Plus que des routines et des transitions : des moments de vie

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Plus que des routines et des transitions : des moments de vie
Plus que des routines
et des transitions :
des moments de vie
Les enfants l’ignorent, bien sûr, mais ces habiletés et ces attitudes qu’ils développeront avant
l’âge de quatre ans représentent près de 50 %
de celles qui leur serviront durant toute leur vie.
Les activités de routine répondent à plusieurs
besoins de l’être humain : se sentir bien dans
son corps, aimé, compétent. C’est dire toute
l’importance qu’on doit leur accorder.
Il faut planifier ces moments de vie avec
autant de conviction que les autres activités.
De plus, compte tenu du temps considérable
qu’elles doivent leur consacrer, les éducatrices
ont tout avantage à modifier la façon de les
aborder. Elles en retireront davantage de satisfaction et de valorisation.
Nicole Malenfant1
Enseignante en
éducation à l’enfance
Collège Édouard-Montpetit
et Université de Montréal
C
ollation, repas, lavage de mains,
sieste, rangement et habillage
monopolisent beaucoup de
temps et d’énergie dans les centres de
la petite enfance (CPE) et les garderies.
Ces activités composent plus de 40 %
de l’horaire quotidien et jusqu’à 80 %
avec les bébés.
Comment éviter que ces nombreuses routines deviennent des corvées ? Comment veiller
au bien-être des enfants, tout
en s’occupant de soi comme
éducatrice ? C’est ce que nous
tenterons de définir à travers
une série d’articles2. Dans un
premier temps, voyons à quoi
servent les routines et ce qu’il
en est à l’occasion des repas
et des collations.
À quoi servent
les routines ?
Veiller aussi à sa sécurité
et à sa santé
Manger doit aussi offrir un moment de répit pour l’éducatrice. Bien sûr, il y a beaucoup à
faire pendant le dîner. Il existe des moyens pour
se faciliter la tâche et ménager son énergie sans
diminuer son efficacité.
Bien se placer pour
portionner. Par exemple,
l’éducatrice peut s’asseoir à la
table pour servir les assiettes. Les plats peuvent être
déposés à proximité sur une
table d’appoint, fixe ou roulante. Cette façon de procéder permet à l’éducatrice de
réduire ses déplacements,
d’assurer une meilleure surveillance des enfants et de
conserver un contact personnalisé avec chacun.
Collaboration des enfants. Graduellement avec les enfants plus vieux, il est possible
d’instaurer un système qui leur permet de se
Les activités de
routine répondent
à plusieurs besoins
de l’être humain :
se sentir bien dans
son corps, aimé,
compétent.
Après qu’ils se soient lavé
les mains, les enfants prennent place à table. Caroline
bavarde avec son éducatrice et attend d’être
servie pendant que Charlie distribue les verres. Parallèlement, Manuel s’applique à manger
son yogourt sans en laisser tomber, alors que
Chana s’efforce de demeurer bien assise sur sa
chaise, comme le veut la consigne.
Voilà donc des enfants en plein apprentissage de nombreuses habiletés de base : socialisation, parole, écoute, prudence, compréhension et respect des règles de la vie en groupe,
maniement des ustensiles, patience, alimentation, soin, etc.
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servir eux-mêmes. L’autoservice offre plusieurs avantages : plus grande participation des enfants, valorisation de leur autonomie,
moins de gestes à accomplir pour l’éducatrice.
Équipement confortable. Une chaise adaptée à la
taille adulte, mais à la hauteur des enfants, permet à l’éducatrice de s’asseoir à la
table dans une bonne position. Les enfants
doivent aussi bénéficier d’un mobilier confortable. Un long banc ne leur permet pas de s’adosser pour manger et les oblige à dépendre
des mouvements des uns et des autres. De
plus, cette situation augmente souvent le besoin de discipline, d’où tension et stress plutôt
que le calme recherché.
Désinfection. Une désinfection du couvercle de la
poubelle s’impose avant et
après les repas et les collations. Rien n’est plus contaminé qu’un couvercle de
poubelle en contact avec les
résidus de table, les couches et
les serviettes de papier souillées.
Le nettoyage de la table avant et
après avoir mangé est aussi de rigueur. Il est
recommandé de vaporiser le désinfectant directement sur le linge et non au-dessus de la surface à nettoyer. C’est la façon la plus sûre d’éviter l’inhalation du produit toxique très volatil.
Puis, il faut rincer la surface avant d’y déposer
de la nourriture. Faute de quoi, les enfants risquent de porter à leur bouche des particules
du nettoyant.
L’éducatrice bénéficie de la prévention des
infections dans son milieu de travail. En étant
elle-même moins exposée, en travaillant auprès d’enfants en santé, elle est plus susceptible
de retirer du plaisir de son travail.
Aïe, mes oreilles !
Pour que le moment de manger soit propice
à la détente, à la digestion et à l’échange, il faut
réduire au minimum le niveau sonore. La musique de fond omniprésente, même à faible
volume, le son de la télévision, les bruits d’appareils électriques, les émetteurs-récepteurs,
les voix autoritaires cherchant à imposer la
discipline, tous ces sons engendrent agitation,
irritabilité et recrudescence du bruit.
Plusieurs bruits peuvent être contrôlés. Par
exemple, recouvrir les pieds des chaises et des
tables avec des balles de tennis réduit considérablement le bruit. Des tables plus petites, rondes, rectangulaires, disposées en îlot facilitent
la surveillance du groupe. De plus, la proximité
favorise les discussions sans avoir à élever la
voix.
Bonnes chaussures. En portant des
chaussures qui recouvrent tout le pied, et non
des sandales, l’éducatrice protège ses pieds
d’éventuelles blessures.
Mesures d’hygiène. Se laver les mains, à
l’eau et au savon, avant et après avoir mangé
ou manipulé de la nourriture, réserver un évier
aux tâches reliées à l’alimentation, aérer le local
pour éliminer les odeurs de nourriture, autant
de mesures d’hygiène incontournables.
Un
peu de calme avant de manger
Pour favoriser le calme au début du repas, proposez un petit jeu de respiration (le
nez de cochon). Ça vous fera autant de bien qu’aux enfants ! Il s’agit de souffler lentement
par la bouche sur son index posé sur le bout de son nez, puis d’inspirer profondément
par le nez. On reprend le tout deux fois. Pensez aussi à abaisser le ton de votre voix,
surtout lorsque vous demandez aux enfants de le faire.
Vous pouvez aussi reprendre une formule comme « Bona bona pétit. Pétit péti bona.
Merci à qui ? À… ». Ou présenter une chanson : « J’entends dans mon ventre un petit
glouglou. Il me dit qu’est-ce qu’on mange, j’ai une faim de loup… » sur l’air de La peinture
à l’huile. Plusieurs idées d’animation et de chansons pour les collations et les repas sont
présentées dans le livre Routines et transitions en services éducatifs et sur le cédérom qui
l’accompagne.
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Santé au travail
et bien-être des
enfants
Dans certains services
de garde, plusieurs enfants
dînent ensemble dans une
grande salle à manger. Les
niveaux de bruit peuvent
alors atteindre des sommets très élevés ! Il convient
de se demander si ce fonctionnement répond aux besoins des
enfants. Faut-il le préciser, limiter le
nombre de personnes dans un même local diminue considérablement les interventions de
discipline et le bruit. L’imposition du chuchotement et du silence va à l’encontre des besoins
des enfants en âge d’apprendre à parler.
La course contre
la montre
Il importe d’ajuster le
déroulement des collations
et des repas aux besoins
des enfants plutôt que de les
déterminer selon un horaire
rigide ou des habitudes de travail
qui gagneraient à être remises en
question.Tous en tireront profit !
La santé au travail, ça commence par y
prendre plaisir. La routine des repas offre des
moments importants dans la vie des enfants.
Ces activités ne doivent pas
devenir des corvées pour les
éducatrices. Au contraire, il
convient d’adopter une approche positive : s’occuper
des difficultés plutôt que de
s’en préoccuper, agir au lieu
de réagir, cultiver sa bonne
humeur malgré tout ce qu’il
y a à faire. Il s’agit parfois de
modifier légèrement ses façons de faire pour en tirer
une grande satisfaction au
travail.
L’un des rôles
de l’éducatrice
consiste à faire des
collations et des
repas des moments
de détente et
de plaisir.
« Dépêche-toi ! » Les enfants ne devraient pas subir
nos contraintes d’horaire
établi à la minute près. Par
exemple, disposer d’une période de 15 minutes supplémentaires par rapport à l’horaire prévu du repas assouplit les échéances pour tout
le monde.
La sieste ne se termine pas à la même
heure pour tous les enfants ; il convient d’être
plus flexible dans le déroulement de la collation après le lever. Allouer un certain laps de
temps raisonnable peut leur donner la possibilité de suivre leur propre rythme. Les temps
d’attente autant que la pression exercée sur
les enfants pour se dépêcher créent des tensions qui peuvent être réduites en procédant
autrement.
RÉFÉRENCES
1. Nicole Malenfant est également l’auteure des livres
Routines et transitions en services éducatifs (2002) et
L’Éveil du bébé aux sons et à la musique (2004) publiés
aux Presses de l’Université Laval.
2. Dans le prochain article, il sera question des soins
d’hygiène. Plus tard, nous aborderons également la sieste
et les pauses pour terminer avec l’habillage.
Photos © Nicole Malenfant
Un changement d’attitude
peut faire toute la différence
LA SÉCURITÉ DES ENFANTS :
une priorité de
tous les instants
« Allez, mange ! » Il faut savoir que le goût de
manger ne se commande pas. Il est préférable
d’inviter l’enfant à goûter, sans insistance ni chantage, et de lui donner l’exemple en mangeant
avec lui.
L’un des rôles de l’éducatrice consiste à faire
des collations et des repas des moments de
détente et de plaisir. Animer un petit jeu d’observation, ajouter un brin d’humour ou présenter un rituel avant de manger, agrémenter le tout
de sourires et de regards bienveillants facilitent
le déroulement des collations et des repas. Ces
petites attentions relèvent d’une éthique de
travail importante dans la profession d’éducatrice.
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a sécurité des enfants chapeaute tout le travail de
l’éducatrice. Lors des repas, elle les amène à demeurer assis, s’assure qu’ils mastiquent et avalent bien la nourriture. Pour éviter tout risque d’étouffement, elle veille à
ce qu’aucun ne soit couché, coure, chante ou rie avec de
la nourriture dans la bouche.
L’éducatrice se positionne pour voir l’ensemble du
groupe. Elle peut ainsi décoder d’éventuels dangers par
le langage corporel d’un enfant. Par exemple, un enfant en
détresse respiratoire avec un aliment pris dans la trachée
n’alerte pas son entourage en criant ou en pleurant. Il demeure des plus silencieux, malgré la gravité de la situation.
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