les coordonnées culturelles du système audiovisuel australien
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les coordonnées culturelles du système audiovisuel australien
«Le Sud du Nord»*: les coordonnées culturelles du système audiovisuel australien Stuart Cunningham et Terry Flew . Le débat sur l’«exception culturelle», créé autour de l’OMC et de sa politique de Structure du secteur de l’audiovisuel australien libéralisation commerciale, ne devrait pas se limiter à une Les médias audiovisuels australiens se caractérisent par opposition entre l’Europe et les États-Unis, ou entre une prédominance des intérêts et de la logique du secteur l’anglais et les autres langues. La diversité culturelle privé et commercial, bien que nous trouvions une solide du monde audiovisuel est bien plus riche et plus histoire de subventions et de réglementations de l’état, et intéressante. Cet article porte sur la diversité une intervention réglementant les marchés depuis les culturelle du «monde anglais», plus concrètement, instances politiques. La radiodiffusion australienne possède sur la diversité culturelle du système audiovisuel une longue histoire de «système dual»: radio et télévision australien. L’Australie est un pays qui possède du service public et des services commerciaux, qui remonte apparemment beaucoup de points communs avec au début des années 1930. À cette époque, les deux les États-Unis et les autres pays de langue anglaise secteurs ont reçu les noms de classe «A» et «B», en de l’ancien régime britannique, mais en réalité il est fonction très ses «intellectuelles» ou «peu intellectuelles», ou si leur contenu la étaient des programmes d’information ou de divertissement différent coordonnées lorsqu’il sait culturelles. Ce ré-elaborer fait souligne complexité et la richesse des systèmes audiovisuels du monde entier, y compris ceux anglophones. des attentes de l’audience qui étaient (Johnson 1988). La télévision est née en 1956 conformément à cette logique du système dual, la première émission en Australie a eu lieu le 16 septembre 1956, coïncidant avec les Jeux Olympiques de Melbourne de cette année-là. En 1956, existaient deux canaux commerciaux à Sydney (TCN 9 et ATN 7) et deux à Melbourne (GTV 9 et HSV 7). Le service Stuart Cunningham de radiodiffusion publique, l’ABC (Australian Broadcasting Directeur du Centre d’Applications et de Recherche des Commission —plus tard Corporation) développait alors ses Industries Créatives de l’Université de Technologie de activités à Sydney et Melbourne. La couverture télévisuelle Queensland, à Brisbane, Australie s’est étendue progressivement à toute l’Australie depuis la fin des années 50. Les régions les plus éloignées [email protected] d’Australie, avec de grandes populations indigènes, ont enfin reçu le signal de télévision à la fin des années 80, au Terry Flew moyen des BRACS (Broadcasting to Remote Aboriginal Professeur adjoint et chef de la Faculté d’Industries Communities Services ou Services de Radiodiffusion aux Créatives, Médias et Communication à l’Université de Communautés Aborigènes Éloignées), après le lancement Technologie de Queensland,à Brisbane, Australie en 1985 du satellite AUSSAT, qui permit la connexion du réseau national de télévision. [email protected] Les médias australiens sont de nature hybride, mêlant les Monographique: «Le Sud du Nord»: les coordonnées culturelles du système audiovisuel australien 49 50 structures copiées sur le modèle britannique (BBC) et le de revues et maintient également un consortium avec modèle nord-américain (commercial). La radiodiffusion Microsoft, nineMSN, le site Internet le plus visité d’Australie. publique, donc, a été présente dans le système audiovisuel La possession de plus d’un moyen de communication est australien depuis ses débuts. L’ABC a été créé selon le limitée, chose qui entraîne une transcendance à la fonction modèle fourni par la BBC – le seul point de soutien de la de News Corporation à la télévision ouverte et empêche «créativité» tant dans les imaginaires conservateurs que Packer de bien s’entendre avec le contrôle du groupe de dans ceux populaires et innovateurs de l’époque. Cela, presse Fairfax, bien que, dans la pratique, les réseaux cependant, en d’interconnexion entre les principaux agents soient, de fait, comparaison avec le secteur commercial ouvert,avec des très vastes (Productivity Commission 2000). Malgré les indices d’audience atteignant presque les 20%, par rapport restrictions sur l’entrée de capital étranger dans les moyens aux 80% du secteur commercial ajouté. L’ABC peut être de communication australiens, tant la News Corporation considéré (dont a été comme un interlocuteur une expression secondaire importante du le directeur général, Rupert Murdoch, est nationalisme et la modernité culturelle, comme une force officiellement citoyen nord-américain) que le groupe Can vive en Australie et comme un instrument vertébral de la West, une multinationale canadienne qui possède des parts citoyenneté dans le cadre d’une «culture commune» de majoritaires de Ten Network, ont pu exercer leurs activités liens spatiaux d’une nation géographiquement grande et «hors de portée» des contrôles législatifs officiels. disséminée. Néanmoins, ce serait une erreur de la À ce système dual consolidé s’ajoutent de nouveaux considérer comme un prolongement de «haute culture» du éléments significatifs. Le Special Broadcasting Service système de radiodiffusion, étant donné qu’elle a toujours (SBS), qui a commencé ses émissions en 1980 a été fondé veillé à maintenir un équilibre entre les obligations du autour d’une stratégie politique «descendante» pour la mise service public et celles de la popularité d’audience, surtout en place d’une société multiculturelle. Le SBS fournit une dans l’Australie régionale, où, pendant de nombreuses programmation en langue non anglaise à de nombreuses années, elle a été le seul fournisseur de services de médias communautés de langue non anglaise d’Australie, afin de audiovisuels (Craik 1991). Parmi les autres manifestations promouvoir la diversité culturelle dans la société du nationalisme culturel dans les médias audiovisuels, nous australienne. Il le fait aussi bien au moyen d’informations trouvons les mini-séries télévisées historiques des années sur l’immigration et le multiculturalisme que par le sous- 80, qui tentaient de préserver la mémoire populaire et titrage en anglais du matériel en langue non anglaise. renforcer le sentiment national de l’histoire australienne Conformément à une vaste interprétation de sa Charte de (Cunningham 1993). Il faut également parler de la politique service public, le SBS s’avère être un agent innovateur de de financement public des films à partir des années 70. programmation pour une audience culturellement variée, et Dans les deux cas, on a été tenté de combiner le succès non pas un ré-émetteur de la programmation en langue non commercial, qui est fondamental, et la construction d’un anglaise pour les différentes communautés d’immigrés. À la imaginaire collectif et d’une identité nationale (O’Regan fin des années 90, on pouvait dire que le SBS était devenu 1996). le service de radiodiffusion le plus dynamique et innovateur Les médias commerciaux australiens ont été dominés par d’Australie. Le gouvernement a également soutenu, de un petit nombre de dynasties familiales. D’une part, nous façon sporadique, les initiatives «ascendantes» dans le trouvons la News Corporation de Rupert Murdoch (qui secteur de la radiodiffusion communautaire, un soutien représente 70% de la production des quotidiens australiens, spécialement solide pour ce qui est de la radio, mais qui a qui est l’actionnaire majoritaire du service de télévision eu des résultats bien plus ambivalents pour ce qui est de la payante études télévision (Rennie 2002). Cette évolution a eu lieu à côté cinématographiques de la Fox à Sydney). Et d’autre part, la d’une nouvelle commercialisation des moyens de commu- Publishing and Broadcasting Limited (PBL) de la famille nication, avec la naissance de la télévision payante en Packer, propriétaire de Nine Network, qui domine le secteur 1995, qui actuellement dépasse les 20% d’audience (Flew de la télévision ouverte, possède des parts dans une série et Spurgeon 2000), et la déréglementation de secteurs qui FOXTEL et contrôle les Quaderns del CAC: Numéro 14 y sont liés, comme aujourd’hui les télécommunications. passé colonial britannique et de l’importance de la culture nord-américaine du XXème siècle. Ainsi, ce film illustre un processus de ré-élaboration culturelle bien adapté aux Les moyens de communication australiens et la globalisation demandes de l’industrie cinématographique mondiale contemporaine et en même temps aux demandes nationales. La culture des moyens de communication australiens a été Dans les années 1990, des films australiens comme Proof, très liée aux processus de globalisation depuis ses débuts. Muriel’s Wedding, Strictly Ballroom et Priscilla: Queen of the La télévision commerciale australienne de la première Desert ont illustré une forme de cinéma d’«exportation» qui époque se caractérisait par de hauts niveaux de s’est inspiré d’éléments culturels assez divers et programmation importée, concrètement des États-Unis; le éclectiques. Face à cette ligne, des critiques culturels Rapport Vincent de la télévision australienne montre que, comme Graeme Turner se sont demandés ce que l’on avait en 1962, 97% de la fiction télévisée émise par la télévision fait de ce «cinéma national» australien, exemple du australienne s’importait des États-Unis (Flew 1995). À côté nationalisme culturel de la politique cinématographique des réglementations sur le contenu local pour la télévision australienne des années soixante et soixante-dix (Turner commerciale, développées depuis le début des années 1994). soixante jusqu’à aujourd’hui et à côté également d’un audiovisuelle, la balance commerciale du secteur possède changement de préférences de l’audience vers les contenus un déséquilibre historique en faveur des importations. Le locaux, la télévision commerciale australienne est plus solde du déficit commercial culturel de l’Australie dépasse locale pour ce qui est de son contenu que celui qui existait les 3,200 milliards de dollars (1996-97), avec des il y a 30 ans. La réglementation sur les quotas de contenu importations de films, d’émissions de télévision et de vidéos australien établit que 55% de la fiction télévisée est de pour une valeur de trois fois les revenus pour l’exportation. production locale. D’autre part, la dépense Malgré le grand potentiel de l’exportation en On peut affirmer que «lorsque l’Australie s’est modernisée, programmation importée est tombée de 55% de la dépense elle a cessé d’être intéressante», c’est-à-dire intéressante totale en programmation à la fin des années soixante à 30% pour une intellectualité culturelle internationale et une à la fin des années quatre-vingt dix (Flew et Cunningham audience anthropologique (Miller 1994: 206). Deux facteurs 2001: 80). Face à ce fait, Tom O’Regan a affirmé que la ont rendu l’Australie «intéressante» à la fin du XIXème culture nationale et la globalisation se superposent, sont siècle et début du XXème siècle: d’une part, la différence concurrentes et se complètent l’une et l’autre (O’Regan culturelle a été radicalement «pré-moderne» de ses peuples 1993: 100). indigènes face à une culture coloniale transplantée des Bien que les réglementations sur le contenu local aient peuples blancs, et de l’autre, la croyance utopique des corrigé jusqu’à un certain point ce haut niveau de mêmes habitants britanniques que les idéaux de l’illustration dépendance de l’importation, l’Australie continue d’être européenne pourraient être transplantés à la Terra Nullius. considérée comme une «culture d’importation» ou bien une Les critiques culturels marxistes comme aujourd’hui Andrew culture particulièrement ouverte à l’influence culturelle Milner (1991) ont vu en l’Australie un cas d’étude mondiale, à cause de la langue anglaise et des solides liens intéressant du postmodernisme mondial, comme «une historiques et culturels avec les États-Unis et la Grande colonie de peuple européen qui tout à coup a débarqué Bretagne. L’analyse de Meaghan Morris (1988) sur le grand dans des eaux asiatiques inconnues et inexplorées par un succès national et international du film Crocodile Dundee de empire 1986, parle d’une «conventionnalité positive» au moment décadence» (Milner 1991: 116). Ces explications cachent la d’affronter le nationalisme culturel et l’économie mondiale transcendance d’une construction nationale propre et le de l’industrie cinématographique. Morris montre que projet de modernité entrepris en Australie au XXème siècle. Crocodile Dundee est un exemple du dynamisme de la De plus en plus, les masses acceptent facilement que culture australienne lorsqu’il s’agit de tirer parti de son l’Europe fournisse les modèles de la culture politique lointain Monographique: «Le Sud du Nord»: les coordonnées culturelles du système audiovisuel australien qui entre immédiatement dans la 51 nationale et que les états des «peuples blancs» semi- programmations des organismes de radiodiffusion de multi- périphériques, soient canaux en Europe, Asie et Amérique du Nord (Cunningham essentiellement un sous-produit culturel. Mais ils font, par 1996). Le secteur australien de la production télévisée a contre, attention à la position différente de l’Australie adopté des proportions mondiales pour ce qui est de son comme un produit historique des projets impériaux de la orientation des ventes et ses investissements depuis la fin modernité européenne, mais également géographiquement des années quatre-vingt. Bien que les programmes située en Asie Pacifique, probablement la région la plus australiens se soient vendus sur les marchés internationaux dynamique économiquement du XXI siècle. Ross Gibson avant les années quatre-vingt, lorsque Skippy the Bush (1992), dans le livre dont nous avons extrait le titre de cet Kangaroo était le succès le plus important, le modèle a article, décrit la nature ambivalente de l’Australie comme un évolué vers des contenus de qualité d’un budget beaucoup répétiteur diamétralement opposé entre l’Europe et l’Asie, le plus élevé, qui chaque fois mêlent des origines locales et local et le global, le «vieux» et le «nouveau», dans ces étrangères. D’autre part, certaines sociétés de production termes évocateurs : nationales élargissent leur base d’opérations en dehors de enfants de la colonisation Pendant 200 ans, la terre du Sud a été un objet trompeur l’Australie. Parmi les produits qui ont eu de bons résultats pour l’Occident. D’une part, il est démontrable que figurent les drames en série (feuilletons) comme Prisoner, l’Australie est une société «européenne», puisque nous Neighbours et Home and Away, des séries dramatiques de disposons d’une documentation exhaustive relative à ses meilleure qualité comme Water Rats, Murder Call et Blue débuts et à son évolution coloniale. Mais d’autre part, Heelers, des séries de dessins animés comme Blinky Bill, puisque la société et son habitat ont été vus (pendant bien des programmations infantiles comme Bananas in Pyjamas, plus de 200 ans) en Occident comme une partie d’un autre et le célèbre format de science et technologie Beyond 2000. monde fantastique, l’image de l’Australie adopte une Plus récemment, le documentaire The Crocodile Hunter a étrange bicéphale. Les occidentaux peuvent s’y reconnaître remporté un succès international notable grâce à sa en même temps qu’ils se trouvent attirés par une entité projection par The Discovery Channel, jusqu’à tel point que exotique et tordue, le fantôme nommé Australie. Les son présentateur, Steve Irwin, a consolidé une popularité occidentaux peuvent regarder le sud et se sentir «comme à internationale qui lui a servi à faire un film basé sur ses la maison», mais, puisque la région a également servi à prouesses et un épisode de la comédie animée des États- projeter les aspirations et l’anxiété européennes, l’Australie Unis South Park dans lequel le personnage Cartman a met également en doute les suppositions et les satisfactions adopté son rôle. pour lesquelles toute société ou tout individu se sent comme à la maison (Gibson 1992: x). C’est peut-être de par ses liens historiques et culturels avec la Grande-Bretagne et les États-Unis et la La législation du «localisme»: le quota de contenus australiens comme politique culturelle prépondérance de l’anglais que le cinéma et la télévision 52 australiens apportent des études de cas importants à tel La norme sur les contenus australiens exige que 55% des point que la sortie sur les marchés internationaux de la programmes émis entre 18h et minuit par la télévision communication suppose de «jouer à être américain» commerciale et 50% de tous les programmes émis soient (Caughie 1991). Tom O’Regan (1993) a parlé de la «double d’origine australienne. Cette norme sur le contenu local est face» de la télévision australienne, d’une part, avec des en vigueur en Australie depuis 1960, mais elle a évolué programmes peu onéreux importés et des subventions avec le temps, surtout dans la création de quotas créées pour la production locale en vertu d’un régime secondaires, basés sur un système de points qui pondère le normatif de quotas de contenu national pour la télévision coût des programmes et le temps d’émission pour ce qui est commerciale et, de l’autre, l’économie du secteur qui a de la fiction de production locale, la programmation infantile besoin de formats génériques pouvant être exportés comme et les documentaires. Son objectif principal est culturel et des programmes de remplissage de faible coût pour les est destinée à «promouvoir la fonction de la télévision Quaderns del CAC: Numéro 14 commerciale pour développer et refléter un sentiment 52, pour une analyse de cette argumentation). Dans la australien d’identité, de caractère et de diversité culturelle» pratique, peu de changements dans ce cadre de (citation de Productivity Commission 2000: 380), mais cela radiodiffusion se sont produits, bien que les conditions est également important en termes de développement de requises pour la production locale en publicité télévisée se l’industrie, puisque cela fournit un «terrain» pour la soient considérablement étendues. Plus récemment, la production locale qui fait concurrence au matériel importé Commission de Productivité, un organisme du Trésor Public moins cher. C’est également une condition normative que chargé de superviser la conformité de l’actuelle législation satisfont sans plus de complications les organismes de gouvernementale dans toute une série de secteurs avec les radiodiffusion commerciaux, bien que, de temps en temps, principes de la politique de concurrence nationale, a donné soit mise en doute la combinaison requise des types de son avis. Selon le Rapport de la Commission de programmes. Les arguments en faveur du quota de Productivité (2000), la Loi sur les services de Radiodiffusion contenus australiens ont attiré l’attention sur la différence de était déphasée, elle était administrativement complexe, coût entre la programmation locale et celle importée, sa contraire à la politique de concurrence et d’autres principes capacité de promouvoir la diversité et l’innovation dans la de la politique publique, et une base insuffisante pour production télévisée locale, la promotion d’une culture répondre aux défis de la digitalisation, la convergence nationale distincte au moyen d’une émission continue de technologique et les nouveaux services des moyens de programmes avec une «image australienne» et la communication. résistance à la dynamique globalisatrice de l’industrie et préoccupation quant à «une histoire d’accords politiques, l’«impérialisme culturel». Cela a également été considéré techniques, industriels, économiques et sociaux» dans la comme un instrument de la politique culturelle, surtout dans politique de radiodiffusion australienne, qui avait laissé «un les années quatre-vingt dix, lorsque les discours sur la legs du quid pro quos [qui] a créé un cadre normatif fermé politique culturelle ont établi une relation avec les cercles sur lui-même, non compétitif et restrictif» (Productivity académiques australiens (Cunningham 1992; Bennett Commission 2000: 5). La croyance de la Commission selon 1998; Bennett et Carter 2001). Il a également été dit que les laquelle l’intérêt public obtiendrait de meilleurs résultats en initiatives «pro-sociales», comme les quotas de contenu réduisant les barrières à l’entrée de nouveaux agents et en local, se sont appuyées historiquement sur un quid pro quo, encourageant une concurrence de marché plus importante dans lequel les organismes de radiodiffusion du moment ont n’a pas reçu le soutien du Gouvernement conservateur de reçu une protection face à de nouveaux concurrents poten- Howard, mais sa critique du status quo est continue tiels, au moyen de la Loi sur les services de radiodiffusion s’étendant suite au fracas de la stratégie du gouvernement de 1992 qui limite l’existence des trois canaux en une zone à promouvoir la transition de la télévision analogique à la déterminée. Le résultat de cette mesure est que les canaux digitale, qui a protégé en grande partie le secteur actuel des de télévision de la capitale ont eu des bénéfices moyens de émissions ouvertes. La Commission a exprimé sa 25-30% pendant la majeure partie des années quatre-vingt La position normative générale australienne envers les dix, trois fois la moyenne de l’indice des bénéfices de accords commerciaux internationaux est ambiguë pour ce l’industrie australienne dans l’ensemble (Flew 2002). qui est du secteur audiovisuel. La position de négociation Depuis la fin des années quatre-vingt, la viabilité du quota générale de l’Australie est très favorable au GATS et à la des contenus australiens a été analysée de façon libéralisation ininterrompue. La réforme de la législation audiovisuelle négociateurs commerciaux australiens conçoivent la nation qu’a supposée la Loi sur les services de radiodiffusion de comme une économie petite et ouverte qui bénéficie des 1992 a été défendue par les économistes néo-libéraux, tant accords commerciaux multilatéraux demandant un accès à l’intérieur qu’à l’extérieur du Gouvernement. Leurs thèses plus grand au marché de la part des nations et des régions affirmaient que les quotas ne sont guère plus qu’une plus importantes et potentiellement plus influentes. De plus, stratégie «pour faire de l’argent» de la part du secteur de la la perception négative de la répercussion du système production audiovisuelle (voir Cunningham 1992, pages 48- tarifaire sur la production a aidé à générer un consensus de Monographique: «Le Sud du Nord»: les coordonnées culturelles du système audiovisuel australien commerciale, étant donné que les 53 libre commerce ou, en d’autres termes, une alliance anti- même temps au cadre international. C’est un réflexe d’une protectionniste, à des niveaux plus élevés que l’esprit nation moyenne de langue anglaise qui est très perméable normatif australien. Sur la scène mondiale, l’Australie a aux influences culturelles importées et aux forces avancé dans la promotion des accords commerciaux globalisatrices, qui a tenté de convertir sa vulnérabilité multilatéraux comme la formation du «Groupe Cairns» des potentielle en capacité compétitive pour se faire une place nations qui défendent la libéralisation des marchés sur les marchés culturels mondiaux. La politique envers les agricoles mondiaux. En même temps, dans la Ronde secteurs du cinéma et de la télévision a essayé d’unir le Uruguay des négociations du GATS, les représentants du développement culturel et le développement industriel, en secteur audiovisuel ont exercé de fortes pressions parce partie au moyen de la subvention publique et la prestation que l’Australie libérait le secteur culturel de ses directe de services audiovisuels (surtout dans le cadre de la engagements les radiodiffusion publique), mais également au moyen de préoccupations des négociateurs commerciaux australiens finals du GATS, étant donné mesures qui structurent l’assistance publique dans des pour «compenser» des politiques comme les quotas de formes qui sont relatives aux objectifs de la politique contenu local avec un plus grand accès aux marchés culturelle, souvent implicites et non publics. Cela s’est agricoles nord-américains. Plus récemment, la décision du produit dans un contexte où le «jeu principal» de la politique Tribunal Suprême en 1998 relative à l’accord commercial gouvernementale a encouragé la déréglementation, la des Relations Économiques plus Étroites (CER) entre libéralisation du commerce et le multi-latéralisme. l’Australie et la Nouvelle-Zélande, a jugé que le matériel Tom O’Regan (2001) a observé que cet équilibre entre le produit en Nouvelle-Zélande devait être considéré comme national et l’international et le culturel et l’industriel, a donné «australien» en vue des quotas. Cette décision a concentré de bons résultats dans les secteurs audiovisuels australiens l’attention sur le fait qu’il soit possible que les objectifs jusqu’au milieu des années quatre-vingt dix, mais que normatifs destinés à encourager une identité culturelle depuis lors, cela a diminué. La recherche de la Commission australienne puissent être invalidés par les objectifs de la de Productivité sur la radiodiffusion a attiré l’attention sur politique commercial et les accords et traités internationaux. certains de ces conflits, puisque l’on va travailler dans un Bien que la répercussion de la décision sur la paradigme programmation télévisée australienne ait été minimum, dû connaissance et de contenu à l’échelle mondiale (cf. OECD au manque d’attraction de la programmation de Nouvelle- 1998). En comparaison, le secteur audiovisuel local se base Zélande pour les audiences australiennes, les critiques sur un paradigme de développement culturel, même si la pensent que les dispositions du CER sont une machine en notion de culture nationale australienne a perdu de la clarté puissance pour imposer la conformité avec le GATS et par rapport au passé, c’est-à-dire il y a maintenant 30 ans. d’autres dispositions stipulées par des organismes Ces questions contradictoires reflètent une bifurcation du commerciaux aujourd’hui secteur audiovisuel australien, étant donné que les l’Organisation Mondiale du Commerce. La position officielle productions qui se trouvent sous le contrôle financier et australienne est actuellement très ambiguë, puisque cela créatif étranger ont constitué une proportion de plus en plus tranquillise le secteur audiovisuel local pour ce qui est du grande de l’activité de production locale et que le maintien des quotas de contenu australien et, par contre, financement direct du gouvernement fédéral par les cela apporte un soutien au programme de l’OMC et à organismes cinématographiques et télévisés ont stagné ou l’Accord de Libre Échange avec les États-Unis. ont diminué (Flew et Cunningham 2001: 85-89). La «crise internationaux comme cohérent avec celui des secteurs de perpétuelle» (Craig 2000) de l’ABC, le creux insigne des organismes de radiodiffusion nationale et la croissance des Allons-nous vers une nouvelle configuration? productions cinématographiques «mondiales», telles que The Matrix, Babe: Pig in the City, les suites de Star Wars et 54 Le secteur audiovisuel australien a tenté de fournir un Mission Impossible II, semblent deux faces de la même contenu aux marchés intérieurs et de faire concurrence en pièce. De plus, à mesure que les discours des industries Quaderns del CAC: Numéro 14 créatives et la nouvelle économie gagnent de plus en plus d’importance dans la politique publique et que l’on prête de plus en plus d’attention au développement des services et du contenu en réseau, la rhétorique de la politique culturelle diminue. Le cadre de la politique culturelle sera plus dans les organismes de développement économique que dans * Notre titre rend hommage à un livre important -South of the West: Postcolonialism and the Narrative Construction of Australia, de Ross Gibson (1992)- qui reflète un grand nombre des traits culturels distinctifs de l'Australie et qui ne se livre jamais à la nostalgie par une barrière tarifaire culturelle ou la rhétorique simpliste de la globalisation. les organismes traditionnels de politique artistique (cf. Cunningham 2002). L’impulsion des initiatives de la politique culturelle en Australie a toujours été industrielle et culturelle en parts égales, bien que souvent ses partisans ait dû diminuer l’importance de la partie industrielle de l’équation. Au moment de penser à la possible répercussion de l’OMC et cela peut être avec un caractère très urgent, d’un accord de libre échange entre les États-Unis et l’Australie, les répercussions industrielles sont plus tangibles que les culturelles. Cela est dû, en partie, au fait que la nature multiculturelle de la société australienne tend à considérer la culture australienne comme une forme hybride ou une forme résiduelle (cf. Turner 1994). L’Australie a toujours été intégrée dans les circuits économiques, culturels et politiques mondiaux: la politique répercute principalement sur les conditions de ces négociations, et non pas la question de savoir jusqu’à quel point elle doit s’y intégrer. La répercussion de la globalisation sur les pratiques audiovisuelles de la terre du «Sud du Nord» concerne davantage ce qui est produit et les circuits par lesquels circule ce contenu culturel, que l’existence continue du secteur en tant que tel. Le paradoxe de la politique que l’on commence à entrevoir est que la garantie de la réglementation du contenu australien comme la pierre angulaire de la politique culturelle –la protection des organismes actuels de radiodiffusion des nouvelles sources de concurrence— peut comporter la stagnation du secteur et que le dynamisme de l’industrie audiovisuelle australienne peut surgir à partir des politiques qui risquent la viabilité du secteur australien en s’ouvrant davantage aux forces de la globalisation et à la concurrence. Traduit de l’anglais par Catherine Martin Monographique: «Le Sud du Nord»: les coordonnées culturelles du système audiovisuel australien 55 Bibliographie BENNETT, T. (1998). Culture: A Reformer's Science. Sydney: Allen & Unwin. BENNETT, T.; CARTER, D. (eds.) (2001). Culture in Australia: Policies, Publics and Programs. Melbourne: Cambridge University Press. CRAIG, G. (2000). "Perpetual Crisis: The Politics of Saving the ABC". 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