Commercialité et responsabilités civile, pénale et

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Commercialité et responsabilités civile, pénale et
J. sci. pharm. biol., Vol.8, n°1 - 2007, pp. 24-32
© EDUCI 2007
AMARI A.S.G1, 2
KABLAN BJ.1
COMMERCIALITE ET RESPONSABILITES CIVILE,
PENALE ET DISCIPLINAIRE DU PHARMACIEN EN
COTE D’IVOIRE
RESUME
Placé au centre des évolutions liées d’une
part à la modernisation de la profession
pharmaceutique et d’autre part aux
mutations sociales, le pharmacien voit
sa responsabilité juridique constamment
et régulièrement engagée, responsabilité
dont le niveau est davantage accru par
l’ambivalence de cette profession (profession
commerciale et profession de santé).
L’objectif de ce travail était de déterminer
la responsabilité engagée par le pharmacien
à l’occasion de sa profession à la fois
commerciale et de santé. Après avoir
examiné la commercialité du pharmacien,
nous en avons analysé les implications
relativement à la responsabilité du
pharmacien au regard de la législation en
vigueur en Côte d’Ivoire. Il ressort de ce
travail que, si la responsabilité engagée
par le pharmacien est directe et concrète
dans le cadre de l’exercice de la pharmacie
en officine, celle-ci se retrouve également
lorsque la pharmacie est exercée au sein
d’une entreprise exploitée sous forme de
société commerciale. Quel que soit son
domaine d’activité, le pharmacien engage
à l’occasion de son exercice une triple
responsabilité civile, pénale et disciplinaire,
doublée, du fait de la commercialité de
sa profession, d’une responsabilité de
type commerciale en rapport avec les
dispositions du traité pour l’organisation
et l’harmonisation en Afrique de droit des
affaires (OHADA) entré en vigueur depuis le
1er janvier 1998. La responsabilité juridique
du pharmacien s’est intensifiée et s’est
davantage complexifiée avec l’érection de
certaines dispositions juridiques rendues
nécessaires par les circonstances, mettant
en évidence la nécessité d’une prise de
conscience de celui-ci pour un meilleur
exercice de sa profession.
Mots-clés : Commercialité, Responsabilités,
Pharmaciens, Côte d’Ivoire.
1- Département de Galénique et Législation Pharmaceutique – UFR Sciences Pharmaceutiques et Biologiques ;
Université de Cocody-Abidjan, ([email protected])
2- Direction de la Pharmacie et du Médicament (DPM) – Ministère de la Santé et l’Hygiène Publique, Côte d’Ivoire.
SUMMARY
Placed in the center of the evolutions
related on one hand to the modernization
of the pharmaceutical profession and on
the other hand to the social alterations
changes, the pharmacist sees his legal
responsibility constantly and regularly
engaged, responsibility the level of which
is more increased by the ambivalence of
this profession (commercial profession
and profession of health). The objective of
this work was to determine the involved
responsibility by the pharmacist on
the occasion of its at the same moment
commercial profession and health. After
having examined the negotiability of the
pharmacist, we analyzed of them the
implications relative with the responsibility
for the pharmacist in comparison with
the legislation in force in Côte d’Ivoire. It
emerges from this work that, if the involved
responsibility by the pharmacist is direct
and concrete within the framework of the
exercise of the pharmacy in dispensary, this
one also meets itself when the pharmacy
is exercised within a company exploited
in the form of trading company. Whatever
is its sphere of activity, the pharmacist
engages on the occasion of his exercise a
triple liability, civil, penal and disciplinary,
doubled , because of the negotiability of his
profession, a commercial responsibility of
type in touch with the measures of the treaty
for the organization and the harmonization
in Africa of rights of businesses (OHADA)
come into effect since January 1st, 1998.
The legal responsibility of the pharmacist
became intensified and became more
and more complex with the erection of
certain legal capacities made necessary
by circumstances, bringing to light the
necessity of an awareness of this one for a
better exercise of its profession.
Key words : Negotiability, Responsibilities,
Pharmacists, Côte d’Ivoire.
INTRODUCTION
Avec le développement de la profession
pharmaceutique et une jurisprudence de plus
en plus étoffée de la responsabilité juridique
du pharmacien, il apparaît utile d’examiner
les possibilités d’extension de celle-ci en ce qui
concerne le pharmacien en Côte d’Ivoire. En
effet, aujourd’hui, le pharmacien, loin d’être
simplement le gardien du médicament est
un professionnel placé au cœur d’un réseau
relationnel qui, du fait des actes qu’il pose en
son propre nom ou au nom d’un employeur,
met constamment en jeu sa responsabilité à
l’égard des tiers.
L’objectif de ce travail était de déterminer
la responsabilité engagée par le pharmacien
à l’occasion de sa profession à la fois
commerciale et de santé.
Pour l’atteindre nous nous sommes fixé
comme objectifs spécifiques d’étudier la
commercialité du pharmacien au regard
des dispositions des Actes Uniformes
pour l’Organisation et l’Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires (OHADA), de
mettre cette commercialité en relation avec
l’exercice de la profession commerciale afin
d’en dégager les implications éventuelles sur
la responsabilité juridique du pharmacien
au regard des dispositions législatives et
réglementaires en vigueur en Côte d’Ivoire.
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METHODOLOGIE
Notre méthodologie a consisté dans un
premier temps à réunir la documentation
juridique en relation avec la responsabilité
juridique et la commercialité du pharmacien
Nous avons ensuite examiné l’évolution
textuelle du cadre juridique de la pharmacie
en Côte d’Ivoire en la comparant à celle
d’autre pays notamment de la France dont la
Côte d’Ivoire a hérité du droit pharmaceutique
après la colonisation.
L’étude des Actes Uniformes OHADA relatifs
au droit des sociétés commerciales «OHADA
1998 (a)» a permis d’établir un lien
entre la commercialité de la profession
pharmaceutique et l’intensification de ses
responsabilités dont nous avons déterminé
les principes et les évolutions par la mise en
relation des dispositions du code OHADA
avec les textes fondamentaux de la législation
pharmaceutique en Côte d’Ivoire.
Cet examen a permis de déceler des
changements relatifs à la responsabilité
juridique du pharmacien.
RESULTATS
Les principaux résultats de cette étude
peuvent être résumés dans les points
suivants :
1. LAQUALITE DE COMMERCANT DU
PHARMACIEN
Selon l’Article 2 des Actes Uniformes
OHADA relatifs au droit commercial général,
«ont commerçants ceux qui accomplissent
des actes de commerce et en font leur
profession habituelle, OHADA, 1998(b)».
Cette définition implique la répétition
des actes de commerce et suppose que le
commerçant tire de son activité les moyens
de sa subsistance.
Il importe dès lors de s’interroger sur la
nature des actes dont l’accomplissement
confère la qualité de commerçant.
L’article 3 des actes uniformes OHADA
relatifs Au droit commerciale générale donne
une classification des actes de commerce
dont les plus importants sont l’achat en
vue de la revente, les opérations bancaires,
les opérations de prestation de service, les
opérations d’intermédiation et les actes de
commerce par la forme représentés par les
sociétés commerciales.
● Le pharmacien, un commerçant ?
De tous les actes de commerce suscités,
hors mis les sociétés commerciales, l’achat
en vue de la revente constitue l’acte de
commerce par excellence et celui dont il
faut examiner la capacité à conférer au
pharmacien la qualité de commerçant.
Un bref examen des principaux domaines
de la profession pharmaceutique permet de
discriminer entre eux.
Le pharmacien biologiste n’achète
pas de marchandise pour les revendre.
L’appareillage technique nécessaire à sa
pratique et les accessoires nécessaires
à leur fonctionnement ne constituent
pas des éléments destinés à la vente.
Il est rémunéré pour son expertise en
matière de biologie médicale, il n’est donc
pas commerçant à moins que l’exercice
de la biologie médicale ne se déroule
dans le cadre d’une société commerciale
constituée, auquel cas, les actes posés
pourront être frappés de commercialité.
Le pharmacien fonctionnaire n’est pas
commerçant, la profession commerciale étant
incompatible avec le statut de fonctionnaire.
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Le pharmacien grossiste répartiteur ou
fabricant, exerce son activité généralement
au sein d’une entreprise constituée en
sociétés qui sont commerciales par la forme
«OHADA, 1998 (c)). La commercialité de ces
pharmaciens sera donc indissociable de celle
des sociétés dans lesquelles ils exercent.
Le pharmacien d’officine dont l’activité,
sauf les préparations magistrales
et officinales, consiste à acheter et à
revendre des médicaments dans le cadre
de la dispensation au patient, est, au
vu des dispositions du code OHADA, un
commerçant. En effet, les médicaments qu’il
achète sont destinés à la vente, l’intention de
revente est déjà présente au moment même
de l’achat et cette intention s’accompagne
toujours de la recherche d’un profit.
● Le pharmacien et les sociétés
commerciales
Les Actes Uniformes relatifs au droit
des sociétés commerciales définissent
principalement deux types de sociétés «OHADA,
1998(d)» :
personae (en vertu de la personne même) ;
elles se caractérisent également par une
solidarité parfaite et l’interdiction de
clauses léonines. Tous les associés ont, en
principe, la signature sociale
La société est gérée par un gérant
associé statutaire, gérant associé non
statutaire ou mandataire. Les SNC se
caractérisent enfin par l’intransmissibilité
et l’incessibilité des parts.
Le décès d’un associé entraîne en
principe la dissolution de la société mais
des clauses de continuation peuvent
être prévues, les autres causes de
dissolution étant la faillite, l’incapacité et
l’interdiction.
Dans les SCS on distingue deux
types d’associés : les commandités tous
commerçants et les commanditaires non
commerçants (y compris les mineurs, les
incapables et les interdits)
Les conditions de constitution sont les
mêmes que dans la SNC.
- les sociétés de personnes représentées
essentiellement par les Sociétés en
Nom Collectif (SNC) et les Sociétés en
Commandite Simple (SCS) ;
Deux époux peuvent être associés dans
une SCS à condition de ne pas être l’un et
l’autre des commandités .Seuls le ou les
commandités gèrent la société selon les
règles des SNC.
- les sociétés de capitaux que sont les
Sociétés à responsabilité limitées (SARL)
et les Sociétés anonymes (SA).
La cession des parts est possible mais
seulement avec le consentement de tous
les associés.
La constitution des SNC nécessite le
consentement d’au moins deux associés,
lesquels doivent tous justifier de la capacité
de commerçants. L’objet et la cause doivent
être licite et morale. Constatée par écrit
(statut), la société doit faire l’objet de
publicité dans un journal d’annonces
légales avec inscription au Registre du
Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM).
Le décès d’un associé entraîne en
principe la dissolution de la société mais
des clauses de continuation peuvent
être prévues, les autres causes de
dissolution étant la faillite, l’incapacité et
l’interdiction.
Deux époux ne peuvent être associés
dans une SNC puisque les associés
sont indéfiniment solidaires des dettes
sociales. Les SNC se constituent Intuiti
Qu’il s’agisse des SNC ou des SCS,
en cas de Liquidation de la société, la
personnalité juridique est maintenue pour
les besoins de la liquidation c’est-à-dire
régler le passif de la société, recouvrer
l’actif établir les comptes entre associés.
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A côté de ces deux types de sociétés il faut
mentionner les sociétés en participation
qui sont des sociétés occultes, sans
personnalité juridique malgré l’existence
d’un écrit (statut), et les sociétés créées
de fait qui se forment aux mépris des
dispositions classiques de constitution des
sociétés commerciales.
Les sociétés de capitaux se distinguent par
la prééminence des apports en numéraires
sur les considérations de personnes.
Les sociétés à responsabilité limitée
(SARL) se constituent dans le respect
des conditions générales de constitution
des sociétés commerciales. Ce sont des
sociétés qui présentent un caractère
hybride, à la fois sociétés de capitaux et
sociétés de personnes.
Le capital social doit être supérieur
ou égal à un million et le montant de la
part sociale supérieure ou égale à 5 mille
F CFA.
Les société anonymes (SA) sont les
sociétés de capitaux par excellence. Des
personnes appelées fondateurs vont se
charger de rechercher des actionnaires
qui vont apporter leurs capitaux en vue de
constituer le capital social. Le capital social
doit être supérieur ou égal à 10 millions
et le montant de la part sociale supérieure
ou égale à 10 mille F CFA.
2. EXPLOITATION D’ENTREPRISES
PHARMACEUTIQUES SOUS FORME
DE SOCIETES COMMERCIALES
Selon les principes énoncés par le décret
n°55-512 du 11 mai 1955, pris par le
gouvernement français, en application de
la loi n°54-418 du 15 avril 1954 étendant
aux territoires d’outre-mer, au Togo et au
Cameroun certaines dispositions du code
de la santé publique relatives à l’exercice
de la pharmacie, texte en vigueur en Côte
d’Ivoire «les pharmaciens sont autorisés
à constituer entre eux une société en
nom collectif en vue de l’exploitation
d’une officine (…) Les pharmaciens sont
également autorisés à constituer entre eux
une société à responsabilité limitée en vue
de l’exploitation d’une officine à condition
que cette société ne soit propriétaire que
d’une seule officine, quel que soit le nombre
de pharmaciens associés et que la gérance
de l’officine soit assurée par un ou plusieurs
des pharmaciens associés, Journal Officiel
de la République Française(a),1955 ».
Il ressort de ce texte que les seules
formes de sociétés en vue de l’exploitation
d’une officine de pharmacie sont la SNC
et la SARL ; et quant on intègre le fait que
les Actes Uniformes OHADA autorisent la
constitution de société commerciale par un
associé unique, il en résulte que les SARL
destinées à l’exploitation d’une officine
peuvent résulter soit d’un contrat soit de
la volonté unilatérale d’un associé unique,
la pluralité d’associés étant toujours exigée
pour la constitution des SNC malgré
l’élargissement de la législation.
Il en est autrement des autres domaines
de la profession pharmaceutique puisque
selon la réglementation en vigueur, «tout
établissement de préparation ou de vente
en gros, soit de drogues simples ou de
produits chimiques destinés à la pharmacie
et conditionnés en vue de la vente au
poids médicinal, soit de compositions
ou préparations pharmaceutiques doit
appartenir à un pharmacien et peut
également appartenir à une société à
condition que soient pharmaciens, dans
les sociétés anonymes le président et la
moitié plus un des membres du conseil
d’administration ; dans les sociétés à
responsabilité limitée et les sociétés en
commandite, tous les gérants ; dans
les autres formes de sociétés tous les
associés. Journal Officielle de la République
Française, 1955(b)».
Le capital de ces sociétés doit appartenir
en majorité soit à un ou plusieurs
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pharmaciens inscrits au tableau de l’Ordre,
soit à l’Etat. Dans tous ces secteurs desquels
il faut évidemment exclure les sociétés en
participation et les sociétés de fait qui n’ont
pas de personnalité juridique, la place du
pharmacien doit être prépondérante.
3. RESPONSABILITES ENGAGEES A
L’OCCASION DE LA PHARMACIE
Dans les sociétés pharmaceutiques, la
responsabilité personnelle du pharmacien
sera recherchée de façon spécifique à
l’occasion des actes qu’il pose en tant
que pharmacien. Cette responsabilité
est donc rattachée à sa fonction au sein
de l’entreprise. On parle de «pharmacien
responsable» ; cette responsabilité sera
détachée de celle de la personne morale
qui l’emploie.
Au demeurant, le pharmacien d’officine
est celui qui du fait de sa relation quotidienne
avec le malade engage directement sa
responsabilité à l’occasion de l’exercice de
sa profession.
Dans tous les cas, le pharmacien
commerçant engage dans l’exercice de sa
profession une quadruple responsabilité,
civile, pénale, disciplinaire et commerciale.
La mise en jeux de l’une de ces
responsabilités n’exclut pas celle d’une
autre ; on dit que les responsabilités sont
cumulatives et non alternatives.
«La responsabilité civile régit les rapports
d’une personne avec une autre personne à
laquelle cet acte a porté préjudice : l’auteur est
dit civilement responsable de cet acte lorsqu’il
est tenu de réparer le préjudice causé,
généralement sous forme de dommages et
intérêts ; la responsabilité civile correspond
ainsi à une réparation, Tisseyre-Berry M.,
1982 (a)». Cette responsabilité concerne
le pharmacien titulaire qui exerce en son
propre nom que les associés co-propriétaires
qui exploitent l’officine sous forme de société.
La mise en œuvre de la responsabilité civile
nécessite l’existence d’un préjudice causé
par une faute du professionnel.
«La responsabilité pénale régit les rapports
du professionnel avec la société dont il a troublé
l’ordre. Le fait générateur de responsabilité
est une infraction à un texte répressif.
L’auteur de l’acte est frappé d’une peine
qui peut correspondre à une privation de
biens (amende), à une privation de liberté
(emprisonnement) ou à une privation de
droit (par exemple interdiction d’exercer la
profession qui peut être prononcée comme
peine annexe), Tisseyre-Berry M., 1982 (b)».
Qu’il s’agisse de la matière pénale ou du
domaine civil, le pharmacien peut engager sa
responsabilité de son propre fait ou du fait de
ses préposés (responsabilité pour autrui).
Si les deux premières responsabilités
sont des responsabilités de droit commun,
la responsabilité disciplinaire résulte du
jugement des pairs. Le pharmacien aura
engagé sa responsabilité disciplinaire quand
il aura enfreint une règle de déontologie
pharmaceutique. L’appréciation de la faute
professionnelle se fait au cours d’une chambre
disciplinaire de l’Ordre des pharmaciens qui
est une véritable juridiction. Cette chambre
disciplinaire ne peut prononcer, selon la loi
n°60-272 du 02 septembre 1960 portant
création d’un ordre national des pharmaciens
de cote d’ivoire, que les peines suivantes
citées par ordre croissant de gravité (on
parle d’échelle des peines) : «réprimande,
blâme avec inscription au dossier,interdiction
temporaire ou définitive de servir une ou la
totalité des fournitures faites à quelques titres
que se soit aux établissements publics ou
reconnus d’utilité publique, au communes,
au département ou à l’Etat, interdiction
temporaire d’exercer avec une durée maximale
de cinq ans, et enfin l’interdiction définitive
d’exercer», Journal Officiel de la République
de Côte d’Ivoire, 1960.
Enfin, en tant que commerçant inscrit
au RCCM, le pharmacien engage sa
responsabilité commerciale tant dans ses
rapports avec d’autres commerçants que
dans ceux avec des non commerçants
dans les conditions énoncées par les
actes uniformes.
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DISCUSSION
l’opportunité d’une prescription voire de
Les évolutions enregistrées par la
refuser une délivrance lorsque l’intérêt
profession pharmaceutique se sont
de la santé du patient lui parait l’exiger
accompagnées d’une mutation des
(Fouasier, 2005), le droit de substitution
pratiques mêmes du pharmacien ; autrefois
constitue une certaine indépendance vis à
gardien du médicament chargé de réaliser
vis des prescripteur et cette « émancipation
des préparations magistrales et officinales
s’accompagne naturellement d’un
en veillant aux doses, le pharmacien est
accroissement du niveau de responsabilité
aujourd’hui de plus en plus celui qui
du pharmacien.
est chargé de dispenser des spécialités
modernes plus actives préparés dans des
En France, l’intensification et la
laboratoires de pays industrialisés. Sa
complexification croissante de la
responsabilité évolue, mais elle demeure,
réglementation pharmaceutique met encore
bien que de plus en plus complexe.
plus en évidence la responsabilité juridique
Certains aspects de cette responsabilité
du pharmacien : en 1995, pour la première
illustrent bien cette évolution.
fois, le nouveau code de la santé définit la
dispensation : «le pharmacien doit assurer
C’est le cas de la substitution en
dans son intégralité l’acte de dispensation
pharmacie en rapport avec la responsabilité
du médicament, associant sa délivrance,
du pharmacien d’officine. En effet, au
l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance
lendemain de la dévaluation du franc
si elle existe, la préparation éventuelle des
CFA, afin de favoriser l’accessibilité des
doses à administrer, la mise à disposition
populations aux médicaments dans le cadre
des informations et les conseils nécessaires
de la redynamisation de la politique des
au bon usage du médicament. Il a le devoir
médicaments génériques, des ajustements
particulier de conseil lorsqu’il est amener
de la réglementation pharmaceutique ont
à délivrer un médicament qui ne requiert
été rendues nécessaires. Ainsi au terme du
pas une prescription médicale. Il doit par
décret n°94-456 du 25 août 1994 fixant les
des conseils appropriés et dans le domaine
conditions dérogatoires relatives aux règles
de ses compétences participer au soutient
de délivrance des prescriptions de produits
apporté au patient» (Code de la santé
pharmaceutiques par les pharmaciens,
publique, 2002).
«les pharmaciens peuvent modifier une
prescription sans l’accord exprès et préalable
En janvier 2002 le décret n°2002/39
de son auteur (…) les pharmaciens peuvent
du 9 janvier 2002, JO du 10 janvier
délivrer un produit pharmaceutique, sous
de France) met en place une véritable
forme de générique ou de spécialité autre que
consultation pharmaceutique en faveur
celui prescrit, à condition que ledit produit
de la contraception d’urgence des
remplissent simultanément les conditions
mineures en autorisant la délivrance sans
suivantes : être composé des mêmes principes
ordonnance de contraceptifs après un
actifs,présenter la même forme galénique,
interrogatoire minutieux. (Journal Officiel
posséder le même dosage, avoir un prix
de la République Française, 2002)
inférieur à celui prescrit », Journal Officiel de
la République de Côte d’Ivoire, 1994.
En Côte d’Ivoire, comme d’ailleurs dans
bon
nombre de pays africains, le caractère
Bien que la portée de cette mesure reste
très
problématique de l’accessibilité aux
assez limitée sur le plan juridique en ce qui
structures
de santé et au médecin du fait
concerne l’opposabilité de l’ordonnance et
de la pauvreté des populations, a entraîné
le rapport médecin/pharmacien, puisque
le développement considérable du conseil en
pour le législateur et le juge le pharmacien
est toujours responsable de la dispensation
officine, assimilée dans l’esprit des patients
du médicament et qu’il lui appartient
à une véritable consultation. Même si le
en dernier ressort de se prononcer sur
pharmacien consciencieux se contera de
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prodiguer les conseils sollicités dans le
respect de la législation en vigueur et avec
le soucis constant du recours éventuel au
médecin le cas échéant, il faut reconnaître
que ce phénomène est bien de nature à
accroître la responsabilité juridique du
pharmacien non seulement de son propre
fait, mais aussi du fait de ses préposés dans
le cadre de la responsabilité pour autrui.
C’est pourquoi, il faut appeler à une plus
grande conscience professionnelle de bon
nombre de praticiens qui, en violation de la
loi n°62-249 du 31 juillet 1962 instituant
un code de déontologie pharmaceutique en
Côte d’Ivoire, qui prescrit en son article 11
que «l’exercice personnel de la pharmacie
consiste pour le pharmacien à préparer
et à délivrer lui-même des médicaments
ou à surveiller attentivement l’exécution
de tous les actes pharmaceutiques qu’il
n’accomplit pas lui-même»; Journal Officielle
de la République de Côte d’Ivoire, 1962».
se rendent coupables d’un absentéisme
dangereux dans leurs officines, mettant en
péril la santé des populations en les livrant à
des collaborateurs souvent insuffisamment
formés pour prendre en charge correctement
les cas qui leur sont soumis.
Dans les sociétés commerciales
pharmaceutiques, la responsabilité
spécifique des pharmaciens est de plus en
plus recherchée, qu’il s’agisse de l’implication
de la société dans le développement de la
vente illicite des médicaments (médicaments
de la rue), ou qu’il s’agisse, concernant
les fabricants, d’un dysfonctionnement
intervenu dans la gestion de la production
au regard des normes de bonnes pratiques
de fabrication (BPF).
Toutes ces évolutions vont dans le sens
d’une valorisation des actes du pharmacien
et devraient provoquer chez lui une meilleure
prise de conscience de sa responsabilité.
CONCLUSION
L’ambivalence de la profession
pharmaceutique (profession de santé et
profession commerciale) s’accompagne d’un
accroissement du niveau de responsabilité
du pharmacien, qui est directe et visible
lorsque celui-ci exerce à l’officine.
Le développement de la profession
pharmaceutique et les mutations socioéconomiques intensifient et complexifient
cette responsabilité mettant régulièrement
le pharmacien face à des situations où sa
responsabilité civile, pénale et disciplinaire
sont régulièrement engagées, sans oublier
le devoir d’assumer sa commercialité,
caractère souvent inséparable de ses
devoirs de santé publique.
A l’orée du troisième millénaire, le
pharmacien doit nécessairement prendre
conscience de toute sa responsabilité,
non pas pur s’inquiéter d’une possible
«judiciarisation» de son exercice, mais
pour intégrer davantage la dimension
juridique de ses actes pour mieux servir
la santé publique. Plutôt que comme un
faisceau de contraintes, cet accroissement
de ses responsabilités doit être perçu par
le pharmacien comme un moyen efficace
visant à le protéger.
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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Code de la santé publique (2002), Paris : Dalloz.
2. Foussier E. (2005) La responsabilité juridique
dupharmacien Ed. Masson, Paris. 153 p.
3. Journal Officiel de la République Française (1954)
Loi n°54-418 du 15 avril 1954 étendant aux territoires
d’outre-mer, au Togo et au Cameroun certaines
dispositions du code de la santé publique relatives a
l’exercice de la pharmacie en france.
4. Journal Officiel de la République Française (1955)
Décret n°55-1122 du 16 août 1955 fixant les modalités
d’application de la loi n°54-418 du 15 avril 1954
étendant aux territoires d’outre-mer, au Togo et au
Cameroun, certaines dispositions du code de la santé
publique relatives à l’exercice de la pharmacie.
5. Journal Officiel de la République de Côte d’Ivoire
(1960) Loi n°60-272 du 02 septembre 1960 portant création
d’un ordre national des pharmaciens de Côte d’Ivoire.
6. Journal Officiel de la République de Côte d’Ivoire
(1962) Loi n°62-249 du 31 juillet 1962 instituant un
code de déontologie pharmaceutique en Côte d’Ivoire.
7. Journal Officiel de la République de Côte
d’Ivoire (1994) Décret n°94-456 du 25 août 1994
fixant les conditions dérogatoires relatives aux
règles de délivrance des prescriptions de produits
pharmaceutiques par les pharmaciens.
8. Journal Officiel de la République Française
(2002) Décret n°2002/39 du 9 janvier 2002, portant
modalités de délivrance de contraceptifs aux mineures
par le pharmacien dans le cadre de la contraception
d’urgence.
9. Tisseyre-berry M. (1982) Abrégé de législation et
déontologie pharmaceutiques Ed Masson, Paris.
10. Organisation pour l’Harmonisation en Afrique
du Droit des Affaires (OHADA) (1998) Actes
Uniformes relatifs au Droit commercial général.
11. Organisation pour l’Harmonisation en Afrique
du Droit des Affaires (OHADA) (1998) Actes
Uniformes relatifs aux sociétés commerciales.
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