Lisez la lettre aux libraires

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Lisez la lettre aux libraires
LA FÊTE DE LA LIBRAIRIE PAR LES
LIBRAIRES INDEPENDANTS
Journée mondiale du livre et du droit d’auteur
Prenez date pour le samedi 23 avril 2016…
Chers confrères,
Depuis 18 ans, l’association Verbes a insufflé avec un succès désormais
incontournable un mouvement de terrain très exigeant : la Fête de la Librairie par les
libraires indépendants, version française de la Sant Jordi catalane, dans le cadre de la
journée mondiale du livre et du droit d’auteur.
Avec peu de moyens, notre association a créé une journée pour la
librairie indépendante qui fait référence en France, en Belgique mais aussi en Europe.
Notre San’t Jordi est devenue un rendez-vous consistant de l’année
littéraire rassemblant public, écrivains, éditeurs, journalistes, et vous, surtout,
libraires indépendants…
A ce stade, voici pour vous un bilan concis des grandes avancées
accomplies ensemble.
Si vous, libraires, depuis tant d’années, nous rejoignez fidèlement et de
plus en plus nombreux, c’est, je le suppose, que nous avons su vous représenter
d’une façon inhabituelle : un ton franc-tireur, une initiative qui surgit de notre
terrain, un éclairage juste sur les compétences et l’esprit de la librairie
contemporaine mais également un éloge des savoir-faire et des artisanats éditoriaux
ainsi qu’une transmission de la culture du livre. C’est aussi parce que cette journée
déplace de très nombreux lecteurs vers nos lieux de façon festive et qu’elle est
magnifiquement relayée par les médias.
Oui, il était impérieux pour nous, libraires, dans cette époque parfois
nébuleuse, de parler de notre métier hors champ avec les lecteurs.
Sans misérabilisme, en offrant un livre et une rose.
Nos retrouvailles avec vous se font toujours sous le signe d’une
créativité qui parfois nous dépasse et toujours nous stimule. Citons par exemple
cette libraire qui nous a raconté comment tous ses lecteurs s’étaient concertés pour
lui offrir, à elle, une rose…. Vous imaginez son émotion ! D’autres libraires, eux, se
sont occupés toute la journée de leurs clients, affublés d’une cape de superhéros…(Si vous êtes intéressés, nous avons constitué un dossier rassemblant un
grand nombre de vos initiatives).
A travers l’initiative de la San’t Jordi, j’ai perçu un nouveau phénomène,
assez inédit, qui fait écho à nos efforts et à notre ténacité. En effet, ce jour-là, une
foule de lecteurs viennent aussi témoigner avec une générosité spontanée de leur
reconnaissance intellectuelle envers leurs libraires de quartier. « Tenez-bon,
semblent-ils nous dire, votre présence ne nous est pas indifférente. » Ce moment
chaleureux dans nos librairies est inestimable et réconfortant.
Nous tenons également à vous remercier pour votre participation
financière vitale, qui s’ajoute à deux subventions d’état : CNL et Conseil régional d’îlede-France, sans oublier la très importante contribution, l’année dernière, de Véra
Michalski, présidente du groupe Libella : elle a financé la moitié du livre et nous a
offert la collaboration artistique prestigieuse de Frédéric Pajak. Enfin deux
partenaires nous sont fidèles : Artic paper, qui nous a fait cadeau de deux tonnes de
papier, et notre imprimeur, qui a baissé le coût de l’ouvrage, assez élevé cette
année. Tout cela nous a permis de professionnaliser notre équipe : un permanent
pendant six mois, une éditrice, un attaché de presse et les éditeurs partenaires (Actes
Sud et Flammarion pour la distribution), qui nous font bénéficier gracieusement de
leurs structures et services.
Cette manifestation, cette année encore, a rassemblé plus de 480
libraires en France et en Belgique francophone. Mais pas seulement, car nous
sommes heureux de vous annoncer, parmi les nombreuses évolutions de cette
année, l’arrivée des libraires suisses francophones !!!
En résumé, cette journée, pour chaque libraire, c’est la possibilité de
réaffirmer son combat complexe afin de protéger sa pratique, la diversité éditoriale
(l’Edition avec éditeurs), le droit des auteurs et les livres de papier.
Sa force, c’est que dans chaque ville, pour chaque lecteur, chacun de
nous invente selon son point de vente, son savoir-faire ou ses goûts culturels, des
actions qui donnent à son lieu, sur tout le territoire français belge ou suisse, une
visibilité et une unité militante.
C’est une journée de réflexion sur les différences possibilités
de « survivre » dans une époque marquée par une révolution numérique qui
bouleverse le rapport à l’écrit, à la lecture, aux autres…. Il faut, malgré la disparité
des situations, rassembler toute l’énergie d’entreprise dont nous pouvons faire
preuve dans la tourmente et mutualiser nos innovations afin d’évoluer sans tout
perdre….
Un de nos parti-pris est de valoriser auprès du public une production
éditoriale en dehors des dix meilleures ventes.
Car l’offre s’uniformise et ce phénomène est peut-être aussi à l’origine
de l’érosion de la fréquentation des librairies. L’industrialisation et l’invasion de faux
livres correspondant au « main stream » culturel, même chez de grands éditeurs,
tout cela a pu contribuer à émousser le plaisir des lecteurs.
Voilà pourquoi, nous, libraires indépendants devons travailler à
« sculpter » et sélectionner davantage notre offre en mettant sur le chemin des
lecteurs des ouvrages d’exception. On les retrouvera quand on leur proposera de
grands livres….
Un autre moteur de la san’t Jordi est la publication, chaque printemps,
d’un livre de création d’un tirage limité (23000 ex), distribué gratuitement tout au
long de la journée par tous les libraires à leurs clients.
En guise de rappel, voici ce que notre association Verbes a déjà publié
dans ce contexte, grâce à votre engagement à nos côtés : 3 lettres ouvertes aux
lecteurs qui aspirent encore à la liberté, un guide insolite de la librairie avec
libraires, un numéro hors-série de la revue XXI, Adrienne Monnier, éternelle libraire,
Eloge des cent papiers, Une saison en librairie, Libraires, regardez-vous dans le
papier, Un livre peut en cacher un autre et l’année dernière Une année dessinée….
Nous avons conquis une visibilité nationale qui nous a permis de
donner la parole à notre métier mais aussi à des lecteurs. De nombreux journaux ont,
en effet, éditorialisé leurs articles en proposant des portraits de lecteurs qui se sont
exprimés sur leur rapport au livre et à la librairie. Tout cela, pour nous, a été très
instructif.
Nous avons acquis une très importante reconnaissance médiatique
nationale ( cf. dossier de presse, sur demande ) : tous les J.T des chaînes nationales,
la matinale de France 2, un envoyé spécial de TF1 pour un reportage à Caen, sans
oublier, dans la même ville, un journaliste du Monde consacrant une pleine page
d’analyse sur le métier de la librairie. Tous les FR3 régionaux, France 24, BFMTV, et la
fameuse chronique d’Augustin Trappenard dans le « Grand journal » de Canal +,
toutes les radios du matin ou du soir, France Inter, Europe 1, RTL, France Culture, RFI,
France bleu, France Info, FIP, trois publicités dans Livres Hebdo(coût : 10 000€
chacune), sans oublier la quatrième de couverture qui coûte le double, une double
page dans le Parisien, la Une de Télérama Sortir…Tout cela sans régie publicitaire à
nos côtés !
Les médias ont imposé et mis au cœur de leur actualité cette journée en
lui donnant toute sa dimension.
Et pourtant, croyez-moi, ce n’était pas une cause gagnée d’avance de
faire parler sans cliché aucun de la librairie. A savoir, sans romantisme, sans
condescendance, sans affectivité…
Notre désir est d’amplifier cette dynamique et de défendre encore mieux
la cause des libraires, c’est pourquoi en 2016, nous ne devons pas reculer mais tenter
d’émerveiller encore nos fidèles partenaires et lecteurs!
Nous avons donc décidé de nous tourner vers les Editions Diane de
Sellier et de faire équipe avec elle afin d’élaborer un livre qui mette en valeur tout
son savoir-faire d’éditrice. Ce qui motive ce choix et m’a toujours intriguée, c’est la
façon singulière qu’elle a eu d’imposer son catalogue auprès des libraires et des
lecteurs. Son talent est d’inventer avec un immense succès un livre par an MAIS
chose rare, en cette époque d’industrialisation culturelle, c’est un livre qui contient
tous les livres en concentrant l’ensemble des artisanats et innovations techniques du
monde du papier. Pour nous, c’est un travail d’orfèvre, de la haute couture
éditoriale…
L’idée que nous désirerions mettre en avant cette année pour honorer
notre métier, c’est que ce sont les grands livres qui font les grands libraires et
fondent notre vocation. Notre ligne de force pour 2016 sera de défendre une offre
qualitative plutôt que quantitative.
Dans le cas de Diane de Sellier, il s’agit de perpétuer la transmission de
grands textes du patrimoine de l’humanité en nous ouvrant les portes de la culture
transversale et universelle. Elle en fait des trésors éditoriaux qu’il faut protéger et révéler
sans cesse pour réenchanter le désir de lecture en revenant à ses sources. Nous-mêmes,
libraires, revenons sans cesse aux classiques, à ces livres premiers, fondateurs, pour y affilier
les nouveautés.
Nous voudrions profiter de cette journée pour poser cette question au
lecteur : qu’est-ce qu’un livre ? Et défendre une haute idée de cet objet si
mystérieux…
Voilà ce que le numérique n’offrira jamais : des impressions, des papiers
extraordinaires, des typographies, des photogravures, des reliures, des rabats.
C’est cette sensibilité-là à l’égard de l’objet à laquelle nous ne voulons
pas renoncer ! Reparler de cet amour-là au public est vital aujourd’hui. Regardez les
éditions Toussaint Louverture, tous ses lecteurs nous parlent de l’excellence de sa
conception…Nous constatons ainsi, comme une sorte de contrecoup à un excès de
dématérialisation, leur regain de sensibilité pour les beautés de l’artisanat éditorial.
Donner vie aux livres en les assortissant de façon élective suscite la joie
des lecteurs qui entrent chez nous.
Notre projet avec elle est d’éditer de façon exceptionnelle L’âne d’or
ou les métamorphoses d’Apulée , auteur latin du 2ème siècle de notre ère. Un récit
initiatique consacré aux métamorphoses de l’âne et au culte d’Isis. Un grand
classique mais un peu méconnu.
Comme pour tous les ouvrages de sa collection, il y aura un dialogue
puissant entre le texte d’Apulée et des illustrations. Pour cet ouvrage, ce seront les
vitraux de Psyché de la galerie de Chantilly. (Ci-joints quelques extraits du livre à venir
.)
Autre belle victoire qui nous aidera à faire venir du public, je l’espère,
la contribution littéraire d’un contemporain et pas des moindres : Pascal Quignard. A
travers sa passionnante préface inédite que nous vous laissons découvrir, il nous fait
éprouver les méandres et les subtilités de ce texte….
En bonus et pour renforcer la vocation de la journée qui est de faire
connaître tous les métiers du livre, nous joindrons, comme dans les DVD, un vademecum résumant toutes les étapes qui ont permis à Diane de Sellier de le
concocter…
Nous ne souhaitons pas seulement offrir un beau livre mais rendre
visible et déplier didactiquement toutes les mains d’œuvre qui en font un objet
unique. L’importance d’un livre ne s’évalue pas seulement en terme de rentabilité :
ce que nous aimerions mettre en lumière, c’est sa véritable « plus-value »…
A travers cette collaboration avec elle, nous désirons offrir au lecteur un
livre qui lui donne envie de refaire collection et de construire chez lui une belle
bibliothèque. Et nous voudrions aussi lui faire accomplir un voyage vers son enfance,
qu’il puisse retrouver cet éblouissement frais, celui de recevoir un livre merveilleux,
qui n’a pas de prix…
Merci d’avoir compris combien notre cause méritait un espace privilégié
et combattif. Ne renonçons pas à capter nos lecteurs et ne désertons pas, parmi
toutes les diffusions existantes, la place unique de la librairie indépendante.
Toute mon équipe souhaite que ce nouveau projet soit une grande
journée de mobilisation ou chacun fera entendre son ardent professionnalisme et
son farouche attachement à nos valeurs.
Ne manquons pas ce nouveau rendez-vous qui se tiendra, notez-le bien
le samedi 23 avril 2016, et soyons nombreux car, vous le savez, nous avons le souci
de tous vous représenter…
Toutes mes amitiés, chers confères et encore merci de votre confiance !
Marie-Rose Guarniéri et toute son équipe
Association Verbes
Librairie Les Abbesses