Le départ de Rebecca

Transcription

Le départ de Rebecca
Œuvre commentée
Le départ de Rébecca de Francesco Solimena,
un manifeste de l'art baroque
Document réalisé par Eva Lando, Animatrice pédagogique, Service éducatif, Palais Fesch- musée des Beaux- Arts
Le départ de Rébecca de Francesco Solimena
Huile sur toile 140x191 cm (avec le cadre)
Rappel sur le baroque :
Voir le parcours de visite « Des Primitifs à l'âge baroque », rubrique « Ressources
pédagogiques » sur le site du Palais Fesch : www.musee-fesch.com, ainsi que La
peinture baroque au Palais Fesch- musée des Beaux- Arts, Christelle Brothier, responsable
du service éducatif du Palais Fesch, Éditions Palette, 2011.
« Le terme baroque vient du mot portugais « barroco », qui désigne une perle ou
une pierre de forme irrégulière. Le mot, pour la première fois utilisé en 1855, a été adapté
à un mouvement artistique né à Rome aux alentours de 1630, qui se caractérise par ses
mouvements exagérés, ses décors surchargés et ses effets dramatiques. »
Le style baroque, qui s'est développé tout au long du XVII e siècle, peut être vu comme de
la « pub » pour une Église catholique alors en pleine Contre-Réforme. « En 1517, en
faisant paraître ses 95 thèses, Martin Luther, un moine allemand, remet en cause la
religion chrétienne et surtout le rôle de l’Église, sa richesse, ainsi que l'autorité du pape.
Une nouvelle religion est née : le protestantisme, qui se développe très vite et se fixe
surtout en Europe du Nord. C'est la Réforme protestante. Des guerres de religion éclatent
entre protestants et catholiques, il y a de nombreux massacres des deux côtés. » L’Église
romaine tente de trouver une solution au problème protestant par le Concile de Trente qui
réunit les personnes éminentes de l’Église latine, de 1545 à 1563. Pour Rome, l'art, qui a
souvent été vu comme un puissant moyen d'instruction et d'enseignement, peut être l'une
de ces solutions. Ainsi, alors que les protestants rejettent les images religieuses, les
catholiques pensent pouvoir les utiliser afin de montrer la grandeur de l’Église romaine, du
pape et des saints.
De nouvelles images sont créées, l'art de la Contre-Réforme se développe dans un style
nouveau : le baroque, dont Caravage est un précurseur. Cependant, le réalisme frappant
et violent des caravagesques est progressivement abandonné au profit d'un style plus
coloré, mais non moins percutant. « L'art baroque correspond, en effet, au monde
mouvementé qui l'a fait naître. Jouant beaucoup sur les contrastes, il est constitué de
courbes et de contre-courbes, d'ombres et de lumières et fait appel à des techniques qui
créent l'illusion, particulièrement au trompe-l’œil. Les tableaux sont souvent très grands,
avec des mises en scène extraordinaires, dans lesquelles tout est fait pour communiquer
l'émotion, la passion et le drame. » Le baroque emprunte beaucoup à l'univers du théâtre
et des arts de la scène comme la danse. Toutefois, si la peinture baroque doit interpeller et
éblouir celui qui la regarde, elle doit aussi être très réaliste et très fidèle aux Écritures dont
sont tirées la plupart des scènes représentées.
« En 1563, dans la vingt-cinquième session du Concile de Trente qui fut la dernière, les Pères s'exprimèrent
ainsi : « Le Saint Concile défend que l'on place dans les églises aucune image qui s'inspire d'un dogme
erroné et qui puisse égarer les simples. » (L'art religieux au XVIIe siècle, Émile Mâle)
Le peintre :
Francesco Solimena, artiste baroque par excellence, est tout d'abord inspiré par
l’œuvre de Luca Giordano à laquelle il ajoute fermeté et contraste, puis par la violence
lumineuse de Mattia Preti. L’œuvre de Solimena peut, en fait, être vu comme une
synthèse des expériences de la peinture baroque napolitaine.
Fils et élève du peintre Angelo Solimena, il est orienté par son père vers des études
littéraires, mais peut malgré tout s'abandonner à son goût pour la peinture grâce à
l’intervention du cardinal Orsini, futur pape Benoît XIII.
Après deux ans d'apprentissage avec son père, Solimena part pour Naples en 1674. Il
poursuit ses études à Rome où il copie Pierre de Cortone, Guido Reni et Carlo Maratta et
c'est dans les années 1680, qu'il atteint la maturité.
Les années 1690 représentent la période la plus féconde de Solimena. Il créé alors un
langage qui participe à la formation des peintres du XVIII e siècle.
D'après les études, le tableau du Palais Fesch semble dater du début du XVIII e siècle. Le
peintre est alors à l'apogée de son art ; le style baroque s'y exprime d'une façon les plus
grandioses qui soient.
L'histoire :
La scène est tirée de l'Ancien testament. Elle fait suite à l'histoire du patriarche
Abraham et à celle d'Isaac.
Sacrifice d'Isaac, Matthias Stomer. Voir le parcours de visite « Les héros de l'Ancien
Testament » dans la rubrique « Ressources pédagogiques » sur le site du Palais Fesch :
www.musee-fesch.com.
Isaac a échappé à la mort. Il a grandi et est désormais en âge de se marier. Abraham
envoie donc son fidèle serviteur Eliézer dans son pays d'origine, la Mésopotamie, quérir
une épouse pour son fils.
Eliézer rencontre Rébecca au puits et reconnaît en elle la future épouse de son maître.
Ancien testament, Genèse 24, 1 à 61 : Le mariage d'Isaac et de Rébecca
« (1) Abraham était vieux, avancé en âge, et le Seigneur l'avait béni en tout. (2) Abraham dit au plus ancien
serviteur de sa maison, qui régissait tous ses biens : « Mets ta main sous ma cuisse (3) et jure par le
Seigneur, Dieu du ciel et Dieu de la terre, que tu ne feras pas épouser à mon fils une fille des Cananéens
parmi lesquels j'habite. (4) Mais tu iras dans mon pays et dans ma famille prendre une femme pour mon fils
Isaac. »
« Après avoir juré de remplir au mieux cette mission de confiance, Eliézer part avec une caravane de dix
chameaux. Il arrive à l'étape du soir près d'un puits. Rébecca, qui venait puiser de l'eau, lui donne à boire et
abreuve obligeamment ses chameaux. A ce signe, Eliézer reconnaît que c'est la fiancée destinée à Isaac. Il
lui offre un anneau et des bracelets d'or. »
Francesco Solimena et Nicolas Poussin ont laissé de splendides œuvres relatant l'épisode
de la rencontre d'Eliézer et Rébecca au puits.
Dans le tableau du Palais Fesch, Solimena a choisi de représenter une scène plus rare en
peinture : les adieux de Rébecca à son père Béthouël, avant qu'elle ne parte avec Eliézer
pour rencontrer son futur époux. Ce moment grave est traité de façon très théâtrale par le
peintre.
Eliézer et Rébecca, Nicolas Poussin
©nicolas-poussin.com
Cette présentation a le souci de montrer ce qui caractérise le tableau de
Solimena et en fait son originalité, et pourquoi l’œuvre peut être vue comme un
manifeste de l'art baroque.
Voir l'ouvrage de Nicole Rouillé : Peindre et dire les passions. La gestuelle baroque aux
XVIIe et XVIIIe siècles. L'exemple du Musée Fesch d'Ajaccio, Éditions Alain Piazzola, 2006.
Un foisonnement de personnages :
Comme souvent dans les tableaux baroques, de nombreux personnages (vingt-etun en tout) animent la scène, mais trois semblent se détacher plus nettement : Rébecca,
Béthouël et Eliézer.
Béthouël, le père de Rébecca, de rouge et d'or vêtu, comme son statut de roi l'exige, est
assis sur un trône dissimulé sous ses vêtements. Il s'avance et se penche vers sa fille qu'il
entoure de son bras gauche. Une très grande tendresse se dégage de ce geste. Nous
voyons ,ici, un père qui voit sa fille peut-être pour la dernière fois.
Rébecca, quant à elle, située symboliquement sur le niveau immédiatement inférieur à son
père, attire tous les regards. Dans une attitude d'une grande dignité, les yeux fermés et le
buste penché, elle s'en va déposer un baiser sur la main droite de Béthouël, tandis que le
mouvement qu'elle fait de sa main gauche est comme un écho à la main droite d'Eliézer,
le serviteur d'Abraham.
Ce dernier, impatient, finit de descendre les marches, tout en observant la scène d'adieu.
A l'extérieur du triangle formé par les trois personnages principaux, se trouvent les deux
derniers protagonistes de la scène mentionnés dans les Écritures : la mère, à jardin,
debout à la droite de son époux et Laban, le frère, à cour, debout également sur l'ultime
marche des escaliers. Leur position en vis à vis et comme fermant le groupe des
personnages principaux, confirme leur exclusion de l'action principale représentée.
Suit une kyrielle de personnages aux attitudes très différentes. Les deux personnages
représentés de dos attirent cependant plus particulièrement notre attention de par leur
position, très originale pour une représentation picturale, ainsi que par les couleurs de
leurs vêtements et les gestes qu'ils font. La position de dos indique le mouvement,
souligne que les personnages ne sont pas figés. Le tableau fait plus penser à une pièce
de théâtre qu'à une véritable représentation picturale. Si l'on s'en tient à la métaphore
théâtrale, ces deux personnages peuvent être perçus comme des didascalies, ainsi que le
fait remarquer Nicole Rouillé dans son ouvrage. La didascalie est une note ou un
paragraphe, rédigé par l'auteur à destination des acteurs, donnant des indications d'action,
de jeu ou de mise en scène. Elle apporte, notamment, des informations sur le
comportement, l'humeur ou encore la tenue d'un personnage. Ainsi, par son bras tendu,
l'homme attire-t-il notre attention sur la scène et les personnages principaux, tandis que la
femme, par l'ombrelle qu'elle tient, témoigne de la clémence du temps, on voit d'ailleurs le
soleil qui se reflète sur son ombrelle.
De nombreux personnages annexes animent l'arrière-plan, donnant naissance à des
saynètes secondaires. En premier lieu, la servante qui, à genoux au pied de Rébecca,
arrange une dernière fois la robe de sa maîtresse, avant que celle-ci ne parte. A gauche,
une mère, tout en allaitant son bébé, observe la scène, imitée par une fillette à ses côtés.
Près du cavalier de dos, un homme écoute et observe la scène, encouragé par le bras
tendu de l'homme. A côté du cheval, un autre tente de retenir un gros chien. Derrière
Béthouël et Rébecca, un serviteur soutient, à l'aide de son genou, le lourd coffret à bijoux
offerts par Eliézer à Rébecca. Dans l'ombre, sous l'arcade, une suivante porte sur sa tête
un plateau chargé. Trois servantes chuchotent de la terrasse, faisant mine de secouer un
drap.
Tous ces personnages, bien qu'ils ne participent pas directement à la scène, ne sont
cependant pas là que pour donner une impression de mouvement et combler les vides. Ils
soulignent, au contraire, l'action centrale, ils la mettent en valeur. Tous les regards sont
dirigés vers Rébecca, et l'on s'attendrait presque à entendre les commentaires, les
chuchotements de tous ces personnages.
On note que les personnages les plus importants à la compréhension de la scène sont
plus éclairés que les autres. Plus on descend dans la hiérarchie des personnages, plus les
couleurs et la lumière se font rares, ce qui correspond à un procédé très classique en
peinture, largement utilisé par Nicolas Poussin, peintre classique...
Il faut savoir que, si le baroque aime le mouvement, il rejette la confusion, et le
chatoiement des couleurs, la profusion des personnages des représentations baroques
sont toujours contrariés par une très grande rigueur dans la construction, semblable à
celle des tableaux classiques. En effet, le but premier des tableaux baroques est de faire
passer un message aux fidèles, contemplateurs de ces œuvres. Les représentations
religieuses doivent servir d'exemple de vertu et de sacrifice aux fidèles qui les observent.
Les scènes doivent donc toujours être aisément compréhensibles pour l'observateur.
Des gestes précis et codifiés :
Le baroque emprunte beaucoup aux arts de la scène. Ici, le peintre est non
seulement metteur en scène, mais se fait également chorégraphe. Chaque geste, chaque
position exprime un sentiment, une volonté. Il existe une gestuelle baroque qui possède
ses propres codes, son propre alphabet. Cette gestuelle est issue de la danse baroque qui
se développe au XVIIe siècle.
Sur la gestuelle baroque, voir l'ouvrage de Nicole Rouillé, Peindre et dire les passions, la
gestuelle baroque aux XVIIe et XVIIIe siècles, L'exemple du Musée Fesch d'Ajaccio, Éditions
Alain Piazzola, 2006.
Ainsi, Rébecca et Béthouël semblent-ils esquisser un pas de danse. D'un mouvement
gracieux, Rébecca s'agenouille pour baiser la main de son père. Pour répondre à ce
geste, Béthouël se lève de son trône pour recevoir sur sa main droite ce baiser de départ ;
il passe son bras gauche autour du cou de Rébecca, très attentif à ce qu'est en train de
faire sa fille. Sa tête inclinée indique la tristesse.
Rébecca, dont les paupières sont baissées, a le visage quelque peu fermé et pourtant
serein, preuve que la jeune femme accepte son destin avec dignité. Seule sa main
gauche, paume vers le sol, comme soulevée en l'air, traduit une sorte d'impatience et de
tristesse.
Le regard comme aimanté par la scène, Eliézer semble pressé de partir, ainsi que
l'indique sa main gauche soulevée par un mouvement d'impatience. La position de ses
pieds, semblable à celle que l'on trouve en danse, montre qu'il est en mouvement et déjà
en train de partir. Cette ouverture des pieds est très souvent utilisée dans la gestuelle
baroque, indiquant la mise en mouvement. Eliézer, par cette attitude, semble vouloir hâter
la jeune femme et abréger la scène d'adieu.
La gestuelle de la mère de Rébecca, inadaptée au grand style, confère au personnage un
caractère secondaire voire anecdotique. Le geste qu'elle fait est issu de la gestuelle de la
Comedia Dell'Arte napolitaine : geste accompli en deux temps par l'acteur, les bras sont
d'abord croisés sur l'estomac, puis l'avant-bras droit monte la main droite sur la joue. La
main, un peu molle, est ici abandonnée sur la joue, signalant le repli sur soi, une très
grande tristesse ainsi que de la lassitude.
Tout dans l'attitude de Laban, dont la tête est plongée dans un gros mouchoir qui rappelle
exagérément ses pleurs, exprime la tristesse. Sa main gauche sur la hanche traduit une
sorte d'abandon du corps qui ploie sous l'affliction.
Les personnages secondaires sont majoritairement représentés dans des attitudes assez
simples.
La posture inappropriée pour le grand style de la dame d'honneur de Rébecca indique la
précipitation du départ et, dans le même temps, l'affection portée à Rébecca. Elle s'en
occupe comme s'il s'agissait de sa fille. Cette dame d'honneur va suivre Rébecca dans
son voyage puisqu'elle est parée, ainsi que l'attestent les plumes dans ses cheveux.
Tout à gauche de la composition, une femme, dont le geste rappelle le geste d'aparté de la
Comedia Dell'Arte (main droite étendue à hauteur de la joue, ici la joue gauche, posée sur
une colonne), semble demander à la femme à l'ombrelle : « Que se passe-t-il ? » Ce à
quoi la femme à l'ombrelle pourrait répondre : «Rébecca part pour toujours ».
Conformément à l'inspiration du théâtre populaire napolitain, la femme à l'ombrelle est
proche du mime. Les gestes remplacent admirablement bien la parole. Plus encore, les
gestes rendent les personnages très humains, quasi vivants.
Le geste indicatif du cavalier en selle représenté de dos, dont le bras droit monté indique
le centre du tableau, est un geste fréquemment utilisé au théâtre, à l'opéra ou dans la
peinture. Par ce geste, le cavalier indique le point de fuite vers lequel se dirige le regard
du spectateur. Il est unique dans ce tableau. Le cavalier est un personnage très
« parlant ». La main levée est la main droite. Il faut dire que le Concile de Trente a adopté
comme principe essentiel du langage du corps la hiérarchie entre les deux mains. La
primauté de la main droite sur la main gauche lui permet d'exprimer particulièrement et
majoritairement les pensées et les actions positives, ce qui est vérifiable dans le présent
tableau.
Un décor et des accessoires de théâtre :
L’œuvre est réellement construite comme une scène de théâtre, et les personnages
semblent regroupés sur une scène étroite derrière laquelle on aperçoit un décor dont les
couleurs nous rappellent celles des décors en carton pâte du théâtre.
Au premier plan de la composition, un face à face canin oppose un chien mâle retenu par
un serviteur d'Eliézer et une petite chienne coiffée de petits nœuds roses. La présence
des deux chiens n'est pas seulement anecdotique, elle préfigure un mariage fécond et
prometteur pour la Nation d'Israël.
Dans le coin inférieur droit, les chameaux, parés pour l'occasion, sont prêts à partir.
Habillés pour la circonstance de splendides costumes de théâtres hybrides, mêlant tenues
contemporaines et éléments rapportés de la mode antique, les personnages s'accordent
avec l'architecture grandiose du décor placé derrière eux.
A l'exception de l'homme au premier plan, dont la semi-nudité rappelle sans doute sa
condition d'esclave, les corps masculins sont recouverts des épaules jusqu'aux genoux.
La pièce principale du vêtement masculin se compose d'une tunique portée sur une
chemise à manches longues, ainsi qu'un gilet, un manteau, une cape ou encore une toge.
Les jambes sont nues ou moulées dans des pantalons de longueurs variables.
Le costume de Béthouël est très ample, comme en témoigne la manche extrêmement
bouffante serré au poignet, dont le costume du cavalier se fait l'écho. Eliézer est vêtu
comme un chef de guerre romain avec un long manteau d'apparat et des sandales en cuir
(« spartiates »). Dans un souci de symétrie et d'harmonie, les sandales de Laban font
écho aux sandales d'Eliézer. De la même manière, le col de forme rectangulaire se
retrouve sur le cavalier et la femme à l'ombrelle.
Une longue robe marquant la taille, composé d'un corsage échancré à manches courtes et
de deux jupes superposées d'inégales longueurs, forme l'essentiel du costume féminin
inspiré de la robe de cour du XVIIe siècle. La jupe du dessus, plus ample et plus longue,
traînant à l'arrière, est relevée et retenue à l'avant pour permettre une marche plus aisée.
Comme au théâtre, les accessoires participent à la narration.
En hôte respectueux des convenances, Eliézer est tête nue en présence du roi.
Le cavalier, son second de selle, coiffé d'un béret à plumes, très à la mode dans l'Europe
du XVIe siècle, ceint, tout comme Eliézer, d'un carquois et paré d'un manteau semblable,
est déjà prêt à le suivre.
Également coiffé d'un béret à plumes, le frère de Rébecca, verse de grosses larmes, ce
qui peut s'expliquer par son jeune âge comme l'atteste son physique très adolescent.
La chevelure dissimulée sous une coiffure souple emboîtant la tête et laissant apparaître
une barbe en collier, symbole de maturité, le bonnet royal atteste le pouvoir de Béthouël.
Drapé en couronne autour de sa tête pour retomber en courbes gracieuses jusqu'aux
reins, le voile traditionnel de la mère s'oppose aux coiffures-bijoux ornées de plumes et de
perles et portées avec grâce par Rébecca et sa nourrice.
L'ombrelle, enfin, situe l'action dans un espace-temps précis et quotidien, celui d'une belle
journée ensoleillée, dont la chaude lumière rejaillit sur les personnages et éclaire leurs
costumes très colorés.
Des couleurs harmonieuses et symboliques :
Les couleurs, si elles sont harmonieusement réparties et utilisées dans un souci
esthétique, sont également symboliques.
Le rouge, qui se distingue très nettement sur le fond gris-bleu, est porté par des
personnages masculins. Chez Béthouël, cette couleur rappelle le pouvoir temporel. Chez
Eliézer, le rouge est un symbole de force, de puissance, soulignée encore par la cuirasse
de guerrier que porte le personnage.
Souvent associé au rouge, l'or est un symbole de puissance spirituelle. Mat ou brillant,
clair ou intense, en touches légères ou appuyées, l'or diffuse sa chaude lumière à
l'ensemble de la composition.
Le bleu et le blanc sont également très présents. Dans le tableau, ils sont toujours
associés suivant différentes nuances : bleu-mauve chez Rébecca, bleu lavande chez la
mère, bleu-nuit, enfin, chez le cavalier. Mêlé d'or, le bleu se retrouve même chez la
nourrice. Cette touche discrète sur la tête d'un personnage secondaire est néanmoins
pertinente, autant que la nourrice est indispensable à l'action représentée. Le bleu,
couleur du ciel, est une couleur empreinte de spiritualité. Chez Rébecca, il est synonyme
de sainteté, d'élévation spirituelle.
Le noir, absence ou somme de toutes les couleurs, s'oppose au blanc. Le noir absorbe par
sa matité et restitue par sa brillance : mat, il porte le deuil de Laban, brillant, il symbolise la
force d'Eliézer.
Le cavalier, quant à lui, porte une tunique blanche dont le col est bordé de noir, rappelant
la dualité du monde, l'opposition constante du Bien et du Mal.
Une composition rigoureuse, centrée sur le personnage de Rébecca :
Comme nous l'avons déjà remarqué, fougue et mouvement ne sont qu'apparence
dans ce tableau. Du moins, le caractère passionné du Départ de Rébecca est quelque peu
modéré par une construction rigoureuse et réfléchie. Les personnages sont agencés de
façon cohérente, et à chaque couleur ou forme puissante correspond une couleur/forme
opposée, ce qui équilibre la dynamique.
Réalisation : Document réalisé par Eva Lando, Animatrice pédagogique, Secteur éducatif, Palais Fesch-musée des Beaux Arts
Photographies : ©Palais Fesch-musée des Beaux Arts / RMN-Gérard Blot

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