Le droit local des libertés publiques

Transcription

Le droit local des libertés publiques
Introduction
I. Un droit local, des droits locaux : les divers droits locaux en France :
A. Les droits locaux des régions périphériques :
1. Le droit savoyard :
On peut relever la différence d’évolution. La Savoie, tout comme Nice ont été annexées après un
plébiscite en 1860, du temps de Napoléon III. Le contexte historique pouvait paraitre similaire, en
1860 et 1870, il y avait la joie de la réintégration dans la mère patrie, et se posait la question de la
transition entre un ordre juridique ancien (italien/allemand), nécessité de maintenir les droits acquis.
On aurait pu imaginer que le législateur en 1860 mette en place un droit local savoyard et que ce
droit subsiste par la suite.
Hors, il ne reste pratiquement rien de ce droit savoyard en Savoie, mais surtout, l’introduction du
droit français en 1860 s’est faite de façon particulièrement radicale. La France et le Royaume de
Piémont Sardaigne (Italie de l’époque) ont signé le traité le 21 mars 1860, portant annexion de la
Savoie et du Comté de Nice. Plébiscite pour ratification, puis sénatus consulte en juin 1860, qui en 3
articles a précisé que la législation française était désormais applicable. En matière civil un décret a
affirmé l’entrée en vigueur de la législation française en matière de droit civil.
Donc en 1860 il y a y un système législatif qui oublie totalement le droit jusqu’alors applicable, alors
qu’en Alsace-Moselle, on a toujours un droit local. Les explications se trouvent au plan juridique et
politique :
-
Au Plan politique : la IIIème République était moins centralisatrice que ne l’était le Second
Empire.
Au plan Juridique : il y avait plus de parenté entre le droit Sarde qu’il n’y avait de parenté
entre le droit allemand et le droit français. On a pu en effet parler d’une forme de
consanguinité des législations sarde et française. Ceci explique que le droit Sarde n’existe
plus, tandis que près d’un siècle après, le droit local mosellan existe toujours.
2. Le droit corse :
La corse se singularise par deux choses, à savoir une organisation territoriale spécifique (récent) et
une fiscalité spécifique notamment en matière successorale :
-
-
L’organisation territoriale spécifique : celle de la Corse, depuis 1935, diffère de celle de la
métropole. Il y a un système d’assemblées en métropole, puisque l’exécutif de la collectivité
fait partie intégrante de l’organe délibérant. En Corse, il y a l’esquisse d’un gouvernement.
La fiscalité spécifique : en droit fiscal commun lorsqu’une personne décède, ses héritiers
doivent souscrire dans les 6 mois du décès, une déclaration de succession (inventaire du
patrimoine laissé par la personne décédée, on soustrait le passif, on arrive à actif net qui
devient la succession). En Corse il y a deux différences à ce sujet car la déclaration de
1
succession se dépose dans les 24 mois, et pendant longtemps il n’y avait pas de délai. Et il y
a une exonération pure et simple des droits de succession pour les immeubles se trouvant
en corse.
Ces particularismes remontent à un texte très ancien, un arrêté du 21 prairial An 9. Napoléon
Bonaparte était alors 1er consul et il avait envoyé en Corse un plénipotentiaire du nom de MIOT DI
MENITO, conseil d’état, et administrateur général de la Corse avec pleins pouvoirs. Il a signé un
arrêté mettant en place ces particularismes fiscaux en corse.
Petit à petit, la question du retour dans le droit fiscal commun s’est posée. Ainsi sont apparus deux
articles dans le Code général des Impôts, dont l’objet est à terme de réintégrer la corse dans le droit
fiscal commun, en particulier pour ce qui est de l’exonération pure et simple des droits de succession
des immeubles en Corse. L’article 1135 bis du Code général des impôts, dans sa rédaction du 30
décembre 2008, a précisé que cette exonération s’arrêterait à compter du 1er janvier 2013. Il y aura
alors une période transitoire du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017, les droits de succession
seront calculés sur la moitié de leur valeur. Puis à partir du 1er janvier2018 ce sera le droit commun
qui s’appliquera, c’est-à-dire qu’il y aura une évaluation sur la valeur totale du bien.
Le Conseil Constitutionnel avait été interrogé à l’occasion d’une loi promulguée antérieurement,
pour savoir si dans le principe lui-même l’arrêté n’était pas en flagrant contradiction avec le principe
de l’égalité des citoyens devant l’impôt. La juridiction a alors décidé que l’arrêté comme tel avait déjà
été modifié par d’autres lois de la république antérieurement.
B. Les droits des collectivités ultra-marines :
En Polynésie française, en Nouvelle Calédonie, et à Mayotte, il existe des particularismes
relativement importants :
-
-
-
En Polynésie : il y a une organisation territoriale spécifique et les organes ont une
compétence élargie. Les autorités compétentes de la Polynésie peuvent édicter des règles de
droit à caractère réglementaire dans de divers domaines
A Mayotte : l’on connait aussi un droit local relativement important même si une
ordonnance du 3 juin 2010 a nettoyé le droit local de Mayotte. Le législateur français a eu le
souci de mettre le droit de Mayotte en conformité avec les principes généraux du droit de la
république. Avant l’ordonnance, en droit de la famille la polygamie existait et dans ce cadre,
le régime local de Mayotte reconnaissant également une faculté de répudiation pour le
mariage. Ce dispositif fut supprimé par une ordonnance de 2010.
En Nouvelle Calédonie : droit local met en place une organisation territoriale spécifique,
avec un congrès du territoire, un conseil du territoire, et un organe exécutif.
Ce qui distingue le droit local alsacien-mosellan par rapport à ces droits d’outre mer, c’est qu’il n’y a
pas d’organe de droit local pour édicter les normes de droit local, les normes de droit local le sont
par le législateur français, ou par le pouvoir réglementaire français. Différence importante.
II. Le droit local Alsacien-Mosellan, fruit de l’histoire :
Le droit local Alsacien-Mosellan est le fruit de l’annexion des 3 départements. En 1870 Napoléon III
déclare guerre à la Prusse, qu’il perd (échec final à Sedan) et le régime impérial s’effondre. La
2
république est proclamée, et il a fallu conclure la paix avec l’Allemagne et cela s’est traduit par traité
de Francfort en 1871. La guerre de la Prusse contre la France est un moyen en Allemagne de
favoriser l’unité allemande car jusqu’en 1870 l’Allemagne était un conglomérat d’Etats.
Pendant tout le début du 19ème siècle, l’unité allemande s’était faite d’un point de vue économique,
et pour créer une solidarité entre les allemands autour de la Prusse une guerre pouvait être un
moyen de susciter l’unité nationale, ce qui a été le cas. L’Alsace et la Moselle était le trophée de
l’empire allemand. Rappelons que l’Allemagne va par la suite perdre la première guerre mondiale et
que la France va récupérer, à l’issue du conflit, ses trois départements.
A. Les aspects sociologiques du droit local :
Le droit local est resté un élément de la conscience régionale. C’est avec joie que les 3 départements
sont redevenus français en 1918. Le droit local n’est pas la nostalgie d’une période lointaine, mais
reste le signe d’une conscience régionale, la volonté de marquer sa spécificité par rapport au reste de
la France.
Cette conscience régionale n’est pas envisagée pareil en Alsace et en Moselle, l’attachement au droit
local est plus irrationnel en Alsace qu’en Moselle. Cela se traduit par des façons de réagir très
différentes lors de réformes du droit local. En Moselle, on a plus clairement conscience que parfois
des changements sont bien. En Alsace on ne touche pas au droit local, même s’il y a une raison
logique de le faire.
B. Les aspects juridiques du droit local :
Il faut souligner deux choses, à savoir que le droit local n’est pas né en 1918 mais qu’il a un ancêtre.
En effet l’on a deux droits locaux qui se sont succédés, à savoir le premier de 1870 à 1918, et le droit
local actuel qui comporte la récupération de certains aspects du premier droit local.
1. L’annexion de 1870 à 1918 :
1.a Un statut juridique ambigu : le Reichsland ou Terre d’Empire :
Pendant le temps de l’annexion, les 3 départements formaient une entité originale, ils constituaient
une terre d’empire. L’Allemagne, à la suite du traité de Francfort, s’était unifiée (état fédéral).
Mais l’Alsace -Moselle n’était pas un état fédéré de l’état fédéral Allemand. Cette entité était
considérée comme une terre indivise à tous les autres états confédérés. Le Statthalter (représentant
local) exerçait les prérogatives de l’empereur. Les normes de nature législative, même si elles étaient
limitées à l’Alsace-Moselle, étaient édictées par le parlement allemand. Les citoyens résidant sur la
terre d’empire votaient pour le Reichstadt mais il n’y avait pas de représentation propre de l’AM au
Reichstadt. N’étant pas un état confédéré elle n’avait pas non plus l’organisation propre d’un état
confédéré. Elle n’avait pas d’organisation propre de même nature. Il n’y avait pas de pouvoir
législatif local. Au fil des temps il y a tout de même eu une délégation d’Alsace-Moselle, mais elle
n’avait qu’un pouvoir consultatif.
Ce n’est qu’en 1911 que les revendications pour plus d’autonomie, pour que la terre d’empire
accède à un statut d’égalité avec les états confédérés, ont un peu abouti. L’Alsace-Lorraine a été
3
dotée d’une constitution, dans le cadre de laquelle des institutions législatives ont été mises en
place. Comme dans les autres états confédérés, une diète locale a été mise en place (parlement), une
chambre élue au suffrage universel direct et une chambre de notables locaux. La constitution de
1911 ressemblait à une constitution, mais ce n’en était pas une. Elle a été octroyée par les autorités
allemandes. Elle résulte d’une loi votée par le parlement allemand, mais à aucun moment les
autorités locales n’ont eu un pouvoir délibératif. De la même façon, le texte qui a promulgué la
constitution exprime bien que toute modification de cette constitution se fera sous le même
processus, par une loi du parlement fédéral allemand. Cette constitution s’apparentait plus à la
charte de louis XVIII qu’à une vraie constitution.
1.b. La naissance du premier droit local :
En 1871 est signé le traité de Francfort et les 3 départements sont alors soumis à la souveraineté
allemande.
Un problème de transition législative s’est posé et il fallait donc basculer d’un système de Code Civil à
un système de droit germanique. De plus, en 1871 en Allemagne il n’y avait pas de Code Civil (édicté
pour la première fois en 1900). Quel droit allait-on alors appliquer ? Et bien, en droit privé on a
maintenu le droit français jusqu’alors en vigueur dans deux domaines en particulier, le droit civil et le
droit des cultes. Lorsqu’en 1900 est apparu les Code Civil Allemand, et bien ce dernier s’est appliqué
en Alsace-Moselle.
Le droit des cultes : en Moselle et en Alsace s’appliquait un concordat qui avait été passé entre la
République et le Pape PI 7. L’Empire allemand a fait le choix de maintenir ces textes en vigueur dans
les 3 départements. On retrouvera cet élément dans le deuxième droit local, alors même qu’il
n’existait plus dans le reste de la France.
2. 1918 : le retour à la France : la naissance du deuxième droit local :
2.a. Jusqu’aux lois du 1er juin 1924 :
Le 11 novembre 1918, l’Allemagne capitule, et avant même la signature du traité de Versailles, les 3
départements français reviennent dans la souveraineté française. Pendant la période transitoire de
l’armistice à la ratification du traité de Versailles de 1919, il y avait une situation de fait mais pas de
droit.
Dès le 17 octobre 1919, le législateur français a décidé qu’en attendant l’introduction des lois
françaises, c’est le droit allemand qui restait en vigueur (sauf pour souveraineté nationale). La règle
de l’article précisait en effet le maintient provisoire du droit en vigueur (le droit allemand), et ceci
aussi longtemps qu’il n’en n’est pas décidé autrement par le législateur de la république. A cet égard
les grandes lois d’introduction sont celles du 1er juin 1924.
2.b. Les lois du 1er juin 1924 :
Il s’agit de lois civiles et de lois commerciales. Dans la loi du 1er juin 1924, il y avait tout un titre dont
il était dit qu’il était maintenu en vigueur, mais pour une période bien déterminée. Puis une loi de
prorogation est intervenue, et en 1950, cela reste provisoirement définitivement en vigueur.
4
Les lois de 1924 ne sont pas restées un monument figé. Elles ont évolué (sans doute une raison de la
pérennité du droit local).
2.c. L’intermède de l’annexion de fait (1940-1944) :
Il se produit durant cette période un établissement de la république par une ordonnance dont
l’objectif était de préserver les droits acquis et de prévoir des dispositions transitoires. Le droit en
vigueur durant cette annexion de fait a peu laissé de trace.
2.d. La multiplicité et l’ancienneté des sources du droit local suscitent deux séries
de difficultés :
Le droit local est entre autre du droit allemand maintenu en vigueur. Le droit local peut aussi être
des normes du législateur allemand, mais juste édictées pour l’Alsace-Lorraine. Ce sont des normes
spécifiques aux 3 départements. Le droit local n’est pas que du droit allemand maintenu en vigueur.
Cela peut être du droit français dans son état en 1870, maintenu en vigueur et conservé après
l’armistice de 1918. Le droit local peut être une loi spécifique des départements édictés par le
législateur français juste pour eux, pour assurer un lien entre droit allemand maintenu en vigueur et
le droit français en général (exemple : système de la publicité foncière, règles qui ont pour effet de
rendre opposable aux tiers le droit de posséder un immeuble. Dans les 3 départements : livre
foncier). Ce caractère très composite engendre des difficultés de connaissance documentaire et des
difficultés de coordination législative lors des réformes du droit général :
-
-
Difficultés de connaissances documentaires : il y a notamment des problèmes de publication
et de traduction. En ce qui concerne la traduction, et bien pour faciliter ce travail de
documentation, les normes maintenues en vigueur font donc l’objet d’une traduction (loi de
1924). Mais cette traduction conditionnait elle le maintien en vigueur des textes en
question ? La Cour d’Appel de Colmar, dans un arrêt de 1987, avait relevé que le principe de
la légalité des peines exigeait qu’on ne puisse être condamné à une peine que sur la base
d’un texte en vigueur rédigé en français. Cependant, cet arrêt a été cassé par la Cour de
Cassation en 1988. Elle a en effet relevé que dans l’article 22 de la loi de 1924 il avait été
prescrit de traduire les textes et elle en a déduit que l’absence de traduction n’enlevait rien
au fait que ces textes soient en vigueur et servent de base à une condamnation pénale. Cette
affaire a engendrée une prise de conscience et a amené les pouvoirs publics à créer un
institut de droit local alsacien-mosellan. Une de ses tâches est de rassembler en un même
lieu tous les textes de droit local, et de les traduire.
Difficultés de coordination législative lors des réformes du droit général : le droit général
évoluait de son côté, et le temps passant, on oubliait d’opérer la coordination avec le droit
local. Parfois l’évolution du droit général pouvait justifier l’abrogation du droit local
(exemple : en matière d’incapacité on maintenait droit local, et on voulait réformer droit
général).
5
2.e. Les efforts accomplis pour aplanir ces difficultés :
Une commission d’harmonisation a été mise en place pour aplanir les difficultés liées au droit local.
Son rôle est d’éclairer les pouvoirs publics quand une réforme du droit général se prépare, et quand
c’est une mesure où le droit local existe. Cette commission a un rôle consultatif. C’est une
commission constituée de praticiens du droit local.
III. La place du droit local dans l’ordonnancement juridique français :
A. La question de constitutionnalité du droit local : l’existence comme telle d’un
droit local est-elle compatible avec la Constitution du 4 Octobre 1958 ?:
1. Les réponses traditionnelles :
1.a. Au regard de la question de l’unité et de l’indivisibilité de la République :
L’unité : ce principe de l’unité de la république qui figurait comme principe constitutionnel dans les
constitutions n’a pas été repris tel quel dans la constitution de 1958. La notion même d’unité de la
république a évolué et s’est incorporé dans celle d’indivisibilité. Au départ, la république était source
d’unité. Quand une loi était édictée, elle devait s’appliquer sans restriction sur l’ensemble du
territoire de la république. Mais ensuite, ce principe d’unité n’a plus été entendu en ce sens, et il y a
eu progressivement une forme de transfert de l’unité vers l’indivisibilité qui est toujours un principe
constitutionnel (article 1er de la Constitution).
L’indivisibilité : l’indivisibilité de la république ne veut pas dire que la loi s’applique sur tout le
territoire, cependant on s’oppose tout de même à un état fédéral, donc il n’y a qu’un seul législateur.
Hors, le droit local est un droit d’édiction nationale, même si il est d’application locale. A contrario, la
Nouvelle Calédonie a un statut à part, intégré dans la constitution, qui autorise la prise de norme
législative en nouvelle Calédonie.
1.b. Au regard du principe d’égalité résultant de la DDHC de 1789 et du bloc de
constitutionnalité :
Une première réponse résulte de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel. D’après ce dernier
égalité ne veut pas dire uniformité, et le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que la loi établisse
des règles non identiques à l’égard de citoyens se trouvant dans des situations différentes (1982).
Ceci avait aussi permis au Conseil de justifier l’existence d’une organisation territoriale spécifique à la
Corse.
On ne pouvait pas tirer argument de la géographie, ni de différences d’ordre économique, alors on
parlait de spécificité historique. Mais, cet argument ne marchait pas toujours. En particulier dans
une affaire qui a donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil avait été saisi
de la question de savoir si ce droit local était compatible avec la constitution. Il a alors pris le
problème sous un autre angle et n’a pas hésité à inventer un principe fondamental reconnu par les
lois de la république.
6
2. L’apport de la décision QPC 2011-157 du CC du 6 aout 2011 : le maintien du droit
local constitue un PFRLR :
Le maintien du droit local constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la république.
Le conseil constitutionnel avait été saisi de la question de savoir si l’art L3134-11 du code du travail
était oui ou non conforme à la constitution. Quand le législateur opère une codification, il met à part
tout ce qui relève du droit local alsacien-mosellan. Récemment, le code du travail a d’ailleurs était
remanié. On en a profité pour intégrer les règles de droit local en matière de droit du travail.
L’article précédent figure comme relevant du droit local. Dans ce dernier on évoque en particulier les
dispositions concernant le repos dominical, il est plus protégé en droit local qu’en droit général.
2.a. Les conditions de l’existence d’un Principe fondamental reconnu par les lois de
la république sont réunies :
Le commentateur rappelle que pour qu’un PFRLR voie le jour, il faut 3 conditions :
-
-
Le principe doit être fondamental, il doit énoncer une règle suffisamment importante, avoir
un degré suffisant de généralités, et intéresser des domaines essentiels pour la vie de la
nation. Ceci est suffisamment large pour qu’on puisse y mettre ce qu’on veut.
Le principe doit correspondre à une législation républicaine antérieure à la constitution de
1946, car c’est son préambule qui fait référence aux PFRLR.
Par ailleurs, il faut que le principe dégagé par les lois de la république n’ait jamais connu de
dérogation.
2.b. La portée de ce nouveau PFRLR : il ne constitue ni une immunité
constitutionnelle absolue ni une garantie d’éternité pour le droit local :
Le fait qu’il y ait un principe fondamental, crée pour le droit local une immunité constitutionnelle
toute relative. Le droit local doit malgré tout respecter les autres exigences constitutionnelles.
L’invention d’un PFRLR a permis de mettre de côté la critique formulée contre la disposition du Code
du travail. Mais cela n’empêcherait pas le Conseil Constitutionnel, dans d’autres circonstances, de
confronter le droit local à d’autres principes constitutionnels. C’est ainsi, que la question de la
compatibilité du droit local par rapport à des normes constitutionnelles va continuer à se poser.
Il ne correspond pas non plus à une garantie d’éternité du droit local. Le PFRLR que le Conseil a
offert est-il un principe de fossilisation ? Concrètement, la décision du Conseil signifie que si on
modifie le droit local, si on y apporte une réforme, c’est soit pour l’abroger, soit pour réduire la
différence entre le droit local et le droit général. La décision de 2011 revient à dire que si on abroge
ou modifie une norme de droit local, on ne peut plus réintroduire une disposition de droit local déjà
abrogée. On ne peut plus faire du droit local là où il n’y en a plus. Il faut nuancer cela car rien de
s’oppose à créer une nouvelle norme de droit local dans la mesure où elle n’est contraire à aucune
norme constitutionnelle en vigueur.
La décision du 6/8/011 n’empêche pas le législateur d’abroger toute ou partie du droit local.
7
B. Le champ d’application du droit local : la question des conflits interrégionaux :
Quand une même matière est régie par le droit local et général, que faire ? Les solutions à cette
question ont été apportées par une loi du 24 juillet 1921 sur les conflits
-
Le droit local est essentiellement d’application territoriale : il s’applique sur le territoire des 3
départements. Facile à établir différence droit général/droit local.
Il est exceptionnellement d’application personnelle : il s’applique seulement à certaines
personnes. C’est le cas pour tout ce qui était du régime des incapacités. Il y avait jusqu’en
1990 des règles spécifiques qui s’appliquaient à des personnes sujettes de droit local. Ce qui
reste de droit local d’application personnelle c’est deux choses, à savoir des règles en
matière de régimes matrimoniaux, et une règle en matière successorale.
La loi de 1921 sur les conflits nous dit que quand le droit local est d’application personnelle, il
s’applique aux alsaciens lorrains et à leurs enfants légitimes ou naturels, et aussi aux personnes nées
de parents inconnus après le 11 novembre 1918. Ce sont soit les personnes réintégrées de plein droit
dans la nationalité française en 1918, soit celles devenues françaises par réclamation. Les réintégrés
de plein droit sont les personnes qui étaient françaises avant 1871, devenues allemandes par l’effet
du traité de Francfort, et qui n’ont pas eu d’autres nationalités.
8
PARTIE I : LE DROIT PUBLIC LOCAL
Chapitre 1 : Le droit local communal
Il fut un temps ou le droit local communal constituait une part importante du droit local. Dès le
temps de l’annexion, à l’époque du « premier droit local », il y a eu des particularismes spécifiques à
l’AM en matière de droit communal. Lorsque les trois départements ont été annexés en 1970,
s’appliquait en France et dans ces départements des dispositions remontant à Louis Philipe en ce qui
concernait l’organisation locale, et plus particulièrement des communes et des départements.
L’empire Allemand n’a pas introduit immédiatement de disposition spécifiquement Allemande dans
les trois départements car l’Empire allemand était un Etat de nature fédérale, et l’organisation des
collectivités locale relevait des Etats fédérés. Lorsqu’une législation est intervenue pour l’AlsaceLorraine, et bien cette dernière a été limitée territorialement. C’est véritablement une loi locale,
conçue juste pour l’AL que le législateur a mis en place le 6 juin 1895. Donc cette loi locale est une
loi du législateur allemand certes, mais de portée purement locale. Dans une large mesure cette loi
reprenait des dispositions de la législation française jusqu’alors applicable qui remontait à Louis
Philipe.
En 1924, la loi locale de 1895 a été maintenue en vigueur, ce qui fait que dans les temps qui ont
suivis la fin de l’annexion, et bien le droit local en matière communale a constitué un morceau
important du droit local. Cette loi locale régissait tout ce qui concernait le fonctionnement des
organes municipaux, les finances, le statut des agents, … .
A partir de 1945, le législateur national va prescrire progressivement l’introduction de norme de
droit générales. Chaque fois que ce dernier revoyait les règles de l’organisation communale, il
prescrivait que ces dispositions s’appliqueraient dans les trois départements. Et donc petit à petit le
droit local a diminué et il a perdu la cohérence propre qui était la sienne, en ce sens qu’à force
d’introduire le droit général, ce qui a subsister du droit local en matière communal est devenu
ponctuel sans aucune logique. Tout cela a pour conséquence qu’en l’état actuelle des choses le droit
local en matière communale porte sur trois points principalement, à savoir les règles éparses
concernant les organes de la commune, les curiosités concernant le contrôle de légalité et les
quelques particularismes en matière d’urbanisme.
En ce qui concerne les établissements publics de coopérations intercommunales et bien le droit local
communal a une incidence indirecte sur ces derniers (ceux qui fonctionnent dans les trois
départements).
Le droit local comporte donc des spécificités en matière communale mais pas en matière régionale.
En l’état actuel des choses différents textes régissent la matière du droit local communal, à savoir les
articles L ou R 2541 et suivant du code général des collectivités territoriales. Ces articles sont le seul
endroit ou se trouve le droit local positif. La loi de 1895 comme telle n’est plus applicable.
9
I. Les particularismes concernant les organes de la commune :
Il ya des particularités concernant deux points, à savoir le conseil municipal d’un côté et le maire et
ses adjoints de l’autre.
A. Les particularismes concernant le conseil municipal :
Il ya trois particularismes concernant le statut des conseillers, le fonctionnement du conseil
municipal et la compétence de ce dernier.
1. Le statut des conseillers :
Les particularismes du droit local se limitent à peu de chose. A priori c’est bien le statut du droit
général qui est applicable aux conseillers généraux, même en Alsace-Lorraine. Mais il y a des
particularités concernant des cas d’exclusion et ces derniers sont spécifiques au droit local :
- L’exclusion d’un conseiller municipal par décision du conseil municipal : ce cas suppose que
soient réunies deux séries de conditions, des conditions de fond et de procédure. Concernant
les conditions de fond et bien soit le conseiller a troublé les séances de façon répété, soit il a
été absent sans excuse insuffisante à 3 séances successives. Concernant les conditions de
procédure et bien le conseil municipal doit motiver sa délibération. L’intéressé doit avoir été
invité à faire valoir ses arguments, la question de l’exclusion du conseiller doit avoir été mise
à l’ordre du jour. Lorsque la décision du conseil municipale est prise, et bien il peut moduler
la sanction et la décision est susceptible de recours devant le juge de l’excès de pouvoir.
- L’exclusion d’un conseiller par décision du maire : cette exclusion a un caractère plus
radical. En effet, la loi locale prévoit que lorsqu’un conseiller municipal a été absent sans
excuse 5 fois de suite, alors l’exclusion est de droit et le maire ne doit que constater le fait
de l’absence. Le maire a donc une compétence liée.
2. Le fonctionnement du conseil municipal :
Il y a deux particularismes à évoquer en ce qui concerne le fonctionnement du conseil municipal :
-
La règle concernant le fonctionnement intérieur : la loi locale a toujours prescrit un
règlement intérieur, or en droit général l’obligation d’un règlement intérieur n’existe que
depuis 1992 et que pour les communes de plus de 3500 habitants. Donc le particularisme du
droit local subsiste pour les communes de moins de 3500 habitants.
-
La convocation : le conseil municipal est convoqué par le maire, mais ce dernier peut être
tenu de réunir le conseil municipal dès l’instant ou un minimum de membres du conseil le lui
demande. En droit général, si la commune est de moins 3500 habitants, et bien il faut que la
moitié des conseillers municipaux le lui demande, et pour les communes de les plus de 3500
habitants il faut que le tiers des conseillers le demande. En droit local le maire doit
convoquer le conseil municipal dès que le tiers le demande, quelque soit la taille de la
commune.
10
3. La compétence du conseil municipal :
Il y a en apparence une différence entre le droit local et le droit général dans la définition des
compétences du conseil municipal et dans la répartition de ces dernières entre le conseil et le maire.
En droit général, un texte dit que le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la
commune. Tandis qu’en droit local il n‘y a pas de disposition équivalente, mais il y a dans le Code
Général des Collectivités Territoriales un texte qui énumère les compétences du conseil municipal.
Par contre en droit local, et bien l’on observe que pour le maire il est dit qu’il administre les affaires
communales pour autant que l’action du conseil municipal n’est pas requise.
Donc, en résumé en droit général ce qui n’appartient pas spécifiquement au maire relève de la
compétence du conseil municipal et inversement en droit local c'est-à-dire que ce qui ne relève pas
spécifiquement de la compétence du conseil municipal, est de la compétence du maire.
Ce fossé entre droit local et droit général s’est peu à peu comblé par la pratique des préfectures et
parce que le législateur lui-même a œuvré pour combler ce fossé (il a rallongé la liste des matières
expressément dévolues au conseil municipal, et il a introduit un adverbe dans l’entête de l’article
L2441-12 du Code Général des Collectivités Territoriales).
B. Les particularismes concernant le maire et les adjoints :
Il ya déjà tous ce qui concerne les compétences du conseil municipal et du maire (ce qui est cité
précédemment, c’est-à-dire qu’en droit local ce qui ne relève pas de la compétence du conseil
municipal est de la compétence du maire, et inversement en droit général). Le maire a en principe le
pouvoir de droit commun, mais il faut combiner cela avec l’article L2441-12 du Code Général des
Collectivités Territoriales. Mise à part cela il n’y a pas vraiment de particularisme en droit local en ce
qui concerne la compétence du maire et de ses adjoints.
II. Le contrôle de légalité :
Le contrôle de légalité est le droit qu’à l’Etat (article 72 de la constitution) de surveiller les
collectivités territoriales, et en particuliers les communes. Elles s’administrent librement, mais l’Etat
doit vérifier que les organes de la commune n’outrepassent pas leurs prérogatives. Ainsi tous les
actes sont soumis à un contrôle de légalité.
Pendant longtemps, en droit général (jusqu’en 1982), ce contrôle était à priori. La loi de 1982 a
supprimé le contrôle de légalité à priori et l’a remplacé par un contrôle a postériori. Ainsi lorsque la
commune pose un acte, ce dernier est alors transmis à la sous préfecture qui en accuse réception et
à cet instant même l’acte devient exécutoire.
La particularité du droit local réside dans le fait qu’avant 1982 certaines communes étaient soumises
à un statut particulier au regard du contrôle de légalité. En effet, on distinguait les grandes
communes et les autres, dans le langage administratif. Les autres étaient soumises au contrôle a
priori. Par contre les grandes échappaient à ce contrôle et leurs actes étaient exécutoires de plein
droit, avant même la transmission à l’autorité préfectorale (ce n’était pas le cas en droit général
avant 1982). Avant 1982, lorsqu’une grande commune adoptait un acte, et bien ce dernier était
exécutoire. Quel est alors le critère pour être une grande commune ? Et bien les grandes communes
11
étaient les chefs lieux de département et les communes de plus de 25000 habitants. Par ailleurs, des
communes de moins de 25000 habitants s’étaient vues reconnaitre le statut de grande commune à
l’époque de l’empire allemand. Il y avait en 1982 26 grandes communes dans les trois départements
(6 en Moselle à savoir Metz, Thionville, Forbach, Sarreguemines, Sarrebourg et Montigny les Metz).
La loi de 1982 a donc entrainé la suppression du droit local en vigueur concernant le contrôle de
légalité et l’abrogation du statut de grande commune. Ainsi, à partir de cette date les grandes
communes étaient astreintes à envoyer leurs actes à l’autorité préfectorale et ce n’est que par
l’accusé de réception que l’acte devenait exécutoire. Très vite les représentants de ces communes
ont fait valoir que la loi de 1982 constituait une régression par rapport à l’état antérieur. Les pouvoirs
publics ont été sensibles à cette revendication et donc une seconde loi de 1982 a restauré le droit
local qui avait été en vigueur jusqu’en mars 1982 pour ce qui concernait le contrôle de légalité dans
les trois départements.
Certains auteurs ont cependant fait valoir que l’article 4 de la loi de 1982 était d’une
constitutionnalité douteuse. L’article 72 de la constitution reconnait à l’Etat le droit de surveiller
l’action des Collectivités territoriales pour vérifier qu’elles ne posent pas des actes illégaux et qu’elles
ne dépassent pas leurs compétences. Le Conseil Constitutionnel a donc eu l’occasion de juger que le
contrôle de légalité en 1982 était une prérogative qui appartenait à l’état en conséquence de la
mission qui lui était dévolue par l’article 72 de la constitution. Or dans la décision de 1982 le Conseil
avait été invité à statuer sur une hypothèse ou le législateur avait prévus les cas ou certains actes des
collectivités territoriales en droit général pouvaient être exécutoires de plein droit indépendamment
de la transmission de l’acte à l’autorité préfectorale. Le Conseil a précisé que cela n’allait pas. Pour
cette raison le Conseil Constitutionnel a posé comme principe qu’il y avait une exigence
constitutionnelle que l’acte d’une collectivité territoriale ne soit exécutoire qu’après la
transmission à l’autorité préfectorale.
III. Le particularisme concernant les compétences particulières de la commune en
matière d’urbanisme :
Le développement de la règlementation de l’urbanisme en droit général est un phénomène de
l’après guerre. En Allemagne l’on avait bien avant pris l’habitude de concevoir le développement
des villes de façon rationnelle et le législateur allemand avait donné aux communes un moyen
juridique de le faire. Dans les trois départements il y a eu successivement trois lois locales :
-
La loi du 21 mai 1879.
La loi du 6 janvier 1892.
La loi du 7 novembre 1910 (elle est toujours en vigueur) : le Conseil d’Etat l’a reconnu dans
un arrêt du 2 mars 1984. Le législateur a rappelé le principe du maintient en vigueur de cette
loi dans les trois départements.
Les maires se sont vus le droit de prendre des arrêtés de la police de la construction dans l’intérêt
de la sécurité, de l’hygiène et de l’esthétisme local par ces lois. Il faut s’intéresser au contenu de ce
dernier et à la procédure mise en œuvre :
-
Le contenu de l’arrêté de police de la construction pris par le maire : l’arrêté du maire doit
avoir en vue l’intérêt de la sécurité, de l’hygiène et de l’esthétisme local. La seule restriction
12
-
qu’il peut y avoir est que les arrêtés municipaux ne peuvent pas concerner l’aménagement
intérieur des immeubles. Cela étant, le maire a en pratique la possibilité de mettre en place
une réglementation d’ensemble qui équivaut à un plan d’urbanisme en bon et du forme.
Dans cet arrêté le maire peut donc réglementer des domaines très divers. Le caractère
général de ces arrêtés s’est renforcé au fil du temps. L’arrêté peut équivaloir à un véritable
plan d’urbanisme.
La procédure mise en œuvre par le maire pour prendre des arrêtés : la prérogative du maire
n’existe pas de plein droit, il faut que le conseil municipal habilite le maire à le faire. Le
fondement de la prérogative du maire provient du conseil municipal, mais ce dernier ne peut
procéder par délégation. En outre il n’est pas nécessaire qu’il y ait une ratification du conseil
municipal.
Comment la loi de 1910 se coordonne avec le droit général ? Le principe est que le droit local
l’emporte sur le droit général. Le règlement municipal de construction l’emportera donc sur un plan
d’urbanisme en droit général. Lorsque l’on a des normes différentes mais complémentaires et bien
c’est la disposition de droit local qui l’emportera.
13
Chapitre 2 : Le droit local des libertés publiques
I. le droit local des associations :
Ce dernier figure aux articles 21 à 79 du Code Civil Local (il s’agit des dispositions du Code Civil
allemand qui ont été maintenus en vigueur dans des domaines spécifiques tel que le droit des
associations). En outre, il y avait pendant longtemps une loi d’empire du 19 avril 1908 qui est une loi
d’application des dispositions locales concernant le droit des associations. Cependant cette loi a été
abrogée par une loi de 2003 car le contenu de cette loi a été transposé dans le code de procédure
civile. En outre, il existe un guide pratique des associations d’Alsace-Lorraine qui est relativement
complet.
Le droit local connait, comme en droit général, le principe de la liberté d’association, mais selon des
modalités différentes.
A. La liberté d’association :
1. La notion d’association :
En droit général, ce qui caractérise l’association est l’absence de but lucratif. En Belgique, et au
Luxembourg, l’absence de but lucratif figure même dans la dénomination d’une association
(« association sans but lucratif »). Dans les pays voisins, c’est donc dans l’essence même d’une
association d’être sans but lucratif. En droit général il en est de même (absence de partage de
bénéfices entre les membres de l’association en droit général).
En droit local, les choses sont plus floues et la différence entre association et société est plus difficile
à établir. Il n’y a pas en droit local de définition législative de l’association. On peut cependant
considérer qu’une association est un groupement volontaire et durable de plusieurs personnes en
vue d’un but commun lucratif ou non. Il y a donc trois caractéristiques, à savoir un groupement
volontaire, durable, et de pourvoir un but commun. En droit local le partage de bénéfice n’est pas
interdit comme en droit général. C’est en cela que l’association de droit local se différencie de
l’association en droit général et c’est aussi en cela que la limite entre association et société est moins
claire.
Il n’en reste pas moins que dans une association chaque adhérant a le même poids, le même droit
de vote et si l’on partage les bénéfices, chaque personne a le droit à la même part des bénéfices.
Tandis que dans la société le poids du vite, le partage des bénéfices, sera lié au nombre de parts
acquises par chaque associés.
2. L’étendue de la liberté d’association :
Originairement cette liberté était limitée en Alsace-Lorraine. Elle était réservée aux nationaux et
l’autorité préfectorale avait un pouvoir de contrôle quasi-discrétionnaire. Dans la version d’origine
du droit local, cette liberté d’association était donc encadrée. De ce point de vue le droit local s’est
rapproché du droit général et à présent le contenu de la liberté d’association est largement
équivalent dans les deux droits.
14
Pourquoi ce rapprochement ? Ce sont les nécessités constitutionnelles qui y poussaient (Conseil
Constitutionnel, décision de 1971 LIBERTE D’ASSOCIATION qui le définit comme un principe
fondamental reconnu par les lois de la république). Si le droit local n’avait pas évolué, et bien il
risquait donc d’être censuré pour inconstitutionnalité.
Comment s’est effectué le rapprochement ? Les dispositions d’origines ont été soit abrogées, soit
réécrites.
B. La capacité juridique d’une association :
1. Acquisition de la personnalité morale :
La capacité juridique d’une association s’acquiert au terme d’un processus.
Au départ il y a des statuts qui sont signés par les membres fondateurs de l’association. Ces
fondateurs doivent être au moins 7. Ces derniers doivent également nommer la direction. Une fois
les statuts signés l’on dépose ces derniers au tribunal d’instance dans le ressort duquel se trouve le
siège de l’association. Celui-ci va procéder à une insertion dans un journal d’annonce légale et il va
communiquer le dossier de constitution de l’association au préfet. Le préfet peut alors faire
opposition à l’inscription de l’association. S’il n’y a pas d’opposition au bout du délai, et bien le
tribunal d’instance va inscrire l’association au registre des associations. C’est à partir de ce moment
qu’elle acquiert la personnalité morale.
Ce processus est plus lourd que pour les associations de droit général puisqu’un contrôle est opéré
par le juge judiciaire. En effet, en droit général la personnalité morale est acquise dès l’instant ou les
statuts sont signés et le dépôt des statuts à la préfecture est uniquement destiné à l’information des
tiers. Il est vrai cependant que l’on peut trouver une justification à ce processus compliqué en droit
local dans l’étendue de la personnalité morale.
2. Etendue de la personnalité morale :
En droit général, une association à une capacité juridique restreinte. Elles ont une petite
personnalité morale car l’association est dans l’incapacité juridique de recevoir des dons et des legs,
sauf si elle a été reconnue d’utilité publique (ce statut résulte d’un décret).
En droit local, une association a une capacité beaucoup plus étendue car elle a ce que l’on appelle la
grande capacité juridique. Ainsi, les associations peuvent recevoir des dons et des legs (elles doivent
dans ce cas respecter une procédure qui a été assouplie au fil du temps). Cependant, sur un point
fiscal cet avantage peut devenir un inconvénient. N’étant pas d’utilité publique en effet, elle ne peut
bénéficier de l’exonération des droits de mutation par décès. Le législateur a alors inventé un statut
réservé aux associations de droit local qui est le statut d’association ayant une mission reconnue
d’intérêt public. Malheureusement ce statut a été élaboré uniquement pour permettre aux
contribuables de déduire de leur déclaration de revenus les dons de sommes d’argents. Par la suite le
législateur a considéré que les avantages accordés aux associations d’utilité publique en droit
général s’appliquaient également en droit local.
15
C. Organisation et fonctionnement de l’association :
L’association fonctionne sur un mode démocratique, ce qui signifie qu’il y a au minimum deux
organes, à savoir l’assemblée générale et la direction. On y adjoint également des organes facultatifs.
1. Les membres :
Le caractère volontaire et contractuel de l’association est décisif. Ces caractères concernent aussi
bien l’entrée dans l’association que la sortie : le volontariat a un coté bilatéral
-
L’entrée dans l’association : pour y entrer il faut y adhérer et il faut que l’association
accepte l’adhésion. On ne peut en effet pas s’imposer dans l’association.
- La sortie de l’association : on y sort par démission ou soit parce qu’on y est radié.
Enfin, la qualité de membre à un caractère personnel et incessible (on ne peut vendre ou transmettre
son titre de membre).
2. L’assemblée générale :
L’assemblée générale est l’organe qui détient la plénitude des compétences au sein de l’association,
sauf dérogation statutaire. De surcroit, il est des matières qui relèvent nécessairement de
l’assemblée générale et dont elle ne pourrait être dépouillée même par une dérogation statutaire.
Ces matières concernent la nomination et la révocation de la direction, et la modification des statuts,
y compris la décision de dissoudre l’association.
L’assemblée générale est convoquée dans les cas prévus par les statuts (convocation à la diligence du
président de l’association, d’un vice président, …) et il y a un cas prévu spécifiquement par le Code
civil local à savoir que la convocation est de droit si 1/10ème des membres de l’association le
requiert.
La présidence de l’assemblée générale revient à la direction, concrètement au président de
l’association. Les statuts peuvent déterminer l’exigence d’un curum pour que l’assemblée puisse
valablement délibérer. Dans la mesure où elle peut valablement délibérer, les décisions se prennent
à la majorité (moitié des voix plus une) et il faut savoir que dans les associations l’on vote par tête
(un adhérant représente une voix). Il y a un cas ou la loi impose elle-même la majorité, celle des 3/4
des voix, lorsqu’il s’agit modifier les statuts.
3. La direction :
Il s’agit de l’organe exécutif de l’association. Le code civil local, de façon générale, nomme et
dénomme l’organe exécutif (conseil d’administration, bureau, conseil). Lorsque la loi locale parle de
direction, cela correspond à l’entité élargie. Il faut s’intéresser au début et à la fin du mandat :
-
Le début du mandat : au sein de cette direction il y a le président de la direction qui
représente l’association à l’extérieur, et notamment en justice. Les membres de la direction
sont élus par l’assemblée générale, mais il peut y avoir des membres de droit. Assez
fréquemment, l’on a un comité qui se renouvèle par fraction tous les 2 ou 3 ans. Le plus
16
-
fréquent est un mandat de 3 ans et tous les ans l’assemblée générale renouvèle le tiers
sortant.
La fin du mandat : toutes les variantes sont possibles, à savoir la survenance du terme, le
décès de l’administrateur ou la révocation par l’assemblée générale pour faute grave.
Tout cela doit être fait mention au registre du tribunal des associations pour la mise à jour de ce
registre.
4. Les organes occasionnels :
La direction et l’assemblée générale sont indispensables à l’association. A coté de cela, il peut y
avoir d’autres organes qui ont généralement une fonction de contrôle ou une fonction facultative
(le réviseur aux comptes par exemple qui est élu en dehors de la direction). Il s’agit des organes
occasionnels. Parfois, il y a un organe collégial chargé de surveiller les comptes et il s’agit du conseil
de surveillance.
D. Extinction de la personnalité morale :
L’association qui est une personne morale disparaît un jour (même si elle a une durée de vie plus
longue qu’une personne physique).
1. Les causes de la perte de la personnalité morale d’une association :
Il faut parler de perte de la personnalité morale et non de disparition car il peut advenir qu’une
association perde la personnalité morale sans disparaître en tant que tel. En effet, elle peut être
dépourvue de personnalité juridique (elle n’a plus de patrimoine, ne peut plus recevoir des dons et
legs). Il faut distinguer deux séries de causes de perte de la personnalité morale, à savoir que
l’association peut disparaître et ainsi la personnalité morale disparait, ou l’association ne disparait
pas, mais elle est privée de sa personnalité morale.
La personnalité juridique disparaît car l’association comme telle disparaît : il y a deux séries de
circonstance dans lesquelles une association est dissoute et ou sa personnalité juridique disparaît :
-
-
Les circonstances tiennent à la volonté des membres : dans ce cas il y a trois séries
d’hypothèses. Première hypothèse : l’association s’était constituée pour une durée limitée, le
terme arrive et l’association est dissoute. Seconde hypothèse : il y a la volonté des membres
de l’association de dissoudre celle-ci et cela s’exprime par la décision de l’assemblée
générale de dissoudre l’association (l’association se dissout volontairement). Il s’agit dans ce
cas d’une modification statutaire (majorité des ¾). Troisième hypothèse : l’association sera
dissoute si tous les membres démissionnent.
L’association est dissoute par décision administrative : le texte applicable ici est un texte de
droit général, une loi du 10 janvier 1936 qui permet au gouvernement, par décret en conseil
des ministres de dissoudre une association car soit qu’elle porte atteinte à l’intégrité du
territoire ou à la forme républicaine du gouvernement, soit lorsqu’elle incite à la
discrimination, à la haine à la violence entre les personnes à raison de leur origines,
convictions, ou religions.
17
L’association n’est pas dissoute mais privée de sa personnalité juridique: il s’agit principalement de
deux cas prévus par les textes :
-
-
Le premier cas est prévu par l’article 73 du Code Civil local : d’après cet article, lorsque le
nombre de membres de l’association est descendu en dessous de 3, le tribunal d’instance
retire la capacité juridique à l’association. Dans un jugement du 24 septembre 2009 un
tribunal d’instance a rappelé les conditions et la portée de l’article 73. Ce dernier définit
quelles sont les personnes compétentes pour saisir le tribunal d’instance et également la
compétence du tribunal en la matière. Le tribunal est ainsi saisit soit par la direction, soit le
tribunal se saisit d’office. Lorsque le juge est saisit, il a une compétence lié (il doit juste
vérifier que le nombre de membres est inférieur à 3). Il y a cependant, une possibilité pour
l’association de sauver la mise, en ce sens que lorsque le tribunal se saisit d’office, il doit
attendre au moins 3 mois avant de se prononcer. Ce délai de 3 mois peut permettre à la
direction de l’association de déjouer les manœuvres pour faire perdre à l’association la
personnalité juridique. L’affaire citée précédemment est évocatrice de cette hypothèse,
l’association était une association de chasse et il n’y a eu plus que deux membres dans cette
dernière. Puis, un ancien membre avait écrit au tribunal d’instance pour prononcer le retrait
de la personnalité juridique. Le Tribunal va se saisir d’office, mais il doit s’écouler le délai de 3
mois. Pendant ces 3 mois il suffit de retrouver un troisième membre pour que le retrait de la
personnalité juridique ne s’effectue pas.
Le second cas est prévu par l’article 79-1 du Code Civil local introduit par la loi de 2003 : cet
article précise qu’une association pour laquelle le tribunal constate qu’elle a cessé toute
activité et ne possède plus de direction depuis plus de 5 ans se voit retirer la personnalité
juridique. L’idée est de permettre aux griefs de prononcer d’office le retrait de la
personnalité juridique des associations dont l’on n’avait pas constaté de mouvement depuis
au moins 5 ans. La loi de 2003 qui a introduit cet article avait prévu un décret d’application,
en particulier il devait y avoir une disposition réglementaire pour l’article 79-1. Le décret
d’application est intervenu le 29 novembre 2006 et sur la question précise de la mise en
œuvre de l’article 79-1 le décret est resté muet. Autrement dit, sur les autres matières de la
loi de 2003 le décret de 2006 a prévu les dispositions d’application, sauf sur l’article 79-1.
Monsieur MASSON, sénateur de la Moselle a attaqué ce décret devant le Conseil d’Etat pour
ce qu’il ne contenait pas. Il s’agissait pour le requérant de demander au Conseil d’Etat
d’enjoindre le gouvernement à prendre les dispositions demandées. La requête a été rejeté
car le gouvernement avait bien fait de ne pas réglementer la matière pour le Conseil d’Etat.
2. La dévolution et la liquidation du patrimoine :
Il faut se demander ce qu’il devient du patrimoine quand l’association est dissoute, qu’elle perd la
personnalité juridique. Il faut tout d’abord effectuer la liquidation de l’association. Que faire s’il
reste des bénéfices ? Il y a deux hypothèses :
-
Les statuts prévoient à qui reviendra le boni de liquidation.
Les statuts sont muets à ce sujet : dans ce cas, si l’association a un but économique on peut
répartir le boni de liquidation entre les membres, par tête. Quand elle n’a pas de but
économique, l’assemblée générale peut désigner ultimement un bénéficiaire ou le boni va
au trésor public.
18
II. Le droit local et les cultes :
Ce droit a la particularité d’être un droit français pur, trouvant sa source dans le premier droit local.
Le droit des cultes est celui qui a été applicable en 1870 et jusqu’à la séparation de l’église et de l’Etat
en 1905. L’on a aboutit à ce droit d’aujourd’hui car les autorités allemandes ont fait le choix de
maintenir ce droit des cultes en Alsace-Moselle lors de l’annexion, et les autorités françaises aussi en
1918 lors de la libération. On peut ainsi dire qu’il s’agit plutôt du droit français maintenu en vigueur
en 1870 et remaintenu en vigueur en 1918.
Ce droit local comporte un aspect anecdotique, à savoir les jours fériés spécifiques à l’Alsace
Moselle. Le législateur français a ainsi rangé dans une subdivision spécifique toutes les dispositions
du droit local relevant du droit du travail. Ce qui concerne les jours fériés figure ainsi à l’article L313413 du Code du Travail. Ce dernier rappelle la liste des jours fériés sur le territoire national et y ajoute
le vendredi saint et le 26 décembre pour l’Alsace-Moselle :
-
En ce qui concerne le 26 décembre : c’est un jour férié sans restriction dans les communes
des trois départements.
En ce qui concerne le vendredi saint : à l’origine, du temps de l’annexion, l’on faisait une
distinction entre les communes qui disposaient d’un temple protestant, et celles qui n’en
n’avait pas. La tradition du vendredi saint jour férié est en effet liée au protestantisme. Ainsi,
comme le vendredi saint n’a pas la même importance dans la tradition catholique, cela avait
amené les autorités compétente à préciser que là ou il y avait un temple le vendredi saint
serait férié, et là ou il n’y en avait pas, il n’y aurait pas de vendredi saint. Cette histoire à
amené des distorsions de concurrence, et aujourd’hui en Moselle, par l’initiative de
monsieur MASSON, le vendredi est devenu un jour férié pour tous. Ce n’est cependant pas le
cas en Alsace ou l’on distingue encore s’il y a un temple ou non.
A. Histoire du régime des cultes en Alsace Moselle :
Le droit des cultes est le droit français des cultes en son état en 1870, et celui-ci remonte lui-même à
Napoléon Bonaparte à l’époque de consulat. Ce droit local des cultes repose sur une distinction entre
les cultes statutaires et les cultes non statutaires :
-
Les cultes statutaires : ce sont ceux reconnus comme tel par la république. Ce sont des cultes
pour lesquels l’Etat reconnait un statut de droit public.
Les cultes non statutaires : ces derniers ont été rejetés dans une forme de néant juridique.
Aujourd’hui ils peuvent recourir au moule juridique de l’association pour s’organiser. Ils
relèvent du droit privé mais l’Etat ne leur reconnait pas un statut de droit public.
Les cultes statutaires son au nombre de 4, à savoir le culte catholique, les cultes protestants, l’église
réformée d’Alsace-Lorraine, et le culte israélite. La mise en place des statuts de ces différents cultes
s’est faite selon un ordre chronologique et il s’agit de s’intéresser particulièrement à la période du
concordat. Napoléon l’a signé avec le pape Pie 7 pour apaiser les relations entre légalise catholique
et la république après la révolution. Le concordat a eu pour effet de réorganiser la carte des
diocèses, ainsi que le mode de nomination des évêques et curés. Cela étant, le concordat a quand
même constitué un sujet difficile à faire passer devant ce qui constituait le parlement à l’époque. Les
diocèses ont alors prévu d’encadrer le concordat et lorsque le texte a été présenté au corps législatif,
19
l’on a présenté un texte double, à savoir le concordat comme tel, mais flanqué d’articles organiques.
Une loi du 18 germinal an 10 ratifie le concordat, introduit dans la législation française les articles
organiques du culte catholique et les articles organiques du culte protestants. Autrement dit l’on a
dans cette loi les textes de bases pour trois cultes statutaires. Le culte israélite aura du attendre
pour se voir reconnaitre comme culte statutaire car il a fallu attendre l’ordonnance du 25 mai 1844.
En outre, cette liste des cultes statutaires n’est pas clause et reste ouverte. Ces textes de base ont
été complétés par des textes réglementaires. On rappellera que l’empire allemand a fait le choix de
maintenir les cultes statutaires dans les trois départements. Le concordat est encore aujourd’hui en
vigueur et il constitue un élément du droit positif.
Les cultes non statutaires s’organisent selon le droit privé. Pendant longtemps, le fossé entre les
cultes statutaires et les cultes non statutaires était profond. A l’origine, l’opposition était tranchée, et
par la suite les lignes de convergence se sont multipliées.
1. D’une opposition tranchée entre cultes statutaires et cultes non statutaires … :
Originairement, les cultes statutaires avaient presque un statut de cultes officiels. Les cultes non
reconnus étaient eux voués à une forme de néant juridique, et on ne les connaissait que pour des
motifs de police, en particulier le décret du 18 mars 1859 a soumis à autorisation gouvernementale
l’ouverture de tout lieu de culte d’un culte non reconnu et également d’un culte protestant.
Cependant, depuis la seconde guerre mondiale les lignes de convergence se sont multipliées.
2. … à la multiplication des lignes de convergences pour assurer le respect du
principe constitutionnel de laïcité de la République :
La multiplication des lignes de convergence s’est effectuée suite à l’intervention de différents
éléments :
-
Les cultes non statutaires étaient soumis à cette forme de tutelle politique et policière. Or les
différents aspects de cette tutelle politique sont tombés en désuétude dans la pratique.
En outre, la fiscalité est une ligne de convergence, en ce sens que des avantages fiscaux liés
au culte statutaires ont été étendus aux cultes non statutaires. Ainsi, certains textes vont
être applicables à tous les cultes, statutaires ou non.
B. Les cultes statutaires :
1. Le culte Catholique :
Dans les 3 départements ce culte est organisé en diocèses et en paroisses. Ces derniers sont des
circonscriptions administratives du culte, mais ce ne sont pas des personnes morales de droit public.
Par contre à l’intérieur de ceux-ci fonctionnement différents établissements publics du culte.
1.a. Le diocèse :
Il s’agit de s’intéresser tout d’abord à la création et à la délimitation du diocèse, puis au personnage
qu’est l’évêque, et enfin aux établissements publics de cultes fonctionnant à l’intérieur même du
diocèse.
20
Erection (création) et délimitation : il faut souligner que pour délimiter un diocèse, pour en créer un
nouveau, ou encore pour faire progresser son statut, il y a nécessité d’un accord de volonté entre le
saint siège et les autorités de la république. L’accord de volonté se déroule selon une façon
spécifique. Au départ, il doit y avoir un texte de droit interne. Ensuite, cela passe à Rome et le pape
va promulguer une bulle pontificale et cette dernière ne se suffit pas à elle-même car les légistes
français ont toujours redouté que des textes de Rome puissent être directement applicables en
France. Ainsi, dans les articles organiques il était dit que tout texte venu de Rome devait, avant d’être
applicable en France, être reçu en France au travers d’un décret en Conseil d’Etat. Quand, en 1988
l’on a donné un statut plus prestigieux à l’évêché de Strasbourg en en le faisant archevêque l’on a
respecté cette procédure.
L’évêque : l’évêque est à la tête du diocèse. On retrouve dans sa nomination cette nécessité d’un
double accord entre Rome et Paris. Il y a différentes étapes à suivre. Tout d’abord, il y a un décret du
président de la république qui nomme tel ecclésiastique comme évêque. Le concordat impose des
conditions, à savoir qu’il faut avoir au moins 30 ans et être d’origine française. Il faut également que
le président soit de confession catholique, ce qui fait que du temps de l’annexion la procédure était
différente (l’empereur était protestant). Par la suite, il faut que le pape analyse ce décret du
président au travers d’une bulle pontificale. Enfin, il faut que cette bulle soit analysée par le Conseil
d’Etat. Au terme de cela l’intéressé pouvait prendre possession de son siège d’évêque. Cette
procédure existe dans les textes. Mais en pratique ce n‘est plus le président qui nomme un évêché
à Metz ou à Strasbourg car c’est le saint siège qui s’occupe de cela. Précisons qu’en Alsace-Moselle le
président de la république est seul à avoir cette prérogative pour nommer l’évêque.
Les établissements publics de culte fonctionnant à l’intérieur du diocèse : il s’agit de s’intéresser
aux règles communes, mais également aux règles propres à chaque établissement :
-
-
Les règles communes à tous les établissements publics du culte : la notion même
d’établissement public du culte est spécifique aux 3 départements. Il s’agit de personnes
morales de droit public et se sont des personnes morales spécialisées dans l’administration
des biens affectés à l’exercice du culte. Il découle que ces établissements relèvent de la
juridiction administrative (jugement du TA de Strasbourg de décembre 2008). Cette
compétence de la jurisprudence administrative comporte une exception car il peut advenir
qu’un établissement public du culte ait, sans déroger à son but, une activité industrielle et
commerciale (exemple : en Alsace un établissement de culte administre un lieu de
pèlerinage). En outre, l’établissement est aussi soumis à une tutelle administrative
notamment en cas d’acquisition à titre onéreux ou gratuit. Le préfet a une faculté
d’opposition au regard d’une libéralité. Donc la capacité juridique de l’établissement de
culte est limitée. Ce dernier ne peut donc accomplir que des opérations dont l’objet entre
dans ses attributions.
Les règles propres à chaque établissement public de culte : il faut distinguer la mense
épiscopale de la mense capitulaire. La mense épiscopale est un établissement public du culte
ayant pour mission de gérer la masse des biens affectés à l’entretient de l’évêque et du
diocèse. Le texte qui régit la mense épiscopale est un décret de décembre 1813. C’est
l’évêque qui est l’administrateur et le représentant de cette dernière. Il n’y a pas de
contrepouvoir qui vient contrebalancer les pouvoirs de l’évêque dans le cadre de cette
mense épiscopale. En outre, dans chaque diocèse il y a une église mère que l’on appelle la
21
cathédrale qui est l’église de l’évêque. Il y a, affecté à chaque cathédrale, un ensemble de
prêtre appelé les chanoines et ces derniers ont différentes missions à savoir d’assurer le
service liturgique à la cathédrale, d’aider l’évêque de leurs conseils et parfois d’exercer un
intérim. Le décret du 6 novembre 1813 prévoit que pour améliorer la situation matérielle des
chanoines, un établissement public du culte a été créé, à savoir la mense capitulaire. Elle a
donc pour objet d’améliorer la situation des chanoines. Cette mense fonctionne de façon
plus collégiale (le collège décide de l’administration des biens, les décisions se prennent à la
majorité des chanoines à condition que les 4/5ème soient présent). La décision des chanoines
ne se suffit pas çà elle même, elle doit être analysée par l’évêque.
1.b. La paroisse :
La paroisse est également une circonscription administrative du culte et dans cette dernière
fonctionnent des établissements publics du culte (fabrique et mense curiale). Il s’agit ainsi de
s’intéresser tout d’abord à la création de la paroisse, au personnage qu’est le curé, et enfin aux
établissements publics de cultes fonctionnant à l’intérieur même de la paroisse.
Création, délimitation et suppression des paroisses : il faut suivre une procédure pour créer une
paroisse. Il est nécessaire d’avoir une décision de l’évêque et un arrêté préfectoral.
Chronologiquement, c’est l’évêque qui prend l’initiative de proposer à l’autorité civile la création, la
délimitation ou la suppression de paroisse. Une fois cela pris un avis est demandé aux conseils
municipaux ainsi qu’au conseil de fabrique et après cela la décision est prise par le préfet.
Le curé : on retrouve la nécessité d’un accord de volonté entre l’autorité civile et ecclésiastique.
L’approbation du gouvernement est nécessaire.
Les établissements publics de cultes fonctionnent à l’intérieur de la paroisse : il s’agit de
s’intéresser à la fabrique et à la mense curiale :
-
La fabrique : la personne morale est la fabrique et l’organe de cette personnalité morale est
le conseil de fabrique. Les textes qui régissent les fabriques des églises sont un décret du 30
décembre 1809, et un décret du 10 janvier 2001. La fabrique de l’église est un établissement
dont l’objet est d’administrer les biens nécessaires à l’entretien du culte au niveau
paroissial. Il s’agit principalement d’entretenir et de réparer l’église paroissiale et le
presbytère. On peut relever que souvent les églises paroissiales sont la propriété des
communes et ceci pour des raisons historiques. L’origine historique remonte à la révolution
car pendant celle-ci l’église catholique n’avait pas eu d’empathie pour la révolution, tandis
que les autres cultes avaient plus d’empathie moyennant quoi les autorités révolutionnaires
ont confisqué les édifices des cultes catholiques et ont permis aux autres cultes de conserver
leurs édifices culturels. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui les fabriques des églises catholique ne
sont en général pas propriétaires de leur lieu de culte, mais ce sont les communes. Enfin les
fabriques d’église sont souvent affectataires (situation semblable à l’usufruitier) des églises
paroissiales ou presbytères. Comment est organisée la fabrique de l’église ? Et bien il y a un
conseil de fabrique qui a pour fonction de gérer les affaires de la fabrique. Il est l’organe
délibérant et exécutif. Le conseil de fabrique comporte 2 membres de droits (il s’agit du curé
de la paroisse et du maire de la commune) et 5 (si la commune est de moins de 5000
habitants) ou 9 membres cooptés (communes de plus de 5000 habitants). La cooptation
22
signifie que tous les 3 ans il y a une moitié qui est sortante (on est désigné pour 6 ans) et la
moitié renouvelable est soumise au vote de ceux qui restent. Il y a une limite à savoir que nul
ne peut faire plus de 3 mandats consécutifs. Lorsque la paroisse est créée c’est l’évêque qui
nomme tous les membres d’origine du conseil de fabrique. Le conseil de fabrique est doté
d’un organe exécutif, à savoir le bureau. Ce dernier est constitué d’un président, d’un
secrétaire et d’un trésorier. On peut remarquer qu’il n’y a toujours pas de président au sein
de ce conseil de fabrique. Un article prévoit tout de même qu’en cas d’absence du président
le trésorier accompli les actes conservatoires pour le maintient des droits de la fabrique.
-
La mense curiale : c’est un établissement public dont l’objet est de gérer la masse des biens
destinés à l’entretien du curé. Cette mense est gérée comme la mense épiscopale c'est-àdire de façon autocratique. C’est le curé qui est l’administrateur de cette mense, c’est lui qui
signe pour le compte de la mense curiale. Le conseil de fabrique a simplement pour mission
de surveiller la gestion du curé. Le curé n’est pas soumis à la tutelle du conseil de fabrique,
mais il sera soumis à la tutelle de l’autorité civile. Le seul cas ou le conseil de fabrique a un
rôle précis est lorsque le poste de curé est vacant car le trésorier du conseil de fabrique
administre à titre intérimaire la mense curiale.
2. Les cultes protestants :
Ils y a deux églises protestantes à savoir celle de la confession d’Augsbourg, d’Alsace et de Lorraine,
et l’église protestante réformée d’Alsace et de Loraine. Apparait ainsi le fait que le protestantisme
est moins monolithique que le culte catholique. La différence entre les deux églises est que la
première s’inspire des enseignements de Martin-Luther, tandis que la seconde des enseignements
de Jean Calvin.
A l’inverse du culte catholique, il n’y a pas de traité international (de concordat) entre la France et
l’église protestante. L’organisation des églises protestantes résultent de textes de droit interne, les
articles organiques des cultes protestants promulgués par Napoléon, un décret du 17 juillet 1987 qui
constitue actuellement le texte de base, et le décret du 18 avril 2006 qui opérait un rapprochement
sur un mode confédéral des deux églises protestantes qui conservent leur individualité propre, mais
entre ces deux églises le pouvoir réglementaire a mis en place des institutions communes.
Il y a dans chacune des deux églises des traits communs et des traits distinctifs. Pour l’une et l’autre,
l’on retrouve dans l’organisation interne la même unité de base qui est la paroisse et pour l’une et
l’autre des églises l’organisation de la paroisse connait les mêmes règles.
2.a. La paroisse :
Elle constitue un établissement public du culte dans le culte protestant. La paroisse est tout à la fois
une circonscription administrative et un établissement public du culte. Ce dernier a pour objet de
pourvoir à l’entretien des bâtiments et à l’exercice du culte.
Cette paroisse est gérée par le conseil presbytéral. Ce dernier est organisé sur un mode relativement
démocratique. En effet, il comporte 6 à 16 laïques qui sont élus par les paroissiens pour 6 ans et tous
les 3 ans l’on renouvelle ce conseil par moitié. Aux membres élus s’ajoute un membre de droit qui est
le pasteur qui est désigné par les autorités supérieures de l’église à laquelle il appartient. Cependant,
en pratique, il n’est jamais nommé sans que les autorités supérieures prennent l’avis de la paroisse. Il
23
faut préciser que le pasteur, non seulement est membre de droit du conseil, mais il en est également
le président de droit. En outre, le maire n’est pas membre du conseil presbytéral.
2.b. Le consistoire :
Il s’agit d’une structure intermédiaire car les paroisses sont regroupées en une circonscription
intermédiaire qui est le consistoire. C’est un établissement public du culte. Il regroupe un certain
nombre de paroisses et il gère les affaires communes aux différentes paroisses qui sont dans son
ressort. C’est le conseil consistorial qui gère les affaires du consistoire et il comporte deux collèges :
-
Le premier collège est constitué de tous les pasteurs des différentes paroisses se trouvant
dans le ressort du consistoire.
Le second collège est celui des laïcs en nombre double de celui de pasteurs. Ces délégués
laïcs sont élus au suffrage universel indirect.
Le président du conseil consistorial est nommé parmi les pasteurs avec l’agrément du gouvernement.
2.c. Les institutions supérieures :
Les instances supérieures ne se présentent pas de la même façon selon l’église. Au niveau
précédent, le mode d’organisation était le même dans l’une et l’autre des églises. Cette différence
peut s’expliquer par des raisons de démocraties.
Dans l’église protestante de la confession d’Augsbourg, d’Alsace et de Lorraine : les consistoires
sont regroupés en Alsace et en Moselle en 7 inspections et ces dernières sont un peu l’équivalent
des diocèses mais avec un mode d’organisation plus démocratique. Dans chaque inspection il y a
une assemblée d’inspection qui est composée paritairement de pasteurs et de laïcs. Cette assemblée
d’inspection est l’organe législatif de l’inspection et l’organe exécutif est collégial (composé de 3
inspecteurs dont 2 laïcs et 1 ecclésiastique). Les 7 inspections sont elles mêmes regroupées en un
consistoire supérieur de 25 membres et l’organe exécutif de ce dernier est collégial (5 membres dont
1 président). Les instances supérieures de la confession d’Augsbourg se répartissent donc en deux
étages, à savoir les 7 inspections chapeautées par le consistoire supérieur.
Dans l’égalise protestante réformée d’Alsace-Lorraine : les différentes consistoires des trois
départements sont regroupés en un synode de 32 membres et l’organe exécutif de ce dernier est le
conseil synodal (5 membres).
2.d. L’union des églises protestantes d’Alsace et de Lorraine :
Le décret du 18 avril 2006 a mis en place une organisation commune de type confédéral. Il a mis en
place entre les deux églises trois institutions communes qui concernent l’organisation supérieure de
chacune de ces églises :
-
A été mis en place une assemblée de l’union qui est composée de membres issus des
instances supérieurs de chacune des deux églises et elle élit en son sein sont président.
A été mis en place le conseil plénier de l’union
A été mis en place le conseil retreint de l’union.
24
Ces structures n’ont pas la personnalité juridique et elles ont pour objet de permettre aux deux
églises de régler les affaires ecclésiales. Il s’agit d’élaborer une théorie théologique commune et
d’organiser un mode commun de formation des pasteurs. Comme les institutions communes de
l’union ont en charge la formation des pasteurs, et bien c’est au niveau des instances supérieures
que se décide la nomination des pasteurs.
3. Le culte israélite :
Ce culte est celui dont l’organisation est la plus simple. Le texte de base de ce culte ne remonte pas à
Napoléon Bonaparte mais c’est une ordonnance du roi Louis Philipe 1er du 25 mais 1844 qui a fait du
culte israélite un culte statutaire. Il n’y a qu’un établissement public du culte fonctionnant dans le
cadre du culte israélite, au niveau départemental, qui est le consistoire israélite. Ce terme de
consistoire a trois sens :
-
Le consistoire est une circonscription administrative.
Il est le nom de l’établissement public du culte israélite.
Il est la dénomination de l’organe qui gère les affaires du consistoire.
Il y a dans ce dernier, des membres élus (au nombre de 6) et un membre de droit qui est le grand
Rabin du département. Ce dernier est nommé par le consistoire après approbation du 1er ministre. Le
Grand Rabin n’est pas président de droit du consistoire, il est élu par le consistoire dans son
ensemble. En ce qui concerne les membres laïques élus, ils sont donc 6 et ils sont élus pour 8 ans et
tous les 4 ans l’on renouvelle la moitié du consistoire. Il y a eu un débat concernant l’éligibilité au
consistoire qui s’est dénoué par une décision du juge administratif. Si l’on s’en tenait à l’ordonnance
de 1844, seuls les hommes étaient éligibles au consistoire et ce texte n’a jamais été formellement
abrogé. Pendant longtemps l’on s’en tenait à cette ordonnance et donc aucune femme ne se
présentait aux élections consistoriales. En 2006, s’est effectué un renouvellement de la moitié des
effectifs du consistoire israélite du Bas Rhin et une liste s’est présentée, sur laquelle figuraient des
femmes. Les autorités du consistoire ont saisi le Tribunal Administratif de Strasbourg. Ce dernier a
considéré que l’éligibilité au consistoire devait être ouverte aux hommes comme aux femmes. Pour
justifier sa décision le tribunal s’est référé à l’article 3 de la Constitution de 1958 qui prévoit l’égal
accès des hommes et des femmes aux élections et à l’article 14 de la CEDH portant interdiction à
toute discrimination.
Ce qui est intéressant dans la décision et que le juge considère comme implicitement abrogée la
disposition de l’ordonnance de 1844 mais aussi, que l’on applique à un établissement de culte des
principes de droit public. Si on applique des principes du droit public à des établissement publics de
cultes, et bien s’il devait y avoir une contradiction entre un principe de droit public et un principe
interne au culte considéré, et bien c’est la norme de droit public qui doit l’emporter par logique.
C. Les cultes non statutaires :
1. L’organisation des cultes non statutaires :
Par définition, les cultes non statutaires ne peuvent pas bénéficier d’un statut de droit public. En
réalité, le mode d’organisation est à cherché du côté du droit privé, et il s’agit de l’organisation sous
25
forme d’association. Un culte non statutaire en Alsace et en Lorraine s’organisera donc sous forme
d’association. Dans la pratique, tous les autres cultes recourent au modèle associatif.
S’agissant d’associations de droit local, les cultes qui recourent à ce types d’organisation
bénéficieront de la grande personnalité juridique et donc de l’aptitude à recevoir des dons et des
legs. Lorsqu’une association est bénéficiaire d’un don ou d’un legs, le préfet disposera d’une faculté
d’opposition, il peut s’opposer à ce qu’un legs soit accepté par une association poursuivant un but
cultuel. Au fil du temps, les contraintes spécifiques aux associations de droit local, mais poursuivant
un but cultuel, ont été abrogées car le préfet ne peut plus, par exemple, s’opposer à l’inscription
d’une association. Une autre contrainte a été abrogée à savoir un décret de 1859 qui soumettait à
autorisation l’ouverture d’un lieu de culte non reconnu.
A l’époque, il y avait une différence entre les cultes statutaires et les cultes non statutaires en
matière de fiscalité, notamment en matière de droit de mutation à titre gratuit. Ainsi, les textes
prévoient qu’un établissement public du culte statutaire est exonéré des droits de mutation à titre
gratuit (pas de droit de succession). Mais les textes étaient muets pour les cultes non statutaires
organisés sous forme d’association. Ainsi les textes du Code Général des Impôts étaient muets sur les
associations de droit local poursuivant un but cultuel. Le risque était que ces associations, si elles
étaient bénéficiaires d’un don ou d’un legs, payent 60% de droit de succession. Cependant, une
décision du Tribunal Administratif de Strasbourg de 1998 a pris le contre pied de ce raisonnement. Il
s’est référé à la fiscalité applicable aux associations cultuelles en droit général, et en droit général il
n’y a plus d’établissement public de culte et donc le mode d’organisation des cultes est toujours le
mode associatif. Le droit général prévoit bien que les associations cultuelles de droit général
bénéficient, en cas de dons et de legs, de l’exonération des droits de mutation à titre gratuit. Ainsi,
selon le principe de l’égalité devant l’impôt il convenait que les associations cultuelles de droit local
aient le même avantage.
Dans d’autres domaines fiscaux, il y aussi exonération de la taxe foncière pour les édifices du culte
appartenant à des associations cultuelles, ou à des associations qui, en Alsace et en Moselle, ont
pour objectif un culte non reconnu. Cette exonération est expressément prévue par les textes.
2. L’évolution des cultes non statutaires : un culte non statutaire peut-il devenir
statutaire ? :
La réponse est positive, mais le principe constitutionnel de laïcité s’oppose à ce que l’on considère
la liste des cultes statutaires comme clause. Dans le cas contraire, l’on heurterait le principe
constitutionnel de laïcité. D’un point de vue juridique il est concevable que les pouvoirs publics
prennent l’initiative de conférer, en accord avec l’autorité du culte concerné, le caractère de culte
statutaire à tel ou tel culte.
La question est de savoir si c’est par loi ou décret que l’on peut confier ce caractère statutaire à un
culte ? Tout dépend la nature du statut qui serait élaboré. Cela étant, le caractère statutaire d’un
culte est aussi le fait que les ministres des cultes statutaires sont rémunérés comme les
fonctionnaires de l’Etat. Cet aspect divers des cultes statutaires fait que la réponse à la question
posée est également diverse. En effet, s’il s’agit de prévoir des rémunérations pour les ministres d’un
culte qui deviendrais statutaire et bien ca relèvera du domaine de la loi. Si l’on crée, dans la cadre
d’un culte qui deviendrait statutaire, un établissement public de culte, l’on se trouve plutôt dans le
26
domaine réglementaire. Certes l’article 34 de la constitution prévoit que la loi est compétente pour
créer une nouvelle catégorie d’établissement public, mais, cette catégorie existe déjà en Alsace et en
Moselle, et il s’agirait dans la catégorie précédente de créer un nouvel établissement public du culte.
Il est donc parfaitement possible, d’un point de vue juridique, d’élargir la liste des cultes
statutaires.
D. Pour conclure : la question de la compatibilité du droit local des cultes avec le
bloc de constitutionnalité :
Cette question est récurrente et ce qui est sur est que des efforts sont intervenus de la part de la
jurisprudence et du pouvoir législatif pour combler une part du fossé qu’il y avait à l’origine entre les
cultes statutaires et les cultes non statutaires. Il n’est pas douteux que ces efforts étaient destinés à
purger le reproche d’inconstitutionnalité qui rodait autour du droit local des cultes.
A la lumière de la jurisprudence administrative, il apparait que la laïcité est un principe
constitutionnel applicable sur tout le territoire de la république sans restriction, puisque ce principe
est posé à l’article 1er de la Constitution. En outre, le principe de laïcité étant posé, il s’en déduit la
nécessaire neutralité de l’Etat en matière religieuse (ne pas favoriser tel culte par rapport à un
autre). Mais, si le principe de laïcité est un principe constitutionnel, le principe de non
subventionnement n’a pas valeur constitutionnelle (principe posé à l’article 1er de la loi de 1905). Le
Conseil d’Etat a affirmé ce principe dans une affaire relative au droit des cultes en Polynésie. Dans
cette affaire, les autorités locales de Polynésie avaient accordés une subvention du 8 millions de
francs destinée à permettre la construction d’un presbytère sur une île. Cette dépense, engagée par
le président de la Polynésie, avait été contestée devant le juge administratif. Or, ce dernier avait
constaté que le presbytère servirait non seulement au logement su pasteur protestant, mais était
également un lieu de rencontre. C’est à cette occasion que le Conseil d’Etat a souligné que le principe
de non subventionnement des églises n’avait pas valeur constitutionnelle. Ainsi la dépense engagée
était justifiée par un but religieux, mais surtout social et donc cette dépense n’a pas été annulée.
Il est ainsi concevable que la loi de 1905 ne s’applique pas forcément sur l’ensemble du territoire de
la république.
27
PARTIE II : LE DROIT PRIVE LOCAL
TITRE I : Le droit notarial local, droit local des biens
Il s’agit d’évoquer les particularismes du droit local en ce qui concerne les modes d’acquisition du
droit de propriété (chap 1), concernant l’opposition de ce droit de propriété aux tiers (chap 2), et la
perte du droit de propriété (chap 3).
Chapitre 1 : Les modes d’acquisition du droit de propriété
I. Les régimes matrimoniaux :
Un régime matrimonial est l’ensemble des règles qui organisent les relations patrimoniales des
époux quant à leurs biens. La loi organise un régime matrimonial de base qui est le régime de la
communauté de biens réduite aux acquêts et il s’applique de plein droit aux époux qui n’ont pas fait
de contrat de mariage.
La communauté de biens réduite aux acquêts est un régime ou tous les biens que les époux
acquièrent une fois le mariage célébré tombent dans la cagnotte commune (salaire, et tout ce que
l’on acquiert). Par contre, les biens que chacun des époux avaient avant le mariage, de même que les
biens que chacun des époux peut hériter pendant le mariage, échappent à la communauté. Il s’agit
de bien propres. Chaque époux gère ses biens propres comme il l’entend, mais les biens communs
sont gérés par les époux ensembles. Pour les actes de disposition (vendre, hypothéquer) l’accord
des deux époux est nécessaires. Pour les biens d’administration courante chacun peut agir seul pour
le compte des deux.
Les époux font un contrat de mariage lorsqu’ils veulent modifier ce schéma de base :
-
Ils peuvent se soumettre à la communauté universelle : il s’agit d’amplifier l’aspect
communautaire.
Ils peuvent se soumettre au régime de la séparation des biens : il s’agit de gommer l’aspect
communautaire. chacun des époux reste seul propriétaire de tous ses biens, pas seulement
de ceux qu’il avait avant le mariage, mais aussi de ses gains et salaires par exemple.
Il y a des particularités en droit local en ce qui concerne le régime matrimonial et notamment deux
différences principales :
-
Il y a des particularités car le régime matrimonial de droit commun en droit allemand
n’était pas le même qu’en droit français général. A l’époque, en droit allemand, le régime
matrimonial légal était celui de la communauté de bien réduite aux acquêts. En droit
28
-
général, avant 1966, le régime matrimonial légal était celui de la communauté de biens
meubles et acquêts. Ainsi, jusqu’en 1966 seuls les biens immobiliers qu’un époux pouvait
avoir avant le mariage ou hériter pendant, échappaient au tronc commune.
La seconde différence tenait à la possibilité ou non de changer de régime matrimonial. En
droit français général le régime matrimonial était immutable jusqu’à la loi de 1966, c'est-àdire qu’une fois que les époux étaient mariés, ils ne pouvaient plus changer de régime
matrimonial pendant le mariage. La loi de 1966 a ainsi permis au époux de modifier le régime
matrimonial, mais selon un formalisme lourd. Mais, en 1918 le principe de l’immutabilité
s’appliquait de façon intangible en droit général. Tandis, qu’en droit allemand c’était un
principe différent qui s’appliquait, à savoir que les conventions matrimoniales sont librement
modifiables (les époux peuvent à tout moment morfier leur régime matrimonial sans
formalisme excessif). Donc en 1918, l’introduction brutale du droit français général en
matière matrimoniale aurait pu avoir des effets fâcheux pour les personnes qui s’étaient
mariées avant l’armistice (elles n’avaient peut être pas fait de contrat de mariage et
voulaient en faire un plus tard). Pour éviter que les prévisions des époux ne soient déjouées
brutalement, le législateur a introduit des règles de droit transitoires.
A. Les dispositions transitoires de la loi du 1er juin 1924 :
La première chose prévue par le législateur est la possibilité offerte d’opter pour un régime de droit
français. Autrement dit la possibilité a été donné aux époux qui été déjà marées de changer une
ultime fois de régime matrimonial comme l’aurait permis le droit abrogé sans procédure
d’homologation.
Pour les époux qui n’avaient pas optés pour un régime de droit français avant le 1er janvier 1926 :
-
Les époux qui avaient fait antérieurement un contrat de mariage ; ils se trouvaient soumis
au régime matrimonial équivalent en droit français général.
Pour les époux qui n’avaient pas fait de choix particulier : il s’agit de ceux qui n’avaient pas
fait de contrat de mariage. Ces derniers se sont vus soumettre au régime de la communauté
de biens réduite aux acquêts du droit français général.
B. Les dispositions transitoires des ordonnances des 15 septembre 1944 et 2
novembre 1945 :
Ces dernières ont envisagées deux séries d’hypothèses :
-
-
Les époux qui s’étaient mariés avant l’occupation allemande et qui, profitant de la plus
grande liberté que conférait le droit allemand, avaient changés leur régime matrimonial :
lorsqu’a été rétablie la légalité républicaine, ces conventions ont été annulées. Cependant, si
dans les dispositions prises par les époux figuraient des dispositions qui ne ressortaient pas
au sens strict du régime matrimonial, elles subsistaient si elles n’étaient pas contraire à
l’ordre public français.
Les époux marié pendant le temps de l’occupation (16 juin 1940-à la libération) : le texte
essentiel dans ce cas est l’ordonnance de 1945 portant rétablissement de la légalité
républicaine. Les allemands n’ont pas imposés leur législation d’amblée, jusqu’au 1er mars
1943 c’était le Code Civil qui continuait à s’appliquer. Après cette date, la législation
29
allemande en matière de régimes matrimoniaux s’est imposée. A la libération, l’on a
distinguée deux hypothèses. On a tout d’abord instituait une possibilité d’option. Les époux
qui s’étaient mariés pendant le temps de l’occupation ont pu opter jusqu’au 1er mars 1946
pour tel régime matrimonial de leur choix. Ce droit d’opter a été reconnu à tous ceux qui
s’étaient mariés dans une commune de l’un des trois départements. Ensuite, à défaut
d’option, si les intéressés avaient fait un contrat de mariage, et bien ils se trouveraient
soumis au régime matrimonial équivalent du droit français et si il n’y avait pas eu de contrat
de mariage, ils se sont trouvé soumis au régime matrimonial du droit légal, c'est-à-dire de la
communauté des meubles et acquêts.
II. Les particularismes du droit local en matière successorale :
A. L’article 73 de la loi du 1er juin 1924 :
Le droit des libéralités comporte des principes, notamment le principe selon lequel les parents ne
peuvent pas déshériter leur enfant. Les enfants sont ainsi des héritiers réservataires. Cela signifie
qu’un enfant à droit à une part incompressible de la succession de chacun de ses parents. Cette part
est une moitié lorsqu’ y a un enfant, des 2/3 lorsqu’il y a deux enfants, et des 3/4 lorsqu’il y trois
enfants ou plus. L’ascendant ne peut disposer que le la quotité disponible.
A quelle masse l’on applique cette quotité disponible et la part réservataire ? Elles s’appliquent à
une masse de calcul qui est constituée des biens qui subsistent au moment du décès mais aussi des
biens qui ont pu être donnés par le parent concerné à un enfant ou à des tiers. Quand survient le
décès l’on va établir cette masse de calcul. Pour que le mécanisme soit équitable il fait donc
réintégrer les biens donnés, mais encore faut il savoir à quelle valeur l’on va considérer les biens qui
ont été donnés dans le passé (la valeur de ces biens donnés se calcule au moment ou s’ouvre la
succession).
L’article 73 de la loi de 1924 comporte, sur ce sujet de l’évaluation des biens réintégrés, une
disposition dérogatoire lorsque le bien qui a fait l’objet d’une libéralité constitue une exploitation
agricole. L’idée du législateur, pour tenir compte des traditions locales, était de favoriser la
transmission d’une exploitation agricole. Or, dans les années 1920 une exploitation agricole était
reprise par un des enfants et si ce dernier reprend celle-ci par une donation, et bien il risquait, avec la
méthode d’évaluation, d’être contraint de payer une somme aux autres frères et sœurs. Le
législateur a ainsi préféré privilégié l’intégrité économique de l’exploitation agricole, plutôt que
l’égalité entre les héritiers. Pour parvenir à ce résultat le législateur précise ainsi que lorsqu’une
donation ou un legs portant sur une donation agricole est fait, et bien lorsqu’on fera la masse de
calcul, au lieu de prendre l’exploitation pour sa valeur économique réelle (solution de droit
commun), on prendra le revenu net moyen (notion qui correspond à la moitié de la valeur de
l’exploitation agricole). Cela étant cette disposition n’est plus susceptible de s’appliquer de façon
élargie car on est dans le cas ou le droit local est d’application personnelle (l’article 73 ne s’applique
que lorsqu’on règle la succession d’un sujet de droit local). On peut préciser que ce principe a été
considéré comme inconstitutionnel au Luxembourg car les sujets sont égaux devant la loi.
30
B. le certificat d’héritiers :
Il s’agit du mode de preuve de la qualité d’héritier. Le droit local est ici d’application territoriale, et
non personnelle. Ce certificat est une matière régie par l’article 74 de la loi de 1924, par les articles
2353 et suivants du Code Civil local, les articles 11 et suivants de l’annexe du Code de procédure
civile pour l’Alsace-Moselle, et l’article 730 du Code Civil dans sa rédaction issue de la loi du 29
décembre 1990 qui a confirmé implicitement l’existence et la validité du certificat d’héritier du droit
local. Ce dernier article a, en effet, précisé qu’en droit général l’acte de preuve de la qualité
d’héritier doit émaner exclusivement du notaire. Mais, le législateur a précisé qu’il n’était pas dérogé
aux dispositions et usages lorsque la délivrance du certificat est faite par les autorités judiciaires ou
administratives.
Pour autant, le certificat d’héritier en droit local n’est pas non plus le mode de preuve exclusif. Il
n’est pas interdit de recourir à l’acte de notoriété. Comment s’opère le partage ? En pratique l’on
recourra au certificat d’héritier dès l’instant ou le défunt était propriétaire de biens immobiliers sur
le territoire de l’un es trois départements. Par contre, lorsqu’il n’était pas propriétaires de biens
immobiliers et bien l’acte de notoriété peut s’avéré un mode plus simple que le certificat d’héritier.
1. L’établissement du certificat d’héritier :
Le certificat d’héritier est délivré par le Tribunal d’Instance sur la base d’un acte notarié qui est
l’affirmation sacramentelle. Cette dernière, complétée par des documents, servira de support à la
requête qui sera établie par le notaire et adressée par lui au Tribunal Administratif. Ce dernier
délivrera au terme de ce processus le certificat d’héritier.
1.a. L’affirmation sacramentelle :
C’est un acte authentique ou les héritiers ou légataires relatent la dévolution de la succession. Ils
affirment sous la foi du serment, qu’à leur connaissance il n’y a pas d’autres ayant droit qu’eux
même, pas de dispositions testamentaires ou pas d’autres que celle relatée dans l’affirmation
sacramentelle et ils affirment qu’il n’y a pas de procès entre eux au sujet des qualités. Pourquoi
recourt-on au serment ? Et bien parce qu’il est impossible de rapporter la preuve d’un fait négatif.
D’où au recours par le législateur au serment.
Quelles sont les personnes qui comparaissent à l’acte de l’affirmation sacramentelle ?
-
-
Les déclarants sont les héritiers (celui qui tient son titre successoral de la loi), mais aussi les
légataires (tiennent leur vocation successorale d’un testament). On distingue, s’agissant des
légataires, les légataires à titre universel (on lui lègue toute la succession) et les légataires à
titre particulier (on lègue une quotepart de la succession). Les héritiers ont compétences
pour demander le certificat d’héritiers, il en va de même des légataires, mais par contre le
légataire à titre particulier n’a pas à comparaitre dans l’affirmation sacramentelle.
Ont également compétence pour requérir la délivrance du certificat d’héritier les
créanciers, soit des héritiers, soit des légataires. Les créanciers du défunt, par le biais de
l’action oblique, peuvent exercer au lieu et place des héritiers légataires le droit de faire
établir une affirmation sacramentelle et donc d’obtenir la délivrance du certificat d’hériter.
31
Mais pour qu’ils puissent souscrire l’affirmation sacramentelle il est important qu’au
préalable ils puissent justifier de l’acceptation de la succession par les héritiers.
Qui a compétence pour l’établissement de l’affirmation sacramentelle ? D’après un article du Code
Civil une compétence conjointe est donnée pour l’établissement de l’affirmation sacramentelle au
notaire et au greffier du Tribunal d’Instance. Or cet article n’a pas été expressément abrogé.
Cependant, s’il n’y a pas eu d’abrogation expresse on peut considérer qu’il y a eu une abrogation
tacite en ce sens que l’article 11 de la loi de 1924 précise que les formes judiciaires sont remplacées
par les formes notariées. Lorsqu’il y a compétence du greffe du tribunal d’instance, il faut donc
remplacer ca par une forme notariée.
Cette affirmation sacramentelle va servir de pièce d’appui à la délivrance de la requête par le
Tribunal Administratif.
1.b. La requête et les pièces à l’appui de celle-ci :
Le notaire va déposer une requête au tribunal d’instance et il joindra à l’appui de cette requête les
pièces d’état civil, à savoir l’acte de décès, les actes de naissances qui justifient les liens de filiations
avec les héritiers. On effectuera également une copie du testament s’il y en a un, et du contrat de
mariage. L’habitude s’est rependue de joindre également au dossier un certificat de recherche
émanant du fichier central des dispositions de dernière volonté. Ce dernier est lui-même
interconnecté à des fichiers étrangers.
1.c. Le rôle du tribunal d’instance :
Le Tribunal va procéder à des investigations, puis il rendra sa décision. Il s’agit de s’intéresser à ces
deux étapes dans le cadre de la dévolution du certificat d’héritier.
Les investigations préalables du Tribunal d’Instance :
-
Les investigations normales : cela consiste à vérifier si le dossier est complet (certificat de
décès, d’états civils, …).
Les investigations exceptionnelles : cela recouvre trois séries de situations. Tout d’abord, il y
a le cas ou le juge a un doute quant à l’exacte sincérité des informations formulées par les
héritiers. La sanction du recèle successoral par exemple est que l’on est privé de la
succession. Dans ce cas, les investigations exceptionnelles prennent alors la forme de
somations publiques. Il s’agit de faire en sorte que des héritiers qui auraient pu être omis se
manifestent. Les modalités même de ces somations publiques consistent en des insertions au
journal officiel et au tableau d’affichage du Tribunal d’Instance. En outre, il y a investigation
exceptionnelle s’il y a un procès entre les héritiers. Enfin, la dernière investigation
exceptionnelle concerne le cas ou le défunt ne laisse pas d’enfant et ou il a fait un testament
qui a pour effet de déshériter les héritiers légaux. Dans ce cas le Tribunal doit entendre ces
héritiers légaux pour savoir s’ils ‘ont pas l’intention de contester la validité du testament.
32
La décision du Tribunal :
-
-
La délivrance le certificat d’héritier demandé : il peut arriver qu’il soit obliger à surseoir à
cette délivrance, et il s’agit d’une obligation lorsque le défunt laisse un enfant conçu mais
non encore né. En effet, l’enfant conçu au moment du décès, même s’il nait postérieurement
vivant et viable, devient héritier. En outre, le tribunal peut surseoir si le dossier n’est pas
complet.
Il peut arriver que le tribunal rejette la requête : il y a par exemple le cas ou les héritiers
voudraient réécrire la loi et refaire la dévolution successorale. A côté de ce cas il y a une
hypothèse plus floue ou le tribunal sera lié par la volonté des héritiers. Il s’agit du cas ou il y a
un testament et ou une disposition de ce dernier est obscure, sujette à diverses
interprétation. Dans le cas ou tous les héritiers sont d’accord sur l’interprétation à en faire,
et bien le tribunal est lié par cette interprétation.
2. Forme et contenu du certificat d’héritiers :
Concernant la forme, le certificat d’héritier tient sur deux feuilles, c’est un document synthétique.
En pratique, c’est un certificat collectif, c'est-à-dire qu’on y mentionne tous les héritiers. Il est établi
en un exemplaire unique et il reste dans les archives du greffe du Tribunal d’Instance et ce dernier
délivre autant de copies qu’il y a d’héritiers.
Concernant le contenu, l’on va indiquer les droits héréditaires des uns et des autres, ainsi que les
restrictions affectées à ces droits. On va ainsi mentionner les héritiers, les légataires (seulement
universels, à titre universel, et à titre particulier de biens immobiliers). On va aussi mentionner sur ce
certificat le bénéficiaire d’une convention matrimoniale (on peut stipuler dans un contrat de mariage
qu’au décès d’un des époux la communauté reviendra en totalité au conjoint survivant). La
convention matrimoniale est juridiquement considérée comme une convention entre époux, entre
associés. Ces dernières ne sont réellement efficaces que s’il n’y a pas d’enfant ou si tous les enfants
sont communs. Quelle est l’incidence sur le certificat d’héritier de cette dernière? Comme le conjoint
survivant tient son droit du régime matrimonial, ce n’est pas par vocation successorale qu’il recueille
les biens de son conjoint décédé. Dès lors, la masse successorale des héritiers est réduite à 0 (les
enfants ne sont pas privés de leur titre d’héritiers). Il a fallu attendre 1990 pour que le législateur
précise qu’il faut mentionner ces conventions dans le certificat d’héritier. En ce qui concerne les
restrictions aux droits des héritiers, ils doivent être mentionnés.
-
-
La libéralité graduelle : lorsque l’on lègue une masse de bien à une personne, on peut
stipuler que le bénéficiaire du lègue devra lui-même retransmettre ce qui lui aura été légué à
une autre personne le moment venu.
La liberté résiduelle : cela consiste pour A de dire qu’il lègue ses biens à X et ce qui restera à
la mort de X ira à Y.
3. Force probante du certificat d’héritiers :
Il résulte des articles 2365 et 2366 du Code Civil local que le certificat d’héritier bénéficie d’une
présomption d’exactitude, et est assortit du principe de la foi publique :
33
-
-
La présomption d’exactitude : cela signifie que la personne mentionnée au certificat
d’héritier est présumée être titulaire des droits qui sont mentionnés sur certificat. La
présomption d’exactitude dispense donc à l’héritier, dans ses relations avec des tiers, à avoir
à prouver autrement sa qualité d’héritier.
Le principe de foi publique : il complète la présomption d’exactitude. Ce principe signifie que
le tiers de bonne foi qui a traité avec les personnes mentionnées sur le certificat d’héritier
est à l’abri de toute revendication. Le certificat d’héritier crée plus de sécurité juridique que
dans les autres départements. En effet, lorsqu’un tiers de bonne foi a traité avec les héritiers
qui figuraient sur l’acte de notoriété, dans un autre département, pour que son titre soit à
l’abri de revendication il faudra qu’il soit de bonne foi et qu’il ait été victime d’une erreur
commune et invincible.
4. Le retrait du certificat d’héritier :
On procèdera au retrait du ce chaque fois qu’il se trouve inexacte ou incomplet. Il y a un cas ou la
découverte ultérieure d’un testament n’aura pas d’incidence. Il s’agit du cas ou il n’aura pas
d’impact sur la dévolution successorale ou si les décisions prises ne concernent pas ce qui doit être
mis dans le certificat d’héritier.
Tout intéressé peut demander le retrait du certificat d’héritier et le tribunal pourra également y
recourir. Dans ces cas, le tribunal rendra une ordonnance de retrait qui sera signifiée à toutes les
personnes mentionnées sur le certificat initial, et devront rendre l’expédition qu’elles avaient reçu.
Ensuite, le Tribunal administratif délivrera un nouveau certificat.
Dans les autres départements le mode de preuve est l’acte de notoriété.
III. Le partage judiciaire :
Il faut imaginer une indivision (situation de deux ou plusieurs personnes qui sont propriétaires d’un
même bien ou d’une même masse de bien non affecté). L’indivision peut naître d’une succession,
d’un divorce ou d’une séparation de corps, d’un changement de régime matrimonial, ou le choix
d’acquérir un bien en indivision.
Or le Code Civil précise que « nul n’est tenu de rester dans l’indivision ». Le dénouement d’une
indivision est le partage. Ce dernier peut être amiable, ou dit de partage judicaire (la loi de 1924
comporte des articles sur le partage judicaire). Il e s’agit pas de droit allemand maintenu mais des
règles spécifiques aux 3 départements.
A. Les caractéristiques de la procédure :
Ce qui caractérise cette procédure est le rôle pivot du notaire (la loi de 1924 a conféré un rôle
important au notaire).
1. Règles de conflit :
La procédure de partage judicaire prévue dans la loi de 1924 est une procédure locale. Mais il existe
une procédure en droit français général. Il s’agit de savoir dans quel cas l’on applique le droit local
34
ou le droit général ? C’est un problème de conflit de loi. La loi du 24 juillet 1941 précise que pour
résoudre la difficulté il convient d’appliquer la loi du lieu de situation du bien :
-
-
L’indivision porte sur un seul bien : dans ce cas c’est facile car si le bien est situé dans
départements l’on applique le droit local et lorsqu’il est en dehors des départements on
applique le droit général. les 3
L’indivision porte sur une masse de biens : dans ce cas, traditionnellement l’on utilisait une
méthode qui scindait les procédures. Ainsi, les biens qui se trouvent dans les 3
départements se voient appliquer le droit local, et les biens situés en dehors se voient
appliquer le droit général. L’avantage de cette méthode est qu’il s’agissait de l’application
littérale de l’article 5 paragraphe 2, mais aussi que l’on appliquait les principes généraux du
droit international privé. Cependant l’application analogique des règles internationales de
droit privée ne sont pas pertinentes pour deux raisons. Tout cela a évolué car, dans un arrêt
du 5 février 2010, la Cour d’Appel de Metz a opéré un revirement de jurisprudence et a
indiqué que rien ne s’oppose à ce que la procédure de partage judicaire s’applique à
l’ensemble de la masse successorale, y compris aux immeubles se trouvant en dehors des 3
départements. L’intérêt de cette décision est que l’on restaure l’unité de la masse des biens
et de la procédure.
2. Rôle du notaire dans le cadre de la procédure de partage judiciaire :
Le notaire, dans l’esprit de la loi de 1924, est un délégué de justice car, dans le cadre de la procédure
de partage judicaire, il exerce des missions de nature juridictionnelles qui se traduisent par le fait que
les actes de procédures que les notaires réalisent participent d’une nature juridictionnelle (lorsque le
notaire rédige des procès verbaux, ce dernier participe d’une nature juridictionnelle).
Certes, le notaire n’est pas la pour dire le droit. S’il y a un conflit entre les parties le notaire n’a pas
la compétence juridique de trancher celui-ci. Exemple : en matière de partage judiciaire, un héritier
s’est servi sur le compte bancaire du défunt. Celui-ci dira qu’il s’agissait d’une donation, de la volonté
de défunt, mais les autres ne seront pas d’accord et diront qu’il a agit dans le cadre d’une
procuration et non d’une donation. Il s’agi d’un conflit de qualification. Cependant, le rôle du notaire
est tout de même de rapprocher les points de vue mais il ne pourra en aucun cas en imposer un.
Cette mission de médiation, de conciliation est une mission de nature juridictionnelle et elle
appartient en propre au notaire.
Comme le notaire a une fonction de caractère juridictionnel, les actes qu’il accompli dans le cadre de
la procédure sont notariés, mais aussi juridictionnels. Les actes qui ne sont que notariés sont signés
par les parties et le notaire. En ce qui concerne les actes juridictionnel, il y a deux cas ou le Code Civil
prévoit qu’il doit être signé par les parties :
-
Lorsqu’un juge constate l’accord des parties et qu’il en dresse procès verbal, le juge doit faire
signer l’acte par les parties.
Lorsque le notaire interroge les parties dans le cadre du procès verbal, il doit être signé par
les parties.
A côté de cela il y a des débats ou l’on se contente de faire « un tour d’horizon ». Dans la
mesure où les actes dressés par le notaire sont de nature juridictionnelle il est admis que la
35
signature des parties n’est pas indispensable chaque fois qu’une réunion peu importante
s’est tenue concernant le partage judiciaire.
Le fait que le notaire exerce une fonction de nature juridictionnelle explique que les règles de la
CEDH puissent s’appliquer, et notamment l’article 6-1 de la CEDH qui prévoit que toute personne à
droit à ce que sa cause soit examinée dans un délai raisonnable. La CJUE a eu, par exemple, à
connaitre d’une procédure de partage judiciaire en droit local dans un arrêt du 10 avril 2003 et l’Etat
français a été condamné car la procédure a été trop longue.
B. La phase préparatoire :
La phase préparatoire commence par le dépôt d’une requête, qui donne lieu à une ordonnance
d’ouverture émanant du tribunal d’instance, puis d’un procès verbal d’ouverture et de proposition
formulé par le notaire.
1. La requête :
Elle est formulée par l’indivisaire ou les indivisaires qui veulent sortir de l’indivision. La requête ne
requiert par de formalisme particulier, il faut simplement expliquer au tribunal qu’il y a une
indivision, et le nom et l’adresse des indivisaires.
Par la suite, on demande au tribunal l’ouverture de la procédure de partage judiciaire et la
désignation d’un notaire. Si l’indivision est d’origine successorale le tribunal d’instance compétent
est celui du dernier défunt. Si l’indivision est d’origine communautaire, le tribunal d’instance
compétent est celui du domicile commun ou du dernier domicile commun des époux (idem en cas
d’indivision partenariale). Enfin, si l’indivision porte sur un bien unique et qu’elle n’est ni
successorale, ni communautaire le ti compétent est celui du lieu de situation du bien.
2. L’ordonnance d’ouverture :
Le juge va être amené à formuler une ordonnance d’ouverture s’il fait droit à la requête, mais avant
il va vérifier qu’il y a bien matière à partage judiciaire et désigner un notaire.
Tout d’abord, le rôle du tribunal est de vérifier qu’il y a bien matière à partage judiciaire (c'est-àdire qu’on est bien en présence d’une indivision) et s’il n’y a pas une fin de non recevoir à la
demande en partage. Exemple : lorsque l’on est en indivision, la loi permet de mettre en place une
indivision organisée (consiste à établir une condition d’indivision et à fixer une durée maximale de 5
ans à cette dernière). Pendant le temps de cette convention, les parties s’interdisent réciproquement
de demander unilatéralement le partage. Exemple : en matière de pacte civil de solidarité le Code
Civil prévoit deux régimes patrimoniaux à savoir un régime de nature séparatiste et un régime de
nature communautaire. Le régime de nature communautaire prend la forme d’une indivision
conventionnelle qui dure pendant le temps du partenariat ou jusqu’au moment ou les époux
changent de régime partenarial. Dans ce cas, tant que le pacs n’a pas été rompu ou la convention
modifiée, l’un d’eux ne peut demander unilatéralement le partage.
Une fois que le tribunal a vérifié si la requête est recevable, il doit désigner le notaire chargé de la
procédure. Le principe est d’en désigner un. Cela étant, il y a des pratiques consistants à désigner
deux notaires, notamment lorsque chaque partie propose un notaire. L’article 223 de la loi de 1924
36
prévoit la nomination d’un notaire avec, tout au plus, la possibilité de désigner un second notaire
pour certaines parties de la procédure. La nomination de deux notaires est préférable pour la bonne
administration de la justice (les notaires sont les notaires de la procédure, et non des clients).
Est-ce qu’il y a un monopole des notaires des 3 départements pour mener à bien une procédure de
partage judiciaire ? La loi de 1924 est muette sur ce sujet. Les exigences de la bonne administration
de la justice imposent que le notaire connaît les règles de partage judiciaire de droit local, ce qui est
le cas des notaires des 3 départements. Les notaires des départements voisins, dans la mesures ou ils
ne sont pas éloignées territorialement et dans la mesure ou ils ont la connaissance de procédure
judicaire de droit local peuvent intervenir dans le cadre de la procédure.
Il s’agit également de s’intéresser au cas du remplacement du notaire. Ce dernier peut intervenir de
façon définitive ou temporaire :
-
-
Remplacement définitif du notaire : soit c’est le notaire qui décède, ou il est atteint par la
retraite, ou bien il change d’étude ou le notaire lui-même, tout en restant de son étude,
demande à être décharger d’un dossier. Dans ces différentes circonstances le tribunal rendra
une ordonnance déchargeant le notaire et désignant un nouveau notaire de la procédure en
question.
Remplacement temporaire du notaire : dans le cas d’une impossibilité temporaire du
notaire, et bien l’on reporte la procédure, il ne peut se faire remplacer par un confrère. La loi
a prévu un cas ou le report d’un acte de procédure peut être source de frais superflus, il
s’agit de l’hypothèse ou dans le cadre de la procédure de partage judiciaire il a été
programmé de vendre un bien immobilier aux anchées et ce jour J le notaire a été empêché.
Dans une telle hypothèse l’on ne peut reporter. Pour éviter cela, l’article 243 de la loi de
1924 permet au notaire de se faire remplacer par un confrère qu’il désigne.
L’ordonnance de partage judiciaire étant rendue, cette dernière fera l’objet de notification. En effet,
dans un premier temps elle sera notifiée aux parties. Ces dernières ont 15 jours pour se pourvoir
contre l’ordonnance si elle ne les satisfait point. On peut préciser qu’en droit local la voie de recours
dans une procédure gracieuse est le pourvoi. Ce dernier ne se fait pas à la cour d’Appel, mais devant
la juridiction qui a rendu la décision initiale (le tribunal d’instance). Ce pourvoi constitue tout à la fois
une voie de réformation et une voie de rétractation. Ainsi, le Tribunal d’instance peut avouer qu’il a
commis une erreur et donc réformer l’ordonnance et ainsi faire droit au pourvoi du requérant. Le
juge d’instance peut également dire que le pourvoi n’est pas fondé et que la décision rendue est
cohérente. A ce moment, là le juge rendra une ordonnance pour préciser qu’il maintient la décision
rendue et qu’il transmet éventuellement le dossier à la Cour d’Appel pour réformation. S’il n’y a pas
eu de recours exercé, ou si le recours n’a pas été accueilli la décision est définitive et le greffe du
Tribunal d’instance renvoi le dossier au notaire qui va pouvoir établir le procès verbal d’ouverture
de proposition.
3. Le procès verbal d’ouverture et de propositions :
Dans ce cas le notaire va convoquer la partie demanderesse de la procédure pour que celles-ci lui
fassent part de toutes les indications en sa possession concernant les indications actives et passives
de la masse à partager, et de ses propositions sur la façon à partager. Le notaire dressera un procès
verbal de tout cela. Ce procès verbal d’ouverture doit être dressé dans les 6 mois de la signification
37
de l’ordonnance d’ouverture du notaire et si ce délai n’est pas respecté, la procédure est d’emblée
caduque.
La question s’est posée de savoir si cette étape était juridiquement indispensable ? Certes, c’est
l‘article 224 de la loi de 1924 qui prévoit cette première séance chez le notaire pour donner les
indications. Mais, en même temps, il y a des circonstances ou le notaire connait mieux que
quiconque la masse des biens à partager. La jurisprudence a tendance à constater que la procédure
ne sera pas nulle si l’on a omis de passer par l’étape du procès verbal d’ouverture, mais, pour éviter
péremption, il faut que la réunion contradictoire soit également tenue dans un délai de 6 mois.
C. Les opérations de partage :
Cette dernière contient plusieurs phases, ce que nous allons voir.
1. Les débats :
Le notaire commis de la procédure va convoquer les parties à une réunion contradictoire à son
étude. Cette réunion devra être précédée de convocations.
Comment s’effectue la convocation ? Cette dernière doit être faite par acte d’huissier, soit par plie
recommandé avec accusé de réception. Il faut être prudent avec les lettres recommandées car cette
convocation ne sera valablement établie que si elle est réceptionnée par le destinataire (arrêt de la
Cour de Cassation de Metz du 12 décembre 2006). En outre, ces convocations doivent être faites
dans un délai de 15 jours, ce que prévoit la loi de 1924. Mais lorsque l’une des parties est domiciliée
en dehors des 3 départements, le délai est porté à un mois.
Si l’une des parties ne peut ou ne veut pas venir sans se désintéresser de la procédure, comment
pourra t-elle être représenter au débat ? A ce moment l’on peut constituer un mandataire, et une
procuration doit être faite dans ce cas. Le pouvoir peut par exemple être donné à un avocat ou à
toute autre personnes. La procuration peut être faite sous sein privé, mais dans ce cas elle doit être
déposée au rang des nutes du notaire.
Si au dernier moment une partie à un empêchement alors que les convocations ont été
lancées comment procéder et qu’elle tient à être présente? L’article 225 paragraphes 3 de la loi de
1924 permet à une partie de demander la remise des débats. Il faut être prudent car cet article ne
doit pas être utilisé comme technique dilatoire pour reculer indéfiniment les débats. En effet le
report n’est de droit qu’une seule fois. Après, c’est laissé à l’appréciation du notaire. Dans le cas ou
une partie s’imaginerait qu’il suffit de ne pas être présent ou non représenté au débat pour faire en
sorte que la procédure s’enlise, elle se tromperait car l’article 225 paragraphe 1er précise qu’en cas
de non comparution les absents sont présumés consentir à ce que l’on procède au partage, et ce
dernier sera obligatoire pour eux, malgré leur non comparution, sous réserve de certaines
conditions, il faut que dans la convocation l’on ait fait une référence express à l’article 225 de la loi
de 1924.
Comment faire s’il n’y a pas d’entente lors de la réunion ? Le jour dit, la réunion a lieu et le notaire va
avoir pour mission de rapprocher les points de vue. Ce dernier peut lui aussi décider de suspendre
les débats et de les proroger à une date ultérieure s’il n’y a pas d’entente trouvée. Il peut arriver
que la convocation suivante soit faite dans le procès verbal de la séance qui se termine.
38
Comment va-t-on consigner la teneur des débats qui se sont déroulés chez le notaire ? Et bien, la
signature du procès verbal est nécessaire sauf deux cas, à savoir lorsque l’on n’a rien décidé du tout,
ou lorsque l’une des parties se sauve et que l’on n’arrive pas à la rattraper. A ce moment le notaire
doit le consigner à la fin de son procès verbal.
2. Les difficultés juridiques qui peuvent survenir :
C’est l’article 232 de la loi de 1924 qui évoque les difficultés dans le cadre de la procédure de partage
judiciaire. Le notaire doit donc rapprocher les points de vue, mais il ne peut dire le droit. Ainsi si une
question juridique pose problème, le notaire peut en rappeler les implications, les enjeux, mais il ne
peut pas trancher. Si les parties ont la sagesse, la question se règlera mais dans le cas contraire le
notaire dressera un procès verbal de difficulté dans lequel il relatera la question qui pose des
difficultés et il résumera les thèses respectives des parties. A ce moment la procédure continuera
devant le Tribunal de Grande Instance.
La relation que le notaire fait de la difficulté a-t-elle un caractère limitatif ou pas ? La réponse est
affirmative, donc le procès verbal du notaire n’a pas de caractère limitatif quant aux difficultés dont
est ensuite saisie la juridiction contentieuse.
Est-ce que la procédure est suspendue devant le notaire pendant tout le temps de la procédure
contentieuse ? La réponse est en principe positive. Néanmoins il est admit en jurisprudence que le
notaire puisse continuer le procédure sur des questions qui ne font pas débat.
3. Les expertises :
Il s’agit du cas ou l’on a besoin de se faire une idée de la valeur des biens (meubles ou immeubles)
et donc la question de l’estimation peut se poser dans deux cas :
-
L’on veut faire un partage en nature : les parties doivent être éclairées pour connaitre la
valeur d’un bien.
L’on décide de procéder à une vente aux enchères : la vente aux enchères consiste à vendre
le bien au plus offrant mais il faut bien un point de départ à cette dernière (mise à prix qui
est déterminée par l’expertise).
L’expertise est obligatoire, en vertu de la loi, lorsque l’on est en présence d’incapable (article 227
de la loi de 1924) c'est-à-dire un mineur, mis sous tutelle, mis sous curatelle, ou présumé absente, ou
lorsqu’une partie le demande. A contrario, si toutes les parties sont majeures et maitresses de leurs
droits, et si elles arrivent à s’entendre pour fixer le prix des biens, il ne sera pas nécessaire de
recourir à l’expertise.
L’expert peut être nommé par les parties. Si les parties ne s’entendent pas pour désigner un expert,
la prérogative passera au Tribunal d’Instance. Le ou les experts ainsi désignés, devront prêter
serrement. Si l’expert a été nommé par les parties, il prêtera serrement entre les mains du notaire,
et s’il est nommé par le tribunal, il prêtera serrement au Tribunal, sauf si le Tribunal en décide
autrement. La condition de serrement est une condition de validité de l’expertise. Cependant il
existe des experts agréés par la Cour d’Appel et ces derniers ont prêté serrement devant le Cour, et
ainsi ils ont prêté serrement une fois pour toute et donc ils n’ont pas à le refaire chaque fois qu’ils
sont nommés comme experts dans le cadre d’une procédure judicaire. On peut donc considérer que
39
l’obligation de prêter serrement ne s’impose pas aux professionnels qui ont déjà prêté serrement
dans le cadre de leurs fonctions. Peut-on noter un notaire comme expert ? C’est le cas, mais ce ne
peut pas être le notaire qui a en charge la procédure de partage judiciaire. Une fois l’expert nommé il
peut entamer ses diligences.
Quelle est la procédure de l’expertise ? L’expert doit respecter le principe du contradictoire (il ne
doit pas visiter un immeuble clandestinement par exemple), ce qui signifie qu’il doit aviser les parties
du jour ou il entend venir. Lorsqu’il fera son rapport final il devra relater l’accomplissement de cette
formalité. Si l’expert à besoin d’entendre les parties, il devra les convoquer l’une et l’autre et la
réunion devra être contradictoire. La présence des deux parties sur les lieux est importante.
Quel est l’effet de l’expertise? Une fois ses diligences accomplies, l’expert rédigera un rapport qu’il
remettra au notaire. L’article 227 paragraphe 5 de la loi de 1924 impose au notaire de prévenir les
parties que l’expert à rendu son rapport et que les parties pourront venir le consulter à l’étude.
L’expertise lie-t-elle les parties ? La réponse est positive, mais ce n’est pas radical. Le principe lui est
clair, mais cette réponse ne s’est pas imposée d’emblé. En effet, l’on a soutenu que les principes de
la procédure s’opposaient à ce que la décision d’un expert puisse s’imposer à des parties, sans que
celles-ci aient la possibilité de soumettre les conclusions de l’expert au contrôle impartial d’une
juridiction contentieuse. Cependant, l’on peut faire valoir que l’on ne se trouve pas dans le cadre
d’une procédure contentieuse mais dans le cadre d’une procédure gracieuse, et il y a des cas ou
l’expertise peut être soumise au contrôle du juge (sur la forme ou le fond). Il y a des exceptions, des
cas ou l’expertise ne lie pas les parties :
-
-
C’est le cas lorsque les parties ont décidé de l’expertise et qu’elles ont décidé que cette
dernière aurait une simple valeur d’avis et ne saurait lier les parties.
En présence d’incapables c’est le tribunal du partage qui n’est pas lié par l’expertise et
lorsqu’arrivera l’étape ultérieure de l’établissement de l’acte de partage, le tribunal peut très
bien refuser l’homologation s’il lui apparait que l’expertise cause des préjudices aux intérêts
des personnes que la loi entend protéger.
Toutes les voies de recours peuvent être exercées à l’encontre de l’expertise (sur des
questions de fond ou de forme).
4. La vente des biens :
Il s’agit de la situation ou il y a des biens (meubles ou immeubles) et le partage en nature est par
hypothèse impossible. Et bien, si les parties n’arrivent pas à s’entendre, l’on vend le bien. La loi de
1924 a donc prévue des procédures de vente des biens. Ces dernières ne sont pas les même selon
qu’il s’agit de vente de meubles ou d’immeubles.

La vente des biens meubles :
Elle est régie par l’article 229 de la loi de 1924. Cette dernière se fait aux enchères (elle peut se faire
à la criée). Les conditions de la vente sont fixées par le notaire, et elles doivent être homologuées par
le Tribunal d’Instance s’il y a des incapables parmi les copartageants. Concernant la publicité, elle est
régit par les usages locaux et c’est le notaire du partage judicaire qui procède à la vente des meubles.
S’il est empêché c’est le Tribunal d’Instance qui désignera un autre notaire ou un huissier pour
procéder à se place à la vente des meubles.
40

La vente immobilière :
On peut relever que la vente par adjudication des immeubles sera obligatoire s’il y a des incapables
(mineurs ou majeurs) et dans le cas ou c’est le représentant légal de l’incapable qui a provoqué le
partage. Le notaire compétent pour organiser l’adjudication est le notaire du partage judicaire, sous
deux réserves, à savoir que le Tribunal d’Instance peut avoir désigné un autre notaire pour certaines
parties de la procédure, et le cas ou le notaire est empêché le jour de l’adjudication. En effet, pour
éviter de reporter et de réexposer les frais de publicité, il est possible de désigner un notaire
substituant et c’est le notaire lui-même qui désignera son remplaçant.
Avant d’arriver à l’adjudication, il y a des préalables. Il convient tout d’abord de fixer la mise à prix.
Cette dernière est fixée par les parties elles mêmes si elles arrivent à s’entendre sur ce point (après
avoir sollicité une expertise le cas échéant). Si les parties n’arrivent pas à se mettre d’accord et bien
soit elles peuvent s’en remettre au Tribunal d’Instance (demande collective doit être faite), soit l’on
recourra à l’expertise. Ce n’est en aucune façon le notaire qui fixe la mise à prix. Il convient ensuite
de fixer les autres conditions de la vente et c’est le notaire qui aura compétence pour faire cela. Il
rédigera aussi un cahier des charges (ensemble des conditions de la vente qui s’imposeront à
l’adjudicataire). Une fois ce cahier des charges établit, il est communiqué aux parties. S’il n’y a pas eu
d’objection, et si toutes les parties sont majeures et maitres de leurs droits, le cahier des charges est
définitif. Cependant s’il y a des incapables parmi les copartageants, et bien le cahier des charges sera
soumis à l’homologation du Tribunal d’Instance. Lorsque le cahier des charges est définitif, et bien il y
a d’autres formalités. Deux dispositifs ne s’appliquent pas en matière d’adjudication :
-
-
La possibilité de rétractation : quand un bien immobilier à usage de location fait l’objet d’un
avant contrat, ce dernier, une fois signé, est remis à l’acquéreur. L’acquéreur à une faculté de
rétractation de 7 jour à compté de la date à laquelle il reçoit le contrat. Cette faculté de
rétractation n’existe pas en matière d’adjudication car cette dernière permet déjà à
l’acquéreur d’éviter un achat avec compulsion. La possibilité de rétractation n’a donc pas
d’intérêt dans cette hypothèse.
La loi FRIEDNER du Code de la Consommation : elle prévoit que lorsqu’un avant contrat est
signé et bien dès l’instant ou l’acquéreur à recours à un prêt l’avant contrat est
nécessairement fait sous la condition suspensive de l’obtention du prêt. Cela n’est pas
transposable en matière de vente par adjudication car une adjudication est un processus
lourd et il faut que les amateurs prennent leurs précautions.
La loi prévoit un mode de publicité de l’adjudication mais ce dernier résulte de 1924 et il n’est pas
adapté aux méthodes modernes de communication. Le minimum légal est d’effectuer une insertion
(affiche) dont le contenu est précisé dans la loi de 1924, dont les modalités de diffusion sont prévues
à l’article 247 et les destinataires à l’article 248. Il faut ainsi désigner l’immeuble à vendre, indiquer la
mise à prix, l’identité des copartageants, le lieu, la date et l’heure de l’adjudication. Cette affiche doit
être adressée à tous les copartageants par plie recommandé avec accusé de réception, et l’affiche
fait l’objet d’une insertion dans un journal d’annonce légale au moins 6 semaines, et au plus tard 2
semaines avant l’adjudication. La loi prévoit que le notaire peut également faire toute autre
publication demandée par les parties.
Lorsque tout cela est fait l’on arrive au jour de l’adjudication. Cette dernière se fait en laissant brûler
des petites bougies, elle est accomplie lorsque « sur une mise donnée trois feu ont successivement
41
brûlés pendant une minute chacun sans nouvelle enchère ». Les enchères doivent être portées à
haute et intelligible voix. Cela n’impose pas une formule sacramentelle dans l’expression de
l’enchère. Toute personne majeure et maitre de ses droits peut porter une enchère et l’article 251
de la loi de 1924 ajoute que le notaire peut décider, sans que sa décision soit soumise à recours, que
des personnes étrangères, ou notoirement insolvables puissent participer aux enchères si elles
fournissent une caution. Pour éviter les questions d’insolvabilité l’on a inversé la proposition et l’on
exige systématiquement de tout amateur qu’il produise au notaire, avant l’ouverture de l’enchère,
un chèque de banque ou un chèque certifié (correspond généralement à 20% de la mise à prix). Cela
donne donc la certitude que la personne est allée chez son banquier (il doit s’agir d’une banque
française).
Lorsque l’adjudication est accomplie, le notaire délivrera un procès verbal qu’il fera signer aux
parties présentes et à l’adjudicataire. Une fois accomplis l’adjudication est définitive en ce sens qu’il
n’existe pas une procédure de la surenchère du dixième comme c’était le cas en vieille France. Cela
étant le caractère définitif de l’adjudication souffre de deux tempéraments :
-
-
On peut substituer un acquéreur à un autre : l’article 254 de la loi de 1924 permet à
l’adjudicataire de formuler dans les trois jours une déclaration command. C’est une
technique juridique qui consiste, pour l’amateur, à préciser que ce n’était pas lui le véritable
amateur, mais une autre personne. Il ne s’agit pas d’une revente car une fois la déclaration
de command faite, l’acquéreur final tient directement ses droits directement du vendeur
initial. On dit que c’est une institution sui généris. Il faut être conscient d’une difficulté
fiscale car le droit fiscal suit la déclaration civiliste de command. Il y a un délai de 3 jours
prévu par la loi de 1924 en ce qui concerne la déclaration de command, mais il s’agit d’un
principe civil qui ne rejaillit pas sur le droit fiscal.
Cas ou l’on n’a pas couvert la mise à prix : en pareil cas la loi de 1924 permet au notaire
d’interroger les amateurs présents pour savoir sui quelqu'un offrirait une mise à prix
inférieure. Il y a deux hypothèses dans ce cas, à savoir que partant d’une mise à prix
inférieure, et bien finalement l’on atteint la mise à prix initiale, ou que l’on reste en dessous
de la mise prix. Dans ce second cas l’adjudication est malgré tout prononcée, mais elle a un
caractère provisoire, donc elle lie l’adjudicataire, mais elle ne lie pas les vendeurs. Dans ces
deux circonstances tout intéressé peut demander à ce que l’on procède à une nouvelle
adjudication, et dans ce cas cette dernière se fait à tout prix.
5. L’établissement de l’acte de partage :
Il s’agit de l’acte ultime de la procédure de partage judiciaire. Il est rédigé par le notaire seul, mais
pas de façon discrétionnaire. Cet acte est la synthèse de ce qui a été décidé lors des réunions
précédentes ou des décisions de justices. Une fois l’acte de partage établit, le notaire le
communique aux parties. Si toutes les parties sont majeurs et maitres de leurs droits, elles peuvent
très bien approuver séance tenante l’acte de partage et ce dernier est immédiatement définitif, et
l’on est dispensé d’homologation.
Dans le cas contraire l’on est obligé de transmettre l’acte de partage au Tribunal d’Instance pour
homologation. Quel est le rôle de ce dernier ? Et bien, si les parties sont majeures et maitres de leur
droit, le rôle du tribunal consiste à vérifier que tout le formalisme de la loi de 1924 a été respecté.
S’il y a des incapables le rôle du tribunal est plus substantiel, il a une mission de contrôle de la forme,
42
mais aussi du fond. Il peut s’assurer que sur le fond les intérêts des incapables ont été respectés. Une
fois ces vérifications faite le tribunal homologue ou non l’acte de partage. L’ordonnance
d’homologation doit être notifiée au notaire et aux parties et cette dernière peut faire l’objet d’un
pourvoi de la part de tout intéressé.
43
Chapitre 2 : L’opposabilité du droit de la propriété immobilière : la
publicité
Il s’agit d’évoquer un pilier du droit local Alsacien mosellan qui est le livre foncier (mode spécifique
aux trois départements de publicité foncière).

Organisation de la publicité foncière en Alsace-Moselle :
La publicité foncière est l’ensemble des règles qui ont pour objet de rendre un droit de propriété ou
un démembrement du droit de propriété ou une charge affectant un droit de propriété opposable
aux tiers. Cette dernière n’est pas constitutive de droit. En effet, ce n’est pas l’inscription au livre
foncier qui crée le droit de propriété sur un immeuble, ce dernier nait d’un acte de vente ou de
donation. L’intérêt de la publicité foncière est que tant que l’on est au stade de l’acte de vente la
propriété qui est transférée n’est pas opposable aux tiers (l’acte comme tel ne lie que les parties).
C’est le fait d’inscrire la propriété au nom de l’acquéreur dans le livre foncier qui va rendre cette
propriété opposable aux tiers.
Les modalités de la publicité foncière obéissent à des règles particulières en Moselle et en Alsace.
Ces règles procèdent des dispositions de la loi du 1er juin 1924 et ces dispositions législatives ont été
complétées par des dispositions règlementaires (décrets de 1924 et de 1927). Des textes modificatifs
sont intervenus par la suite, en particulier une loi de 1990 qui a opéré un toilettage de la loi de 1924
en ce qui concerne la publicité foncière. Il y a également eu une loi de 2002 qui a adapté les
dispositions de la loi de 1924 aux exigences de l’informatisation du livre foncier. Ce texte a lui-même
été modifié par l’article 102 de la loi de 2009. Les décrets de 1924 et de 1927 ont complètement
étaient remplacés par un décret de 2009 et il s’agissait également d’adopter le système de la
publicité foncière à son informatisation.
Le livre foncier n’est pas né avec la loi de 1924. Cette dernière n’a fait que reprendre les textes du
législateur allemand concernant ce livre foncier en les adaptant aux règles de fond du Code Civil.
De fait, le système allemand de la publicité foncière remontait au 1er janvier 1900. Jusqu’à cette
date, dans les 3 départements, l’on continuait à appliquer le Code Civil français, et les règles
françaises de publicité foncière. Si le législateur allemand avait maintenu dans les 3 départements le
Code Civil et les règles françaises c’est parce que le droit privé allemand n’était pas unifié jusqu’en
1900. Le 1er janvier 1900 est entré en vigueur le Code Civil allemand qui s’est substitué à tous les
Codes Civils qui existaient dans les entités fédérées et en Alsace-Moselle. On a donc introduit à cette
occasion le système unifié du Code Civil allemand concernant la publicité foncière. En 1924 l’on a
maintenu le système du livre foncier.
Jusqu’au début des années 2000 le livre foncier a fonctionné de la même façon qu’en 1900. Pendant
un siècle ce dernier était organisé en un ensemble de volumes comportant des feuillets. Le principe
était que dans chaque commune l’on ouvrait un feuillet par rapport à chaque personne physique ou
morale qui était propriétaire d’un bien. Le législateur allemand avait fait le choix d’avoir des feuillets
personnels et non réels. Ce feuillet comportait traditionnellement 3 sections (la description de la
propriété, indication des charges pouvant grever le bien, l’inscription des sûretés pouvant grever le
44
bien). Les différents volumes d’une commune étaient gérés par le greffe du Tribunal d’Instance
(bureau foncier). Le bureau foncier fonctionnait sous la houlette d’un magistrat qui est le juge du
livre foncier. Le travail matériel d’inscription et de radiation est opéré par un greffier.
Au cours de la dernière décennie le livre foncier a été informatisé. Du point de vue de l’organisation
administrative rien n’a changé, en ce sens que le livre foncier informatisé est toujours tenu par le
bureau foncier avec le juge et le greffier du livre foncier. L’introduction de l’informatisation a eu pour
effet de ne plus choisir entre une entrée personnelle et une entrée réelle. Cette informatisation fut
très chère. Pour la mener à bien et pour la gérer au plan matériel, le législateur a créé un
établissement public du livre foncier informatisé (EPLFI) et il a en charge la maintenance du système
informatique.

Différences entre le livre foncier et la conservation des hypothèques :
Ce système du livre foncier se différencie du système de publicité foncière qui existe dans les autres
départements. Dans les autres départements la publicité foncière repose sur la conservation des
hypothèques. Les principales différences peuvent se recouper autour de 4 points :
-
-
-
-
Au livre foncier l’on publie des droits (telle personne est propriétaire de tel bien), et les
hypothèques ou servitudes dont la propriété de cette personne peut être affectée. Tandis
que dans le système de la conservation des hypothèques l’on publie des actes. Cela étant,
dans la pratique de la conservation des hypothèques, en complément des actes l’on faisait
des fiches analogues aux feuillets du livre foncier tenu dans les 3 départements. Cette
première différence est incontestablement estompée au fil du temps.
La seconde différence tient au mode de consultation. A la conservation des hypothèques il
n’y a pas de consultation directe possible (même pour les professionnels). Tandis que l’on
peut consulter directement le livre foncier.
La troisième différence tient au principe de légalité et de la présomption d’exactitude. Le
livre foncier est tenu sous la direction d’un magistrat assisté d’un greffier. L’inscription au
livre foncier est assortie d’une présomption d’exactitude, c'est-à-dire que lorsqu’une
personne est inscrite au livre comme propriétaire d’un bien, n’a pas de preuve à fournir. Il
n’en n’est pas de même à la conservation des hypothèques. Le conservateur est tout
d’abord un fonctionnaire du service des finances (il s’agit d’un percepteur) et comme il n’est
pas magistrat la loi ne lui prescrit pas de vérifier la légalité de l’acte qui est présenté. Il n’y a
donc pas de présomption d’exactitude.
Le service du livre foncier relève du ministère de la justice tandis que la conservation des
hypothèques relève du ministère de l’économie et des finances.
Traditionnellement l’on mettait également en avant le caractère lus économique du livre
foncier pour différencier ce dernier de la conservation des hypothèques. En effet il faut
régler le salaire du conservateur des hypothèques. Dans les 3 départements, l’on faisait
traditionnellement application de la gratuité des frais de justice (aujourd’hui une redevance
de 25 euros est perçue au profit du EPLFI en cas d’inscription ou de radiation au livre
foncier).
45
I. Les droits à publier :
On inscrit au livre foncier que ce que la loi prescrit d’inscrire. L’objectif est de na pas surchargé
inutilement le livre foncier.
A. Les droits réels immobiliers :
S’agissant de ces droits réels immobiliers, l’obligation d’inscrire est quasi-systématique. On inscrit
en premier lieu le droit de propriété, puis les démembrements du droit de propriété.
1. La propriété :
Le droit de propriété le plus traditionnel est la propriété d’une parcelle avec tout ce qu’elle contient
(propriété du dessus et du dessous). On peut imaginer une division horizontale juridique de la
propriété du dessus et du dessous. On peut ne vendre que le dessus (droit de superficie) ou ne
vendre que le tréfonds. La copropriété est une propriété sur une même parcelle ou l’on empile des
lots appartenant à des propriétaires différents.
Cette propriété est inscrite au livre foncier. On inscrira aussi au livre foncier les différentes charges
et les différents démembrements qui peuvent affecter le droit de propriété : les servitudes,
2. Les servitudes :
C’est une charge qui grève une parcelle au profit d’une autre parcelle (c’est souvent un droit de
passage). Les servitudes doivent être inscrites au livre foncier pour être opposables aux tiers. En
pratique tout dépend de quand date la servitude :
-
-
Les servitudes dites du Code Civil (depuis 1924) : il convient de distinguer les servitudes
légales et les servitudes du fait de l’homme. Les servitudes légales sont les servitudes
imposées par la loi quand certaines conditions sont réunies (la servitude légale de passage
pour cause d’enclave). Celle-ci n’a pas à être inscrite au livre foncier, elle est opposable sans
inscription au livre foncier. Les servitudes du fait de l’homme doivent être inscrites au livre
foncier, à peine d’inopposabilité aux tiers. Ces servitudes recouvrent trois origines distinctes :
la servitude qui née d’une convention, la servitude acquise par prescription (doit être
exercée au moins 30 ans et doit être continue et apparente), la servitude par destination du
père de famille (ces dernière sont opposables aux tiers sans avoir à être inscrites au livre
foncier).
Les servitudes nées du temps du Code Civil allemand (entre 1900 et 1924) : le Code Civil
allemand avait une conception plus large de la notion de servitude. En droit français, une
servitude a un caractère réel, c'est-à-dire qu’elle grève et bénéficie à un fond. Il n’y a pas de
servitudes personnelles, à la charge ou au profit d’une personne. En droit allemand l’on ne
voyait pas d’inconvénient à laisser cohabiter les servitudes personnelles et réelles. La loi de
1924 n’a pas abrogée les servitudes constituées pendant la période de l’annexion. L’article
111 de la loi de 1924 prévoit que les servitudes personnelles continuent à s’appliquer avec la
précision que les modes d’extinctions seront tout à la fois ceux prévus par la législation
française et la législation allemande ancienne.
46
-
Les servitudes nées avant 1900 : avant 1900 il n’y avait pas de livre foncier dans les 3
départements et s’appliquait le système de la conservation des hypothèques pour la
publicité foncière. La solution traditionnelle était qu’à partir du moment où une servitude
avait été régulièrement répertoriée à la conservation des hypothèques, cette dernière était
opposable aux tiers, même si elle n’avait pas été reprise au livre foncier lorsqu’il est entré en
vigueur. Le problème était qu’en 1980-1990 il n’était pas évident de démontrer l’opposabilité
aux tiers d’une servitude née avant 1900 car il n’était pas facile de retrouver le titre et la
preuve de la transcription. Il y avait un risque d’insécurité juridique. Ainsi, le législateur est
intervenu par une loi de 2002 et a prescrit un délai de 5 ans pour reporter au livre foncier
toutes les servitudes constituée avant 1900 et qui n’auraient pas encore étaient reportées au
livre foncier. Récemment il y a eu une QPC concernant ce dispositif de la loi de 2002 car un
plaideur a fait valoir que la sanction de l’extinction des servitudes dont on n’aurait pas
effectué le report dans le délai de 5 ans était attentatoire au droit de propriété. La Cour de
Cassation a renvoyé le dossier au Conseil Constitutionnel en septembre 2011. Ce dernier a
répondu que, certes au bout de 5 ans la servitude est éteinte, mais encore faut-il préciser
que ce n’est que dans la mesure où le titulaire n’a pas fait les démarches. Cela est lié à une
carence du titulaire de la servitude. De plus, le Conseil Constitutionnel a observé que le
dispositif mis en place par la loi de 2002 avait pour objet de clarifier les choses s’agissant des
servitudes constituées avant 1900, celles-ci étant difficiles à retrouver avec le temps, et
créant un réel risque d’insécurité juridique de voir des servitudes mises en avant, constituées
avant 1900, sans qu’il soit possible de retrouver la trace de cela. Le Conseil Constitutionnel a
donc été sensible à la préoccupation de sécurité juridique.
3. Usufruit et droit d’usage :
La propriété est le cumul des démembrements du droit de propriété (usus, fructus, et abusus).
L’usufruitier à l’usus et le fructus seulement. Le droit d’usage est un diminutif de l’usufruit. Ce
dernier n’a que l’usus, et pas le fructus. L’usufruitier d’une maison peut y habiter (usus) et louer
cette dernière (fructus). Le titulaire du droit d’usage ne peut qu’y habiter.
L’usufruit et respectivement le droit d’usage doivent être inscrits au livre foncier pour être
opposable aux tiers. Il y a une difficulté en ce qui concerne l’usufruit. En effet, l’article 38 de la loi de
1924 prescrit l’inscription au livre foncier, s’agissant de l’usufruit établit par la volonté de l’homme. A
contrario, si l’usufruit résulte de la loi, il n’a pas à être inscrit au livre foncier, et il sera opposable aux
tiers.
Mais y a-t-il encore des usufruits légaux ? Jusqu’en 2002 il y avait un usufruit (il était d’1/4) légal en
matière successorale au profit du conjoint survivant. Par une loi de 2002 le législateur a modifié les
droits successoraux du conjoint survivant dans un sens plus généreux. Il s’agissait de transformer les
droits d’usufruit en droit de pleine propriété. De surcroit, dans le cas ou tous les enfants sont
communs le conjoint survivant à une option, il peut choisir entre la pleine propriété et l’usufruit de la
totalité de la succession. Cet usufruit est-il légal car il découle de la volonté du survivant et non de la
loi ? Ce nouvel usufruit doit être inscrit dans el livre foncier pour être opposable aux tiers car il ne
trouve plus seulement sa source dans la loi, mais aussi dans la volonté du survivant.
4. Les sûretés réelles :
47
Les sûretés réelles à inscrire au livre foncier sont celles du Code Civil. Outre cela, il existe une sûreté
spécifique au droit local appelée la prestation foncière. Il s’agit d’une sûreté réelle qui garantie
l’exécution de prestations périodiques stipulées au profit d’une personne qui a aliéné un immeuble
(vendu, donné, …). Il s’agit de la personne qui a cédé un bien moyennant une rente viagère. La sûreté
réelle garantie le paiement de la rente viagère.
Cette sûreté déroge au principe de droit général de la spécialité de l’inscription. En droit général,
quant on inscrit une sûreté réelle, il faut préciser la somme pour laquelle l’inscription est prise en
garantie. La difficulté lorsqu’une personne vend un bien moyennant une rente viagère est qu’on ne
sait pas trop le montant garantir (c’est le cumul des rentes, mais on ne connait pas la durée de vie).
L’intérêt de la prestation foncière est qu’on n’a pas besoin d’indiquer le montant prévisionnel de la
somme à garantir.
En outre, cette sûreté est assortie d’un droit de suite renforcé. Une sûreté classique est une forme
de gage et est assortie, au profit du créancier, du droit de préférence (droit de le faire vendre aux
enchères), et le droit de suite (droit de faire vendre le bien quelque soit les mains entre lesquelles il
se trouve). La prestation foncière comporte un droit de suite renforcé car si le bien est vendu, la
rente devient une charge personnelle du nouveau propriétaire. Dans le cadre de la prestation
foncière, s’il y a aliénation du bien, le nouveau propriétaire n’est pas seulement contraint de subir le
droit de suite, mais de surcroit il devient personnellement propriétaire.
B. Certaines droits personnels :
Il y a deux droits personnels qui doivent être inscrits au livre foncier à peine d’inopposabilité :
-
-
Les baux de plus de 12 ans : le principe est qu’un bail n’a pas à être inscrit au livre foncier. Il
n’en n’est pas moins opposable aux tiers. Ce principe connait un tempérament concernant
les baux de plus de 12 ans. Dans ce cas le bail doit nécessaire être inscrit au livre foncier à
peine d’inopposabilité. En outre, il existe des catégories de baux qui ne sont plus des droits
personnels tels que les baux emphytéotiques ou de construction qui confèrent au preneur un
droit réel. Ils doivent nécessairement être inscrits au livre foncier.
Les quittances de loyer de plus de 3 ans : il s’agit du cas ou un bail est conclu et le locataire
paye d’emblé, en bloc son loyer pour 3 ans. Pour que ceci soit opposable aux tiers, il faut que
ca soit inscrit au livre foncier.
C. Restrictions au droit de disposer :
1. Les restrictions légales :
Le principe est que ces restrictions sont opposables aux tiers sans à avoir être inscrit au livre foncier
(principe selon lequel nul n’est sensé ignorer la loi).
Ce principe comporte des tempéraments. Il y a deux restrictions au droit de disposer qui doivent
être inscrites au livre foncier, à savoir le droit à la résolution d’un contrat synallagmatique et le droit
à la révocation d’une donation (quant une personne donne un bien, elle peut révoquer cette
donation pour ingratitude, survenance d’enfant, ou inexécution des charges). Ce droit de révocation
à la donation est facultatif. Ces différents cas de révocation d’une donation ne sont opposables aux
tiers que s’ils ont été publiés au livre foncier.
48
Ces restrictions légales sont les deux seules restrictions légales devant être inscrites à peine
d’inopposabilité, les autres restrictions légales n’ont pas à être inscrites au livre foncier (la nullité
pour vice du consentement, l’action en rescision pour lésion).
2. Les restrictions découlant de la volonté de l’homme :
Toutes les restrictions au droit de disposer découlant de la volonté de l’homme doivent être inscrites
au livre foncier pour être opposables aux tiers (promesse de vente).
3. Les restrictions judiciaires :
En l’état actuel il y a deux séries de restrictions judicaire au droit de disposer qui doivent être
inscrites à peine d’inopposabilité :
-
-
La procédure d’exécution forcée immobilière : cette procédure permet à un créancier de
faire vendre un bien appartenant à son débiteur aux enchères. Cette procédure est ordonnée
par le Tribunal d’Instance. Elle doit être inscrite au livre foncier.
Par ailleurs, depuis 1990 les demandes en justice qui tendent à obtenir la résolution, la
révocation, l’annulation ou la rescision d’une convention ou d’une disposition à cause de
mort doivent être publiées au livre foncier à peine d’irrecevabilité de l’action.
4. La prénotation :
C’est une procédure qui permet d’assurer le rang d’un droit qui ne peut pas encore être inscrit
définitivement. Exemple : une vente immobilière intervient mais elle a été affectée d’une condition
suspensive. La vente n’est pas définitive. Donc pendant tout le temps ou l’on est dans le temps de la
réalisation de la condition suspensive, le transfert de propriété n’est pas effectué, donc on ne peut
l’inscrire au livre foncier. Néanmoins l’acquéreur peut avoir le souci de mettre en évidence le rang de
l’inscription. C’est pour éviter cela qu’il est permis par la prénotation de faire prendre date à la vente
conditionnelle en attendant qu’elle puisse être inscrite définitivement au livre foncier, moyennant
quoi , sous réserve que la condition se réalise, la vente conditionnelle prendra rang rétroactivement
et par voie de conséquence toutes autres inscriptions prises postérieurement à la prénotation sont
inopposables à l’acquéreur.
II. Le processus de l’inscription au livre foncier :
Pour parvenir à cette inscription il y a des conditions de fond et de forme à respecter et quand elles
le sont cette inscription s’opère par la voie d’une décision du juge du livre foncier.
A. Les conditions de l’inscription :
1. Les conditions de fond :
Ces dernières tournent autour de deux principes : le principe relatif de l’inscription et le principe de
légalité.
1.a. Le principe relatif à l’inscription :

Définition :
49
L’objectif poursuivi est d’assurer la continuité dans la chaine des inscriptions. Pour parvenir à cet
objectif il y a deux règles :
-
-

Le droit de propriété d’une personne ne peut être publié au livre foncier tant que le droit
de propriété de son auteur n’est pas lui-même publié : A vend son bien à B et il revend à C.
Si cela se passe dans un l’abs de temps restreint, si la durée du droit de propriété de B a été
très courte, l’on ne pourra pas procéder au transfert de propriété au livre foncier
directement de A à C.
Un droit qui grève un bien du chef du propriétaire ne peut être publié que si le propriétaire
lui-même est inscrit comme tel au livre foncier.
Exceptions :
Les exceptions sont au nombre de deux et l’une concerne les héritiers et l’autre la technique de la
prescription acquisitive.
L’une concerne les héritiers : les héritiers d’un défunt qui veulent disposer d’un bien doivent d’abord
faire publier la transcription du bien à leur nom. Mais si les héritiers procèdent à la vente du bien
dans les 10 mois du décès, ils ne sont pas tenus de demander la transcription préalable du bien à
leur nom, le bureau foncier étant tenu de basculer le bien du nom du défunt au nom de l’acquéreur.
De même, s’il y a pluralité d’hériter et que l’on procède à un partage, en principe l’on doit transcrire
les biens en indivision. Là encore, si le partage intervient dans les 10 mois du décès le bien peut
directement être basculé du défunt à chacun des attributaires.
L’autre relève de la technique de la prescription acquisitive (usucapion) : lorsque les conditions de
la prescription acquisitives sont réunies il peut y avoir une difficulté pour inscrire le bien usucapé au
nom de celui qui revendique la propriété. C’est surtout vrai si celui qui était jusqu’alors inscrit
comme propriétaire ne consent pas spontanément à signer un acte pour reconnaitre que les
conditions sont réunies. La difficulté n’est pas la même selon les circonstances.
-
-
Concernant le cas ou le bien n’est pas inscrit au livre foncier et qu’une personne revendique
l’usucapion au regard d’une parcelle non inscrite au livre foncier il suffit de montrer qu’elle
rempli les conditions de l’usucapion.
Concernant le cas ou l’on revendique l’usucapion par rapport à une personne déjà inscrite
au livre foncier, si la personne inscrite est d’accord pour concourir un acte notarié et
reconnaitre qu’elle n’a plus exercée son droit de propriété depuis plus de 30 ans et que c’est
l’autre personne qui l’a fait, il n’y a pas de problème. Ce cas concerne les personnes qui ont
disparues de la circulation. Comment faire pour opérer la mutation du bien dans ce cas ?
Pendant longtemps le seul moyen était d’introduire une action contentieuse devant le TGI.
Le décret du 3 décembre 2002 est venu simplifier les conditions d’inscription au livre foncier
sur le fondement de la prescription acquisitive. Lorsqu’une personne prétend que depuis au
moins 30 ans elle a la possession paisible, publique et ininterrompue du bien immobilier elle
va déposer une requête auprès du juge du livre foncier (la personne doit amener des
preuves de la situation de fait comme le fait de payer les impôts fonciers ou des
témoignages). Avant d’y donner une suite il doit procéder à l’instruction. L’idée est de
permettre à celui qui est encore inscrit au livre foncier de manifester son point de vue. Si
l’adresse du titulaire du droit ou des héritiers est connue le greffier du livre foncier va
50
notifier la requête aux intéressés. Si par contre, l’adresse du titulaire ou des héritiers est
inconnu, le juge du livre foncier procèdera à une publicité légale (affichage d’un avis au
greffe du livre foncier, avis inséré dans un journal d’annonces légales du département, avis
affiché à la mairie). Concernant le contenu de cet avis, il prendra la forme d’une sommation
adressé au titulaire du droit de faire valoir ses observations. Le juge doit également aviser le
procureur de la république. Lorsqu’il a été procédé à toutes ces mesures, il accueillera ou
n’accueillera pas la demande. Et si la procédure prend une forme contentieuse, le juge du
livre foncier est dessaisi car il est un juge de la juridiction gracieuse, il n’a pas vocation à
trancher des contentieux entre les parties et le contentieux se déroulera devant le TGI. Dans
le cadre de la procédure gracieuse et que le juge considère pertinent les arguments
présentés, il rendra une ordonnance radiant l’ancien propriétaire et ordonnera l’inscription
du nouveau propriétaire.
1.b. Le principe de légalité :
Lorsqu’il est requit l’inscription d’un droit au livre foncier un acte notarié va être présenté au juge,
et ce dernier devra ordonner la radiation de l’ancien titulaire et l’inscription du nouveau. Comme le
juge du livre foncier est un magistrat, sa mission n’est pas purement formelle, la loi lui reconnaissant
des pouvoirs d’investigations. Il rendra d’ailleurs son ordonnance qu’après avoir procédé aux
investigations prévues par la loi. C’est là la différence entre le juge du livre foncier et le conservateur
des hypothèques (il n’est pas un magistrat et on ne lui reconnait pas de pouvoir d’investigation).
Quoi qu’il en soit, le juge du livre foncier doit opérer un contrôle de légalité de l’acte qui lui est
soumis. Ce contrôle a une autre conséquence, à savoir la présomption d’exactitude qui est attachée
à l’inscription du livre foncier.

Les pouvoirs d’investigation du juge du livre foncier prévus par la loi de 1924:
C’est l’article 46de la loi de 1924 qui indique quels sont les pouvoirs d’investigation légaux qui précise
que le juge du livre foncier vérifie si le droit visé dans la requête est susceptible d’être inscrit, si l’acte
répond aux conditions de formes prévue par la loi, si le droit est d’ors et déjà inscrit au livre foncier,
est si les parties sont capables ou bien représentée.

L’extension jurisprudentielle des pouvoirs d’investigation du juge du livre foncier :
Quand l’article 46 parle de la vérification de la capacité des personnes, il faut alors vérifier si un cas
de nullité relative existe ou non. Une extension est intervenue car la jurisprudence prévoit qu’audelà du seul cas de l’incapacité, si le juge du livre foncier décèle un cas de nullité absolue il doit
refuser l’inscription. En cas de nullité absolue il faut que cette dernière soit tout de même flagrante
et il faut qu’elle affecte l’acte dans son ensemble.
Concernant la nullité relative, elle peut être couverte par les parties (elles peuvent faire le choix de
confirmer l’acte affecté d’une nullité relative). Donc si on permettait au juge du livre foncier de
refuser l’inscription d’un droit pour nullité relative, le juge pourrait faire obstacle au droit des parties
de confirmer un acte affecté d’une nullité relative.
51
2. Les conditions de forme :
2.a. L’article 42 de la loi du 1er juin 1924 :
Cet article prescrit que pour pouvoir publier un droit au livre foncier il faut que ce dernier ait été
constitué sur la base d’un acte notarié. L’authenticité est une condition de forme pour parvenir à la
publicité foncière. La particularité du droit local est que l’authenticité est une condition de forme
pour parvenir à la publicité foncière, mais aussi pour assurer l’efficacité de l’acte.
Dans les autres départements l’authenticité est aussi requise pour pouvoir mettre en œuvre la
publicité foncière. Mais une vente immobilière établie sous seing privée n’est pas nulle pour autant,
mais impubliable et donc inopposable aux tiers. La différence en droit local est qu’une mutation de
propriété d’un droit réel immobilier ou d’une constitution de servitudes, si elle est faite sous seing
privé, elle est non publiable mais si dans les 6 mois da l’acte elle n’a pas était réitéré sous forme
d’acte authentique, elle est caduque.
L’article 42 alinéa 1er précise que tout acte portant sur un droit susceptible d’être inscrit doit être,
pour les besoins de l’inscription, dressé en la forme authentique par un notaire, un tribunal, ou une
autorité administrative. L’Etat et les collectivités territoriales peuvent ainsi établir des actes qui ont
valeur d’acte authentique pour opérer la mutation de propriété immobilière par, ou au profit de
l’Etat, des collectivités territoriales ou établissements publics.
L’article 42 alinéa 2 de la loi de 1924 sanctionne par la caducité les actes sous seing privés ou les
actes d’un notaire étranger et qui ne sont pas suivis d’un acte de réitération dans les 6 mois. Ce délai
s’applique aux actes entre vifs, translations de propriété immobilière ou translatant une servitude
foncière.
Comment se calcul ce délai de 6 mois ? Concernant le cas de la promesse unilatérale de vente ou
d’achat, il s’agit d’un acte ou le promettant s’engage à vendre si le bénéficiaire de la promesse se
décide à acheté. Dans une promesse unilatérale le bénéficiaire de la promesse s’engagera le jour ou il
lèvera l’option. Dans ce cas le délai de 6 mois court le jour ou l’option est levée car c’est à ce moment
qu’il y a un accord de volonté. Concernant le cas de la promesse synallagmatique (promesse ou
chacun s’engage qui est assortie de conditions suspensives) une controverse est née pour savoir si le
délai de 6 mois court du jour de la promesse unilatérale ou du jour ou les conditions suspensives sont
réalisées. La question n’a pas véritablement été tranchée. Arrêt de 1970 de la Cour de Cassation : le
point de départ du délai de 6 mois est la date de la promesse synallagmatique. Arrêt de 1976 de la
Cour de Cassation : cette dernière a changé d’avis et elle considère que le point de départ est la date
ou les conditions suspensives ont été réalisées.
Quelle est la sanction du non respect de ce délai ? La sanction est la caducité de l’acte et de ce point
de vue la rédaction de l’article 42 de la loi de 1924 a évolué. Jusqu’en 2002 la sanction du non
respect du délai de 6 mois était la nullité de l’acte en sa totalité et donc il ne pouvait produire aucun
effet. Le législateur a considéré que cette sanction de nullité n’était pas adaptée car elle sanctionnait
un vice qui affectait un contrat dès l’origine. Or dans le cas de l’article 42, à l’origine et en moins
pendant 6 mois, l’acte n’était pas nulle mais valable donc il semblait illogique de sanctionner par la
52
nullité l’acte alors qu’en lui-même il ne comportait pas le germe même de la nullité au départ. C’est
la raison pour laquelle il est apparu plus exacte en 2002 de remplacer la nullité par la caducité
(sanctionne un acte en ce sens qu’il ne produira plus d’effet mais ce n’est pas pour autant qu’il a été
affecté d’un vice originel). Il y a eu une incidence plus concrète au niveau de la clause pénale.
Lorsqu’une partie de respecte pas ses engagements, sa responsabilité civile contractuelle peut être
mise en cause. En principe l’indemnisation est fixée par un tribunal, mais le Code Civil permet
également aux parties de s’entendre dès le départ du montant d’une indemnisation forfaitaire en cas
de non respect des engagements de l’une des parties. La clause pénale évite donc d’aller devant le
juge. Or, il peut arriver que si la vente ayant fait l’objet d’une promesse ne se réalise pas dans les 6
mois cela soit du au comportement fautif de l’une des parties. Du temps ou la sanction du non
respect du délai de 6 mois était la nullité, tout tombait à l’eau. Et même si l’on avait prévu une
clause pénale dans l’avant contrat, et bien dans la mesure où il était nul, il l’était en toutes ses
dispositions et donc la clause pénale était emportée dans la vague de nullité et elle ne s’appliquait
pas. La nouvelle sanction de la caducité a amenée la jurisprudence à reconsidérer les choses. L’acte
est caduc mais pas nul, et donc la clause pénale s’applique (elle est destinée à sanctionner un
manquement contractuel). Comme la caducité est la conséquence d’un manquement contractuel, il
serait paradoxal que la clause pénale ne puisse pas s’appliquer. C’est par un arrêt du 9 juin 2010 que
la Cour de Cassation a clôturé le débat en jugeant que la sanction de la caducité ne concernait que
l’acte en tant qu’il portait transfert de propriété, mais que la caducité n’affectait pas la clause
pénale.
Que faire si le cocontractant ne compte pas venir chez le notaire signer l’acte ? D’après l’article 42,
pour échapper au couperai il faut introduire une demande en justice avant le terme des 6 mois.
2.b. La forme des mandats, les législations :
Le principe est posé à l’article 54 d’un décret de 2009 et il est précisé que toute procuration
destinées à établir un acte soumis à publicité foncière, doit être passée en la forme authentique ou
authentiquement légalisée. Authentiquement légalisé renvoi à la procuration sous seing privé ou la
signature est légalisée par le notaire. A contrario, une procuration sous seing privé sans légalisation
est inefficace et l’acte lui-même est impubliable au livre foncier. Ce principe comporte des
tempéraments :
-
-
Dans le sens d’une plus grande exigence : si l’acte principal lui-même doit être établi en la
forme authentique pour sa validité même, et bien le mandat devra obligatoirement être fait
sous la forme authentique et l’on n’aura pas de choix alternatif.
Dans le sens d’une exigence moindre : il y a deux cas. Lorsque le mandat est donné par une
autorité publique pour le compte d’une personne publique, l’acte peut être fait sous seing
privé mais il doit y avoir le sceaux de la république. En outre, un autre tempérament qui
résulte de l’article 1844 du Code Civil prévoit qu’il peut être consenti une hypothèque ou
tout autre sûreté réelle sur les biens d’une société en vertu de tout pouvoir résultant de
délégation ou de délibération établie sous seing privé, alors même que l’établissement de
cette sûreté doit être fait sous acte authentique. Concrètement si une société est amené à
hypothéquer un immeuble en garantie d’un crédit, le représentant de la société pourra
signer l’acte sur la base de délégation de pouvoirs établis sou seing privé. Cet article 1844 du
53
Code Civil, dans la mesure où il constitue une exception aux règles de droit général, doit
constituer une exception aux règles de droit local.
Lorsque le juge du livre foncier, saisi d’une requête, conclu qu’elle remplie toute les conditions de
fond et de formes, il rend une ordonnance d’instruction.
B. La décision du juge du livre foncier et les voies de recours :
Le juge du livre foncier peut soit rendre une ordonnance d’inscription, soit ne pas faire droit à la
requête. Il peut considérer qu’en l’état la requête ne peut donner lieu à une décision d’inscription. Il
y a donc un obstacle, mais il peut être définitif ou temporaire. En cas d’obstacle temporaire il rendra
une ordonnance intermédiaire et si à la suite de cette dernière il reçoit satisfaction, il rendra
l’ordonnance d’inscription. Si par contre on ne lui fourni pas de réponse satisfaisante, si l’obstacle
devient insurmontable ou s’il l’était dès le départ le juge rendra une ordonnance de rejet.

Comment faire si l’on n’est pas satisfait de la décision rendue par le juge ?
Dans ce cas l’on formule un pourvoi (qu’en cas d’ordonnance de rejet). L’article 89 du décret de
2009 prévoit le principe selon lequel on ne se pourvoi pas devant une ordonnance d’inscription. On
ne se pourvoit pas non plus contre une ordonnance d’intermédiaire. En définitif l’hypothèse de se
pourvoi ne peut se présenter qu’au regard d’une ordonnance de rejet. Comme on est dans le
domaine de la procédure gracieuse, le pourvoi est tout à la fois une voie de réformation et de
rétractation. Le juge du livre foncier ainsi deux possibilités, ou bien il se rend aux arguments
présentés et il retire sa décision de rejet initial (pourvoi qui fait voie de rétraction), ou bien le juge
confirme sa décision est renvoi le dossier à la Cour d’Appel (pourvoi qui fait voie de réformation).
Le pourvoi doit être déposé dans les 15 jours et quand un pourvoi est déposé en contestation d’une
décision de rejet, le rang de l’inscription requise qui a essuyé un rejet est momentanément
conservée jusqu’à ce que la Cour ‘Appel ait rendu sa décision.
III. Les effets de l’inscription au livre foncier :
A. La durée de l’inscription :
Le principe est qu’une fois que le droit est inscrit, il l’est pour une durée indéterminée, et il ne peut
être radié qu’avec le consentement du titulaire du droit.
Il y a des exceptions à ce principe :
-
-
L’usucapion : lorsqu’une personne démontre au livre foncier qu’elle réunie les conditions de
la prescription acquisitive, le juge va d’office rayer l’ancien propriétaire sans lui demander
son consentement.
Les inscriptions concernant des droits affectés d’un terme extinctif : lorsqu’on inscrit au
livre foncier un droit affecté à un terme extinctif, et bien une fois le terme intervenu l’on
peut demander la radiation du droit sur simple requête. Le terme est déterminé lorsque le
droit est inscrit pour X années. Le terme est indéterminé en cas d’usufruit (la radiation
suppose une requête mais l’acte notarié n’est pas nécessaire).
54
B. La présomption d’exactitude attachée à l’inscription :
L’article 41 de la loi de 1924 précise que l’inscription ou la prénotation d’un droit emporte
présomption d’exactitude attachée à l’inscription. Une personne inscrite au livre foncier est
présumée titulaire du droit inscrit à son nom.
Les fondements de la présomption d’exactitudes en droit local sont le principe de légalité et les
règles concernant la forme des actes (cette présomption n’existe pas en vieille France et on ne
connait pas non plus le principe de légalité).L’inscription à la conservation des hypothèques ne
prouve en soi rien de particulier, si ce n’est qu’il y a eu un acquisition. A l’inverse celui qui est inscrit
en Alsace-Moselle comme titulaire d’un droit est présumé titulaire de ce droit.
Ceci a une implication pratique importante. En droit général, quand quelqu’un vend un bien et veut
justifier qu’il est valablement propriétaire, il va produire son acte d’achat. Mais le vice qui pourrait
affecter le droit de propriété de l’intéressé pourrait concerner l’ancien propriétaire. Donc en vieille
France on ne peut se contenter du titre de propriété du vendeur, il faut regarder les précédents pour
voir s’ils ne contiennent pas des vices quelconques. Il faut remonter la chaine des inscriptions de 30
ans (nullité absolue, prescription).
Ce travail d’investigation n’est pas nécessaire en Alsace-Moselle puisque à l’inscription d’un droit au
nom d’une personne est attachée cette présomption d’exactitude.
C. La sanction du défaut d’inscription :
La sanction est l’inopposabilité aux tiers d’un droit qui devrait être inscrit et qui ne l’est pas.
Premier exemple : une personne A qui est propriétaire d’un bien et elle le vend 2 fois à B et à C en
vue d’encaisser 2 fois le prix. Qui de B ou C peut donc faire valoir son droit de propriété ? Ce ne sera
pas la date de l’acte qui sera décisive à cet égard, mais la date de la publication. Ainsi si le droit de
propriété de B a été publié en premier, c’est lui qui sera propriétaire et son droit sera opposable aux
tiers, et inversement.
Deuxième exemple : il s’agit de s’intéresser à une servitude conventionnelle. Une personne est
propriétaire d’un bien et concède une servitude de passage à son voisin. Cette servitude n’est pas
publiée au livre foncier. Parla suite, le propriétaire qui avait initialement consenti la servitude vend
son bien. Le nouveau propriétaire se rend compte du droit de passage mais non publié au livre
foncier, il pourra alors dire que la servitude est inopposable.
Il y a tout de même un tempérament au principe de l’inopposabilité aux tiers, à savoir la fraude. Il
s’agit du cas où le tiers qui se prévaut de l’inopposabilité se serait lui-même rendu coupable de
manœuvres frauduleuses. Exemple de la servitude : si à l’occasion de la vente le vendeur du fond
servant a dument éclairé son acheteur sur l’existence de la servitude et où l’acquéreur s’est engagé à
la respecter, publier ou non elle sera opposable à l’acquéreur.
55
IV. Particularités concernant les hypothèques et privilèges :
Les hypothèques et privilèges sont des sûretés réelles qui confèrent à leur titulaire un droit de
préférence, c’est à dire le droit d’être payé en priorité. Il est opposé au créancier chirographaire qui
est celui qui n’a aucune sureté particulière.
Si la sureté dont une personne est titulaire est spéciale (grève un bien en particulier), le bénéficiaire
de la sureté bénéficie d’un droit de suite (droit de faire vendre le bien quelque soit les mains dans
lesquelles il se trouve et de se payer en priorité sur le produit de la vente). Cela est valable en droit
local et en droit général.
Les particularismes apparaissent en ce qui concerne le principe de publicité, la durée des
inscriptions, l’arrêt du cours de l’inscription et le principe de spécialité.
A. Le principe de publicité :
Le particularisme réside dans le fait qu’en droit local il n’y a pas en principe de privilège occulte.
Autrement dit, une sureté doit être inscrite au livre foncier pour être opposable aux tiers.
Mais il y a des exceptions qui sont apparues au fil du temps par influence du droit général car il y a
deux sûretés qui sont opposables aux tiers sans inscription au livre foncier en droit local :
-
Les privilèges généraux i: c’est un privilège qui porte sur tous les immeubles du débiteur. Il y
a deux privilèges généraux dispensés de la formalité d’inscription en droit local, à savoir le
privilège des frais de justice, et le privilège des salaires. Ces derniers sont dispensés de
l’inscription au livre foncier conformément à l’article 47 de la loi de 1924.
-
Le privilège du syndicat des copropriétaires : lorsqu’un copropriétaire ne paye pas ses
charges dans une copropriété, le syndicat dispose d’un privilège qui lui permet de récupérer
les fonds qui lui sont dus à l’occasion d’une vente à l’amiable, soit par une vente par
adjudication.
B. La durée des inscriptions :
Ici, le particularisme existe plus en ce qui concerne le point de départ de la durée que le point
d’arrivée.

Le point de départ de l’inscription :
L’inscription d’une sureté réelle prend date du jour du dépôt de la requête et il n’y a pas d’effet
rétroactif alors qu’en droit général le principe est le même et comporte des exceptions :
-
Le privilège de vendeur d’immeuble en droit général : si une personne vend un immeuble et
qu’elle n’encaisse pas le prix immédiatement, elle bénéficie d’un privilège de vendeur
d’immeuble. Ce dernier garanti au vendeur, s’il n’est pas payé de son prix, de pouvoir faire
vendre aux enchères. La particularité est que si la vente est publiée dans les 2 mois de sa
date, le privilège de vendeur d’immeuble prend date rétroactivement le jour de la vente. En,
droit local il prend date le jour du dépôt de la requête.
-
Le privilège de prêteur de denier : ce dernier prend date rétroactivement le jour de la vente.
56

Le point d’arriver de l’inscription :
Il n’y a pas de particularisme en ce qui concerne ce dernier en droit local. En droit général, le
principe est qu’une sureté est inscrite pour la durée de la créance, majoré d’un an, sans que le tout
ne puisse dépasser 50 ans. Il y a deux cas particuliers :
-
La créance est à durée indéterminée : dans ce cas la durée est fixée par les parties, mais
sans que ca ne puisse dépasser 50 ans.
-
Inscription d’une sureté réelle pour garantir une créance préexistante : on va convenir
d’une sureté, mais qui va garantir une créance préexistante. Le législateur a prévu qu’une
telle sureté ne pouvait être inscrite que pour une durée maximum de 10 ans (l’inscription
peut être renouvelée).
Si le créancier est remboursé par anticipation, la question de la radiation anticipée de la sureté se
pose. En contrepartie l’hypothèque est également radiée par anticipation. Il y a deux techniques
juridiques pour radier les hypothèques ou privilèges :
-
La main levée : c’est un acte notarié ou le créancier déclare qu’il a été remboursé et qu’il
donne main levée pour la levée de l’hypothèque.
-
La main de levée simplifiée : une ordonnance de 2006 est venu simplifier le formalisme des
radiations est il est permis d’établir des actes permettant d’obtenir la radiation d’une
hypothèque ou d’un privilège sans comparution de créancier. Il s’agit de la main de levée
simplifiée que le notaire fait seul, mais il doit tout de même s’appuyer sur un écrit du
créancier.
C. Arrêt du cours des inscriptions :
Le prononcé d’une procédure collective, d’une procédure de liquidation ou redressement judicaire
provoque l’arrêt du cours des inscriptions. En effet, à ce moment il ne peut plus être inscrit
d’hypothèque ou de privilège sur le bien en question. Cela résulte de l’article L622-30 du Code de
Commerce qui s’applique de la même manière et droit général et local.
Un jugement d’ouverture de redressement ou liquidation judicaire n’a pas à être inscrit sous forme
de restriction à disposer au livre foncier. Le jugement est opposable comme tel au tiers, et il est
exclut que l’on impose une mention de ce jugement au livre foncier.
D. Le principe de spécialité :
Le principe de spécialité signifie que la sureté ne peut garantir que la ou les sommes mentionnées
dans la requête et reportée dans l’inscription elle-même. L’on ne peut pas inscrire une sureté pour
un montant indéterminé. Ce principe comporte une exception qui est la prestation foncière (suretés
qui garantissent le paiement d’une prestation viagère).
Le principe de spécialité appelle des précisions. Le principe est que l’on inscrit pour la somme due en
principal, les intérêts (la loi garantie d’office 3 années d’intérêt), et les frais et accessoires (sommes
que le créanciers pourrait être amené à avancer à son débiteur pour la conservation du gage, mise en
œuvre des voix d’exécution).
57
Concernant la somme due en principale il peut y avoir des difficultés lorsque la monnaie de
référence est étrangère (car on ne peut inscrire une hypothèque au livre foncier dans une autre
monnaie que l’euro). On peut également inscrire au livre foncier une provision pour lettre de change.
Enfin, il existe également l’hypothèque rechargeable (on empreinte une somme à la banque et on lui
confère une hypothèque. En temps ordinaire l’hypothèque garantie la somme empruntée et rien
d’autre).
58
Chapitre 3 : La perte du droit de propriété
Cela englobe la procédure de la faillite civile et de l’exécution forcée immobilière.
I. La faillite civile :
En droit général, il existe les procédures collectives qui comportent la procédure de redressement
judiciaire et de liquidation judiciaire. Exemple : il y a à la base une entreprise qui ne va pas bien
économiquement. Tantôt la situation est irréversible, tantôt elle peut être réversible. Ans ce second
cas le tribunal de commerce ordonnera l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
Dans le cas de la liquidation au contraire, le tribunal part du constat que tout est foutu.
En droit local il y avait à l’origine une loi spécifique concernant les faillites de 1877. Cette dernière a
été maintenue en vigueur par la loi commerciale de juin 1924. L’article 22 de cette dernière a, au
départ, maintenu le droit local en la matière. Par la suite, le droit local s’est peu à peu réduit chaque
fois car dès qu’il y avait une réforme du droit général le législateur en a profité pour l’étendre au
droit local. Finalement aujourd’hui les particularismes du droit local concernant les procédures
collectives se limitent à deux choses, à savoir en ce qui concerne les personnes susceptibles de faire
l’objet d’une procédure collective et ce qui concerne les conditions d’ouverture de la procédure
collective. Pour tout le reste on applique le droit général.

Particularisme concernant les personnes éligibles à une procédure collective :
De ce point de vue le champ d’application du droit local s’est réduit. En effet, relèvent du droit
général toutes les personnes morales de droit privé (société, association), les personnes physiques ci
après (les commerçants, artisans, agriculteurs et personnes exerçant une professions libérale). Ne
relèvent du droit local que les personnes physiques salariées ou sans profession. Ces dernières sont
éligibles à une procédure collective et peuvent voir leur dette effacée à l’issue de la procédure. A
l’inverse du droit général, ces personnes peuvent bénéficier d’une procédure collective.

Particularismes concernant les conditions d’ouverture de la procédure collective :
En droit général, pour être admis à une procédure de faillite civile, il faut que la personne concernée
remplisse des conditions :
-
Elle doit être domiciliée en Alsace ou en Moselle et vouloir rester dans ce domicile.
-
Il faut que le débiteur soit de bonne foi.
-
Il faut que le débiteur soit en cessation de paiement (lorsque le débiteur est dans
l’impossibilité de faire face à son passif exigible au moyen de son actif disponible).
Ce n’est pas la même définition qui est retenue en droit local pour être admis en procédure de
faillite civile. En droit local il faut être dans un état d’insolvabilité notoire. La jurisprudence considère
qu’une insolvabilité notoire, à partir du moment où le créancier a exercé des voies d’exécution et
qu’elles ont été infructueuses, est placée au regard de tous. La jurisprudence de la cour de Colmar a
59
ajouté une exigence dans la définition du caractère notoire de l’insolvabilité. Elle considère que
l’insolvabilité ne peut être notoire si elle ne se fixe pas dans la durée
TITRE II : droit judiciaire prive local
Chapitre 1 : Les tribunaux
I. Le tribunal d’instance :
Les tribunaux d’instance ont une compétence ratione materiae dans les 3 départements qui est plus
large qu’en droit général. Ils ont un socle de base commun avec le droit général, mais en plus ils ont
des compétences particulières en matières civile et commerciale :
-
En matière civile : c’est le TI qui a en charge le livre foncier, il est l’autorité habilité à délivrer
les certificats d’héritiers, et il est compétent pour les procédures d’exécution forcée
immobilières et de partage judiciaire. En droit général ces procédures sont de la compétence
des TGI.
-
En matière commerciale : le TI tient le registre du commerce et des sociétés (dans les autres
départements il est tenu par le tribunal de commerce, tribunal qu’il n’y a pas dans les 3
départements). Même si c’est le TI qui tient le registre du commerce, néanmoins il n’y a
qu’un seul registre du commerce par ressort de TGI.
II. Le tribunal de grande instance :
Le particularisme du droit local réside dans le fait que les TGI exercent également les fonctions des
tribunaux de commerce (il y en a 7 dans les trois départements) avec la particularité que le ressort
du TGI de Colmar déborde sur le sud du Bas-Rhin (cas unique en France).
Dans les départements de vieille France, les contentieux en matière commerciale et les contentieux
sur effet de commerce relèvent des tribunaux de commerce. Ces derniers sont composés de
magistrats non professionnels qui sont élus par les commerçants et artisans. Le tribunal de
commerce n’est constitué que de juges non professionnels, de juges consulaires. Ce système a été
critiqué dans la mesure où l’on a fait valoir que les juges n’avaient pas la formation appropriée pour
exercer leurs fonctions. En outre, l’on formule généralement une seconde critique selon laquelle le
système des tribunaux de commerce pouvait favoriser une sorte d’affairisme.
En Alsace-Moselle il existe dans chaque TGI une chambre commerciale et donc les affaires sont de la
compétence de la chambre commerciale du TGI et non d’un tribunal de commerce. La chambre
commerciale est constituée sur la technique de l’échevinage (il y a toujours un magistrat
professionnel et deux juges consulaires lors d’une formation). Les juges consulaires sont élus de la
même façon que les juges consulaires en vieille France. Cette technique permet de mieux allier
l’expérience économique des juges consulaires et la formation juridique des magistrats.
60
III. La Cour d’appel :
Il y a deux cours d’appel dans les 3 départements, une cour à Metz et une cour à Colmar. La Cour
d’appel de Metz a été restaurée en 1973 par Pompidou, mais elle existait depuis longtemps. Sous
l’ancien régime il y avait déjà à Metz un parlement. Lorsque la révolution est intervenue, il y a eu une
cour d’appel dont le ressort était la Moselle, et le département des Ardennes. Il y avait déjà à
l’époque cohabitation entre les cours d’appel de Nancy et Metz. En 1924, le tribunal supérieur de
Colmar est devenu une cour d’appel. Les pouvoirs publics avaient installés à Metz une dépendance
de la Cour d’Appel de Colmar. C’est en 1973 que cette chambre détachée a été transformée en Cour
d’Appel de plein exercice et à ce moment la Cour d’appel a été restauré. Cette transformation est le
fruit d’une conjonction politique favorable. La Cour d’appel de Metz est la seule cour
monodépartementale de toute la France. Deux arguments ont été décisifs pour sauver la Cour
d’Appel de Metz :
-
L’argument politique consistait à dire qu’il ne fallait pas refaire ce que les Allemands avaient
fait en 1870.
-
L’argument technique consiste à dire que si la cour d’appel de Metz avait une compétence en
droit local.
Chapitre 2 : Les auxiliaires de justice et les officiers publics
ministériels
I. Les avocats :
Pendant longtemps en droit local il n’y avait pas d’avoués (lorsque l’on plaidait devant un tribunal
l’on devait avoir un avocat et un avoué qui était la personne qui écrivait, et l’avocat plaidait). On a
supprimé les avoués en vieille France dans les années 1960, mais on les a maintenus en appel. En
droit local il n’y a jamais eu d’avoué, pas plus en première instance, qu’en Appel. Cependant, depuis
un an les avoués ont également été supprimés en appel en vieille France, de telle sorte que le
particularisme a disparu.
II. Les greffiers :
Il y a un particularisme en matière commerciale. Les tribunaux de commerce de vieille France ont un
greffier qui n’est pas un fonctionnaire de l’Etat, mais titulaire d’une charge patrimoniale (la charge de
greffier se transmet patrimonialement). En Alsace-Moselle il n’y a pas de tribunaux de commerce et
donc pas de greffier titulaire de sa charge. Les greffiers de la chambre commerciale du TGI sont des
fonctionnaires.
61
III. Les huissiers de justice et notaires :
La principale différence concerne l’absence de patrimonialité des offices dans les 3 départements.
Les compétences des notaires et huissiers sont les mêmes qu’en droit général.
Cependant, en ce qui concerne le mode de recrutement il y a une différence. Dans les départements
de vieille France les notaires et huissier sont titulaires d’une charge (il faut traiter avec le titulaire
d’un office pour être son successeur). Dans les 3 départements, les allemands ont introduit un autre
système pendant le temps de l’occupation et le système de la patrimonialité a été supprimé. Ainsi,
pour être huissier ou notaire dans les 3 départements, il faut passer un concours et être mis par la
suite sur une liste d’aptitude.
62