Le métier de bottier pour hommes. - UTL

Transcription

Le métier de bottier pour hommes. - UTL
Lundi 19 janvier 2015.
Le métier de bottier pour hommes.
Visite de l’atelier de bottier de Pierre CORTHAY à Paris 75002, 1, rue Volney, dans le quartier
de l’Opéra.
Nous sommes accueillis par un employé-vendeur, en l’absence de Mr Pierre CORTHAY, en
déplacement auprès de clients à Hong Kong.
L’atelier est constitué de plusieurs pièces distinctes réparties au rez de chaussée d’un
immeuble sur rue, de part et d’autre d’une porte cochère, et au sous-sol de l’immeuble sur
cour. Les pièces sont petites ; celles du sous-sol sont de véritables caves.
Après une présentation de l’histoire de la maison, et de modèles de chaussures proposés à la
vente, nous avons visité les différentes pièces de l’atelier, affectées chacune à une étape de
la fabrication.
Bref historique de l’atelier
La maison a été fondée, il y a 25 ans par Pierre CORTHAY lui-même, qui a repris l’atelier
d’un ancien bottier, avec l’aide de son frère Christophe.
A l’origine, l’atelier était seulement sur rue.
En 1990, une grosse commande (100 paires de chaussures sur mesure par le sultan de Bruneï),
a permis de développer l’activité, et l’atelier s’est progressivement étendu.
Pierre CORTHAY est le seul bottier français ayant le titre de « Maître d’Art ». Ce titre
lui a été délivré par le Ministère de la culture en 2008. Il récompense « les réalisations qui
font briller le savoir-faire et la culture française ». C’est lui qui crée le modèle.
Christophe CORTHAY est lui aussi bottier, spécialisé dans la mesure.
En 2000, l’atelier a ajouté à sa production « sur mesure », une gamme de « prêt à
chausser », fabriquée dans l’atelier de Neuilly-Plaisance, aujourd’hui fermé, puis dans l’usine
de Nantes. Le « sur mesure » est exclusivement fabriqué dans l’atelier parisien.
Il y a 5 ans, la maison a connu des problèmes financiers, résolus par l’arrivée d’un
nouvel actionnaire, transfuge de LVMH.
Quelques chiffres et données
-
-
La maison Corthay est spécialisée dans la chaussure pour hommes ; seuls quelques
modèles ont été faits sur mesure pour des femmes.
L’atelier parisien produit 100 à 120 paires de chaussures par an, totalement faites
à la main.
L’usine de Nantes produit entre 2000 et 3000 paires de chaussures par an. Il faut
noter que si une partie de la fabrication a été mécanisée, le montage est toujours
fait à la main.
Le 1er prix d’une paire (embauchoir compris) de la gamme « prêt à chausser » est
de 1 140 € ; pour le sur-mesure, il est de 5 000 €.
1
-
A partir de la prise de mesures, il faut 6 à 8 mois pour fabriquer une paire, soit 50
à 70 h de travail.
La maison possède des boutiques à Paris, Londres, au Japon, en Chine. Elle ne
dispose que de distributeurs aux USA.
20 personnes sont employées à l’usine de Nantes ; 10 à l’atelier de Paris ; au total
50 personnes environ dans le monde.
La clientèle est internationale.
Les principaux concurrents de la maison Corthay, sont Berluti, Weston.
Caractéristiques des chaussures produites
Les chaussures Corthay sont reconnaissables à :
- leur passe-poil de couleur rouge (bande de tissu, de cuir, prise dans une couture
pour former un liseré et servant de garniture),
- leur patine (coloration donnée à la surface du cuir), obtenue par application au
pinceau de teintures sur la chaussure finie,
- le cousu Good-Year, caractéristique des chaussures haut-de-gamme : double
couture qui permet d’isoler une semelle d’usure de la semelle intérieure, ce qui
facilite le ressemelage (tous les 5/6 ans) et accroit ainsi la longévité de la chaussure.
A noter que le principal concurrent, le fabricant italien Berluti, utilise le cousu
Blake, qui rend difficile le ressemelage.
- leur ligne très élancée.
2
Les cuir de vache, de veau-velours, sont utilisés majoritairement. Mais on peut aussi se servir
de peaux de crocodiles et de chameaux (très résistantes et très souples).
3
La peau de poisson est peu utilisée.
Le cuir doit être sans aucune veine, pour qu’il prenne la coloration de manière
uniforme. Il est exclusivement d’origine française, fourni par une tannerie située près
de Limoges.
La couleur de base est en général marron-clair. Avec la patine, on peut obtenir des
teintes allant du noir à la lie de vin. Partant d’une base violette, on obtient une autre
gamme de teintes.
Les chaussures sont ensuite vernies ou non (à noter que le vernis se nettoie et
s’entretient avec du lait pour bébé).
Des ceintures, accordées à la patine de la chaussure, sont aussi produites.
Visite des ateliers proprement dits
En sous-sol
- 1ére cave : parc à formes
Petit local de quelques mètres carrés ou l’on trouve le cahier de mesures : recueil de
feuilles sur lesquelles l’empreinte du pied est dessinée et 5 points de mesure notés.
A partir de cette empreinte, une forme en bois (charme ou hêtre) est fabriquée par un
artisan bottier. Elle servira à monter la chaussure.
4
Au mur, on peut voir des dizaines de formes numérotées : ce sont les archives de
l’atelier. Pour un même client, on peut trouver plusieurs formes correspondant à
différents âges de sa vie.
Il existe un petit parc à formes « people » : Jean Réno, Rafael Nadal, Cate Blanchett,
Valérie Lemercier par exemple.
2ème cave
Petit local ou on réalise le patron de la chaussure en carton, puis où on découpe la tige
(partie extérieure de la chaussure qui recouvre le pied) dans le cuir. Elle est ensuite
montée sur la forme pour établir une 1ère paire d’essayage sur une semelle en liège.
L’essayage effectué 3 à 4 mois après les mesures, permet de procéder à des
ajustements avant la découpe définitive.
Une importante quantité de cuir est stockée là.
On nous présente du crocodile (il faut 2 peaux entières pour faire une paire de
chaussures, soit un coût d’environ 10 000€) ; du lézard (très fragile, il sert seulement à
faire des empiècements) ; du poisson (peu utilisée car dure à travailler) ; de l’éléphant
qui est facile à travailler et plait beaucoup, mais reste rare car seules les peaux
d’animaux malades dans les réserves peuvent être récupérées. Chaque peau importée
porte une bague qui l’authentifie. C’est le CITES.
Présence de vieilles machines à coudre Singer pour les piqures et surpiqures.
- 3ème cave
Petit local consacré à la fabrication des semelles et des doublures.
5
En rez de chaussée
Salle de bichonnage
Lieu ou le cirage, puis la patine, puis le vernis sont appliqués.
Salle de montage
Nous rencontrons le chef d’atelier, compagnon-bottier, et un employé en formation. La
formation d’un bottier est longue, environ 10 ans, car l’apprenti doit passer plusieurs années
à se former pour chacune des étapes de la fabrication.
Ils répondent de bonne grâce à nos questions, et nous montrent quelques manipulations pour
monter la chaussure.
- Les bottiers préfèrent utiliser des formes plutôt que des moulages, car ils
préservent ainsi des parties du pied qui ne supporteraient pas d’être comprimées.
- Les semelles sont faites en cuir plus épais (pris sur la croupe ou le dos de l’animal)
et tanné plus longtemps (jusqu’à 24 mois en fosse de tannage ce qui le rend
imputrescible, contre 14 mois pour le cuir du dessus de la chaussure).
- Le métier de monteur est très physique : tendinites fréquentes, pouces déformés…
- Le monteur utilise peu de colle ; c’est de la colle de poisson ou d’os. Les outils qu’il
nous présente sont anciens, car il estime que ceux d’aujourd’hui sont beaucoup
moins solides.
- Les fils sont synthétiques et les aiguilles utilisées sont des soies de sanglier avec
bulbes.
6