La controverse de Valladolid
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La controverse de Valladolid
La controverse de Valladolid Présentation : Extrait et analyse : Dans ce livre de Jean-Claude Carrière, paru en 1992 (et adapté au théâtre par l'auteur lui-même, avec Jacques Weber et Lambert Wilson, et au cinéma par Jean-Daniel Verhaeghe, avec Jean-Pierre Marielle, JeanLouis Trintignant et Jean Carmet, le tout en 1993), l'auteur nous décrit, en y ajoutant une grande part de fiction, un événement historique : la controverse de Valladolid. Il s'agit d'un débat, organisé par Charles Quint en 1550 dans un couvent espagnol de la ville de Valladolid, autour d'un sujet bien précis ; à savoir le statut des Indiens, leur humanité, leur égalité avec les Hommes européens. En effet, bien que les conquêtes espagnoles aient débuté au Nouveau Monde depuis une soixantaine d'années, Charles Quint décide en 1550 de les suspendre, et afin de savoir si elles peuvent être poursuivies en bonne conscience, organise le débat à Valladolid. Deux opposants y seront convoqués ; le dominicain Bartolomé de Las Casas, appelé pour sa grande connaissance des Amériques et ardent défenseur de la cause indienne, et le philosophe helléniste Juan Ginès de Sepùlveda, demandé parce qu'il a écrit Des Justes causes de la guerre (qui traite des guerres de colonisation espagnoles), soutenant que les Indiens sont différents des autres Hommes et ont été créés pour être dominés. Divers arguments seront échangés au cours de la controverse ; au final, dans le livre Las Casas l'emportera, obtenant du légat envoyé par le Pape (chargé de prendre la décision finale) la reconnaissance du statut des Indiens et de leur égalité en tant qu'Hommes avec les colons. Cependant dans la réalité, le dominicain n'obtiendra qu'une petite victoire ; aucune décision ne sera prise hormis l'interdiction de parution du livre de Sepùlveda en Espagne. Voici un extrait du livre dans lequel Sepùlveda accuse les Indiens, devant le Légat, de sacrifices humains : Légat. Autre chose : vous rapportez les sacrifices sanglants qu'ils font à leurs dieux. Sepùlveda. Oui, des dieux cruels, horribles, à l'image même de ce peuple ! Légat. Oui, oui, il s'agit bien d'une horreur démoniaque. Nous sommes d'accord. Mais s'ils ne sont pas des êtres humains du même niveau que le nôtre, s'ils sont proches des animaux, peut-on leur reprocher ces sacrifices ? Vous voyez ce que je veux dire ? Sepùlveda. Je reconnais la subtilité de Votre Éminence. Le philosophe paraît quelque peu désarçonné. Pour la première fois, on aperçoit une espèce de sourire sur le visage de Las Casas. Le légat insiste à enfoncer son clou : Légat. On ne peut leur reprocher des sacrifices humains que s'ils sont humains. Sepùlveda, se sentant en difficulté, contre-attaque. Sepùlveda. Je ne nie pas leur condition humaine. Ce serait absurde. Je dis simplement qu'ils sont au plus bas étage de cette condition. Au sens où Aristote l'entend. On peut remarquer plusieurs choses ici. Tout d'abord, l'importance accordée au statut d'être humain conscient ; les Indiens ne peuvent être tenus responsables de leurs péchés s'ils ne se sont même pas rendus compte de ce qu'ils faisaient. Ensuite, la référence au savoir antique : en effet, Sepùlveda est un philosophe et helléniste reconnu de l'époque, et il s'appuie sur les textes d'Aristote pour défendre ses thèses. Ce retour aux connaissances de l'Antiquité est typique de la période de la Renaissance.