA au
titre du préjudice lié à la perte de matériaux ;
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cent dix-sept millions neuf cent mille (117.900.000)
francs CFA au titre de la perte de gains notamment
de loyers attendus ;
soit au total la somme de trois cent vingt-six millions neuf cent
mille (326.900.000) francs CFA.
Au soutien de son action, Monsieur YAO Moïse expose qu’il
est propriétaire de quatre (4) lots sis à Elibou à savoir les
lots 340, 341, 342, et 343 îlot 40 à cinquante mètres desquels
est implanté, côté nord, un pylône radioélectrique appartenant
à la société Orange-CI
Que le câble de la prise de terre tenant lieu de parafoudre du
pylône a été placé au milieu de ses lots ;
Que cette prise de terre conduit de l'électricité pendant les
jours d'orage si bien qu’il a dû arrêter les travaux de
construction de trois (3) maisons sur les dix (10) prévues ;
Que manifestement, cette situation qui dure depuis 1999 lui
crée un préjudice ;
Qu’il s'est adressé directement à la société Orange-Côte
d'ivoire pour un règlement amiable, mais celle-ci n'a pas
daigné donner suite à son offre, de sorte que le 12 décembre
2014, il a saisi l'A.R.T.C.I, l’autorité régulatrice du secteur de la
téléphonie en vue d'une médiation.
Qu’il sollicite, sur le fondement des dispositions de l’article
1382 du code civil, la condamnation de la société Orange Côte
d'Ivoire à lui payer des dommages et intérêts pour le préjudice
moral subi du fait de l'impossibilité dans laquelle il se trouve de
construire ses trois (3) maisons dont il a arrêté le chantier à
cause de la présence de la prise de terre ; cette situation ayant
terni sa réputation puisqu’il apparaît comme un indigent,
incapable de s’offrir un toit décent, alors qu’il a eu une vie
professionnelle assez fructueuse lui permettant de construire
les maisons susindiquées ;
Qu’il évalue le préjudice moral ainsi souffert à cent millions
(100.000.000) de F CFA que la société ORANGE Côte d’Ivoire
doit lui payer ;
Qu’à cause de la société ORANGE Côte d’Ivoire, il a perdu les
matériaux qu’il avait prévus pour la construction des bâtiments
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qui n’a pu être réalisée ;
Que lesdits matériaux ont été évalués, à dires d’expert, à la
somme de cent neuf millions quatre cent quatre-vingt-huit mille
neuf cent dix (109.488.910) F CFA dont il demande le
remboursement à la défenderesse ;
Qu’il a subi un autre préjudice qui est la perte de gain sur la
période de novembre 1999 à novembre 2014 ; soit sur 15 ans.
Qu’en effet, il projetait de mettre en location les maisons qu'il
devait construire et qui n’ont pu être réalisées par la faute de la
société ORANGE Côte d’Ivoire ;
Que relativement au gain de loyers attendu, il totalise, à dires
d'expert, un manque à gagner de cent dix-sept millions neuf
cent mille (117.900.000) F CFA ;
Qu’il demande que la société ORANGE Côte d’Ivoire soit
condamnée à lui payer cette somme ;
Que c’est à tort que la société ORANGE Côte d’Ivoire invoque
le moyen d’irrecevabilité tiré de l’autorité de la chose jugée ;
Qu’en effet, les décisions invoquées par la société ORANGE
Côte d'Ivoire, en l’occurrence les jugements n°2622/05 CIV3/B
du 14 décembre 2005 et 656/CIV 1ère FB du 18 avril 2013 ont
été rendus entre ladite société et lui ; ces décisions ayant
tranché des demandes portant sur des préjudices nés de la
présence de piquet ;
Que dans la présente instance, la demande est relative à des
préjudices subis du fait de la présence d’une prise de terre
définie en électricité comme « L'ensemble du ou des
conducteur(s) enterrés et interconnectés entre eux et qui sont
donc au potentiel du sol (la terre électrique).» ;
Que sur les photos du site, cette prise de terre est couverte par
un bomier de terre ou barrette de terre qui est une lamelle
conductrice dévissable assurant la connexion entre la prise de
terre et le reste de l'installation ;
Que la demande actuelle ne porte pas sur la même cause de
préjudice invoquée dans les deux précédentes instances ;
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Qu’il ne s'agit pas des mêmes faits, même si les parties sont
les mêmes ;
Que dès lors, il n'y a pas d'autorité de la chose jugée, de sorte
que la présente action est recevable ;
En réplique, la société ORANGE Côte d’Ivoire indique que
dans le cadre de l'extension de son réseau téléphonique, elle a
installé une antenne relais sur un site à proximité du terrain de
Monsieur YAO Moïse ;
Que cette installation nécessitait la pose d'un piquet pour avoir
une référence par rapport à la résistance électrique de la terre ;
Que c'est dans ces conditions qu’elle a procédé à
l’implantation d'un piquet de terre sur le terrain de Monsieur
YAO Moïse avec le consentement de celui-ci ;
Que le site initialement prévu pour l'installation de l'antenne
n'étant pas approprié, elle a pris en location un autre terrain,
sur lequel l'antenne a finalement été installée, de sorte que le
piquet de terre posé sur le terrain de Monsieur YAO Moïse ne
lui était plus d'aucune utilité ;
Qu'ainsi, elle a envisagé de détruire ce piquet, mais s’est
heurtée à plusieurs reprises à l’opposition du demandeur
comme l'attestent les procès-verbaux de constat des 14 et 17
décembre 2004 ;
Que dans le cadre d'un règlement amiable, elle a proposé à
Monsieur YAO Moïse le paiement de la somme de cinq cent
mille (500.000) F CFA ainsi que l'enlèvement du piquet
litigieux ;
Que cette proposition lui paraissant insatisfaisante, Monsieur
YAO Moïse a saisi le Tribunal de Première Instance d'Abidjan
afin de voir condamner la société ORANGE Côte d’Ivoire à lui
payer la somme de vingt-six millions six cent cinquante mille
(26.650.000) F CFA, à titre des dommages et intérêts ;
Que suivant jugement civil n°2622/05CIV3/B du 14 décembre
2005, ledit tribunal a condamné la société ORANGE Côte
d’Ivoire à payer la somme de trois millions (3.000.000) de F
CFA à Monsieur YAO Moïse et donné acte à ladite société de
ce qu’elle consent à enlever le piquet litigieux sur le terrain de
celui-ci ;
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Qu'elle a exécuté la décision rendue à son encontre en
procédant à l'enlèvement du piquet de terre qu'elle avait
installé sur la propriété de Monsieur YAO Moïse et au
paiement effectif entre les mains du conseil de Monsieur YAO
Moïse de la somme de quatre millions quatre cent quarante et
un mille cinq cent vingt-cinq (4.441.525) F CFA représentant le
montant principal de la condamnation, les intérêts de droit, et
les frais d'huissier ;
Que, contre toute attente, alors qu'elle était en droit de croire
que le litige était définitivement réglé, la société ORANGE Côte
d’Ivoire a été à nouveau assignée par Monsieur YAO Moïse
suivant exploit en date du 09 mars 2012 au motif qu’il existerait
un second piquet qui aurait occasionné l'arrêt des travaux de
sa résidence pendant plus de douze (12) années ;
Que par jugement n°656 CIV1 FB du 18 avril 2013, cette
demande n'étant pas fondée, le Tribunal de Première Instance
d'Abidjan a débouté Monsieur YAO Moïse de son action ;
Qu'au lieu de relever appel de cette décision, Monsieur YAO
Moïse a préféré saisir l’Agence de Régulation, de
Télécommunication de Côte d’Ivoire dite ARTCI du prétendu
litige qui l'opposerait à la société ORANGE Côte d’Ivoire
suivant requête du 12 décembre 2014 ;
Que cette institution n’a pas accordé une suite favorable à
ladite requête ;
Que bien que le piquet ait été entièrement détruit en sa
présence comme l'attestent les constatations de l'huissier en
date du 1er octobre 2008, Monsieur YAO Moïse tente d’induire
le Tribunal de Commerce de céans en erreur en faisant état de
l'existence d'un câble de prise de terre ;
Que le fait que le demandeur ne fasse plus état d’un piquet
après la procédure initiée en 2012, alors qu’il n'indique
nullement que le second piquet a été détruit dans l'intervalle,
prouve que qu'il n'a existé qu'un seul piquet ;
Qu'en réalité, il n’y a jamais eu de second piquet, pas plus que
de câble de prise de terre ;
Que dans ces conditions, la juridiction de céans est priée de
constater que la présente action oppose les mêmes parties
concernées par les deux procédures antérieures tranchées par
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le Tribunal de Première Instance d’Abidjan ;
Qu’elle a le même objet que lesdites procédures, à savoir le
paiement de dommages et intérêts pour non enlèvement d'un
piquet de terre et ses accessoires en l’occurrence, la prise de
terre du parafoudre installée avec ce piquet.
Qu’elle porte sur la même cause que les deux précédentes
procédures, c’est-à-dire la responsabilité pour faute de la
société ORANGE Côte d’Ivoire sur le fondement de l'article
1382 du code civil ;
Qu’en conséquence, la présente action est irrecevable pour
autorité de la chose jugée ;
Qu'en tout état de cause, le piquet litigieux a été retiré depuis
2008 du terrain appartenant à Monsieur YAO Moïse comme
l'atteste le procès-verbal de constat du 1er octobre 2008 ;
Que partant, celui-ci ne peut alléguer un quelconque préjudice
moral puisque le piquet litigieux et la prise de terre inhérente
ont été enlevés de son terrain ;
Que par conséquent sa demande en réparation du préjudice
moral doit être rejetée ;
Que s’agissant de la demande en réparation des prétendus
préjudices liés à la perte de matériaux de construction,
Monsieur YAO Moïse ne fait pas la preuve de l'achat de
matériaux de construction d'une valeur de cent neuf millions
(109.000.000) de F CFA, encore moins de la perte desdits
matériaux ;
Qu'il doit être également débouté de cette demande ;
Que par ailleurs, pour constituer un préjudice, la perte de
chance doit être établie de manière certaine et non
hypothétique ;
Qu’en l'espèce, Monsieur YAO Moïse ne démontre pas qu'il
avait une chance réelle et sérieuse de parvenir à l’achèvement
des constructions qu'il projetait de réaliser sur son terrain et de
les mettre en location. ;
Que dans ces conditions, aucun préjudice tiré de la perte de
chance ne saurait être imputé à la société ORANGE Côte
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d’Ivoire ;
Que dès lors, Monsieur YAO Moïse doit être déclaré mal fondé
en sa demande en paiement de la somme de cent dix-sept
millions neuf cent mille (117.900.000) F CFA au titre du
prétendu préjudice résultant de la perte de chance ;
Que la présente assignation constitue la troisième procédure
judiciaire initiée par Monsieur YAO Moïse contre la société
ORANGE Côte d’Ivoire ;
Qu’elle est la preuve manifeste que Monsieur YAO Moïse
abuse de son droit d'ester en justice à l'encontre de ladite
société ;
Qu'en effet, il est clair que Monsieur YAO Moïse est de
mauvaise foi dans l'exercice de son droit d'ester en justice ;
Que ces procédures intempestives portent atteinte à l’image de
marque de la société ORANGE Côte d’Ivoire, et son
honorabilité a été également mise à mal en raison de la saisine
de l'ARTCI par le demandeur ;
Que ces actions fantaisistes ont contraint la société ORANGE
Côte d’Ivoire à débourser d'importantes sommes d'argent pour
assurer la défense de ses intérêts ;
Qu'elle sollicite par conséquent la condamnation de Monsieur
YAO Moïse au paiement de la somme de cent millions
(100.000.000) de F CFA pour procédure abusive et vexatoire ;
SUR CE
En la forme
Sur le caractère de la décision
La société ORANGE Côte d’Ivoire a conclu et fait valoir ses
moyens. Il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard ;
Sur le taux du litige
L’article 8 de la loi organique n°2014-424 du 14 juillet 2014
portant création, organisation et fonctionnement des
juridictions de commerce dispose que : « Les Tribunaux de
commerce statuent :
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- en premier ressort, sur toutes les demandes dont l’intérêt du
litige est supérieur à un milliard de francs CFA ou est
indéterminé ;
- en premier et dernier ressort, sur toutes les demandes dont
l’intérêt du litige n’excède pas un milliard de francs CFA. » ;
En l’espèce, l’intérêt du litige qui est de quatre cent vingt-six
millions neuf cent mille (426.900.000) F CFA, n’excède pas
1.000.000.000 de F CFA. Il convient par conséquent de statuer
en premier et dernier ressort conformément aux dispositions
de l’article 8 susénoncé.
Sur la recevabilité de l’action
Monsieur YAO Moïse sollicite la condamnation de la société
ORANGE Côte d’Ivoire au paiement de la somme de trois cent
vingt-six millions neuf cent mille (326.900.000) F CFA à titre de
dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de
l’installation par celle-ci d’une prise de terre sur sa parcelle de
terrain située à Elibou.
La société ORANGE Côte d’Ivoire fait observer que le Tribunal
de Première Instance d’Abidjan a déjà rendu deux décisions
relativement à la même demande opposant les mêmes parties
et portant sur la même cause. Elle conclut à l’irrecevabilité de
l’action de Monsieur YAO Moïse pour autorité de la chose
jugée.
Il est constant que suivant jugement civil n°2622/05CIV3/B du
14 décembre 2005, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan
Plateau a condamné la société ORANGE Côte d’Ivoire à payer
la somme de trois millions (3.000.000) de F CFA à Monsieur
YAO Moïse et donné acte à ladite société de ce qu’elle
consent à enlever le piquet litigieux sur le terrain de celui-ci.
Par jugement n°656 CIV1 FB du 18 avril 2013, ledit tribunal a
débouté Monsieur YAO Moïse qui l’avait saisi d’une demande
en paiement de dommages et intérêts dirigée contre la société
ORANGE Côte d’Ivoire appuyée sur le fait qu’il existe un
second piquet qui a occasionné l'arrêt des travaux de sa
résidence pendant plus de douze (12) ans.
Il ressort du procès-verbal de constat d’huissier en date du 1er
octobre 2008 que l’huissier commis par la société ORANGE
Côte d’Ivoire s’est rendu sur le terrain du demandeur et a
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mentionné ceci: « Etant sur les lieux à 14 heures 35 mns, avec
l’aide de Monsieur YAO Gnangoran Moïse, nous avons trouvé
le piquet de terre dans des fleurs. J’ai noté ce qui suit en
présence de YAO Gnangoran Moïse et de son épouse. Le
piquet de terre protégé avec du béton a été endommagé et
enlevé par messieurs OUATTARA Souleymane et KONATE
Issouf de la société AFTEL. Interpellé sur les faits, Monsieur
YAO Gnangoran Moïse déclare : « Je vous informe que
Orange a un autre piquet dans l’une de mes nouvelles
constructions, dont je charge le représentant d’Orange en la
personne de Monsieur TOURE Lanciné d’informer ses
supérieurs pour une nouvelle conciliation concernant ce
nouveau piquet, faute de quoi, nous allons nous retrouver
devant le Tribunal pour une deuxième fois ».
Il en résulte que suite au jugement en date du 14 décembre
2005 qui a condamné la société ORANGE Côte d’Ivoire à
payer des dommages et intérêts à Monsieur YAO Moïse, le
piquet litigieux protégé avec du béton a été enlevé du terrain
de celui-ci comme l’atteste le procès-verbal de constat
d’huissier susindiqué. Lors de ce constat, Monsieur YAO
Moïse a relevé l’existence d’un second piquet qui l’a amené à
initier une seconde action en paiement de dommages et
intérêts qui a été rejetée par le Tribunal de Première Instance
d’Abidjan.
Le Tribunal observe que ni au cours du constat d’huissier ni
lors de la première et de la seconde instance susvisées,
Monsieur YAO Moïse n’a fait état de l’existence d’une prise de
terre sur son terrain, mais uniquement de la présence de
piquets sur ce site.
En effet, il ressort du jugement 14 décembre 2005 du Tribunal
de Première Instance d’Abidjan que Monsieur YAO Moïse a
fait valoir au cours de cette instance que « l’implantation du
piquet de terre présente un véritable danger tant pour les vies
humaines que celles des appareils électroménagers au
moindre grondement de tonnerre pendant la saison
pluvieuse.»
Dans sa requête en date du 12 décembre 2014 adressée à
l’ARTCI visée dans son acte d’assignation, il écrit ce qui
suit : « Lors des travaux de construction d’habitation sur les
lots, courant février 1999, mon chantier fut arrêté parce que le
bon sol propice à l’implantation des bornes de mise en terre du
parafoudre du pylône se trouvait au beau milieu de mes
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lotissements. (…) La technologie utilisée à l’époque et qui est
toujours là entrainerait de graves désagréments allant même à
des électrocutions pendant les orages »
Il résulte de ce qui précède que le piquet de terre n’est pas un
ouvrage différent de la prise de terre dont le demandeur fait
cas dans la présente instance.
Or, il s’évince des pièces du dossier que le Tribunal de
Première Instance d’Abidjan a déjà rendu deux décisions
concernant des demandes en paiement de dommages et
intérêts en réparation du préjudice résultant de la présence de
ce piquet initiées par Monsieur YAO Moïse contre la société
ORANGE Côte d’Ivoire.
La présente action en dommages et intérêts introduite par
Monsieur YAO Moïse contre la société ORANGE Côte d’Ivoire,
oppose ainsi les mêmes parties, porte sur le même objet et est
fondée sur la même cause que les deux procédures jugées par
le Tribunal de Première Instance d’Abidjan en ce qu’elle
concerne la même installation du piquet de terre, contrairement
à ce que le demandeur prétend.
Il s’ensuit qu’il y a autorité de la chose jugée, de sorte que
l’action de Monsieur YAO Moïse doit être déclarée irrecevable
conformément aux dispositions de l’article 1351 du code civil.
Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle
La demande reconventionnelle en paiement de dommages et
intérêts pour procédure abusive et vexatoire formulée par la
société ORANGE Côte d’Ivoire tend à la réparation d’un
préjudice né du présent procès. Il y a lieu de la déclarer
recevable en application des dispositions de l’article 101 du
code de procédure civile, commerciale et administrative.
Au fond
Sur la demande reconventionnelle
La société ORANGE Côte d’Ivoire sollicite la condamnation de
Monsieur YAO Moïse au paiement de la somme de cent
millions (100.000.000) de F CFA à titre de dommages et
intérêts pour procédure abusive et vexatoire.
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L’action en justice est abusive lorsqu’elle est exercée dans
l’intention de nuire, relève d’une négligence caractérisée ou est
détournée de sa finalité sociale.
En l’espèce, la présente action initiée par Monsieur YAO Moïse
vise à la condamnation de la société ORANGE Côte d’Ivoire
pour un piquet implanté par celle-ci sur son terrain.
Or, il est constant comme susjugé que Monsieur YAO Moïse a
été indemnisé par la société ORNAGE Côte d’Ivoire pour les
mêmes faits à la suite d’une instance antérieure devant le
Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau.
Il s’ensuit que la présente action a été exercée par Monsieur
YAO Moïse dans une intention manifeste de nuire à ladite
société, d’autant plus que celui-ci avait été débouté par le
Tribunal Première Instance d’Abidjan Plateau d’une deuxième
procédure relative à un autre piquet.
Dès lors, la société ORANGE Côte d’Ivoire est en droit de
solliciter des dommages et intérêts pour procédure abusive et
vexatoire. Cependant, la somme de cent millions
(100.000.000) de F CFA réclamée est excessive. En tenant
compte des pièces du dossier et des circonstances de la
cause, il convient de la réduire à cinq cent mille (500.000) F
CFA et de condamner Monsieur YAO Moïse à payer cette
somme à la société ORANGE Côte d’Ivoire en réparation du
préjudice par elle subi, conformément aux dispositions de
l’article 1382 du code civil.
Sur les dépens
Monsieur YAO Moïse succombe en l’instance. Il y a lieu de le
condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en premier et
dernier ressort ;
Déclare Monsieur YAO Moïse irrecevable en son action pour
autorité de la chose jugée ;
Reçoit la société ORANGE Côte d’Ivoire en sa demande
reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts ;
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L’y dit partiellement fondée ;
Condamne Monsieur YAO Moïse à payer à la société
ORANGE Côte d’Ivoire la somme de cinq cent mille (500.000)
F CFA à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive
et vexatoire ;
La déboute du surplus de sa demande ;
Condamne Monsieur YAO Moïse aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an
que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER. / .
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