Comités d`entreprise : comment renforcer votre démarche

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Comités d`entreprise : comment renforcer votre démarche
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Comités d’entreprise : comment
renforcer votre démarche RSE ?
La RSE est la responsabilité sociétale des entreprises. On peut parler plus largement
de la responsabilité sociétale des organisations pour intégrer les associations et les
comités d’entreprise.
Un comité d’entreprise peut agir pour la responsabilité sociétale de deux façons : en
participant à rendre son entreprise plus sociétalement responsable et en agissant luimême ainsi, c’est-à-dire en prenant en considération dans ses actions au quotidien
l’environnement économique, social, géographique et naturel. C’est ce deuxième levier d’actions, dont les élus ont la pleine maîtrise, qui retiendra toute notre attention
dans cet article.
Karim Bangoura
et Delphine
Lubrani,
Expertscomptables,
membres de la
commission CE au
Conseil régional de
l’Ordre des expertscomptables Paris
Ile-de-France
Une démarche plus volontaire d’un comité d’entreprise en matière de RSE peut se
matérialiser notamment à travers la sensibilisation des salariés à ces enjeux et une
gestion sociétalement responsable des achats, de la restauration collective et des placements financiers.
La sensibilisation des salariés à
la démarche RSE
Les comités d’entreprise sont de plus en
plus nombreux à s’engager dans une démarche en faveur du développement durable et jouent un rôle primordial dans la
sensibilisation des salariés aux bonnes pratiques individuelles et collectives pour préserver notre planète.
De nombreuses initiatives permettent d’informer, sensibiliser et modifier les comportements de chacun afin de poursuivre
une démarche « éco citoyenne » au sein
de l’entreprise. E-learning, conférences,
formations, concours, forums ou encore
théâtre sur mesure, les possibilités ne
manquent pas pour parler de RSE à des salariés qui, aujourd’hui encore, ont du mal à
appréhender ce concept.
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Les élus du personnel sont ainsi amenés
à piloter des actions ayant pour objet de
développer des programmes de sensibilisation aux valeurs du développement durable
et, notamment, pour les salariés, l’attention au bien-être au travail. Parmi ces initiatives, on soulignera notamment :
• l’organisation d’opérations de sensibilisations aux valeurs du développement
durable pour que chacun puisse devenir à la fois acteur et consommateur
responsable : tri sélectif, réduction de
la consommation de fournitures, utilisation de matériaux recyclables, réduction, réutilisation, recyclage, sensibilisation aux économies d’eau ou d’énergie,
remplacement des gobelets en plastique
par des mugs et bouteilles… ;
• et les actions de promotion de la santé
au travail auprès des salariés : risques
psychosociaux, troubles musculo-sque-
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lettiques, risque routier, addictions... Ces risques sont
aggravés, voire provoqués par des comportements qui
peuvent être changés. En tant qu’acteur de la santé au
travail, les élus peuvent mieux informer les salariés afin
de prévenir ces risques.
Le développement d’une politique d’achats
responsables
Le pouvoir économique des comités d’entreprise est très
important. Ils sont des acheteurs et des prescripteurs
influents auprès des salariés. Décideurs pour l’achat de
nombreuses prestations (voyages, sorties, cadeaux, spectacles, bons d’achats...), les comités d’entreprise centralisent aussi les différentes offres à destination des salariés
(activités sportives, loisirs, billetterie, sorties, locations de
salles et tous produits et services à tarifs préférentiels). Au
total, on considère qu’un actif sur deux est concerné par
des offres issues du comité d’entreprise, soit directement,
soit par l’intermédiaire d’un conjoint.
Une démarche plus volontaire des CE en matière de RSE
nécessite de sortir de la posture de simple consommateur et de questionner chacun de ses achats et ses conséquences sociales ou environnementales.
Le point de départ peut être la mise en place d’un bilan
carbone du comité d’entreprise, lequel est un outil de
comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre,
devant tenir compte de l’énergie primaire et de l’énergie
finale des produits et services utilisés. Il se déroule généralement en six étapes :
• 1° Mobiliser et impliquer ses membres dans la démarche ;
• 2° Améliorer le reporting et consolider les process ;
• 3° Prendre conscience de l’impact de l’entreprise sur
l’environnement ;
• 4° Mettre en place des actions concrètes ;
• 5° Aider dans la prise de décision ;
• 6° Enfin, c’est un outil qui permet de communiquer et
valoriser les actions mises en place par la suite dans le
comité d’entreprise.
Cela passe ensuite par la mise en place d’une politique
d’achats responsables, c’est-à-dire une politique d’achat
intégrant, dans un esprit d’équilibre entre parties prenantes, des exigences, spécifications et critères en faveur
de la protection et de la mise en valeur de l’environnement, du progrès social et du développement économique. Ces achats responsables favoriseront autant que
possible des produits éthiques et écologiques ainsi que le
circuit court d’approvisionnement en mettant en valeur
les produits régionaux.
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La mobilisation dans les territoires autour des achats responsables est croissante. Afin de valoriser et promouvoir
l’offre de biens et de services de leurs structures, les acteurs de l’économie sociale et solidaire, soutenus par les
collectivités, s’impliquent dans la création de plateformes
d’achats à destination des acteurs publics et/ou privés. Si
tous les territoires ne possèdent pas encore d’annuaire
des structures de l’ESS, la dynamique est lancée dans une
dizaine de régions et au niveau national. Par ailleurs, le CE
peut également s’appuyer sur les produits recommandés
par le collectif de l’éthique sur l’étiquette et les produits
labellisés « commerce équitable ».
Une restauration collective soucieuse du
développement durable
Le restaurant d’entreprise peut être géré par l’entreprise
elle-même, le comité d’entreprise ou un prestataire de
services. La concession ne dispense pas les représentants
du personnel de définir une orientation politique pour gérer les relations avec le prestataire et d’établir un cahier
des charges précis en termes de prix et de qualité exigée.
Qu’elle relève d’un mode de gestion directe ou externalisée, la restauration collective est un important poste de
dépenses aux impacts écologiques, économiques et sociaux réels. Elle a d’ailleurs toujours constitué un aspect
important de la politique sociale. Mais une approche RSE
plus complète de l’activité de restauration collective devra également prendre en compte les dimensions écologiques, économiques et financières.
En effet, elle concentre des enjeux importants aussi bien
pour la santé des consommateurs que pour les choix et
usages alimentaires, et leurs impacts territoriaux. Une démarche de restauration collective responsable est donc un
levier fort pour restaurer la qualité environnementale, relocaliser les systèmes alimentaires, former au goût, à l’environnement, à la santé, réinstaller et sécuriser les débouchés pour les agriculteurs locaux. La restauration collective responsable intègre également une autre dimension
importante : l’implication dynamique de tous les acteurs
du territoire dans le projet de restauration collective, des
convives aux agriculteurs, en passant par les élus des collectivités et les associations environnementales.
Le comité d’entreprise pourra se positionner progressivement en acteur central sur toutes les dimensions :
• écologiques dans la prévention et la réduction des
pollutions directes de la restauration collective, à travers le choix des équipements, en fonction des types de
restauration privilégiés (cuisine de produits frais, gestion des déchets…), de la performance énergétique des
bâtiments, des matériels (chambres froides, fours…),
dans la maîtrise des impacts sur l’eau, dans le traitement des déchets ;
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• nutritionnelles et équitables dans la conception des
repas, dans la traçabilité des denrées, dans la sensibilisation au gaspillage et au goût, dans le choix des ressources de qualité et proximité.
Une démarche RSE dans la gestion des
placements financiers
Les comités d’entreprise qui disposent de liquidités sont
invités à réfléchir à la forme donnée à leurs placements
financiers : livrets, bons de caisse, actions, obligations,
fonds communs de placements… À ce niveau également,
les dimensions sociétales peuvent être prises en compte.
Les établissements financiers proposent deux typologies
de produits issus de la démarche RSE : les placements ISR
(investissement socialement responsable) et les placements solidaires. Ils participent tous d’une démarche vertueuse, mais ne sont pas identiques.
L’investissement socialement responsable (ISR) désigne
une méthode de sélection des entreprises cotées en
bourse en fonction non seulement de leur performance financière mais aussi d’une appréciation de leur comportement sur l’environnement, les questions sociales, éthiques
et la gouvernance. Le terme d’investissement socialement
responsable (ISR) rassemble toutes les démarches qui
consistent à intégrer ces critères extra-financiers dans les
décisions de placements et la gestion de portefeuilles.
La finance solidaire repose sur une approche très différente
puisque les activités financées sont choisies en fonction
de leur utilité effective en matière de lutte contre l’exclusion, de cohésion sociale ou de développement durable et
qu’elles ne sont pas cotées en Bourse.
Il existe deux types de produits d’épargne solidaire :
• les produits d’investissement solidaire pour lesquels la
solidarité se manifeste au niveau des sommes placées
: pour être solidaire, tout ou partie du montant placé
doit financer des projets d’utilité sociale et/ou environnementale ;
• les produits de partage pour lesquels la solidarité se
manifeste au niveau des revenus perçus : pour être soli-
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daire, au moins 25 % de l’intérêt généré doit être versé
sous forme de dons à une association.
Il existe aujourd’hui en France différentes initiatives dont
l’objectif est de rendre plus visibles ces produits d’épargne
et d’attester de leur qualité. Deux labels existent pour les
placements ISR : Novethic et le CIES (comité intersyndical
de l’épargne salariale). Pour les produits d’épargne solidaire, il existe le label « Finansol ». Enfin, des initiatives
ont été prises par plusieurs acteurs pour certifier la qualité
de leur démarche ISR. Parmi celles-ci, la plus récente et la
plus marquante est celle d’AFNOR Certification en 2013.
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Dans un contexte sociétal difficile (crise économique et
écologique, individualisme, hyper consommation…), le
CE dispose d’importants leviers de changement. Il a eu
pour rôle historiquement de contribuer par sa politique
d’activités sociales et culturelles (ASC) à l’amélioration des conditions de vie et de travail du personnel en
favorisant l’enfance et les familles, le lien social, et en
permettant l’accès des plus faibles revenus à des activités culturelles de qualité. De nos jours, il doit également
donner l’exemple dans la mise en œuvre d’un développement durable. Il doit notamment sensibiliser les salariés à
des comportements plus citoyens, adopter une politique
d’achats responsables, avoir une restauration collective
soucieuse du développement durable ou encore placer
son argent dans une finance solidaire.
Enfin, les nouvelles obligations sur la transparence financière des comités d’entreprise qui sont entrées en application pour la plupart à compter du 1er janvier 2015 offrent
l’opportunité de mieux prendre en compte et intégrer ces
dimensions sociétales à la gestion des comités d’entreprise. En effet, la nécessaire refonte des règlements intérieurs, la mise en place de manuel de procédure ou encore
la nouvelle commission des marchés sont autant d’occasion d’inscrire dans le fonctionnement quotidien des CE
les enjeux éthiques, sociaux et environnementaux.
Pour en savoir plus :
Conseil régional de l’Ordre des Experts-Comptables Paris Ile-deFrance
www.oec-paris.fr / espace secteur « Comités d’entreprise »
Tél. 01 55 04 31 27
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