Goudreau Gage Dubuc

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Goudreau Gage Dubuc
Vol. 5 – No 4. Décembre 2005
Les ambitions monopolistiques de LEGO freinées par la Cour suprême (par Me Alexandra Bélec)
La Cour suprême du Canada a rendu une décision très attendue le 17 novembre dernier concernant la protection du système d’emboîtement
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des briques LEGO à titre de marque de commerce . La cour devait déterminer si Kirkbi AG (« Kirkbi »), titulaire du célèbre jeu LEGO, pouvait
invoquer le droit des marques pour empêcher son compétiteur Gestion Ritvik Inc. (« Ritvik ») de commercialiser un jeu employant le même
système d’emboîtement, sous la marque MEGA BLOKS.
Rappelons que Kirkbi avait au départ obtenu des brevets pour protéger son système d’emboîtement. À l’expiration des brevets, Kirkbi a tenté
d’enregistrer ce même système comme marque de commerce afin d’obtenir une autre forme de monopole sur le marché canadien. Le
Registraire a refusé cette demande sur la base que le système d’emboîtement LEGO était purement fonctionnel. Kirkbi s’est donc rabattu sur
l’usage de sa « marque tri-dimensionnelle» (système d’emboîtement), pour tenter de bloquer l’entrée sur le marché du jeu MEGA BLOKS, en
alléguant que le test de la fonctionnalité n’est pas applicable aux marques non déposées.
La Cour suprême a rejeté l’action de Kirkbi, tout comme l’avaient fait auparavant les deux instances de la Cour fédérale. La cour a profité de
l’occasion pour confirmer l’état de la jurisprudence sur divers points d’intérêt en matière de marques de commerce.
Constitutionnalité de l’article 7(b)
Le recours de Kirkbi reposait sur l’article 7(b) de la Loi sur les Marques de Commerce qui traite de la concurrence déloyale. La constitutionnalité
de cette disposition a été questionnée à plusieurs reprises devant différentes instances inférieures. Après une analyse étoffée, la cour confirme
que cet article est intra vires des pouvoirs législatifs du parlement fédéral et donc constitutionnel.
Distinctions fondamentales entre les brevets et les marques de commerce
La cour fait remarquer que la mondialisation, l’évolution technologique et la valeur de la propriété intellectuelle stimulent de plus en plus les
tactiques procédurales pour tenter d’étendre les monopoles offerts par les lois. Selon le juge Lebel, il faut éviter l’abandon de distinctions
fondamentales nécessaires entre les divers régimes juridiques de propriété intellectuelle, chacun d’eux ayant des fonctions juridiques et
économiques qui leur sont propres. L’affaire LEGO illustre bien ce risque puisque Kirkbi invoque le droit des marques après avoir épuisé la
protection de son système d’emboîtement par brevets.
Application du principe de la fonctionnalité
Le principe de la fonctionnalité a été élaboré par les tribunaux pour distinguer le régime des marques de celui des brevets lorsqu’il est question
de protéger des objets en trois dimensions. La Loi sur les Marques de Commerce permet en effet d’enregistrer la forme d’un produit à titre de
marque (« signe distinctif ») si cette forme est devenue distinctive en raison d’un usage important. La loi prévoit spécifiquement que cette
protection ne s’étend pas aux caractéristiques utilitaires du produit. Le juge Lebel rappelle que le but de la Loi sur les Marques de Commerce
n’est pas d’empêcher l’utilisation concurrentielle des caractéristiques utilitaires d’un produit, mais plutôt de ses caractéristiques distinctives. Le
principe de la fonctionnalité permet ainsi de contrer les tentatives de rétablir, sous le régime des marques, des brevets expirés.
Après analyse des faits en cause, la cour conclut que la « marque » invoquée par Kirkbi est composée uniquement de caractéristiques
fonctionnelles et elle rejette l’argument voulant que la doctrine de la fonctionnalité ne soit pas applicable aux marques non déposées. À cet
égard, le juge Lebel précise que l’enregistrement d’une marque ne fait que conférer des droits plus efficaces contre les tiers, sans en changer
sa nature. L’action de Kirkbi est donc rejetée sur la base que le système d’emboîtement ne constitue pas une marque en raison de sa nature
fonctionnelle.
Test applicable aux actions fondées sur la commercialisation trompeuse (« passing off »)
Bien que la cour n’avait pas à se prononcer sur la commercialisation trompeuse, elle a profité de l’occasion pour confirmer que le test
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développé dans l’affaire Ciba-Geigy est toujours celui applicable sous l’article 7(b). Trois éléments doivent donc être prouvés pour avoir gain
de cause dans une action en commercialisation trompeuse soit :
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existence d’un achalandage ;
déception du public due à la représentation trompeuse ; et
dommages actuels ou possibles du demandeur.
Kirkbi AG c. Gestion Ritvik Inc., (2005) CSC (no. dossier 29956)
Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc. (1992) 44 C.P.R. 289
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