Le droit local des libertés publiques
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Le droit local des libertés publiques
Introduction I. Un droit local, des droits locaux : les divers droits locaux en France : A. Les droits locaux des régions périphériques : 1. Le droit savoyard : On peut relever la différence d’évolution. La Savoie, tout comme Nice ont été annexées après un plébiscite en 1860, du temps de Napoléon III. Le contexte historique pouvait paraitre similaire, en 1860 et 1870, il y avait la joie de la réintégration dans la mère patrie, et se posait la question de la transition entre un ordre juridique ancien (italien/allemand), nécessité de maintenir les droits acquis. On aurait pu imaginer que le législateur en 1860 mette en place un droit local savoyard et que ce droit subsiste par la suite. Hors, il ne reste pratiquement rien de ce droit savoyard en Savoie, mais surtout, l’introduction du droit français en 1860 s’est faite de façon particulièrement radicale. La France et le Royaume de Piémont Sardaigne (Italie de l’époque) ont signé le traité le 21 mars 1860, portant annexion de la Savoie et du Comté de Nice. Plébiscite pour ratification, puis sénatus consulte en juin 1860, qui en 3 articles a précisé que la législation française était désormais applicable. En matière civil un décret a affirmé l’entrée en vigueur de la législation française en matière de droit civil. Donc en 1860 il y a y un système législatif qui oublie totalement le droit jusqu’alors applicable, alors qu’en Alsace-Moselle, on a toujours un droit local. Les explications se trouvent au plan juridique et politique : - Au Plan politique : la IIIème République était moins centralisatrice que ne l’était le Second Empire. Au plan Juridique : il y avait plus de parenté entre le droit Sarde qu’il n’y avait de parenté entre le droit allemand et le droit français. On a pu en effet parler d’une forme de consanguinité des législations sarde et française. Ceci explique que le droit Sarde n’existe plus, tandis que près d’un siècle après, le droit local mosellan existe toujours. 2. Le droit corse : La corse se singularise par deux choses, à savoir une organisation territoriale spécifique (récent) et une fiscalité spécifique notamment en matière successorale : - - L’organisation territoriale spécifique : celle de la Corse, depuis 1935, diffère de celle de la métropole. Il y a un système d’assemblées en métropole, puisque l’exécutif de la collectivité fait partie intégrante de l’organe délibérant. En Corse, il y a l’esquisse d’un gouvernement. La fiscalité spécifique : en droit fiscal commun lorsqu’une personne décède, ses héritiers doivent souscrire dans les 6 mois du décès, une déclaration de succession (inventaire du patrimoine laissé par la personne décédée, on soustrait le passif, on arrive à actif net qui devient la succession). En Corse il y a deux différences à ce sujet car la déclaration de 1 succession se dépose dans les 24 mois, et pendant longtemps il n’y avait pas de délai. Et il y a une exonération pure et simple des droits de succession pour les immeubles se trouvant en corse. Ces particularismes remontent à un texte très ancien, un arrêté du 21 prairial An 9. Napoléon Bonaparte était alors 1er consul et il avait envoyé en Corse un plénipotentiaire du nom de MIOT DI MENITO, conseil d’état, et administrateur général de la Corse avec pleins pouvoirs. Il a signé un arrêté mettant en place ces particularismes fiscaux en corse. Petit à petit, la question du retour dans le droit fiscal commun s’est posée. Ainsi sont apparus deux articles dans le Code général des Impôts, dont l’objet est à terme de réintégrer la corse dans le droit fiscal commun, en particulier pour ce qui est de l’exonération pure et simple des droits de succession des immeubles en Corse. L’article 1135 bis du Code général des impôts, dans sa rédaction du 30 décembre 2008, a précisé que cette exonération s’arrêterait à compter du 1er janvier 2013. Il y aura alors une période transitoire du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017, les droits de succession seront calculés sur la moitié de leur valeur. Puis à partir du 1er janvier2018 ce sera le droit commun qui s’appliquera, c’est-à-dire qu’il y aura une évaluation sur la valeur totale du bien. Le Conseil Constitutionnel avait été interrogé à l’occasion d’une loi promulguée antérieurement, pour savoir si dans le principe lui-même l’arrêté n’était pas en flagrant contradiction avec le principe de l’égalité des citoyens devant l’impôt. La juridiction a alors décidé que l’arrêté comme tel avait déjà été modifié par d’autres lois de la république antérieurement. B. Les droits des collectivités ultra-marines : En Polynésie française, en Nouvelle Calédonie, et à Mayotte, il existe des particularismes relativement importants : - - - En Polynésie : il y a une organisation territoriale spécifique et les organes ont une compétence élargie. Les autorités compétentes de la Polynésie peuvent édicter des règles de droit à caractère réglementaire dans de divers domaines A Mayotte : l’on connait aussi un droit local relativement important même si une ordonnance du 3 juin 2010 a nettoyé le droit local de Mayotte. Le législateur français a eu le souci de mettre le droit de Mayotte en conformité avec les principes généraux du droit de la république. Avant l’ordonnance, en droit de la famille la polygamie existait et dans ce cadre, le régime local de Mayotte reconnaissant également une faculté de répudiation pour le mariage. Ce dispositif fut supprimé par une ordonnance de 2010. En Nouvelle Calédonie : droit local met en place une organisation territoriale spécifique, avec un congrès du territoire, un conseil du territoire, et un organe exécutif. Ce qui distingue le droit local alsacien-mosellan par rapport à ces droits d’outre mer, c’est qu’il n’y a pas d’organe de droit local pour édicter les normes de droit local, les normes de droit local le sont par le législateur français, ou par le pouvoir réglementaire français. Différence importante. II. Le droit local Alsacien-Mosellan, fruit de l’histoire : Le droit local Alsacien-Mosellan est le fruit de l’annexion des 3 départements. En 1870 Napoléon III déclare guerre à la Prusse, qu’il perd (échec final à Sedan) et le régime impérial s’effondre. La 2 république est proclamée, et il a fallu conclure la paix avec l’Allemagne et cela s’est traduit par traité de Francfort en 1871. La guerre de la Prusse contre la France est un moyen en Allemagne de favoriser l’unité allemande car jusqu’en 1870 l’Allemagne était un conglomérat d’Etats. Pendant tout le début du 19ème siècle, l’unité allemande s’était faite d’un point de vue économique, et pour créer une solidarité entre les allemands autour de la Prusse une guerre pouvait être un moyen de susciter l’unité nationale, ce qui a été le cas. L’Alsace et la Moselle était le trophée de l’empire allemand. Rappelons que l’Allemagne va par la suite perdre la première guerre mondiale et que la France va récupérer, à l’issue du conflit, ses trois départements. A. Les aspects sociologiques du droit local : Le droit local est resté un élément de la conscience régionale. C’est avec joie que les 3 départements sont redevenus français en 1918. Le droit local n’est pas la nostalgie d’une période lointaine, mais reste le signe d’une conscience régionale, la volonté de marquer sa spécificité par rapport au reste de la France. Cette conscience régionale n’est pas envisagée pareil en Alsace et en Moselle, l’attachement au droit local est plus irrationnel en Alsace qu’en Moselle. Cela se traduit par des façons de réagir très différentes lors de réformes du droit local. En Moselle, on a plus clairement conscience que parfois des changements sont bien. En Alsace on ne touche pas au droit local, même s’il y a une raison logique de le faire. B. Les aspects juridiques du droit local : Il faut souligner deux choses, à savoir que le droit local n’est pas né en 1918 mais qu’il a un ancêtre. En effet l’on a deux droits locaux qui se sont succédés, à savoir le premier de 1870 à 1918, et le droit local actuel qui comporte la récupération de certains aspects du premier droit local. 1. L’annexion de 1870 à 1918 : 1.a Un statut juridique ambigu : le Reichsland ou Terre d’Empire : Pendant le temps de l’annexion, les 3 départements formaient une entité originale, ils constituaient une terre d’empire. L’Allemagne, à la suite du traité de Francfort, s’était unifiée (état fédéral). Mais l’Alsace -Moselle n’était pas un état fédéré de l’état fédéral Allemand. Cette entité était considérée comme une terre indivise à tous les autres états confédérés. Le Statthalter (représentant local) exerçait les prérogatives de l’empereur. Les normes de nature législative, même si elles étaient limitées à l’Alsace-Moselle, étaient édictées par le parlement allemand. Les citoyens résidant sur la terre d’empire votaient pour le Reichstadt mais il n’y avait pas de représentation propre de l’AM au Reichstadt. N’étant pas un état confédéré elle n’avait pas non plus l’organisation propre d’un état confédéré. Elle n’avait pas d’organisation propre de même nature. Il n’y avait pas de pouvoir législatif local. Au fil des temps il y a tout de même eu une délégation d’Alsace-Moselle, mais elle n’avait qu’un pouvoir consultatif. Ce n’est qu’en 1911 que les revendications pour plus d’autonomie, pour que la terre d’empire accède à un statut d’égalité avec les états confédérés, ont un peu abouti. L’Alsace-Lorraine a été 3 dotée d’une constitution, dans le cadre de laquelle des institutions législatives ont été mises en place. Comme dans les autres états confédérés, une diète locale a été mise en place (parlement), une chambre élue au suffrage universel direct et une chambre de notables locaux. La constitution de 1911 ressemblait à une constitution, mais ce n’en était pas une. Elle a été octroyée par les autorités allemandes. Elle résulte d’une loi votée par le parlement allemand, mais à aucun moment les autorités locales n’ont eu un pouvoir délibératif. De la même façon, le texte qui a promulgué la constitution exprime bien que toute modification de cette constitution se fera sous le même processus, par une loi du parlement fédéral allemand. Cette constitution s’apparentait plus à la charte de louis XVIII qu’à une vraie constitution. 1.b. La naissance du premier droit local : En 1871 est signé le traité de Francfort et les 3 départements sont alors soumis à la souveraineté allemande. Un problème de transition législative s’est posé et il fallait donc basculer d’un système de Code Civil à un système de droit germanique. De plus, en 1871 en Allemagne il n’y avait pas de Code Civil (édicté pour la première fois en 1900). Quel droit allait-on alors appliquer ? Et bien, en droit privé on a maintenu le droit français jusqu’alors en vigueur dans deux domaines en particulier, le droit civil et le droit des cultes. Lorsqu’en 1900 est apparu les Code Civil Allemand, et bien ce dernier s’est appliqué en Alsace-Moselle. Le droit des cultes : en Moselle et en Alsace s’appliquait un concordat qui avait été passé entre la République et le Pape PI 7. L’Empire allemand a fait le choix de maintenir ces textes en vigueur dans les 3 départements. On retrouvera cet élément dans le deuxième droit local, alors même qu’il n’existait plus dans le reste de la France. 2. 1918 : le retour à la France : la naissance du deuxième droit local : 2.a. Jusqu’aux lois du 1er juin 1924 : Le 11 novembre 1918, l’Allemagne capitule, et avant même la signature du traité de Versailles, les 3 départements français reviennent dans la souveraineté française. Pendant la période transitoire de l’armistice à la ratification du traité de Versailles de 1919, il y avait une situation de fait mais pas de droit. Dès le 17 octobre 1919, le législateur français a décidé qu’en attendant l’introduction des lois françaises, c’est le droit allemand qui restait en vigueur (sauf pour souveraineté nationale). La règle de l’article précisait en effet le maintient provisoire du droit en vigueur (le droit allemand), et ceci aussi longtemps qu’il n’en n’est pas décidé autrement par le législateur de la république. A cet égard les grandes lois d’introduction sont celles du 1er juin 1924. 2.b. Les lois du 1er juin 1924 : Il s’agit de lois civiles et de lois commerciales. Dans la loi du 1er juin 1924, il y avait tout un titre dont il était dit qu’il était maintenu en vigueur, mais pour une période bien déterminée. Puis une loi de prorogation est intervenue, et en 1950, cela reste provisoirement définitivement en vigueur. 4 Les lois de 1924 ne sont pas restées un monument figé. Elles ont évolué (sans doute une raison de la pérennité du droit local). 2.c. L’intermède de l’annexion de fait (1940-1944) : Il se produit durant cette période un établissement de la république par une ordonnance dont l’objectif était de préserver les droits acquis et de prévoir des dispositions transitoires. Le droit en vigueur durant cette annexion de fait a peu laissé de trace. 2.d. La multiplicité et l’ancienneté des sources du droit local suscitent deux séries de difficultés : Le droit local est entre autre du droit allemand maintenu en vigueur. Le droit local peut aussi être des normes du législateur allemand, mais juste édictées pour l’Alsace-Lorraine. Ce sont des normes spécifiques aux 3 départements. Le droit local n’est pas que du droit allemand maintenu en vigueur. Cela peut être du droit français dans son état en 1870, maintenu en vigueur et conservé après l’armistice de 1918. Le droit local peut être une loi spécifique des départements édictés par le législateur français juste pour eux, pour assurer un lien entre droit allemand maintenu en vigueur et le droit français en général (exemple : système de la publicité foncière, règles qui ont pour effet de rendre opposable aux tiers le droit de posséder un immeuble. Dans les 3 départements : livre foncier). Ce caractère très composite engendre des difficultés de connaissance documentaire et des difficultés de coordination législative lors des réformes du droit général : - - Difficultés de connaissances documentaires : il y a notamment des problèmes de publication et de traduction. En ce qui concerne la traduction, et bien pour faciliter ce travail de documentation, les normes maintenues en vigueur font donc l’objet d’une traduction (loi de 1924). Mais cette traduction conditionnait elle le maintien en vigueur des textes en question ? La Cour d’Appel de Colmar, dans un arrêt de 1987, avait relevé que le principe de la légalité des peines exigeait qu’on ne puisse être condamné à une peine que sur la base d’un texte en vigueur rédigé en français. Cependant, cet arrêt a été cassé par la Cour de Cassation en 1988. Elle a en effet relevé que dans l’article 22 de la loi de 1924 il avait été prescrit de traduire les textes et elle en a déduit que l’absence de traduction n’enlevait rien au fait que ces textes soient en vigueur et servent de base à une condamnation pénale. Cette affaire a engendrée une prise de conscience et a amené les pouvoirs publics à créer un institut de droit local alsacien-mosellan. Une de ses tâches est de rassembler en un même lieu tous les textes de droit local, et de les traduire. Difficultés de coordination législative lors des réformes du droit général : le droit général évoluait de son côté, et le temps passant, on oubliait d’opérer la coordination avec le droit local. Parfois l’évolution du droit général pouvait justifier l’abrogation du droit local (exemple : en matière d’incapacité on maintenait droit local, et on voulait réformer droit général). 5 2.e. Les efforts accomplis pour aplanir ces difficultés : Une commission d’harmonisation a été mise en place pour aplanir les difficultés liées au droit local. Son rôle est d’éclairer les pouvoirs publics quand une réforme du droit général se prépare, et quand c’est une mesure où le droit local existe. Cette commission a un rôle consultatif. C’est une commission constituée de praticiens du droit local. III. La place du droit local dans l’ordonnancement juridique français : A. La question de constitutionnalité du droit local : l’existence comme telle d’un droit local est-elle compatible avec la Constitution du 4 Octobre 1958 ?: 1. Les réponses traditionnelles : 1.a. Au regard de la question de l’unité et de l’indivisibilité de la République : L’unité : ce principe de l’unité de la république qui figurait comme principe constitutionnel dans les constitutions n’a pas été repris tel quel dans la constitution de 1958. La notion même d’unité de la république a évolué et s’est incorporé dans celle d’indivisibilité. Au départ, la république était source d’unité. Quand une loi était édictée, elle devait s’appliquer sans restriction sur l’ensemble du territoire de la république. Mais ensuite, ce principe d’unité n’a plus été entendu en ce sens, et il y a eu progressivement une forme de transfert de l’unité vers l’indivisibilité qui est toujours un principe constitutionnel (article 1er de la Constitution). L’indivisibilité : l’indivisibilité de la république ne veut pas dire que la loi s’applique sur tout le territoire, cependant on s’oppose tout de même à un état fédéral, donc il n’y a qu’un seul législateur. Hors, le droit local est un droit d’édiction nationale, même si il est d’application locale. A contrario, la Nouvelle Calédonie a un statut à part, intégré dans la constitution, qui autorise la prise de norme législative en nouvelle Calédonie. 1.b. Au regard du principe d’égalité résultant de la DDHC de 1789 et du bloc de constitutionnalité : Une première réponse résulte de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel. D’après ce dernier égalité ne veut pas dire uniformité, et le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que la loi établisse des règles non identiques à l’égard de citoyens se trouvant dans des situations différentes (1982). Ceci avait aussi permis au Conseil de justifier l’existence d’une organisation territoriale spécifique à la Corse. On ne pouvait pas tirer argument de la géographie, ni de différences d’ordre économique, alors on parlait de spécificité historique. Mais, cet argument ne marchait pas toujours. En particulier dans une affaire qui a donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil avait été saisi de la question de savoir si ce droit local était compatible avec la constitution. Il a alors pris le problème sous un autre angle et n’a pas hésité à inventer un principe fondamental reconnu par les lois de la république. 6 2. L’apport de la décision QPC 2011-157 du CC du 6 aout 2011 : le maintien du droit local constitue un PFRLR : Le maintien du droit local constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la république. Le conseil constitutionnel avait été saisi de la question de savoir si l’art L3134-11 du code du travail était oui ou non conforme à la constitution. Quand le législateur opère une codification, il met à part tout ce qui relève du droit local alsacien-mosellan. Récemment, le code du travail a d’ailleurs était remanié. On en a profité pour intégrer les règles de droit local en matière de droit du travail. L’article précédent figure comme relevant du droit local. Dans ce dernier on évoque en particulier les dispositions concernant le repos dominical, il est plus protégé en droit local qu’en droit général. 2.a. Les conditions de l’existence d’un Principe fondamental reconnu par les lois de la république sont réunies : Le commentateur rappelle que pour qu’un PFRLR voie le jour, il faut 3 conditions : - - Le principe doit être fondamental, il doit énoncer une règle suffisamment importante, avoir un degré suffisant de généralités, et intéresser des domaines essentiels pour la vie de la nation. Ceci est suffisamment large pour qu’on puisse y mettre ce qu’on veut. Le principe doit correspondre à une législation républicaine antérieure à la constitution de 1946, car c’est son préambule qui fait référence aux PFRLR. Par ailleurs, il faut que le principe dégagé par les lois de la république n’ait jamais connu de dérogation. 2.b. La portée de ce nouveau PFRLR : il ne constitue ni une immunité constitutionnelle absolue ni une garantie d’éternité pour le droit local : Le fait qu’il y ait un principe fondamental, crée pour le droit local une immunité constitutionnelle toute relative. Le droit local doit malgré tout respecter les autres exigences constitutionnelles. L’invention d’un PFRLR a permis de mettre de côté la critique formulée contre la disposition du Code du travail. Mais cela n’empêcherait pas le Conseil Constitutionnel, dans d’autres circonstances, de confronter le droit local à d’autres principes constitutionnels. C’est ainsi, que la question de la compatibilité du droit local par rapport à des normes constitutionnelles va continuer à se poser. Il ne correspond pas non plus à une garantie d’éternité du droit local. Le PFRLR que le Conseil a offert est-il un principe de fossilisation ? Concrètement, la décision du Conseil signifie que si on modifie le droit local, si on y apporte une réforme, c’est soit pour l’abroger, soit pour réduire la différence entre le droit local et le droit général. La décision de 2011 revient à dire que si on abroge ou modifie une norme de droit local, on ne peut plus réintroduire une disposition de droit local déjà abrogée. On ne peut plus faire du droit local là où il n’y en a plus. Il faut nuancer cela car rien de s’oppose à créer une nouvelle norme de droit local dans la mesure où elle n’est contraire à aucune norme constitutionnelle en vigueur. La décision du 6/8/011 n’empêche pas le législateur d’abroger toute ou partie du droit local. 7 B. Le champ d’application du droit local : la question des conflits interrégionaux : Quand une même matière est régie par le droit local et général, que faire ? Les solutions à cette question ont été apportées par une loi du 24 juillet 1921 sur les conflits - Le droit local est essentiellement d’application territoriale : il s’applique sur le territoire des 3 départements. Facile à établir différence droit général/droit local. Il est exceptionnellement d’application personnelle : il s’applique seulement à certaines personnes. C’est le cas pour tout ce qui était du régime des incapacités. Il y avait jusqu’en 1990 des règles spécifiques qui s’appliquaient à des personnes sujettes de droit local. Ce qui reste de droit local d’application personnelle c’est deux choses, à savoir des règles en matière de régimes matrimoniaux, et une règle en matière successorale. La loi de 1921 sur les conflits nous dit que quand le droit local est d’application personnelle, il s’applique aux alsaciens lorrains et à leurs enfants légitimes ou naturels, et aussi aux personnes nées de parents inconnus après le 11 novembre 1918. Ce sont soit les personnes réintégrées de plein droit dans la nationalité française en 1918, soit celles devenues françaises par réclamation. Les réintégrés de plein droit sont les personnes qui étaient françaises avant 1871, devenues allemandes par l’effet du traité de Francfort, et qui n’ont pas eu d’autres nationalités. 8 PARTIE I : LE DROIT PUBLIC LOCAL Chapitre 1 : Le droit local communal Il fut un temps ou le droit local communal constituait une part importante du droit local. Dès le temps de l’annexion, à l’époque du « premier droit local », il y a eu des particularismes spécifiques à l’AM en matière de droit communal. Lorsque les trois départements ont été annexés en 1970, s’appliquait en France et dans ces départements des dispositions remontant à Louis Philipe en ce qui concernait l’organisation locale, et plus particulièrement des communes et des départements. L’empire Allemand n’a pas introduit immédiatement de disposition spécifiquement Allemande dans les trois départements car l’Empire allemand était un Etat de nature fédérale, et l’organisation des collectivités locale relevait des Etats fédérés. Lorsqu’une législation est intervenue pour l’AlsaceLorraine, et bien cette dernière a été limitée territorialement. C’est véritablement une loi locale, conçue juste pour l’AL que le législateur a mis en place le 6 juin 1895. Donc cette loi locale est une loi du législateur allemand certes, mais de portée purement locale. Dans une large mesure cette loi reprenait des dispositions de la législation française jusqu’alors applicable qui remontait à Louis Philipe. En 1924, la loi locale de 1895 a été maintenue en vigueur, ce qui fait que dans les temps qui ont suivis la fin de l’annexion, et bien le droit local en matière communale a constitué un morceau important du droit local. Cette loi locale régissait tout ce qui concernait le fonctionnement des organes municipaux, les finances, le statut des agents, … . A partir de 1945, le législateur national va prescrire progressivement l’introduction de norme de droit générales. Chaque fois que ce dernier revoyait les règles de l’organisation communale, il prescrivait que ces dispositions s’appliqueraient dans les trois départements. Et donc petit à petit le droit local a diminué et il a perdu la cohérence propre qui était la sienne, en ce sens qu’à force d’introduire le droit général, ce qui a subsister du droit local en matière communal est devenu ponctuel sans aucune logique. Tout cela a pour conséquence qu’en l’état actuelle des choses le droit local en matière communale porte sur trois points principalement, à savoir les règles éparses concernant les organes de la commune, les curiosités concernant le contrôle de légalité et les quelques particularismes en matière d’urbanisme. En ce qui concerne les établissements publics de coopérations intercommunales et bien le droit local communal a une incidence indirecte sur ces derniers (ceux qui fonctionnent dans les trois départements). Le droit local comporte donc des spécificités en matière communale mais pas en matière régionale. En l’état actuel des choses différents textes régissent la matière du droit local communal, à savoir les articles L ou R 2541 et suivant du code général des collectivités territoriales. Ces articles sont le seul endroit ou se trouve le droit local positif. La loi de 1895 comme telle n’est plus applicable. 9 I. Les particularismes concernant les organes de la commune : Il ya des particularités concernant deux points, à savoir le conseil municipal d’un côté et le maire et ses adjoints de l’autre. A. Les particularismes concernant le conseil municipal : Il ya trois particularismes concernant le statut des conseillers, le fonctionnement du conseil municipal et la compétence de ce dernier. 1. Le statut des conseillers : Les particularismes du droit local se limitent à peu de chose. A priori c’est bien le statut du droit général qui est applicable aux conseillers généraux, même en Alsace-Lorraine. Mais il y a des particularités concernant des cas d’exclusion et ces derniers sont spécifiques au droit local : - L’exclusion d’un conseiller municipal par décision du conseil municipal : ce cas suppose que soient réunies deux séries de conditions, des conditions de fond et de procédure. Concernant les conditions de fond et bien soit le conseiller a troublé les séances de façon répété, soit il a été absent sans excuse insuffisante à 3 séances successives. Concernant les conditions de procédure et bien le conseil municipal doit motiver sa délibération. L’intéressé doit avoir été invité à faire valoir ses arguments, la question de l’exclusion du conseiller doit avoir été mise à l’ordre du jour. Lorsque la décision du conseil municipale est prise, et bien il peut moduler la sanction et la décision est susceptible de recours devant le juge de l’excès de pouvoir. - L’exclusion d’un conseiller par décision du maire : cette exclusion a un caractère plus radical. En effet, la loi locale prévoit que lorsqu’un conseiller municipal a été absent sans excuse 5 fois de suite, alors l’exclusion est de droit et le maire ne doit que constater le fait de l’absence. Le maire a donc une compétence liée. 2. Le fonctionnement du conseil municipal : Il y a deux particularismes à évoquer en ce qui concerne le fonctionnement du conseil municipal : - La règle concernant le fonctionnement intérieur : la loi locale a toujours prescrit un règlement intérieur, or en droit général l’obligation d’un règlement intérieur n’existe que depuis 1992 et que pour les communes de plus de 3500 habitants. Donc le particularisme du droit local subsiste pour les communes de moins de 3500 habitants. - La convocation : le conseil municipal est convoqué par le maire, mais ce dernier peut être tenu de réunir le conseil municipal dès l’instant ou un minimum de membres du conseil le lui demande. En droit général, si la commune est de moins 3500 habitants, et bien il faut que la moitié des conseillers municipaux le lui demande, et pour les communes de les plus de 3500 habitants il faut que le tiers des conseillers le demande. En droit local le maire doit convoquer le conseil municipal dès que le tiers le demande, quelque soit la taille de la commune. 10 3. La compétence du conseil municipal : Il y a en apparence une différence entre le droit local et le droit général dans la définition des compétences du conseil municipal et dans la répartition de ces dernières entre le conseil et le maire. En droit général, un texte dit que le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. Tandis qu’en droit local il n‘y a pas de disposition équivalente, mais il y a dans le Code Général des Collectivités Territoriales un texte qui énumère les compétences du conseil municipal. Par contre en droit local, et bien l’on observe que pour le maire il est dit qu’il administre les affaires communales pour autant que l’action du conseil municipal n’est pas requise. Donc, en résumé en droit général ce qui n’appartient pas spécifiquement au maire relève de la compétence du conseil municipal et inversement en droit local c'est-à-dire que ce qui ne relève pas spécifiquement de la compétence du conseil municipal, est de la compétence du maire. Ce fossé entre droit local et droit général s’est peu à peu comblé par la pratique des préfectures et parce que le législateur lui-même a œuvré pour combler ce fossé (il a rallongé la liste des matières expressément dévolues au conseil municipal, et il a introduit un adverbe dans l’entête de l’article L2441-12 du Code Général des Collectivités Territoriales). B. Les particularismes concernant le maire et les adjoints : Il ya déjà tous ce qui concerne les compétences du conseil municipal et du maire (ce qui est cité précédemment, c’est-à-dire qu’en droit local ce qui ne relève pas de la compétence du conseil municipal est de la compétence du maire, et inversement en droit général). Le maire a en principe le pouvoir de droit commun, mais il faut combiner cela avec l’article L2441-12 du Code Général des Collectivités Territoriales. Mise à part cela il n’y a pas vraiment de particularisme en droit local en ce qui concerne la compétence du maire et de ses adjoints. II. Le contrôle de légalité : Le contrôle de légalité est le droit qu’à l’Etat (article 72 de la constitution) de surveiller les collectivités territoriales, et en particuliers les communes. Elles s’administrent librement, mais l’Etat doit vérifier que les organes de la commune n’outrepassent pas leurs prérogatives. Ainsi tous les actes sont soumis à un contrôle de légalité. Pendant longtemps, en droit général (jusqu’en 1982), ce contrôle était à priori. La loi de 1982 a supprimé le contrôle de légalité à priori et l’a remplacé par un contrôle a postériori. Ainsi lorsque la commune pose un acte, ce dernier est alors transmis à la sous préfecture qui en accuse réception et à cet instant même l’acte devient exécutoire. La particularité du droit local réside dans le fait qu’avant 1982 certaines communes étaient soumises à un statut particulier au regard du contrôle de légalité. En effet, on distinguait les grandes communes et les autres, dans le langage administratif. Les autres étaient soumises au contrôle a priori. Par contre les grandes échappaient à ce contrôle et leurs actes étaient exécutoires de plein droit, avant même la transmission à l’autorité préfectorale (ce n’était pas le cas en droit général avant 1982). Avant 1982, lorsqu’une grande commune adoptait un acte, et bien ce dernier était exécutoire. Quel est alors le critère pour être une grande commune ? Et bien les grandes communes 11 étaient les chefs lieux de département et les communes de plus de 25000 habitants. Par ailleurs, des communes de moins de 25000 habitants s’étaient vues reconnaitre le statut de grande commune à l’époque de l’empire allemand. Il y avait en 1982 26 grandes communes dans les trois départements (6 en Moselle à savoir Metz, Thionville, Forbach, Sarreguemines, Sarrebourg et Montigny les Metz). La loi de 1982 a donc entrainé la suppression du droit local en vigueur concernant le contrôle de légalité et l’abrogation du statut de grande commune. Ainsi, à partir de cette date les grandes communes étaient astreintes à envoyer leurs actes à l’autorité préfectorale et ce n’est que par l’accusé de réception que l’acte devenait exécutoire. Très vite les représentants de ces communes ont fait valoir que la loi de 1982 constituait une régression par rapport à l’état antérieur. Les pouvoirs publics ont été sensibles à cette revendication et donc une seconde loi de 1982 a restauré le droit local qui avait été en vigueur jusqu’en mars 1982 pour ce qui concernait le contrôle de légalité dans les trois départements. Certains auteurs ont cependant fait valoir que l’article 4 de la loi de 1982 était d’une constitutionnalité douteuse. L’article 72 de la constitution reconnait à l’Etat le droit de surveiller l’action des Collectivités territoriales pour vérifier qu’elles ne posent pas des actes illégaux et qu’elles ne dépassent pas leurs compétences. Le Conseil Constitutionnel a donc eu l’occasion de juger que le contrôle de légalité en 1982 était une prérogative qui appartenait à l’état en conséquence de la mission qui lui était dévolue par l’article 72 de la constitution. Or dans la décision de 1982 le Conseil avait été invité à statuer sur une hypothèse ou le législateur avait prévus les cas ou certains actes des collectivités territoriales en droit général pouvaient être exécutoires de plein droit indépendamment de la transmission de l’acte à l’autorité préfectorale. Le Conseil a précisé que cela n’allait pas. Pour cette raison le Conseil Constitutionnel a posé comme principe qu’il y avait une exigence constitutionnelle que l’acte d’une collectivité territoriale ne soit exécutoire qu’après la transmission à l’autorité préfectorale. III. Le particularisme concernant les compétences particulières de la commune en matière d’urbanisme : Le développement de la règlementation de l’urbanisme en droit général est un phénomène de l’après guerre. En Allemagne l’on avait bien avant pris l’habitude de concevoir le développement des villes de façon rationnelle et le législateur allemand avait donné aux communes un moyen juridique de le faire. Dans les trois départements il y a eu successivement trois lois locales : - La loi du 21 mai 1879. La loi du 6 janvier 1892. La loi du 7 novembre 1910 (elle est toujours en vigueur) : le Conseil d’Etat l’a reconnu dans un arrêt du 2 mars 1984. Le législateur a rappelé le principe du maintient en vigueur de cette loi dans les trois départements. Les maires se sont vus le droit de prendre des arrêtés de la police de la construction dans l’intérêt de la sécurité, de l’hygiène et de l’esthétisme local par ces lois. Il faut s’intéresser au contenu de ce dernier et à la procédure mise en œuvre : - Le contenu de l’arrêté de police de la construction pris par le maire : l’arrêté du maire doit avoir en vue l’intérêt de la sécurité, de l’hygiène et de l’esthétisme local. La seule restriction 12 - qu’il peut y avoir est que les arrêtés municipaux ne peuvent pas concerner l’aménagement intérieur des immeubles. Cela étant, le maire a en pratique la possibilité de mettre en place une réglementation d’ensemble qui équivaut à un plan d’urbanisme en bon et du forme. Dans cet arrêté le maire peut donc réglementer des domaines très divers. Le caractère général de ces arrêtés s’est renforcé au fil du temps. L’arrêté peut équivaloir à un véritable plan d’urbanisme. La procédure mise en œuvre par le maire pour prendre des arrêtés : la prérogative du maire n’existe pas de plein droit, il faut que le conseil municipal habilite le maire à le faire. Le fondement de la prérogative du maire provient du conseil municipal, mais ce dernier ne peut procéder par délégation. En outre il n’est pas nécessaire qu’il y ait une ratification du conseil municipal. Comment la loi de 1910 se coordonne avec le droit général ? Le principe est que le droit local l’emporte sur le droit général. Le règlement municipal de construction l’emportera donc sur un plan d’urbanisme en droit général. Lorsque l’on a des normes différentes mais complémentaires et bien c’est la disposition de droit local qui l’emportera. 13 Chapitre 2 : Le droit local des libertés publiques I. le droit local des associations : Ce dernier figure aux articles 21 à 79 du Code Civil Local (il s’agit des dispositions du Code Civil allemand qui ont été maintenus en vigueur dans des domaines spécifiques tel que le droit des associations). En outre, il y avait pendant longtemps une loi d’empire du 19 avril 1908 qui est une loi d’application des dispositions locales concernant le droit des associations. Cependant cette loi a été abrogée par une loi de 2003 car le contenu de cette loi a été transposé dans le code de procédure civile. En outre, il existe un guide pratique des associations d’Alsace-Lorraine qui est relativement complet. Le droit local connait, comme en droit général, le principe de la liberté d’association, mais selon des modalités différentes. A. La liberté d’association : 1. La notion d’association : En droit général, ce qui caractérise l’association est l’absence de but lucratif. En Belgique, et au Luxembourg, l’absence de but lucratif figure même dans la dénomination d’une association (« association sans but lucratif »). Dans les pays voisins, c’est donc dans l’essence même d’une association d’être sans but lucratif. En droit général il en est de même (absence de partage de bénéfices entre les membres de l’association en droit général). En droit local, les choses sont plus floues et la différence entre association et société est plus difficile à établir. Il n’y a pas en droit local de définition législative de l’association. On peut cependant considérer qu’une association est un groupement volontaire et durable de plusieurs personnes en vue d’un but commun lucratif ou non. Il y a donc trois caractéristiques, à savoir un groupement volontaire, durable, et de pourvoir un but commun. En droit local le partage de bénéfice n’est pas interdit comme en droit général. C’est en cela que l’association de droit local se différencie de l’association en droit général et c’est aussi en cela que la limite entre association et société est moins claire. Il n’en reste pas moins que dans une association chaque adhérant a le même poids, le même droit de vote et si l’on partage les bénéfices, chaque personne a le droit à la même part des bénéfices. Tandis que dans la société le poids du vite, le partage des bénéfices, sera lié au nombre de parts acquises par chaque associés. 2. L’étendue de la liberté d’association : Originairement cette liberté était limitée en Alsace-Lorraine. Elle était réservée aux nationaux et l’autorité préfectorale avait un pouvoir de contrôle quasi-discrétionnaire. Dans la version d’origine du droit local, cette liberté d’association était donc encadrée. De ce point de vue le droit local s’est rapproché du droit général et à présent le contenu de la liberté d’association est largement équivalent dans les deux droits. 14 Pourquoi ce rapprochement ? Ce sont les nécessités constitutionnelles qui y poussaient (Conseil Constitutionnel, décision de 1971 LIBERTE D’ASSOCIATION qui le définit comme un principe fondamental reconnu par les lois de la république). Si le droit local n’avait pas évolué, et bien il risquait donc d’être censuré pour inconstitutionnalité. Comment s’est effectué le rapprochement ? Les dispositions d’origines ont été soit abrogées, soit réécrites. B. La capacité juridique d’une association : 1. Acquisition de la personnalité morale : La capacité juridique d’une association s’acquiert au terme d’un processus. Au départ il y a des statuts qui sont signés par les membres fondateurs de l’association. Ces fondateurs doivent être au moins 7. Ces derniers doivent également nommer la direction. Une fois les statuts signés l’on dépose ces derniers au tribunal d’instance dans le ressort duquel se trouve le siège de l’association. Celui-ci va procéder à une insertion dans un journal d’annonce légale et il va communiquer le dossier de constitution de l’association au préfet. Le préfet peut alors faire opposition à l’inscription de l’association. S’il n’y a pas d’opposition au bout du délai, et bien le tribunal d’instance va inscrire l’association au registre des associations. C’est à partir de ce moment qu’elle acquiert la personnalité morale. Ce processus est plus lourd que pour les associations de droit général puisqu’un contrôle est opéré par le juge judiciaire. En effet, en droit général la personnalité morale est acquise dès l’instant ou les statuts sont signés et le dépôt des statuts à la préfecture est uniquement destiné à l’information des tiers. Il est vrai cependant que l’on peut trouver une justification à ce processus compliqué en droit local dans l’étendue de la personnalité morale. 2. Etendue de la personnalité morale : En droit général, une association à une capacité juridique restreinte. Elles ont une petite personnalité morale car l’association est dans l’incapacité juridique de recevoir des dons et des legs, sauf si elle a été reconnue d’utilité publique (ce statut résulte d’un décret). En droit local, une association a une capacité beaucoup plus étendue car elle a ce que l’on appelle la grande capacité juridique. Ainsi, les associations peuvent recevoir des dons et des legs (elles doivent dans ce cas respecter une procédure qui a été assouplie au fil du temps). Cependant, sur un point fiscal cet avantage peut devenir un inconvénient. N’étant pas d’utilité publique en effet, elle ne peut bénéficier de l’exonération des droits de mutation par décès. Le législateur a alors inventé un statut réservé aux associations de droit local qui est le statut d’association ayant une mission reconnue d’intérêt public. Malheureusement ce statut a été élaboré uniquement pour permettre aux contribuables de déduire de leur déclaration de revenus les dons de sommes d’argents. Par la suite le législateur a considéré que les avantages accordés aux associations d’utilité publique en droit général s’appliquaient également en droit local. 15 C. Organisation et fonctionnement de l’association : L’association fonctionne sur un mode démocratique, ce qui signifie qu’il y a au minimum deux organes, à savoir l’assemblée générale et la direction. On y adjoint également des organes facultatifs. 1. Les membres : Le caractère volontaire et contractuel de l’association est décisif. Ces caractères concernent aussi bien l’entrée dans l’association que la sortie : le volontariat a un coté bilatéral - L’entrée dans l’association : pour y entrer il faut y adhérer et il faut que l’association accepte l’adhésion. On ne peut en effet pas s’imposer dans l’association. - La sortie de l’association : on y sort par démission ou soit parce qu’on y est radié. Enfin, la qualité de membre à un caractère personnel et incessible (on ne peut vendre ou transmettre son titre de membre). 2. L’assemblée générale : L’assemblée générale est l’organe qui détient la plénitude des compétences au sein de l’association, sauf dérogation statutaire. De surcroit, il est des matières qui relèvent nécessairement de l’assemblée générale et dont elle ne pourrait être dépouillée même par une dérogation statutaire. Ces matières concernent la nomination et la révocation de la direction, et la modification des statuts, y compris la décision de dissoudre l’association. L’assemblée générale est convoquée dans les cas prévus par les statuts (convocation à la diligence du président de l’association, d’un vice président, …) et il y a un cas prévu spécifiquement par le Code civil local à savoir que la convocation est de droit si 1/10ème des membres de l’association le requiert. La présidence de l’assemblée générale revient à la direction, concrètement au président de l’association. Les statuts peuvent déterminer l’exigence d’un curum pour que l’assemblée puisse valablement délibérer. Dans la mesure où elle peut valablement délibérer, les décisions se prennent à la majorité (moitié des voix plus une) et il faut savoir que dans les associations l’on vote par tête (un adhérant représente une voix). Il y a un cas ou la loi impose elle-même la majorité, celle des 3/4 des voix, lorsqu’il s’agit modifier les statuts. 3. La direction : Il s’agit de l’organe exécutif de l’association. Le code civil local, de façon générale, nomme et dénomme l’organe exécutif (conseil d’administration, bureau, conseil). Lorsque la loi locale parle de direction, cela correspond à l’entité élargie. Il faut s’intéresser au début et à la fin du mandat : - Le début du mandat : au sein de cette direction il y a le président de la direction qui représente l’association à l’extérieur, et notamment en justice. Les membres de la direction sont élus par l’assemblée générale, mais il peut y avoir des membres de droit. Assez fréquemment, l’on a un comité qui se renouvèle par fraction tous les 2 ou 3 ans. Le plus 16 - fréquent est un mandat de 3 ans et tous les ans l’assemblée générale renouvèle le tiers sortant. La fin du mandat : toutes les variantes sont possibles, à savoir la survenance du terme, le décès de l’administrateur ou la révocation par l’assemblée générale pour faute grave. Tout cela doit être fait mention au registre du tribunal des associations pour la mise à jour de ce registre. 4. Les organes occasionnels : La direction et l’assemblée générale sont indispensables à l’association. A coté de cela, il peut y avoir d’autres organes qui ont généralement une fonction de contrôle ou une fonction facultative (le réviseur aux comptes par exemple qui est élu en dehors de la direction). Il s’agit des organes occasionnels. Parfois, il y a un organe collégial chargé de surveiller les comptes et il s’agit du conseil de surveillance. D. Extinction de la personnalité morale : L’association qui est une personne morale disparaît un jour (même si elle a une durée de vie plus longue qu’une personne physique). 1. Les causes de la perte de la personnalité morale d’une association : Il faut parler de perte de la personnalité morale et non de disparition car il peut advenir qu’une association perde la personnalité morale sans disparaître en tant que tel. En effet, elle peut être dépourvue de personnalité juridique (elle n’a plus de patrimoine, ne peut plus recevoir des dons et legs). Il faut distinguer deux séries de causes de perte de la personnalité morale, à savoir que l’association peut disparaître et ainsi la personnalité morale disparait, ou l’association ne disparait pas, mais elle est privée de sa personnalité morale. La personnalité juridique disparaît car l’association comme telle disparaît : il y a deux séries de circonstance dans lesquelles une association est dissoute et ou sa personnalité juridique disparaît : - - Les circonstances tiennent à la volonté des membres : dans ce cas il y a trois séries d’hypothèses. Première hypothèse : l’association s’était constituée pour une durée limitée, le terme arrive et l’association est dissoute. Seconde hypothèse : il y a la volonté des membres de l’association de dissoudre celle-ci et cela s’exprime par la décision de l’assemblée générale de dissoudre l’association (l’association se dissout volontairement). Il s’agit dans ce cas d’une modification statutaire (majorité des ¾). Troisième hypothèse : l’association sera dissoute si tous les membres démissionnent. L’association est dissoute par décision administrative : le texte applicable ici est un texte de droit général, une loi du 10 janvier 1936 qui permet au gouvernement, par décret en conseil des ministres de dissoudre une association car soit qu’elle porte atteinte à l’intégrité du territoire ou à la forme républicaine du gouvernement, soit lorsqu’elle incite à la discrimination, à la haine à la violence entre les personnes à raison de leur origines, convictions, ou religions. 17 L’association n’est pas dissoute mais privée de sa personnalité juridique: il s’agit principalement de deux cas prévus par les textes : - - Le premier cas est prévu par l’article 73 du Code Civil local : d’après cet article, lorsque le nombre de membres de l’association est descendu en dessous de 3, le tribunal d’instance retire la capacité juridique à l’association. Dans un jugement du 24 septembre 2009 un tribunal d’instance a rappelé les conditions et la portée de l’article 73. Ce dernier définit quelles sont les personnes compétentes pour saisir le tribunal d’instance et également la compétence du tribunal en la matière. Le tribunal est ainsi saisit soit par la direction, soit le tribunal se saisit d’office. Lorsque le juge est saisit, il a une compétence lié (il doit juste vérifier que le nombre de membres est inférieur à 3). Il y a cependant, une possibilité pour l’association de sauver la mise, en ce sens que lorsque le tribunal se saisit d’office, il doit attendre au moins 3 mois avant de se prononcer. Ce délai de 3 mois peut permettre à la direction de l’association de déjouer les manœuvres pour faire perdre à l’association la personnalité juridique. L’affaire citée précédemment est évocatrice de cette hypothèse, l’association était une association de chasse et il n’y a eu plus que deux membres dans cette dernière. Puis, un ancien membre avait écrit au tribunal d’instance pour prononcer le retrait de la personnalité juridique. Le Tribunal va se saisir d’office, mais il doit s’écouler le délai de 3 mois. Pendant ces 3 mois il suffit de retrouver un troisième membre pour que le retrait de la personnalité juridique ne s’effectue pas. Le second cas est prévu par l’article 79-1 du Code Civil local introduit par la loi de 2003 : cet article précise qu’une association pour laquelle le tribunal constate qu’elle a cessé toute activité et ne possède plus de direction depuis plus de 5 ans se voit retirer la personnalité juridique. L’idée est de permettre aux griefs de prononcer d’office le retrait de la personnalité juridique des associations dont l’on n’avait pas constaté de mouvement depuis au moins 5 ans. La loi de 2003 qui a introduit cet article avait prévu un décret d’application, en particulier il devait y avoir une disposition réglementaire pour l’article 79-1. Le décret d’application est intervenu le 29 novembre 2006 et sur la question précise de la mise en œuvre de l’article 79-1 le décret est resté muet. Autrement dit, sur les autres matières de la loi de 2003 le décret de 2006 a prévu les dispositions d’application, sauf sur l’article 79-1. Monsieur MASSON, sénateur de la Moselle a attaqué ce décret devant le Conseil d’Etat pour ce qu’il ne contenait pas. Il s’agissait pour le requérant de demander au Conseil d’Etat d’enjoindre le gouvernement à prendre les dispositions demandées. La requête a été rejeté car le gouvernement avait bien fait de ne pas réglementer la matière pour le Conseil d’Etat. 2. La dévolution et la liquidation du patrimoine : Il faut se demander ce qu’il devient du patrimoine quand l’association est dissoute, qu’elle perd la personnalité juridique. Il faut tout d’abord effectuer la liquidation de l’association. Que faire s’il reste des bénéfices ? Il y a deux hypothèses : - Les statuts prévoient à qui reviendra le boni de liquidation. Les statuts sont muets à ce sujet : dans ce cas, si l’association a un but économique on peut répartir le boni de liquidation entre les membres, par tête. Quand elle n’a pas de but économique, l’assemblée générale peut désigner ultimement un bénéficiaire ou le boni va au trésor public. 18 II. Le droit local et les cultes : Ce droit a la particularité d’être un droit français pur, trouvant sa source dans le premier droit local. Le droit des cultes est celui qui a été applicable en 1870 et jusqu’à la séparation de l’église et de l’Etat en 1905. L’on a aboutit à ce droit d’aujourd’hui car les autorités allemandes ont fait le choix de maintenir ce droit des cultes en Alsace-Moselle lors de l’annexion, et les autorités françaises aussi en 1918 lors de la libération. On peut ainsi dire qu’il s’agit plutôt du droit français maintenu en vigueur en 1870 et remaintenu en vigueur en 1918. Ce droit local comporte un aspect anecdotique, à savoir les jours fériés spécifiques à l’Alsace Moselle. Le législateur français a ainsi rangé dans une subdivision spécifique toutes les dispositions du droit local relevant du droit du travail. Ce qui concerne les jours fériés figure ainsi à l’article L313413 du Code du Travail. Ce dernier rappelle la liste des jours fériés sur le territoire national et y ajoute le vendredi saint et le 26 décembre pour l’Alsace-Moselle : - En ce qui concerne le 26 décembre : c’est un jour férié sans restriction dans les communes des trois départements. En ce qui concerne le vendredi saint : à l’origine, du temps de l’annexion, l’on faisait une distinction entre les communes qui disposaient d’un temple protestant, et celles qui n’en n’avait pas. La tradition du vendredi saint jour férié est en effet liée au protestantisme. Ainsi, comme le vendredi saint n’a pas la même importance dans la tradition catholique, cela avait amené les autorités compétente à préciser que là ou il y avait un temple le vendredi saint serait férié, et là ou il n’y en avait pas, il n’y aurait pas de vendredi saint. Cette histoire à amené des distorsions de concurrence, et aujourd’hui en Moselle, par l’initiative de monsieur MASSON, le vendredi est devenu un jour férié pour tous. Ce n’est cependant pas le cas en Alsace ou l’on distingue encore s’il y a un temple ou non. A. Histoire du régime des cultes en Alsace Moselle : Le droit des cultes est le droit français des cultes en son état en 1870, et celui-ci remonte lui-même à Napoléon Bonaparte à l’époque de consulat. Ce droit local des cultes repose sur une distinction entre les cultes statutaires et les cultes non statutaires : - Les cultes statutaires : ce sont ceux reconnus comme tel par la république. Ce sont des cultes pour lesquels l’Etat reconnait un statut de droit public. Les cultes non statutaires : ces derniers ont été rejetés dans une forme de néant juridique. Aujourd’hui ils peuvent recourir au moule juridique de l’association pour s’organiser. Ils relèvent du droit privé mais l’Etat ne leur reconnait pas un statut de droit public. Les cultes statutaires son au nombre de 4, à savoir le culte catholique, les cultes protestants, l’église réformée d’Alsace-Lorraine, et le culte israélite. La mise en place des statuts de ces différents cultes s’est faite selon un ordre chronologique et il s’agit de s’intéresser particulièrement à la période du concordat. Napoléon l’a signé avec le pape Pie 7 pour apaiser les relations entre légalise catholique et la république après la révolution. Le concordat a eu pour effet de réorganiser la carte des diocèses, ainsi que le mode de nomination des évêques et curés. Cela étant, le concordat a quand même constitué un sujet difficile à faire passer devant ce qui constituait le parlement à l’époque. Les diocèses ont alors prévu d’encadrer le concordat et lorsque le texte a été présenté au corps législatif, 19 l’on a présenté un texte double, à savoir le concordat comme tel, mais flanqué d’articles organiques. Une loi du 18 germinal an 10 ratifie le concordat, introduit dans la législation française les articles organiques du culte catholique et les articles organiques du culte protestants. Autrement dit l’on a dans cette loi les textes de bases pour trois cultes statutaires. Le culte israélite aura du attendre pour se voir reconnaitre comme culte statutaire car il a fallu attendre l’ordonnance du 25 mai 1844. En outre, cette liste des cultes statutaires n’est pas clause et reste ouverte. Ces textes de base ont été complétés par des textes réglementaires. On rappellera que l’empire allemand a fait le choix de maintenir les cultes statutaires dans les trois départements. Le concordat est encore aujourd’hui en vigueur et il constitue un élément du droit positif. Les cultes non statutaires s’organisent selon le droit privé. Pendant longtemps, le fossé entre les cultes statutaires et les cultes non statutaires était profond. A l’origine, l’opposition était tranchée, et par la suite les lignes de convergence se sont multipliées. 1. D’une opposition tranchée entre cultes statutaires et cultes non statutaires … : Originairement, les cultes statutaires avaient presque un statut de cultes officiels. Les cultes non reconnus étaient eux voués à une forme de néant juridique, et on ne les connaissait que pour des motifs de police, en particulier le décret du 18 mars 1859 a soumis à autorisation gouvernementale l’ouverture de tout lieu de culte d’un culte non reconnu et également d’un culte protestant. Cependant, depuis la seconde guerre mondiale les lignes de convergence se sont multipliées. 2. … à la multiplication des lignes de convergences pour assurer le respect du principe constitutionnel de laïcité de la République : La multiplication des lignes de convergence s’est effectuée suite à l’intervention de différents éléments : - Les cultes non statutaires étaient soumis à cette forme de tutelle politique et policière. Or les différents aspects de cette tutelle politique sont tombés en désuétude dans la pratique. En outre, la fiscalité est une ligne de convergence, en ce sens que des avantages fiscaux liés au culte statutaires ont été étendus aux cultes non statutaires. Ainsi, certains textes vont être applicables à tous les cultes, statutaires ou non. B. Les cultes statutaires : 1. Le culte Catholique : Dans les 3 départements ce culte est organisé en diocèses et en paroisses. Ces derniers sont des circonscriptions administratives du culte, mais ce ne sont pas des personnes morales de droit public. Par contre à l’intérieur de ceux-ci fonctionnement différents établissements publics du culte. 1.a. Le diocèse : Il s’agit de s’intéresser tout d’abord à la création et à la délimitation du diocèse, puis au personnage qu’est l’évêque, et enfin aux établissements publics de cultes fonctionnant à l’intérieur même du diocèse. 20 Erection (création) et délimitation : il faut souligner que pour délimiter un diocèse, pour en créer un nouveau, ou encore pour faire progresser son statut, il y a nécessité d’un accord de volonté entre le saint siège et les autorités de la république. L’accord de volonté se déroule selon une façon spécifique. Au départ, il doit y avoir un texte de droit interne. Ensuite, cela passe à Rome et le pape va promulguer une bulle pontificale et cette dernière ne se suffit pas à elle-même car les légistes français ont toujours redouté que des textes de Rome puissent être directement applicables en France. Ainsi, dans les articles organiques il était dit que tout texte venu de Rome devait, avant d’être applicable en France, être reçu en France au travers d’un décret en Conseil d’Etat. Quand, en 1988 l’on a donné un statut plus prestigieux à l’évêché de Strasbourg en en le faisant archevêque l’on a respecté cette procédure. L’évêque : l’évêque est à la tête du diocèse. On retrouve dans sa nomination cette nécessité d’un double accord entre Rome et Paris. Il y a différentes étapes à suivre. Tout d’abord, il y a un décret du président de la république qui nomme tel ecclésiastique comme évêque. Le concordat impose des conditions, à savoir qu’il faut avoir au moins 30 ans et être d’origine française. Il faut également que le président soit de confession catholique, ce qui fait que du temps de l’annexion la procédure était différente (l’empereur était protestant). Par la suite, il faut que le pape analyse ce décret du président au travers d’une bulle pontificale. Enfin, il faut que cette bulle soit analysée par le Conseil d’Etat. Au terme de cela l’intéressé pouvait prendre possession de son siège d’évêque. Cette procédure existe dans les textes. Mais en pratique ce n‘est plus le président qui nomme un évêché à Metz ou à Strasbourg car c’est le saint siège qui s’occupe de cela. Précisons qu’en Alsace-Moselle le président de la république est seul à avoir cette prérogative pour nommer l’évêque. Les établissements publics de culte fonctionnant à l’intérieur du diocèse : il s’agit de s’intéresser aux règles communes, mais également aux règles propres à chaque établissement : - - Les règles communes à tous les établissements publics du culte : la notion même d’établissement public du culte est spécifique aux 3 départements. Il s’agit de personnes morales de droit public et se sont des personnes morales spécialisées dans l’administration des biens affectés à l’exercice du culte. Il découle que ces établissements relèvent de la juridiction administrative (jugement du TA de Strasbourg de décembre 2008). Cette compétence de la jurisprudence administrative comporte une exception car il peut advenir qu’un établissement public du culte ait, sans déroger à son but, une activité industrielle et commerciale (exemple : en Alsace un établissement de culte administre un lieu de pèlerinage). En outre, l’établissement est aussi soumis à une tutelle administrative notamment en cas d’acquisition à titre onéreux ou gratuit. Le préfet a une faculté d’opposition au regard d’une libéralité. Donc la capacité juridique de l’établissement de culte est limitée. Ce dernier ne peut donc accomplir que des opérations dont l’objet entre dans ses attributions. Les règles propres à chaque établissement public de culte : il faut distinguer la mense épiscopale de la mense capitulaire. La mense épiscopale est un établissement public du culte ayant pour mission de gérer la masse des biens affectés à l’entretient de l’évêque et du diocèse. Le texte qui régit la mense épiscopale est un décret de décembre 1813. C’est l’évêque qui est l’administrateur et le représentant de cette dernière. Il n’y a pas de contrepouvoir qui vient contrebalancer les pouvoirs de l’évêque dans le cadre de cette mense épiscopale. En outre, dans chaque diocèse il y a une église mère que l’on appelle la 21 cathédrale qui est l’église de l’évêque. Il y a, affecté à chaque cathédrale, un ensemble de prêtre appelé les chanoines et ces derniers ont différentes missions à savoir d’assurer le service liturgique à la cathédrale, d’aider l’évêque de leurs conseils et parfois d’exercer un intérim. Le décret du 6 novembre 1813 prévoit que pour améliorer la situation matérielle des chanoines, un établissement public du culte a été créé, à savoir la mense capitulaire. Elle a donc pour objet d’améliorer la situation des chanoines. Cette mense fonctionne de façon plus collégiale (le collège décide de l’administration des biens, les décisions se prennent à la majorité des chanoines à condition que les 4/5ème soient présent). La décision des chanoines ne se suffit pas çà elle même, elle doit être analysée par l’évêque. 1.b. La paroisse : La paroisse est également une circonscription administrative du culte et dans cette dernière fonctionnent des établissements publics du culte (fabrique et mense curiale). Il s’agit ainsi de s’intéresser tout d’abord à la création de la paroisse, au personnage qu’est le curé, et enfin aux établissements publics de cultes fonctionnant à l’intérieur même de la paroisse. Création, délimitation et suppression des paroisses : il faut suivre une procédure pour créer une paroisse. Il est nécessaire d’avoir une décision de l’évêque et un arrêté préfectoral. Chronologiquement, c’est l’évêque qui prend l’initiative de proposer à l’autorité civile la création, la délimitation ou la suppression de paroisse. Une fois cela pris un avis est demandé aux conseils municipaux ainsi qu’au conseil de fabrique et après cela la décision est prise par le préfet. Le curé : on retrouve la nécessité d’un accord de volonté entre l’autorité civile et ecclésiastique. L’approbation du gouvernement est nécessaire. Les établissements publics de cultes fonctionnent à l’intérieur de la paroisse : il s’agit de s’intéresser à la fabrique et à la mense curiale : - La fabrique : la personne morale est la fabrique et l’organe de cette personnalité morale est le conseil de fabrique. Les textes qui régissent les fabriques des églises sont un décret du 30 décembre 1809, et un décret du 10 janvier 2001. La fabrique de l’église est un établissement dont l’objet est d’administrer les biens nécessaires à l’entretien du culte au niveau paroissial. Il s’agit principalement d’entretenir et de réparer l’église paroissiale et le presbytère. On peut relever que souvent les églises paroissiales sont la propriété des communes et ceci pour des raisons historiques. L’origine historique remonte à la révolution car pendant celle-ci l’église catholique n’avait pas eu d’empathie pour la révolution, tandis que les autres cultes avaient plus d’empathie moyennant quoi les autorités révolutionnaires ont confisqué les édifices des cultes catholiques et ont permis aux autres cultes de conserver leurs édifices culturels. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui les fabriques des églises catholique ne sont en général pas propriétaires de leur lieu de culte, mais ce sont les communes. Enfin les fabriques d’église sont souvent affectataires (situation semblable à l’usufruitier) des églises paroissiales ou presbytères. Comment est organisée la fabrique de l’église ? Et bien il y a un conseil de fabrique qui a pour fonction de gérer les affaires de la fabrique. Il est l’organe délibérant et exécutif. Le conseil de fabrique comporte 2 membres de droits (il s’agit du curé de la paroisse et du maire de la commune) et 5 (si la commune est de moins de 5000 habitants) ou 9 membres cooptés (communes de plus de 5000 habitants). La cooptation 22 signifie que tous les 3 ans il y a une moitié qui est sortante (on est désigné pour 6 ans) et la moitié renouvelable est soumise au vote de ceux qui restent. Il y a une limite à savoir que nul ne peut faire plus de 3 mandats consécutifs. Lorsque la paroisse est créée c’est l’évêque qui nomme tous les membres d’origine du conseil de fabrique. Le conseil de fabrique est doté d’un organe exécutif, à savoir le bureau. Ce dernier est constitué d’un président, d’un secrétaire et d’un trésorier. On peut remarquer qu’il n’y a toujours pas de président au sein de ce conseil de fabrique. Un article prévoit tout de même qu’en cas d’absence du président le trésorier accompli les actes conservatoires pour le maintient des droits de la fabrique. - La mense curiale : c’est un établissement public dont l’objet est de gérer la masse des biens destinés à l’entretien du curé. Cette mense est gérée comme la mense épiscopale c'est-àdire de façon autocratique. C’est le curé qui est l’administrateur de cette mense, c’est lui qui signe pour le compte de la mense curiale. Le conseil de fabrique a simplement pour mission de surveiller la gestion du curé. Le curé n’est pas soumis à la tutelle du conseil de fabrique, mais il sera soumis à la tutelle de l’autorité civile. Le seul cas ou le conseil de fabrique a un rôle précis est lorsque le poste de curé est vacant car le trésorier du conseil de fabrique administre à titre intérimaire la mense curiale. 2. Les cultes protestants : Ils y a deux églises protestantes à savoir celle de la confession d’Augsbourg, d’Alsace et de Lorraine, et l’église protestante réformée d’Alsace et de Loraine. Apparait ainsi le fait que le protestantisme est moins monolithique que le culte catholique. La différence entre les deux églises est que la première s’inspire des enseignements de Martin-Luther, tandis que la seconde des enseignements de Jean Calvin. A l’inverse du culte catholique, il n’y a pas de traité international (de concordat) entre la France et l’église protestante. L’organisation des églises protestantes résultent de textes de droit interne, les articles organiques des cultes protestants promulgués par Napoléon, un décret du 17 juillet 1987 qui constitue actuellement le texte de base, et le décret du 18 avril 2006 qui opérait un rapprochement sur un mode confédéral des deux églises protestantes qui conservent leur individualité propre, mais entre ces deux églises le pouvoir réglementaire a mis en place des institutions communes. Il y a dans chacune des deux églises des traits communs et des traits distinctifs. Pour l’une et l’autre, l’on retrouve dans l’organisation interne la même unité de base qui est la paroisse et pour l’une et l’autre des églises l’organisation de la paroisse connait les mêmes règles. 2.a. La paroisse : Elle constitue un établissement public du culte dans le culte protestant. La paroisse est tout à la fois une circonscription administrative et un établissement public du culte. Ce dernier a pour objet de pourvoir à l’entretien des bâtiments et à l’exercice du culte. Cette paroisse est gérée par le conseil presbytéral. Ce dernier est organisé sur un mode relativement démocratique. En effet, il comporte 6 à 16 laïques qui sont élus par les paroissiens pour 6 ans et tous les 3 ans l’on renouvelle ce conseil par moitié. Aux membres élus s’ajoute un membre de droit qui est le pasteur qui est désigné par les autorités supérieures de l’église à laquelle il appartient. Cependant, en pratique, il n’est jamais nommé sans que les autorités supérieures prennent l’avis de la paroisse. Il 23 faut préciser que le pasteur, non seulement est membre de droit du conseil, mais il en est également le président de droit. En outre, le maire n’est pas membre du conseil presbytéral. 2.b. Le consistoire : Il s’agit d’une structure intermédiaire car les paroisses sont regroupées en une circonscription intermédiaire qui est le consistoire. C’est un établissement public du culte. Il regroupe un certain nombre de paroisses et il gère les affaires communes aux différentes paroisses qui sont dans son ressort. C’est le conseil consistorial qui gère les affaires du consistoire et il comporte deux collèges : - Le premier collège est constitué de tous les pasteurs des différentes paroisses se trouvant dans le ressort du consistoire. Le second collège est celui des laïcs en nombre double de celui de pasteurs. Ces délégués laïcs sont élus au suffrage universel indirect. Le président du conseil consistorial est nommé parmi les pasteurs avec l’agrément du gouvernement. 2.c. Les institutions supérieures : Les instances supérieures ne se présentent pas de la même façon selon l’église. Au niveau précédent, le mode d’organisation était le même dans l’une et l’autre des églises. Cette différence peut s’expliquer par des raisons de démocraties. Dans l’église protestante de la confession d’Augsbourg, d’Alsace et de Lorraine : les consistoires sont regroupés en Alsace et en Moselle en 7 inspections et ces dernières sont un peu l’équivalent des diocèses mais avec un mode d’organisation plus démocratique. Dans chaque inspection il y a une assemblée d’inspection qui est composée paritairement de pasteurs et de laïcs. Cette assemblée d’inspection est l’organe législatif de l’inspection et l’organe exécutif est collégial (composé de 3 inspecteurs dont 2 laïcs et 1 ecclésiastique). Les 7 inspections sont elles mêmes regroupées en un consistoire supérieur de 25 membres et l’organe exécutif de ce dernier est collégial (5 membres dont 1 président). Les instances supérieures de la confession d’Augsbourg se répartissent donc en deux étages, à savoir les 7 inspections chapeautées par le consistoire supérieur. Dans l’égalise protestante réformée d’Alsace-Lorraine : les différentes consistoires des trois départements sont regroupés en un synode de 32 membres et l’organe exécutif de ce dernier est le conseil synodal (5 membres). 2.d. L’union des églises protestantes d’Alsace et de Lorraine : Le décret du 18 avril 2006 a mis en place une organisation commune de type confédéral. Il a mis en place entre les deux églises trois institutions communes qui concernent l’organisation supérieure de chacune de ces églises : - A été mis en place une assemblée de l’union qui est composée de membres issus des instances supérieurs de chacune des deux églises et elle élit en son sein sont président. A été mis en place le conseil plénier de l’union A été mis en place le conseil retreint de l’union. 24 Ces structures n’ont pas la personnalité juridique et elles ont pour objet de permettre aux deux églises de régler les affaires ecclésiales. Il s’agit d’élaborer une théorie théologique commune et d’organiser un mode commun de formation des pasteurs. Comme les institutions communes de l’union ont en charge la formation des pasteurs, et bien c’est au niveau des instances supérieures que se décide la nomination des pasteurs. 3. Le culte israélite : Ce culte est celui dont l’organisation est la plus simple. Le texte de base de ce culte ne remonte pas à Napoléon Bonaparte mais c’est une ordonnance du roi Louis Philipe 1er du 25 mais 1844 qui a fait du culte israélite un culte statutaire. Il n’y a qu’un établissement public du culte fonctionnant dans le cadre du culte israélite, au niveau départemental, qui est le consistoire israélite. Ce terme de consistoire a trois sens : - Le consistoire est une circonscription administrative. Il est le nom de l’établissement public du culte israélite. Il est la dénomination de l’organe qui gère les affaires du consistoire. Il y a dans ce dernier, des membres élus (au nombre de 6) et un membre de droit qui est le grand Rabin du département. Ce dernier est nommé par le consistoire après approbation du 1er ministre. Le Grand Rabin n’est pas président de droit du consistoire, il est élu par le consistoire dans son ensemble. En ce qui concerne les membres laïques élus, ils sont donc 6 et ils sont élus pour 8 ans et tous les 4 ans l’on renouvelle la moitié du consistoire. Il y a eu un débat concernant l’éligibilité au consistoire qui s’est dénoué par une décision du juge administratif. Si l’on s’en tenait à l’ordonnance de 1844, seuls les hommes étaient éligibles au consistoire et ce texte n’a jamais été formellement abrogé. Pendant longtemps l’on s’en tenait à cette ordonnance et donc aucune femme ne se présentait aux élections consistoriales. En 2006, s’est effectué un renouvellement de la moitié des effectifs du consistoire israélite du Bas Rhin et une liste s’est présentée, sur laquelle figuraient des femmes. Les autorités du consistoire ont saisi le Tribunal Administratif de Strasbourg. Ce dernier a considéré que l’éligibilité au consistoire devait être ouverte aux hommes comme aux femmes. Pour justifier sa décision le tribunal s’est référé à l’article 3 de la Constitution de 1958 qui prévoit l’égal accès des hommes et des femmes aux élections et à l’article 14 de la CEDH portant interdiction à toute discrimination. Ce qui est intéressant dans la décision et que le juge considère comme implicitement abrogée la disposition de l’ordonnance de 1844 mais aussi, que l’on applique à un établissement de culte des principes de droit public. Si on applique des principes du droit public à des établissement publics de cultes, et bien s’il devait y avoir une contradiction entre un principe de droit public et un principe interne au culte considéré, et bien c’est la norme de droit public qui doit l’emporter par logique. C. Les cultes non statutaires : 1. L’organisation des cultes non statutaires : Par définition, les cultes non statutaires ne peuvent pas bénéficier d’un statut de droit public. En réalité, le mode d’organisation est à cherché du côté du droit privé, et il s’agit de l’organisation sous 25 forme d’association. Un culte non statutaire en Alsace et en Lorraine s’organisera donc sous forme d’association. Dans la pratique, tous les autres cultes recourent au modèle associatif. S’agissant d’associations de droit local, les cultes qui recourent à ce types d’organisation bénéficieront de la grande personnalité juridique et donc de l’aptitude à recevoir des dons et des legs. Lorsqu’une association est bénéficiaire d’un don ou d’un legs, le préfet disposera d’une faculté d’opposition, il peut s’opposer à ce qu’un legs soit accepté par une association poursuivant un but cultuel. Au fil du temps, les contraintes spécifiques aux associations de droit local, mais poursuivant un but cultuel, ont été abrogées car le préfet ne peut plus, par exemple, s’opposer à l’inscription d’une association. Une autre contrainte a été abrogée à savoir un décret de 1859 qui soumettait à autorisation l’ouverture d’un lieu de culte non reconnu. A l’époque, il y avait une différence entre les cultes statutaires et les cultes non statutaires en matière de fiscalité, notamment en matière de droit de mutation à titre gratuit. Ainsi, les textes prévoient qu’un établissement public du culte statutaire est exonéré des droits de mutation à titre gratuit (pas de droit de succession). Mais les textes étaient muets pour les cultes non statutaires organisés sous forme d’association. Ainsi les textes du Code Général des Impôts étaient muets sur les associations de droit local poursuivant un but cultuel. Le risque était que ces associations, si elles étaient bénéficiaires d’un don ou d’un legs, payent 60% de droit de succession. Cependant, une décision du Tribunal Administratif de Strasbourg de 1998 a pris le contre pied de ce raisonnement. Il s’est référé à la fiscalité applicable aux associations cultuelles en droit général, et en droit général il n’y a plus d’établissement public de culte et donc le mode d’organisation des cultes est toujours le mode associatif. Le droit général prévoit bien que les associations cultuelles de droit général bénéficient, en cas de dons et de legs, de l’exonération des droits de mutation à titre gratuit. Ainsi, selon le principe de l’égalité devant l’impôt il convenait que les associations cultuelles de droit local aient le même avantage. Dans d’autres domaines fiscaux, il y aussi exonération de la taxe foncière pour les édifices du culte appartenant à des associations cultuelles, ou à des associations qui, en Alsace et en Moselle, ont pour objectif un culte non reconnu. Cette exonération est expressément prévue par les textes. 2. L’évolution des cultes non statutaires : un culte non statutaire peut-il devenir statutaire ? : La réponse est positive, mais le principe constitutionnel de laïcité s’oppose à ce que l’on considère la liste des cultes statutaires comme clause. Dans le cas contraire, l’on heurterait le principe constitutionnel de laïcité. D’un point de vue juridique il est concevable que les pouvoirs publics prennent l’initiative de conférer, en accord avec l’autorité du culte concerné, le caractère de culte statutaire à tel ou tel culte. La question est de savoir si c’est par loi ou décret que l’on peut confier ce caractère statutaire à un culte ? Tout dépend la nature du statut qui serait élaboré. Cela étant, le caractère statutaire d’un culte est aussi le fait que les ministres des cultes statutaires sont rémunérés comme les fonctionnaires de l’Etat. Cet aspect divers des cultes statutaires fait que la réponse à la question posée est également diverse. En effet, s’il s’agit de prévoir des rémunérations pour les ministres d’un culte qui deviendrais statutaire et bien ca relèvera du domaine de la loi. Si l’on crée, dans la cadre d’un culte qui deviendrait statutaire, un établissement public de culte, l’on se trouve plutôt dans le 26 domaine réglementaire. Certes l’article 34 de la constitution prévoit que la loi est compétente pour créer une nouvelle catégorie d’établissement public, mais, cette catégorie existe déjà en Alsace et en Moselle, et il s’agirait dans la catégorie précédente de créer un nouvel établissement public du culte. Il est donc parfaitement possible, d’un point de vue juridique, d’élargir la liste des cultes statutaires. D. Pour conclure : la question de la compatibilité du droit local des cultes avec le bloc de constitutionnalité : Cette question est récurrente et ce qui est sur est que des efforts sont intervenus de la part de la jurisprudence et du pouvoir législatif pour combler une part du fossé qu’il y avait à l’origine entre les cultes statutaires et les cultes non statutaires. Il n’est pas douteux que ces efforts étaient destinés à purger le reproche d’inconstitutionnalité qui rodait autour du droit local des cultes. A la lumière de la jurisprudence administrative, il apparait que la laïcité est un principe constitutionnel applicable sur tout le territoire de la république sans restriction, puisque ce principe est posé à l’article 1er de la Constitution. En outre, le principe de laïcité étant posé, il s’en déduit la nécessaire neutralité de l’Etat en matière religieuse (ne pas favoriser tel culte par rapport à un autre). Mais, si le principe de laïcité est un principe constitutionnel, le principe de non subventionnement n’a pas valeur constitutionnelle (principe posé à l’article 1er de la loi de 1905). Le Conseil d’Etat a affirmé ce principe dans une affaire relative au droit des cultes en Polynésie. Dans cette affaire, les autorités locales de Polynésie avaient accordés une subvention du 8 millions de francs destinée à permettre la construction d’un presbytère sur une île. Cette dépense, engagée par le président de la Polynésie, avait été contestée devant le juge administratif. Or, ce dernier avait constaté que le presbytère servirait non seulement au logement su pasteur protestant, mais était également un lieu de rencontre. C’est à cette occasion que le Conseil d’Etat a souligné que le principe de non subventionnement des églises n’avait pas valeur constitutionnelle. Ainsi la dépense engagée était justifiée par un but religieux, mais surtout social et donc cette dépense n’a pas été annulée. Il est ainsi concevable que la loi de 1905 ne s’applique pas forcément sur l’ensemble du territoire de la république. 27 PARTIE II : LE DROIT PRIVE LOCAL TITRE I : Le droit notarial local, droit local des biens Il s’agit d’évoquer les particularismes du droit local en ce qui concerne les modes d’acquisition du droit de propriété (chap 1), concernant l’opposition de ce droit de propriété aux tiers (chap 2), et la perte du droit de propriété (chap 3). Chapitre 1 : Les modes d’acquisition du droit de propriété I. Les régimes matrimoniaux : Un régime matrimonial est l’ensemble des règles qui organisent les relations patrimoniales des époux quant à leurs biens. La loi organise un régime matrimonial de base qui est le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts et il s’applique de plein droit aux époux qui n’ont pas fait de contrat de mariage. La communauté de biens réduite aux acquêts est un régime ou tous les biens que les époux acquièrent une fois le mariage célébré tombent dans la cagnotte commune (salaire, et tout ce que l’on acquiert). Par contre, les biens que chacun des époux avaient avant le mariage, de même que les biens que chacun des époux peut hériter pendant le mariage, échappent à la communauté. Il s’agit de bien propres. Chaque époux gère ses biens propres comme il l’entend, mais les biens communs sont gérés par les époux ensembles. Pour les actes de disposition (vendre, hypothéquer) l’accord des deux époux est nécessaires. Pour les biens d’administration courante chacun peut agir seul pour le compte des deux. Les époux font un contrat de mariage lorsqu’ils veulent modifier ce schéma de base : - Ils peuvent se soumettre à la communauté universelle : il s’agit d’amplifier l’aspect communautaire. Ils peuvent se soumettre au régime de la séparation des biens : il s’agit de gommer l’aspect communautaire. chacun des époux reste seul propriétaire de tous ses biens, pas seulement de ceux qu’il avait avant le mariage, mais aussi de ses gains et salaires par exemple. Il y a des particularités en droit local en ce qui concerne le régime matrimonial et notamment deux différences principales : - Il y a des particularités car le régime matrimonial de droit commun en droit allemand n’était pas le même qu’en droit français général. A l’époque, en droit allemand, le régime matrimonial légal était celui de la communauté de bien réduite aux acquêts. En droit 28 - général, avant 1966, le régime matrimonial légal était celui de la communauté de biens meubles et acquêts. Ainsi, jusqu’en 1966 seuls les biens immobiliers qu’un époux pouvait avoir avant le mariage ou hériter pendant, échappaient au tronc commune. La seconde différence tenait à la possibilité ou non de changer de régime matrimonial. En droit français général le régime matrimonial était immutable jusqu’à la loi de 1966, c'est-àdire qu’une fois que les époux étaient mariés, ils ne pouvaient plus changer de régime matrimonial pendant le mariage. La loi de 1966 a ainsi permis au époux de modifier le régime matrimonial, mais selon un formalisme lourd. Mais, en 1918 le principe de l’immutabilité s’appliquait de façon intangible en droit général. Tandis, qu’en droit allemand c’était un principe différent qui s’appliquait, à savoir que les conventions matrimoniales sont librement modifiables (les époux peuvent à tout moment morfier leur régime matrimonial sans formalisme excessif). Donc en 1918, l’introduction brutale du droit français général en matière matrimoniale aurait pu avoir des effets fâcheux pour les personnes qui s’étaient mariées avant l’armistice (elles n’avaient peut être pas fait de contrat de mariage et voulaient en faire un plus tard). Pour éviter que les prévisions des époux ne soient déjouées brutalement, le législateur a introduit des règles de droit transitoires. A. Les dispositions transitoires de la loi du 1er juin 1924 : La première chose prévue par le législateur est la possibilité offerte d’opter pour un régime de droit français. Autrement dit la possibilité a été donné aux époux qui été déjà marées de changer une ultime fois de régime matrimonial comme l’aurait permis le droit abrogé sans procédure d’homologation. Pour les époux qui n’avaient pas optés pour un régime de droit français avant le 1er janvier 1926 : - Les époux qui avaient fait antérieurement un contrat de mariage ; ils se trouvaient soumis au régime matrimonial équivalent en droit français général. Pour les époux qui n’avaient pas fait de choix particulier : il s’agit de ceux qui n’avaient pas fait de contrat de mariage. Ces derniers se sont vus soumettre au régime de la communauté de biens réduite aux acquêts du droit français général. B. Les dispositions transitoires des ordonnances des 15 septembre 1944 et 2 novembre 1945 : Ces dernières ont envisagées deux séries d’hypothèses : - - Les époux qui s’étaient mariés avant l’occupation allemande et qui, profitant de la plus grande liberté que conférait le droit allemand, avaient changés leur régime matrimonial : lorsqu’a été rétablie la légalité républicaine, ces conventions ont été annulées. Cependant, si dans les dispositions prises par les époux figuraient des dispositions qui ne ressortaient pas au sens strict du régime matrimonial, elles subsistaient si elles n’étaient pas contraire à l’ordre public français. Les époux marié pendant le temps de l’occupation (16 juin 1940-à la libération) : le texte essentiel dans ce cas est l’ordonnance de 1945 portant rétablissement de la légalité républicaine. Les allemands n’ont pas imposés leur législation d’amblée, jusqu’au 1er mars 1943 c’était le Code Civil qui continuait à s’appliquer. Après cette date, la législation 29 allemande en matière de régimes matrimoniaux s’est imposée. A la libération, l’on a distinguée deux hypothèses. On a tout d’abord instituait une possibilité d’option. Les époux qui s’étaient mariés pendant le temps de l’occupation ont pu opter jusqu’au 1er mars 1946 pour tel régime matrimonial de leur choix. Ce droit d’opter a été reconnu à tous ceux qui s’étaient mariés dans une commune de l’un des trois départements. Ensuite, à défaut d’option, si les intéressés avaient fait un contrat de mariage, et bien ils se trouveraient soumis au régime matrimonial équivalent du droit français et si il n’y avait pas eu de contrat de mariage, ils se sont trouvé soumis au régime matrimonial du droit légal, c'est-à-dire de la communauté des meubles et acquêts. II. Les particularismes du droit local en matière successorale : A. L’article 73 de la loi du 1er juin 1924 : Le droit des libéralités comporte des principes, notamment le principe selon lequel les parents ne peuvent pas déshériter leur enfant. Les enfants sont ainsi des héritiers réservataires. Cela signifie qu’un enfant à droit à une part incompressible de la succession de chacun de ses parents. Cette part est une moitié lorsqu’ y a un enfant, des 2/3 lorsqu’il y a deux enfants, et des 3/4 lorsqu’il y trois enfants ou plus. L’ascendant ne peut disposer que le la quotité disponible. A quelle masse l’on applique cette quotité disponible et la part réservataire ? Elles s’appliquent à une masse de calcul qui est constituée des biens qui subsistent au moment du décès mais aussi des biens qui ont pu être donnés par le parent concerné à un enfant ou à des tiers. Quand survient le décès l’on va établir cette masse de calcul. Pour que le mécanisme soit équitable il fait donc réintégrer les biens donnés, mais encore faut il savoir à quelle valeur l’on va considérer les biens qui ont été donnés dans le passé (la valeur de ces biens donnés se calcule au moment ou s’ouvre la succession). L’article 73 de la loi de 1924 comporte, sur ce sujet de l’évaluation des biens réintégrés, une disposition dérogatoire lorsque le bien qui a fait l’objet d’une libéralité constitue une exploitation agricole. L’idée du législateur, pour tenir compte des traditions locales, était de favoriser la transmission d’une exploitation agricole. Or, dans les années 1920 une exploitation agricole était reprise par un des enfants et si ce dernier reprend celle-ci par une donation, et bien il risquait, avec la méthode d’évaluation, d’être contraint de payer une somme aux autres frères et sœurs. Le législateur a ainsi préféré privilégié l’intégrité économique de l’exploitation agricole, plutôt que l’égalité entre les héritiers. Pour parvenir à ce résultat le législateur précise ainsi que lorsqu’une donation ou un legs portant sur une donation agricole est fait, et bien lorsqu’on fera la masse de calcul, au lieu de prendre l’exploitation pour sa valeur économique réelle (solution de droit commun), on prendra le revenu net moyen (notion qui correspond à la moitié de la valeur de l’exploitation agricole). Cela étant cette disposition n’est plus susceptible de s’appliquer de façon élargie car on est dans le cas ou le droit local est d’application personnelle (l’article 73 ne s’applique que lorsqu’on règle la succession d’un sujet de droit local). On peut préciser que ce principe a été considéré comme inconstitutionnel au Luxembourg car les sujets sont égaux devant la loi. 30 B. le certificat d’héritiers : Il s’agit du mode de preuve de la qualité d’héritier. Le droit local est ici d’application territoriale, et non personnelle. Ce certificat est une matière régie par l’article 74 de la loi de 1924, par les articles 2353 et suivants du Code Civil local, les articles 11 et suivants de l’annexe du Code de procédure civile pour l’Alsace-Moselle, et l’article 730 du Code Civil dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 1990 qui a confirmé implicitement l’existence et la validité du certificat d’héritier du droit local. Ce dernier article a, en effet, précisé qu’en droit général l’acte de preuve de la qualité d’héritier doit émaner exclusivement du notaire. Mais, le législateur a précisé qu’il n’était pas dérogé aux dispositions et usages lorsque la délivrance du certificat est faite par les autorités judiciaires ou administratives. Pour autant, le certificat d’héritier en droit local n’est pas non plus le mode de preuve exclusif. Il n’est pas interdit de recourir à l’acte de notoriété. Comment s’opère le partage ? En pratique l’on recourra au certificat d’héritier dès l’instant ou le défunt était propriétaire de biens immobiliers sur le territoire de l’un es trois départements. Par contre, lorsqu’il n’était pas propriétaires de biens immobiliers et bien l’acte de notoriété peut s’avéré un mode plus simple que le certificat d’héritier. 1. L’établissement du certificat d’héritier : Le certificat d’héritier est délivré par le Tribunal d’Instance sur la base d’un acte notarié qui est l’affirmation sacramentelle. Cette dernière, complétée par des documents, servira de support à la requête qui sera établie par le notaire et adressée par lui au Tribunal Administratif. Ce dernier délivrera au terme de ce processus le certificat d’héritier. 1.a. L’affirmation sacramentelle : C’est un acte authentique ou les héritiers ou légataires relatent la dévolution de la succession. Ils affirment sous la foi du serment, qu’à leur connaissance il n’y a pas d’autres ayant droit qu’eux même, pas de dispositions testamentaires ou pas d’autres que celle relatée dans l’affirmation sacramentelle et ils affirment qu’il n’y a pas de procès entre eux au sujet des qualités. Pourquoi recourt-on au serment ? Et bien parce qu’il est impossible de rapporter la preuve d’un fait négatif. D’où au recours par le législateur au serment. Quelles sont les personnes qui comparaissent à l’acte de l’affirmation sacramentelle ? - - Les déclarants sont les héritiers (celui qui tient son titre successoral de la loi), mais aussi les légataires (tiennent leur vocation successorale d’un testament). On distingue, s’agissant des légataires, les légataires à titre universel (on lui lègue toute la succession) et les légataires à titre particulier (on lègue une quotepart de la succession). Les héritiers ont compétences pour demander le certificat d’héritiers, il en va de même des légataires, mais par contre le légataire à titre particulier n’a pas à comparaitre dans l’affirmation sacramentelle. Ont également compétence pour requérir la délivrance du certificat d’héritier les créanciers, soit des héritiers, soit des légataires. Les créanciers du défunt, par le biais de l’action oblique, peuvent exercer au lieu et place des héritiers légataires le droit de faire établir une affirmation sacramentelle et donc d’obtenir la délivrance du certificat d’hériter. 31 Mais pour qu’ils puissent souscrire l’affirmation sacramentelle il est important qu’au préalable ils puissent justifier de l’acceptation de la succession par les héritiers. Qui a compétence pour l’établissement de l’affirmation sacramentelle ? D’après un article du Code Civil une compétence conjointe est donnée pour l’établissement de l’affirmation sacramentelle au notaire et au greffier du Tribunal d’Instance. Or cet article n’a pas été expressément abrogé. Cependant, s’il n’y a pas eu d’abrogation expresse on peut considérer qu’il y a eu une abrogation tacite en ce sens que l’article 11 de la loi de 1924 précise que les formes judiciaires sont remplacées par les formes notariées. Lorsqu’il y a compétence du greffe du tribunal d’instance, il faut donc remplacer ca par une forme notariée. Cette affirmation sacramentelle va servir de pièce d’appui à la délivrance de la requête par le Tribunal Administratif. 1.b. La requête et les pièces à l’appui de celle-ci : Le notaire va déposer une requête au tribunal d’instance et il joindra à l’appui de cette requête les pièces d’état civil, à savoir l’acte de décès, les actes de naissances qui justifient les liens de filiations avec les héritiers. On effectuera également une copie du testament s’il y en a un, et du contrat de mariage. L’habitude s’est rependue de joindre également au dossier un certificat de recherche émanant du fichier central des dispositions de dernière volonté. Ce dernier est lui-même interconnecté à des fichiers étrangers. 1.c. Le rôle du tribunal d’instance : Le Tribunal va procéder à des investigations, puis il rendra sa décision. Il s’agit de s’intéresser à ces deux étapes dans le cadre de la dévolution du certificat d’héritier. Les investigations préalables du Tribunal d’Instance : - Les investigations normales : cela consiste à vérifier si le dossier est complet (certificat de décès, d’états civils, …). Les investigations exceptionnelles : cela recouvre trois séries de situations. Tout d’abord, il y a le cas ou le juge a un doute quant à l’exacte sincérité des informations formulées par les héritiers. La sanction du recèle successoral par exemple est que l’on est privé de la succession. Dans ce cas, les investigations exceptionnelles prennent alors la forme de somations publiques. Il s’agit de faire en sorte que des héritiers qui auraient pu être omis se manifestent. Les modalités même de ces somations publiques consistent en des insertions au journal officiel et au tableau d’affichage du Tribunal d’Instance. En outre, il y a investigation exceptionnelle s’il y a un procès entre les héritiers. Enfin, la dernière investigation exceptionnelle concerne le cas ou le défunt ne laisse pas d’enfant et ou il a fait un testament qui a pour effet de déshériter les héritiers légaux. Dans ce cas le Tribunal doit entendre ces héritiers légaux pour savoir s’ils ‘ont pas l’intention de contester la validité du testament. 32 La décision du Tribunal : - - La délivrance le certificat d’héritier demandé : il peut arriver qu’il soit obliger à surseoir à cette délivrance, et il s’agit d’une obligation lorsque le défunt laisse un enfant conçu mais non encore né. En effet, l’enfant conçu au moment du décès, même s’il nait postérieurement vivant et viable, devient héritier. En outre, le tribunal peut surseoir si le dossier n’est pas complet. Il peut arriver que le tribunal rejette la requête : il y a par exemple le cas ou les héritiers voudraient réécrire la loi et refaire la dévolution successorale. A côté de ce cas il y a une hypothèse plus floue ou le tribunal sera lié par la volonté des héritiers. Il s’agit du cas ou il y a un testament et ou une disposition de ce dernier est obscure, sujette à diverses interprétation. Dans le cas ou tous les héritiers sont d’accord sur l’interprétation à en faire, et bien le tribunal est lié par cette interprétation. 2. Forme et contenu du certificat d’héritiers : Concernant la forme, le certificat d’héritier tient sur deux feuilles, c’est un document synthétique. En pratique, c’est un certificat collectif, c'est-à-dire qu’on y mentionne tous les héritiers. Il est établi en un exemplaire unique et il reste dans les archives du greffe du Tribunal d’Instance et ce dernier délivre autant de copies qu’il y a d’héritiers. Concernant le contenu, l’on va indiquer les droits héréditaires des uns et des autres, ainsi que les restrictions affectées à ces droits. On va ainsi mentionner les héritiers, les légataires (seulement universels, à titre universel, et à titre particulier de biens immobiliers). On va aussi mentionner sur ce certificat le bénéficiaire d’une convention matrimoniale (on peut stipuler dans un contrat de mariage qu’au décès d’un des époux la communauté reviendra en totalité au conjoint survivant). La convention matrimoniale est juridiquement considérée comme une convention entre époux, entre associés. Ces dernières ne sont réellement efficaces que s’il n’y a pas d’enfant ou si tous les enfants sont communs. Quelle est l’incidence sur le certificat d’héritier de cette dernière? Comme le conjoint survivant tient son droit du régime matrimonial, ce n’est pas par vocation successorale qu’il recueille les biens de son conjoint décédé. Dès lors, la masse successorale des héritiers est réduite à 0 (les enfants ne sont pas privés de leur titre d’héritiers). Il a fallu attendre 1990 pour que le législateur précise qu’il faut mentionner ces conventions dans le certificat d’héritier. En ce qui concerne les restrictions aux droits des héritiers, ils doivent être mentionnés. - - La libéralité graduelle : lorsque l’on lègue une masse de bien à une personne, on peut stipuler que le bénéficiaire du lègue devra lui-même retransmettre ce qui lui aura été légué à une autre personne le moment venu. La liberté résiduelle : cela consiste pour A de dire qu’il lègue ses biens à X et ce qui restera à la mort de X ira à Y. 3. Force probante du certificat d’héritiers : Il résulte des articles 2365 et 2366 du Code Civil local que le certificat d’héritier bénéficie d’une présomption d’exactitude, et est assortit du principe de la foi publique : 33 - - La présomption d’exactitude : cela signifie que la personne mentionnée au certificat d’héritier est présumée être titulaire des droits qui sont mentionnés sur certificat. La présomption d’exactitude dispense donc à l’héritier, dans ses relations avec des tiers, à avoir à prouver autrement sa qualité d’héritier. Le principe de foi publique : il complète la présomption d’exactitude. Ce principe signifie que le tiers de bonne foi qui a traité avec les personnes mentionnées sur le certificat d’héritier est à l’abri de toute revendication. Le certificat d’héritier crée plus de sécurité juridique que dans les autres départements. En effet, lorsqu’un tiers de bonne foi a traité avec les héritiers qui figuraient sur l’acte de notoriété, dans un autre département, pour que son titre soit à l’abri de revendication il faudra qu’il soit de bonne foi et qu’il ait été victime d’une erreur commune et invincible. 4. Le retrait du certificat d’héritier : On procèdera au retrait du ce chaque fois qu’il se trouve inexacte ou incomplet. Il y a un cas ou la découverte ultérieure d’un testament n’aura pas d’incidence. Il s’agit du cas ou il n’aura pas d’impact sur la dévolution successorale ou si les décisions prises ne concernent pas ce qui doit être mis dans le certificat d’héritier. Tout intéressé peut demander le retrait du certificat d’héritier et le tribunal pourra également y recourir. Dans ces cas, le tribunal rendra une ordonnance de retrait qui sera signifiée à toutes les personnes mentionnées sur le certificat initial, et devront rendre l’expédition qu’elles avaient reçu. Ensuite, le Tribunal administratif délivrera un nouveau certificat. Dans les autres départements le mode de preuve est l’acte de notoriété. III. Le partage judiciaire : Il faut imaginer une indivision (situation de deux ou plusieurs personnes qui sont propriétaires d’un même bien ou d’une même masse de bien non affecté). L’indivision peut naître d’une succession, d’un divorce ou d’une séparation de corps, d’un changement de régime matrimonial, ou le choix d’acquérir un bien en indivision. Or le Code Civil précise que « nul n’est tenu de rester dans l’indivision ». Le dénouement d’une indivision est le partage. Ce dernier peut être amiable, ou dit de partage judicaire (la loi de 1924 comporte des articles sur le partage judicaire). Il e s’agit pas de droit allemand maintenu mais des règles spécifiques aux 3 départements. A. Les caractéristiques de la procédure : Ce qui caractérise cette procédure est le rôle pivot du notaire (la loi de 1924 a conféré un rôle important au notaire). 1. Règles de conflit : La procédure de partage judicaire prévue dans la loi de 1924 est une procédure locale. Mais il existe une procédure en droit français général. Il s’agit de savoir dans quel cas l’on applique le droit local 34 ou le droit général ? C’est un problème de conflit de loi. La loi du 24 juillet 1941 précise que pour résoudre la difficulté il convient d’appliquer la loi du lieu de situation du bien : - - L’indivision porte sur un seul bien : dans ce cas c’est facile car si le bien est situé dans départements l’on applique le droit local et lorsqu’il est en dehors des départements on applique le droit général. les 3 L’indivision porte sur une masse de biens : dans ce cas, traditionnellement l’on utilisait une méthode qui scindait les procédures. Ainsi, les biens qui se trouvent dans les 3 départements se voient appliquer le droit local, et les biens situés en dehors se voient appliquer le droit général. L’avantage de cette méthode est qu’il s’agissait de l’application littérale de l’article 5 paragraphe 2, mais aussi que l’on appliquait les principes généraux du droit international privé. Cependant l’application analogique des règles internationales de droit privée ne sont pas pertinentes pour deux raisons. Tout cela a évolué car, dans un arrêt du 5 février 2010, la Cour d’Appel de Metz a opéré un revirement de jurisprudence et a indiqué que rien ne s’oppose à ce que la procédure de partage judicaire s’applique à l’ensemble de la masse successorale, y compris aux immeubles se trouvant en dehors des 3 départements. L’intérêt de cette décision est que l’on restaure l’unité de la masse des biens et de la procédure. 2. Rôle du notaire dans le cadre de la procédure de partage judiciaire : Le notaire, dans l’esprit de la loi de 1924, est un délégué de justice car, dans le cadre de la procédure de partage judicaire, il exerce des missions de nature juridictionnelles qui se traduisent par le fait que les actes de procédures que les notaires réalisent participent d’une nature juridictionnelle (lorsque le notaire rédige des procès verbaux, ce dernier participe d’une nature juridictionnelle). Certes, le notaire n’est pas la pour dire le droit. S’il y a un conflit entre les parties le notaire n’a pas la compétence juridique de trancher celui-ci. Exemple : en matière de partage judiciaire, un héritier s’est servi sur le compte bancaire du défunt. Celui-ci dira qu’il s’agissait d’une donation, de la volonté de défunt, mais les autres ne seront pas d’accord et diront qu’il a agit dans le cadre d’une procuration et non d’une donation. Il s’agi d’un conflit de qualification. Cependant, le rôle du notaire est tout de même de rapprocher les points de vue mais il ne pourra en aucun cas en imposer un. Cette mission de médiation, de conciliation est une mission de nature juridictionnelle et elle appartient en propre au notaire. Comme le notaire a une fonction de caractère juridictionnel, les actes qu’il accompli dans le cadre de la procédure sont notariés, mais aussi juridictionnels. Les actes qui ne sont que notariés sont signés par les parties et le notaire. En ce qui concerne les actes juridictionnel, il y a deux cas ou le Code Civil prévoit qu’il doit être signé par les parties : - Lorsqu’un juge constate l’accord des parties et qu’il en dresse procès verbal, le juge doit faire signer l’acte par les parties. Lorsque le notaire interroge les parties dans le cadre du procès verbal, il doit être signé par les parties. A côté de cela il y a des débats ou l’on se contente de faire « un tour d’horizon ». Dans la mesure où les actes dressés par le notaire sont de nature juridictionnelle il est admis que la 35 signature des parties n’est pas indispensable chaque fois qu’une réunion peu importante s’est tenue concernant le partage judiciaire. Le fait que le notaire exerce une fonction de nature juridictionnelle explique que les règles de la CEDH puissent s’appliquer, et notamment l’article 6-1 de la CEDH qui prévoit que toute personne à droit à ce que sa cause soit examinée dans un délai raisonnable. La CJUE a eu, par exemple, à connaitre d’une procédure de partage judiciaire en droit local dans un arrêt du 10 avril 2003 et l’Etat français a été condamné car la procédure a été trop longue. B. La phase préparatoire : La phase préparatoire commence par le dépôt d’une requête, qui donne lieu à une ordonnance d’ouverture émanant du tribunal d’instance, puis d’un procès verbal d’ouverture et de proposition formulé par le notaire. 1. La requête : Elle est formulée par l’indivisaire ou les indivisaires qui veulent sortir de l’indivision. La requête ne requiert par de formalisme particulier, il faut simplement expliquer au tribunal qu’il y a une indivision, et le nom et l’adresse des indivisaires. Par la suite, on demande au tribunal l’ouverture de la procédure de partage judiciaire et la désignation d’un notaire. Si l’indivision est d’origine successorale le tribunal d’instance compétent est celui du dernier défunt. Si l’indivision est d’origine communautaire, le tribunal d’instance compétent est celui du domicile commun ou du dernier domicile commun des époux (idem en cas d’indivision partenariale). Enfin, si l’indivision porte sur un bien unique et qu’elle n’est ni successorale, ni communautaire le ti compétent est celui du lieu de situation du bien. 2. L’ordonnance d’ouverture : Le juge va être amené à formuler une ordonnance d’ouverture s’il fait droit à la requête, mais avant il va vérifier qu’il y a bien matière à partage judiciaire et désigner un notaire. Tout d’abord, le rôle du tribunal est de vérifier qu’il y a bien matière à partage judiciaire (c'est-àdire qu’on est bien en présence d’une indivision) et s’il n’y a pas une fin de non recevoir à la demande en partage. Exemple : lorsque l’on est en indivision, la loi permet de mettre en place une indivision organisée (consiste à établir une condition d’indivision et à fixer une durée maximale de 5 ans à cette dernière). Pendant le temps de cette convention, les parties s’interdisent réciproquement de demander unilatéralement le partage. Exemple : en matière de pacte civil de solidarité le Code Civil prévoit deux régimes patrimoniaux à savoir un régime de nature séparatiste et un régime de nature communautaire. Le régime de nature communautaire prend la forme d’une indivision conventionnelle qui dure pendant le temps du partenariat ou jusqu’au moment ou les époux changent de régime partenarial. Dans ce cas, tant que le pacs n’a pas été rompu ou la convention modifiée, l’un d’eux ne peut demander unilatéralement le partage. Une fois que le tribunal a vérifié si la requête est recevable, il doit désigner le notaire chargé de la procédure. Le principe est d’en désigner un. Cela étant, il y a des pratiques consistants à désigner deux notaires, notamment lorsque chaque partie propose un notaire. L’article 223 de la loi de 1924 36 prévoit la nomination d’un notaire avec, tout au plus, la possibilité de désigner un second notaire pour certaines parties de la procédure. La nomination de deux notaires est préférable pour la bonne administration de la justice (les notaires sont les notaires de la procédure, et non des clients). Est-ce qu’il y a un monopole des notaires des 3 départements pour mener à bien une procédure de partage judiciaire ? La loi de 1924 est muette sur ce sujet. Les exigences de la bonne administration de la justice imposent que le notaire connaît les règles de partage judiciaire de droit local, ce qui est le cas des notaires des 3 départements. Les notaires des départements voisins, dans la mesures ou ils ne sont pas éloignées territorialement et dans la mesure ou ils ont la connaissance de procédure judicaire de droit local peuvent intervenir dans le cadre de la procédure. Il s’agit également de s’intéresser au cas du remplacement du notaire. Ce dernier peut intervenir de façon définitive ou temporaire : - - Remplacement définitif du notaire : soit c’est le notaire qui décède, ou il est atteint par la retraite, ou bien il change d’étude ou le notaire lui-même, tout en restant de son étude, demande à être décharger d’un dossier. Dans ces différentes circonstances le tribunal rendra une ordonnance déchargeant le notaire et désignant un nouveau notaire de la procédure en question. Remplacement temporaire du notaire : dans le cas d’une impossibilité temporaire du notaire, et bien l’on reporte la procédure, il ne peut se faire remplacer par un confrère. La loi a prévu un cas ou le report d’un acte de procédure peut être source de frais superflus, il s’agit de l’hypothèse ou dans le cadre de la procédure de partage judiciaire il a été programmé de vendre un bien immobilier aux anchées et ce jour J le notaire a été empêché. Dans une telle hypothèse l’on ne peut reporter. Pour éviter cela, l’article 243 de la loi de 1924 permet au notaire de se faire remplacer par un confrère qu’il désigne. L’ordonnance de partage judiciaire étant rendue, cette dernière fera l’objet de notification. En effet, dans un premier temps elle sera notifiée aux parties. Ces dernières ont 15 jours pour se pourvoir contre l’ordonnance si elle ne les satisfait point. On peut préciser qu’en droit local la voie de recours dans une procédure gracieuse est le pourvoi. Ce dernier ne se fait pas à la cour d’Appel, mais devant la juridiction qui a rendu la décision initiale (le tribunal d’instance). Ce pourvoi constitue tout à la fois une voie de réformation et une voie de rétractation. Ainsi, le Tribunal d’instance peut avouer qu’il a commis une erreur et donc réformer l’ordonnance et ainsi faire droit au pourvoi du requérant. Le juge d’instance peut également dire que le pourvoi n’est pas fondé et que la décision rendue est cohérente. A ce moment, là le juge rendra une ordonnance pour préciser qu’il maintient la décision rendue et qu’il transmet éventuellement le dossier à la Cour d’Appel pour réformation. S’il n’y a pas eu de recours exercé, ou si le recours n’a pas été accueilli la décision est définitive et le greffe du Tribunal d’instance renvoi le dossier au notaire qui va pouvoir établir le procès verbal d’ouverture de proposition. 3. Le procès verbal d’ouverture et de propositions : Dans ce cas le notaire va convoquer la partie demanderesse de la procédure pour que celles-ci lui fassent part de toutes les indications en sa possession concernant les indications actives et passives de la masse à partager, et de ses propositions sur la façon à partager. Le notaire dressera un procès verbal de tout cela. Ce procès verbal d’ouverture doit être dressé dans les 6 mois de la signification 37 de l’ordonnance d’ouverture du notaire et si ce délai n’est pas respecté, la procédure est d’emblée caduque. La question s’est posée de savoir si cette étape était juridiquement indispensable ? Certes, c’est l‘article 224 de la loi de 1924 qui prévoit cette première séance chez le notaire pour donner les indications. Mais, en même temps, il y a des circonstances ou le notaire connait mieux que quiconque la masse des biens à partager. La jurisprudence a tendance à constater que la procédure ne sera pas nulle si l’on a omis de passer par l’étape du procès verbal d’ouverture, mais, pour éviter péremption, il faut que la réunion contradictoire soit également tenue dans un délai de 6 mois. C. Les opérations de partage : Cette dernière contient plusieurs phases, ce que nous allons voir. 1. Les débats : Le notaire commis de la procédure va convoquer les parties à une réunion contradictoire à son étude. Cette réunion devra être précédée de convocations. Comment s’effectue la convocation ? Cette dernière doit être faite par acte d’huissier, soit par plie recommandé avec accusé de réception. Il faut être prudent avec les lettres recommandées car cette convocation ne sera valablement établie que si elle est réceptionnée par le destinataire (arrêt de la Cour de Cassation de Metz du 12 décembre 2006). En outre, ces convocations doivent être faites dans un délai de 15 jours, ce que prévoit la loi de 1924. Mais lorsque l’une des parties est domiciliée en dehors des 3 départements, le délai est porté à un mois. Si l’une des parties ne peut ou ne veut pas venir sans se désintéresser de la procédure, comment pourra t-elle être représenter au débat ? A ce moment l’on peut constituer un mandataire, et une procuration doit être faite dans ce cas. Le pouvoir peut par exemple être donné à un avocat ou à toute autre personnes. La procuration peut être faite sous sein privé, mais dans ce cas elle doit être déposée au rang des nutes du notaire. Si au dernier moment une partie à un empêchement alors que les convocations ont été lancées comment procéder et qu’elle tient à être présente? L’article 225 paragraphes 3 de la loi de 1924 permet à une partie de demander la remise des débats. Il faut être prudent car cet article ne doit pas être utilisé comme technique dilatoire pour reculer indéfiniment les débats. En effet le report n’est de droit qu’une seule fois. Après, c’est laissé à l’appréciation du notaire. Dans le cas ou une partie s’imaginerait qu’il suffit de ne pas être présent ou non représenté au débat pour faire en sorte que la procédure s’enlise, elle se tromperait car l’article 225 paragraphe 1er précise qu’en cas de non comparution les absents sont présumés consentir à ce que l’on procède au partage, et ce dernier sera obligatoire pour eux, malgré leur non comparution, sous réserve de certaines conditions, il faut que dans la convocation l’on ait fait une référence express à l’article 225 de la loi de 1924. Comment faire s’il n’y a pas d’entente lors de la réunion ? Le jour dit, la réunion a lieu et le notaire va avoir pour mission de rapprocher les points de vue. Ce dernier peut lui aussi décider de suspendre les débats et de les proroger à une date ultérieure s’il n’y a pas d’entente trouvée. Il peut arriver que la convocation suivante soit faite dans le procès verbal de la séance qui se termine. 38 Comment va-t-on consigner la teneur des débats qui se sont déroulés chez le notaire ? Et bien, la signature du procès verbal est nécessaire sauf deux cas, à savoir lorsque l’on n’a rien décidé du tout, ou lorsque l’une des parties se sauve et que l’on n’arrive pas à la rattraper. A ce moment le notaire doit le consigner à la fin de son procès verbal. 2. Les difficultés juridiques qui peuvent survenir : C’est l’article 232 de la loi de 1924 qui évoque les difficultés dans le cadre de la procédure de partage judiciaire. Le notaire doit donc rapprocher les points de vue, mais il ne peut dire le droit. Ainsi si une question juridique pose problème, le notaire peut en rappeler les implications, les enjeux, mais il ne peut pas trancher. Si les parties ont la sagesse, la question se règlera mais dans le cas contraire le notaire dressera un procès verbal de difficulté dans lequel il relatera la question qui pose des difficultés et il résumera les thèses respectives des parties. A ce moment la procédure continuera devant le Tribunal de Grande Instance. La relation que le notaire fait de la difficulté a-t-elle un caractère limitatif ou pas ? La réponse est affirmative, donc le procès verbal du notaire n’a pas de caractère limitatif quant aux difficultés dont est ensuite saisie la juridiction contentieuse. Est-ce que la procédure est suspendue devant le notaire pendant tout le temps de la procédure contentieuse ? La réponse est en principe positive. Néanmoins il est admit en jurisprudence que le notaire puisse continuer le procédure sur des questions qui ne font pas débat. 3. Les expertises : Il s’agit du cas ou l’on a besoin de se faire une idée de la valeur des biens (meubles ou immeubles) et donc la question de l’estimation peut se poser dans deux cas : - L’on veut faire un partage en nature : les parties doivent être éclairées pour connaitre la valeur d’un bien. L’on décide de procéder à une vente aux enchères : la vente aux enchères consiste à vendre le bien au plus offrant mais il faut bien un point de départ à cette dernière (mise à prix qui est déterminée par l’expertise). L’expertise est obligatoire, en vertu de la loi, lorsque l’on est en présence d’incapable (article 227 de la loi de 1924) c'est-à-dire un mineur, mis sous tutelle, mis sous curatelle, ou présumé absente, ou lorsqu’une partie le demande. A contrario, si toutes les parties sont majeures et maitresses de leurs droits, et si elles arrivent à s’entendre pour fixer le prix des biens, il ne sera pas nécessaire de recourir à l’expertise. L’expert peut être nommé par les parties. Si les parties ne s’entendent pas pour désigner un expert, la prérogative passera au Tribunal d’Instance. Le ou les experts ainsi désignés, devront prêter serrement. Si l’expert a été nommé par les parties, il prêtera serrement entre les mains du notaire, et s’il est nommé par le tribunal, il prêtera serrement au Tribunal, sauf si le Tribunal en décide autrement. La condition de serrement est une condition de validité de l’expertise. Cependant il existe des experts agréés par la Cour d’Appel et ces derniers ont prêté serrement devant le Cour, et ainsi ils ont prêté serrement une fois pour toute et donc ils n’ont pas à le refaire chaque fois qu’ils sont nommés comme experts dans le cadre d’une procédure judicaire. On peut donc considérer que 39 l’obligation de prêter serrement ne s’impose pas aux professionnels qui ont déjà prêté serrement dans le cadre de leurs fonctions. Peut-on noter un notaire comme expert ? C’est le cas, mais ce ne peut pas être le notaire qui a en charge la procédure de partage judiciaire. Une fois l’expert nommé il peut entamer ses diligences. Quelle est la procédure de l’expertise ? L’expert doit respecter le principe du contradictoire (il ne doit pas visiter un immeuble clandestinement par exemple), ce qui signifie qu’il doit aviser les parties du jour ou il entend venir. Lorsqu’il fera son rapport final il devra relater l’accomplissement de cette formalité. Si l’expert à besoin d’entendre les parties, il devra les convoquer l’une et l’autre et la réunion devra être contradictoire. La présence des deux parties sur les lieux est importante. Quel est l’effet de l’expertise? Une fois ses diligences accomplies, l’expert rédigera un rapport qu’il remettra au notaire. L’article 227 paragraphe 5 de la loi de 1924 impose au notaire de prévenir les parties que l’expert à rendu son rapport et que les parties pourront venir le consulter à l’étude. L’expertise lie-t-elle les parties ? La réponse est positive, mais ce n’est pas radical. Le principe lui est clair, mais cette réponse ne s’est pas imposée d’emblé. En effet, l’on a soutenu que les principes de la procédure s’opposaient à ce que la décision d’un expert puisse s’imposer à des parties, sans que celles-ci aient la possibilité de soumettre les conclusions de l’expert au contrôle impartial d’une juridiction contentieuse. Cependant, l’on peut faire valoir que l’on ne se trouve pas dans le cadre d’une procédure contentieuse mais dans le cadre d’une procédure gracieuse, et il y a des cas ou l’expertise peut être soumise au contrôle du juge (sur la forme ou le fond). Il y a des exceptions, des cas ou l’expertise ne lie pas les parties : - - C’est le cas lorsque les parties ont décidé de l’expertise et qu’elles ont décidé que cette dernière aurait une simple valeur d’avis et ne saurait lier les parties. En présence d’incapables c’est le tribunal du partage qui n’est pas lié par l’expertise et lorsqu’arrivera l’étape ultérieure de l’établissement de l’acte de partage, le tribunal peut très bien refuser l’homologation s’il lui apparait que l’expertise cause des préjudices aux intérêts des personnes que la loi entend protéger. Toutes les voies de recours peuvent être exercées à l’encontre de l’expertise (sur des questions de fond ou de forme). 4. La vente des biens : Il s’agit de la situation ou il y a des biens (meubles ou immeubles) et le partage en nature est par hypothèse impossible. Et bien, si les parties n’arrivent pas à s’entendre, l’on vend le bien. La loi de 1924 a donc prévue des procédures de vente des biens. Ces dernières ne sont pas les même selon qu’il s’agit de vente de meubles ou d’immeubles. La vente des biens meubles : Elle est régie par l’article 229 de la loi de 1924. Cette dernière se fait aux enchères (elle peut se faire à la criée). Les conditions de la vente sont fixées par le notaire, et elles doivent être homologuées par le Tribunal d’Instance s’il y a des incapables parmi les copartageants. Concernant la publicité, elle est régit par les usages locaux et c’est le notaire du partage judicaire qui procède à la vente des meubles. S’il est empêché c’est le Tribunal d’Instance qui désignera un autre notaire ou un huissier pour procéder à se place à la vente des meubles. 40 La vente immobilière : On peut relever que la vente par adjudication des immeubles sera obligatoire s’il y a des incapables (mineurs ou majeurs) et dans le cas ou c’est le représentant légal de l’incapable qui a provoqué le partage. Le notaire compétent pour organiser l’adjudication est le notaire du partage judicaire, sous deux réserves, à savoir que le Tribunal d’Instance peut avoir désigné un autre notaire pour certaines parties de la procédure, et le cas ou le notaire est empêché le jour de l’adjudication. En effet, pour éviter de reporter et de réexposer les frais de publicité, il est possible de désigner un notaire substituant et c’est le notaire lui-même qui désignera son remplaçant. Avant d’arriver à l’adjudication, il y a des préalables. Il convient tout d’abord de fixer la mise à prix. Cette dernière est fixée par les parties elles mêmes si elles arrivent à s’entendre sur ce point (après avoir sollicité une expertise le cas échéant). Si les parties n’arrivent pas à se mettre d’accord et bien soit elles peuvent s’en remettre au Tribunal d’Instance (demande collective doit être faite), soit l’on recourra à l’expertise. Ce n’est en aucune façon le notaire qui fixe la mise à prix. Il convient ensuite de fixer les autres conditions de la vente et c’est le notaire qui aura compétence pour faire cela. Il rédigera aussi un cahier des charges (ensemble des conditions de la vente qui s’imposeront à l’adjudicataire). Une fois ce cahier des charges établit, il est communiqué aux parties. S’il n’y a pas eu d’objection, et si toutes les parties sont majeures et maitres de leurs droits, le cahier des charges est définitif. Cependant s’il y a des incapables parmi les copartageants, et bien le cahier des charges sera soumis à l’homologation du Tribunal d’Instance. Lorsque le cahier des charges est définitif, et bien il y a d’autres formalités. Deux dispositifs ne s’appliquent pas en matière d’adjudication : - - La possibilité de rétractation : quand un bien immobilier à usage de location fait l’objet d’un avant contrat, ce dernier, une fois signé, est remis à l’acquéreur. L’acquéreur à une faculté de rétractation de 7 jour à compté de la date à laquelle il reçoit le contrat. Cette faculté de rétractation n’existe pas en matière d’adjudication car cette dernière permet déjà à l’acquéreur d’éviter un achat avec compulsion. La possibilité de rétractation n’a donc pas d’intérêt dans cette hypothèse. La loi FRIEDNER du Code de la Consommation : elle prévoit que lorsqu’un avant contrat est signé et bien dès l’instant ou l’acquéreur à recours à un prêt l’avant contrat est nécessairement fait sous la condition suspensive de l’obtention du prêt. Cela n’est pas transposable en matière de vente par adjudication car une adjudication est un processus lourd et il faut que les amateurs prennent leurs précautions. La loi prévoit un mode de publicité de l’adjudication mais ce dernier résulte de 1924 et il n’est pas adapté aux méthodes modernes de communication. Le minimum légal est d’effectuer une insertion (affiche) dont le contenu est précisé dans la loi de 1924, dont les modalités de diffusion sont prévues à l’article 247 et les destinataires à l’article 248. Il faut ainsi désigner l’immeuble à vendre, indiquer la mise à prix, l’identité des copartageants, le lieu, la date et l’heure de l’adjudication. Cette affiche doit être adressée à tous les copartageants par plie recommandé avec accusé de réception, et l’affiche fait l’objet d’une insertion dans un journal d’annonce légale au moins 6 semaines, et au plus tard 2 semaines avant l’adjudication. La loi prévoit que le notaire peut également faire toute autre publication demandée par les parties. Lorsque tout cela est fait l’on arrive au jour de l’adjudication. Cette dernière se fait en laissant brûler des petites bougies, elle est accomplie lorsque « sur une mise donnée trois feu ont successivement 41 brûlés pendant une minute chacun sans nouvelle enchère ». Les enchères doivent être portées à haute et intelligible voix. Cela n’impose pas une formule sacramentelle dans l’expression de l’enchère. Toute personne majeure et maitre de ses droits peut porter une enchère et l’article 251 de la loi de 1924 ajoute que le notaire peut décider, sans que sa décision soit soumise à recours, que des personnes étrangères, ou notoirement insolvables puissent participer aux enchères si elles fournissent une caution. Pour éviter les questions d’insolvabilité l’on a inversé la proposition et l’on exige systématiquement de tout amateur qu’il produise au notaire, avant l’ouverture de l’enchère, un chèque de banque ou un chèque certifié (correspond généralement à 20% de la mise à prix). Cela donne donc la certitude que la personne est allée chez son banquier (il doit s’agir d’une banque française). Lorsque l’adjudication est accomplie, le notaire délivrera un procès verbal qu’il fera signer aux parties présentes et à l’adjudicataire. Une fois accomplis l’adjudication est définitive en ce sens qu’il n’existe pas une procédure de la surenchère du dixième comme c’était le cas en vieille France. Cela étant le caractère définitif de l’adjudication souffre de deux tempéraments : - - On peut substituer un acquéreur à un autre : l’article 254 de la loi de 1924 permet à l’adjudicataire de formuler dans les trois jours une déclaration command. C’est une technique juridique qui consiste, pour l’amateur, à préciser que ce n’était pas lui le véritable amateur, mais une autre personne. Il ne s’agit pas d’une revente car une fois la déclaration de command faite, l’acquéreur final tient directement ses droits directement du vendeur initial. On dit que c’est une institution sui généris. Il faut être conscient d’une difficulté fiscale car le droit fiscal suit la déclaration civiliste de command. Il y a un délai de 3 jours prévu par la loi de 1924 en ce qui concerne la déclaration de command, mais il s’agit d’un principe civil qui ne rejaillit pas sur le droit fiscal. Cas ou l’on n’a pas couvert la mise à prix : en pareil cas la loi de 1924 permet au notaire d’interroger les amateurs présents pour savoir sui quelqu'un offrirait une mise à prix inférieure. Il y a deux hypothèses dans ce cas, à savoir que partant d’une mise à prix inférieure, et bien finalement l’on atteint la mise à prix initiale, ou que l’on reste en dessous de la mise prix. Dans ce second cas l’adjudication est malgré tout prononcée, mais elle a un caractère provisoire, donc elle lie l’adjudicataire, mais elle ne lie pas les vendeurs. Dans ces deux circonstances tout intéressé peut demander à ce que l’on procède à une nouvelle adjudication, et dans ce cas cette dernière se fait à tout prix. 5. L’établissement de l’acte de partage : Il s’agit de l’acte ultime de la procédure de partage judiciaire. Il est rédigé par le notaire seul, mais pas de façon discrétionnaire. Cet acte est la synthèse de ce qui a été décidé lors des réunions précédentes ou des décisions de justices. Une fois l’acte de partage établit, le notaire le communique aux parties. Si toutes les parties sont majeurs et maitres de leurs droits, elles peuvent très bien approuver séance tenante l’acte de partage et ce dernier est immédiatement définitif, et l’on est dispensé d’homologation. Dans le cas contraire l’on est obligé de transmettre l’acte de partage au Tribunal d’Instance pour homologation. Quel est le rôle de ce dernier ? Et bien, si les parties sont majeures et maitres de leur droit, le rôle du tribunal consiste à vérifier que tout le formalisme de la loi de 1924 a été respecté. S’il y a des incapables le rôle du tribunal est plus substantiel, il a une mission de contrôle de la forme, 42 mais aussi du fond. Il peut s’assurer que sur le fond les intérêts des incapables ont été respectés. Une fois ces vérifications faite le tribunal homologue ou non l’acte de partage. L’ordonnance d’homologation doit être notifiée au notaire et aux parties et cette dernière peut faire l’objet d’un pourvoi de la part de tout intéressé. 43 Chapitre 2 : L’opposabilité du droit de la propriété immobilière : la publicité Il s’agit d’évoquer un pilier du droit local Alsacien mosellan qui est le livre foncier (mode spécifique aux trois départements de publicité foncière). Organisation de la publicité foncière en Alsace-Moselle : La publicité foncière est l’ensemble des règles qui ont pour objet de rendre un droit de propriété ou un démembrement du droit de propriété ou une charge affectant un droit de propriété opposable aux tiers. Cette dernière n’est pas constitutive de droit. En effet, ce n’est pas l’inscription au livre foncier qui crée le droit de propriété sur un immeuble, ce dernier nait d’un acte de vente ou de donation. L’intérêt de la publicité foncière est que tant que l’on est au stade de l’acte de vente la propriété qui est transférée n’est pas opposable aux tiers (l’acte comme tel ne lie que les parties). C’est le fait d’inscrire la propriété au nom de l’acquéreur dans le livre foncier qui va rendre cette propriété opposable aux tiers. Les modalités de la publicité foncière obéissent à des règles particulières en Moselle et en Alsace. Ces règles procèdent des dispositions de la loi du 1er juin 1924 et ces dispositions législatives ont été complétées par des dispositions règlementaires (décrets de 1924 et de 1927). Des textes modificatifs sont intervenus par la suite, en particulier une loi de 1990 qui a opéré un toilettage de la loi de 1924 en ce qui concerne la publicité foncière. Il y a également eu une loi de 2002 qui a adapté les dispositions de la loi de 1924 aux exigences de l’informatisation du livre foncier. Ce texte a lui-même été modifié par l’article 102 de la loi de 2009. Les décrets de 1924 et de 1927 ont complètement étaient remplacés par un décret de 2009 et il s’agissait également d’adopter le système de la publicité foncière à son informatisation. Le livre foncier n’est pas né avec la loi de 1924. Cette dernière n’a fait que reprendre les textes du législateur allemand concernant ce livre foncier en les adaptant aux règles de fond du Code Civil. De fait, le système allemand de la publicité foncière remontait au 1er janvier 1900. Jusqu’à cette date, dans les 3 départements, l’on continuait à appliquer le Code Civil français, et les règles françaises de publicité foncière. Si le législateur allemand avait maintenu dans les 3 départements le Code Civil et les règles françaises c’est parce que le droit privé allemand n’était pas unifié jusqu’en 1900. Le 1er janvier 1900 est entré en vigueur le Code Civil allemand qui s’est substitué à tous les Codes Civils qui existaient dans les entités fédérées et en Alsace-Moselle. On a donc introduit à cette occasion le système unifié du Code Civil allemand concernant la publicité foncière. En 1924 l’on a maintenu le système du livre foncier. Jusqu’au début des années 2000 le livre foncier a fonctionné de la même façon qu’en 1900. Pendant un siècle ce dernier était organisé en un ensemble de volumes comportant des feuillets. Le principe était que dans chaque commune l’on ouvrait un feuillet par rapport à chaque personne physique ou morale qui était propriétaire d’un bien. Le législateur allemand avait fait le choix d’avoir des feuillets personnels et non réels. Ce feuillet comportait traditionnellement 3 sections (la description de la propriété, indication des charges pouvant grever le bien, l’inscription des sûretés pouvant grever le 44 bien). Les différents volumes d’une commune étaient gérés par le greffe du Tribunal d’Instance (bureau foncier). Le bureau foncier fonctionnait sous la houlette d’un magistrat qui est le juge du livre foncier. Le travail matériel d’inscription et de radiation est opéré par un greffier. Au cours de la dernière décennie le livre foncier a été informatisé. Du point de vue de l’organisation administrative rien n’a changé, en ce sens que le livre foncier informatisé est toujours tenu par le bureau foncier avec le juge et le greffier du livre foncier. L’introduction de l’informatisation a eu pour effet de ne plus choisir entre une entrée personnelle et une entrée réelle. Cette informatisation fut très chère. Pour la mener à bien et pour la gérer au plan matériel, le législateur a créé un établissement public du livre foncier informatisé (EPLFI) et il a en charge la maintenance du système informatique. Différences entre le livre foncier et la conservation des hypothèques : Ce système du livre foncier se différencie du système de publicité foncière qui existe dans les autres départements. Dans les autres départements la publicité foncière repose sur la conservation des hypothèques. Les principales différences peuvent se recouper autour de 4 points : - - - - Au livre foncier l’on publie des droits (telle personne est propriétaire de tel bien), et les hypothèques ou servitudes dont la propriété de cette personne peut être affectée. Tandis que dans le système de la conservation des hypothèques l’on publie des actes. Cela étant, dans la pratique de la conservation des hypothèques, en complément des actes l’on faisait des fiches analogues aux feuillets du livre foncier tenu dans les 3 départements. Cette première différence est incontestablement estompée au fil du temps. La seconde différence tient au mode de consultation. A la conservation des hypothèques il n’y a pas de consultation directe possible (même pour les professionnels). Tandis que l’on peut consulter directement le livre foncier. La troisième différence tient au principe de légalité et de la présomption d’exactitude. Le livre foncier est tenu sous la direction d’un magistrat assisté d’un greffier. L’inscription au livre foncier est assortie d’une présomption d’exactitude, c'est-à-dire que lorsqu’une personne est inscrite au livre comme propriétaire d’un bien, n’a pas de preuve à fournir. Il n’en n’est pas de même à la conservation des hypothèques. Le conservateur est tout d’abord un fonctionnaire du service des finances (il s’agit d’un percepteur) et comme il n’est pas magistrat la loi ne lui prescrit pas de vérifier la légalité de l’acte qui est présenté. Il n’y a donc pas de présomption d’exactitude. Le service du livre foncier relève du ministère de la justice tandis que la conservation des hypothèques relève du ministère de l’économie et des finances. Traditionnellement l’on mettait également en avant le caractère lus économique du livre foncier pour différencier ce dernier de la conservation des hypothèques. En effet il faut régler le salaire du conservateur des hypothèques. Dans les 3 départements, l’on faisait traditionnellement application de la gratuité des frais de justice (aujourd’hui une redevance de 25 euros est perçue au profit du EPLFI en cas d’inscription ou de radiation au livre foncier). 45 I. Les droits à publier : On inscrit au livre foncier que ce que la loi prescrit d’inscrire. L’objectif est de na pas surchargé inutilement le livre foncier. A. Les droits réels immobiliers : S’agissant de ces droits réels immobiliers, l’obligation d’inscrire est quasi-systématique. On inscrit en premier lieu le droit de propriété, puis les démembrements du droit de propriété. 1. La propriété : Le droit de propriété le plus traditionnel est la propriété d’une parcelle avec tout ce qu’elle contient (propriété du dessus et du dessous). On peut imaginer une division horizontale juridique de la propriété du dessus et du dessous. On peut ne vendre que le dessus (droit de superficie) ou ne vendre que le tréfonds. La copropriété est une propriété sur une même parcelle ou l’on empile des lots appartenant à des propriétaires différents. Cette propriété est inscrite au livre foncier. On inscrira aussi au livre foncier les différentes charges et les différents démembrements qui peuvent affecter le droit de propriété : les servitudes, 2. Les servitudes : C’est une charge qui grève une parcelle au profit d’une autre parcelle (c’est souvent un droit de passage). Les servitudes doivent être inscrites au livre foncier pour être opposables aux tiers. En pratique tout dépend de quand date la servitude : - - Les servitudes dites du Code Civil (depuis 1924) : il convient de distinguer les servitudes légales et les servitudes du fait de l’homme. Les servitudes légales sont les servitudes imposées par la loi quand certaines conditions sont réunies (la servitude légale de passage pour cause d’enclave). Celle-ci n’a pas à être inscrite au livre foncier, elle est opposable sans inscription au livre foncier. Les servitudes du fait de l’homme doivent être inscrites au livre foncier, à peine d’inopposabilité aux tiers. Ces servitudes recouvrent trois origines distinctes : la servitude qui née d’une convention, la servitude acquise par prescription (doit être exercée au moins 30 ans et doit être continue et apparente), la servitude par destination du père de famille (ces dernière sont opposables aux tiers sans avoir à être inscrites au livre foncier). Les servitudes nées du temps du Code Civil allemand (entre 1900 et 1924) : le Code Civil allemand avait une conception plus large de la notion de servitude. En droit français, une servitude a un caractère réel, c'est-à-dire qu’elle grève et bénéficie à un fond. Il n’y a pas de servitudes personnelles, à la charge ou au profit d’une personne. En droit allemand l’on ne voyait pas d’inconvénient à laisser cohabiter les servitudes personnelles et réelles. La loi de 1924 n’a pas abrogée les servitudes constituées pendant la période de l’annexion. L’article 111 de la loi de 1924 prévoit que les servitudes personnelles continuent à s’appliquer avec la précision que les modes d’extinctions seront tout à la fois ceux prévus par la législation française et la législation allemande ancienne. 46 - Les servitudes nées avant 1900 : avant 1900 il n’y avait pas de livre foncier dans les 3 départements et s’appliquait le système de la conservation des hypothèques pour la publicité foncière. La solution traditionnelle était qu’à partir du moment où une servitude avait été régulièrement répertoriée à la conservation des hypothèques, cette dernière était opposable aux tiers, même si elle n’avait pas été reprise au livre foncier lorsqu’il est entré en vigueur. Le problème était qu’en 1980-1990 il n’était pas évident de démontrer l’opposabilité aux tiers d’une servitude née avant 1900 car il n’était pas facile de retrouver le titre et la preuve de la transcription. Il y avait un risque d’insécurité juridique. Ainsi, le législateur est intervenu par une loi de 2002 et a prescrit un délai de 5 ans pour reporter au livre foncier toutes les servitudes constituée avant 1900 et qui n’auraient pas encore étaient reportées au livre foncier. Récemment il y a eu une QPC concernant ce dispositif de la loi de 2002 car un plaideur a fait valoir que la sanction de l’extinction des servitudes dont on n’aurait pas effectué le report dans le délai de 5 ans était attentatoire au droit de propriété. La Cour de Cassation a renvoyé le dossier au Conseil Constitutionnel en septembre 2011. Ce dernier a répondu que, certes au bout de 5 ans la servitude est éteinte, mais encore faut-il préciser que ce n’est que dans la mesure où le titulaire n’a pas fait les démarches. Cela est lié à une carence du titulaire de la servitude. De plus, le Conseil Constitutionnel a observé que le dispositif mis en place par la loi de 2002 avait pour objet de clarifier les choses s’agissant des servitudes constituées avant 1900, celles-ci étant difficiles à retrouver avec le temps, et créant un réel risque d’insécurité juridique de voir des servitudes mises en avant, constituées avant 1900, sans qu’il soit possible de retrouver la trace de cela. Le Conseil Constitutionnel a donc été sensible à la préoccupation de sécurité juridique. 3. Usufruit et droit d’usage : La propriété est le cumul des démembrements du droit de propriété (usus, fructus, et abusus). L’usufruitier à l’usus et le fructus seulement. Le droit d’usage est un diminutif de l’usufruit. Ce dernier n’a que l’usus, et pas le fructus. L’usufruitier d’une maison peut y habiter (usus) et louer cette dernière (fructus). Le titulaire du droit d’usage ne peut qu’y habiter. L’usufruit et respectivement le droit d’usage doivent être inscrits au livre foncier pour être opposable aux tiers. Il y a une difficulté en ce qui concerne l’usufruit. En effet, l’article 38 de la loi de 1924 prescrit l’inscription au livre foncier, s’agissant de l’usufruit établit par la volonté de l’homme. A contrario, si l’usufruit résulte de la loi, il n’a pas à être inscrit au livre foncier, et il sera opposable aux tiers. Mais y a-t-il encore des usufruits légaux ? Jusqu’en 2002 il y avait un usufruit (il était d’1/4) légal en matière successorale au profit du conjoint survivant. Par une loi de 2002 le législateur a modifié les droits successoraux du conjoint survivant dans un sens plus généreux. Il s’agissait de transformer les droits d’usufruit en droit de pleine propriété. De surcroit, dans le cas ou tous les enfants sont communs le conjoint survivant à une option, il peut choisir entre la pleine propriété et l’usufruit de la totalité de la succession. Cet usufruit est-il légal car il découle de la volonté du survivant et non de la loi ? Ce nouvel usufruit doit être inscrit dans el livre foncier pour être opposable aux tiers car il ne trouve plus seulement sa source dans la loi, mais aussi dans la volonté du survivant. 4. Les sûretés réelles : 47 Les sûretés réelles à inscrire au livre foncier sont celles du Code Civil. Outre cela, il existe une sûreté spécifique au droit local appelée la prestation foncière. Il s’agit d’une sûreté réelle qui garantie l’exécution de prestations périodiques stipulées au profit d’une personne qui a aliéné un immeuble (vendu, donné, …). Il s’agit de la personne qui a cédé un bien moyennant une rente viagère. La sûreté réelle garantie le paiement de la rente viagère. Cette sûreté déroge au principe de droit général de la spécialité de l’inscription. En droit général, quant on inscrit une sûreté réelle, il faut préciser la somme pour laquelle l’inscription est prise en garantie. La difficulté lorsqu’une personne vend un bien moyennant une rente viagère est qu’on ne sait pas trop le montant garantir (c’est le cumul des rentes, mais on ne connait pas la durée de vie). L’intérêt de la prestation foncière est qu’on n’a pas besoin d’indiquer le montant prévisionnel de la somme à garantir. En outre, cette sûreté est assortie d’un droit de suite renforcé. Une sûreté classique est une forme de gage et est assortie, au profit du créancier, du droit de préférence (droit de le faire vendre aux enchères), et le droit de suite (droit de faire vendre le bien quelque soit les mains entre lesquelles il se trouve). La prestation foncière comporte un droit de suite renforcé car si le bien est vendu, la rente devient une charge personnelle du nouveau propriétaire. Dans le cadre de la prestation foncière, s’il y a aliénation du bien, le nouveau propriétaire n’est pas seulement contraint de subir le droit de suite, mais de surcroit il devient personnellement propriétaire. B. Certaines droits personnels : Il y a deux droits personnels qui doivent être inscrits au livre foncier à peine d’inopposabilité : - - Les baux de plus de 12 ans : le principe est qu’un bail n’a pas à être inscrit au livre foncier. Il n’en n’est pas moins opposable aux tiers. Ce principe connait un tempérament concernant les baux de plus de 12 ans. Dans ce cas le bail doit nécessaire être inscrit au livre foncier à peine d’inopposabilité. En outre, il existe des catégories de baux qui ne sont plus des droits personnels tels que les baux emphytéotiques ou de construction qui confèrent au preneur un droit réel. Ils doivent nécessairement être inscrits au livre foncier. Les quittances de loyer de plus de 3 ans : il s’agit du cas ou un bail est conclu et le locataire paye d’emblé, en bloc son loyer pour 3 ans. Pour que ceci soit opposable aux tiers, il faut que ca soit inscrit au livre foncier. C. Restrictions au droit de disposer : 1. Les restrictions légales : Le principe est que ces restrictions sont opposables aux tiers sans à avoir être inscrit au livre foncier (principe selon lequel nul n’est sensé ignorer la loi). Ce principe comporte des tempéraments. Il y a deux restrictions au droit de disposer qui doivent être inscrites au livre foncier, à savoir le droit à la résolution d’un contrat synallagmatique et le droit à la révocation d’une donation (quant une personne donne un bien, elle peut révoquer cette donation pour ingratitude, survenance d’enfant, ou inexécution des charges). Ce droit de révocation à la donation est facultatif. Ces différents cas de révocation d’une donation ne sont opposables aux tiers que s’ils ont été publiés au livre foncier. 48 Ces restrictions légales sont les deux seules restrictions légales devant être inscrites à peine d’inopposabilité, les autres restrictions légales n’ont pas à être inscrites au livre foncier (la nullité pour vice du consentement, l’action en rescision pour lésion). 2. Les restrictions découlant de la volonté de l’homme : Toutes les restrictions au droit de disposer découlant de la volonté de l’homme doivent être inscrites au livre foncier pour être opposables aux tiers (promesse de vente). 3. Les restrictions judiciaires : En l’état actuel il y a deux séries de restrictions judicaire au droit de disposer qui doivent être inscrites à peine d’inopposabilité : - - La procédure d’exécution forcée immobilière : cette procédure permet à un créancier de faire vendre un bien appartenant à son débiteur aux enchères. Cette procédure est ordonnée par le Tribunal d’Instance. Elle doit être inscrite au livre foncier. Par ailleurs, depuis 1990 les demandes en justice qui tendent à obtenir la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision d’une convention ou d’une disposition à cause de mort doivent être publiées au livre foncier à peine d’irrecevabilité de l’action. 4. La prénotation : C’est une procédure qui permet d’assurer le rang d’un droit qui ne peut pas encore être inscrit définitivement. Exemple : une vente immobilière intervient mais elle a été affectée d’une condition suspensive. La vente n’est pas définitive. Donc pendant tout le temps ou l’on est dans le temps de la réalisation de la condition suspensive, le transfert de propriété n’est pas effectué, donc on ne peut l’inscrire au livre foncier. Néanmoins l’acquéreur peut avoir le souci de mettre en évidence le rang de l’inscription. C’est pour éviter cela qu’il est permis par la prénotation de faire prendre date à la vente conditionnelle en attendant qu’elle puisse être inscrite définitivement au livre foncier, moyennant quoi , sous réserve que la condition se réalise, la vente conditionnelle prendra rang rétroactivement et par voie de conséquence toutes autres inscriptions prises postérieurement à la prénotation sont inopposables à l’acquéreur. II. Le processus de l’inscription au livre foncier : Pour parvenir à cette inscription il y a des conditions de fond et de forme à respecter et quand elles le sont cette inscription s’opère par la voie d’une décision du juge du livre foncier. A. Les conditions de l’inscription : 1. Les conditions de fond : Ces dernières tournent autour de deux principes : le principe relatif de l’inscription et le principe de légalité. 1.a. Le principe relatif à l’inscription : Définition : 49 L’objectif poursuivi est d’assurer la continuité dans la chaine des inscriptions. Pour parvenir à cet objectif il y a deux règles : - - Le droit de propriété d’une personne ne peut être publié au livre foncier tant que le droit de propriété de son auteur n’est pas lui-même publié : A vend son bien à B et il revend à C. Si cela se passe dans un l’abs de temps restreint, si la durée du droit de propriété de B a été très courte, l’on ne pourra pas procéder au transfert de propriété au livre foncier directement de A à C. Un droit qui grève un bien du chef du propriétaire ne peut être publié que si le propriétaire lui-même est inscrit comme tel au livre foncier. Exceptions : Les exceptions sont au nombre de deux et l’une concerne les héritiers et l’autre la technique de la prescription acquisitive. L’une concerne les héritiers : les héritiers d’un défunt qui veulent disposer d’un bien doivent d’abord faire publier la transcription du bien à leur nom. Mais si les héritiers procèdent à la vente du bien dans les 10 mois du décès, ils ne sont pas tenus de demander la transcription préalable du bien à leur nom, le bureau foncier étant tenu de basculer le bien du nom du défunt au nom de l’acquéreur. De même, s’il y a pluralité d’hériter et que l’on procède à un partage, en principe l’on doit transcrire les biens en indivision. Là encore, si le partage intervient dans les 10 mois du décès le bien peut directement être basculé du défunt à chacun des attributaires. L’autre relève de la technique de la prescription acquisitive (usucapion) : lorsque les conditions de la prescription acquisitives sont réunies il peut y avoir une difficulté pour inscrire le bien usucapé au nom de celui qui revendique la propriété. C’est surtout vrai si celui qui était jusqu’alors inscrit comme propriétaire ne consent pas spontanément à signer un acte pour reconnaitre que les conditions sont réunies. La difficulté n’est pas la même selon les circonstances. - - Concernant le cas ou le bien n’est pas inscrit au livre foncier et qu’une personne revendique l’usucapion au regard d’une parcelle non inscrite au livre foncier il suffit de montrer qu’elle rempli les conditions de l’usucapion. Concernant le cas ou l’on revendique l’usucapion par rapport à une personne déjà inscrite au livre foncier, si la personne inscrite est d’accord pour concourir un acte notarié et reconnaitre qu’elle n’a plus exercée son droit de propriété depuis plus de 30 ans et que c’est l’autre personne qui l’a fait, il n’y a pas de problème. Ce cas concerne les personnes qui ont disparues de la circulation. Comment faire pour opérer la mutation du bien dans ce cas ? Pendant longtemps le seul moyen était d’introduire une action contentieuse devant le TGI. Le décret du 3 décembre 2002 est venu simplifier les conditions d’inscription au livre foncier sur le fondement de la prescription acquisitive. Lorsqu’une personne prétend que depuis au moins 30 ans elle a la possession paisible, publique et ininterrompue du bien immobilier elle va déposer une requête auprès du juge du livre foncier (la personne doit amener des preuves de la situation de fait comme le fait de payer les impôts fonciers ou des témoignages). Avant d’y donner une suite il doit procéder à l’instruction. L’idée est de permettre à celui qui est encore inscrit au livre foncier de manifester son point de vue. Si l’adresse du titulaire du droit ou des héritiers est connue le greffier du livre foncier va 50 notifier la requête aux intéressés. Si par contre, l’adresse du titulaire ou des héritiers est inconnu, le juge du livre foncier procèdera à une publicité légale (affichage d’un avis au greffe du livre foncier, avis inséré dans un journal d’annonces légales du département, avis affiché à la mairie). Concernant le contenu de cet avis, il prendra la forme d’une sommation adressé au titulaire du droit de faire valoir ses observations. Le juge doit également aviser le procureur de la république. Lorsqu’il a été procédé à toutes ces mesures, il accueillera ou n’accueillera pas la demande. Et si la procédure prend une forme contentieuse, le juge du livre foncier est dessaisi car il est un juge de la juridiction gracieuse, il n’a pas vocation à trancher des contentieux entre les parties et le contentieux se déroulera devant le TGI. Dans le cadre de la procédure gracieuse et que le juge considère pertinent les arguments présentés, il rendra une ordonnance radiant l’ancien propriétaire et ordonnera l’inscription du nouveau propriétaire. 1.b. Le principe de légalité : Lorsqu’il est requit l’inscription d’un droit au livre foncier un acte notarié va être présenté au juge, et ce dernier devra ordonner la radiation de l’ancien titulaire et l’inscription du nouveau. Comme le juge du livre foncier est un magistrat, sa mission n’est pas purement formelle, la loi lui reconnaissant des pouvoirs d’investigations. Il rendra d’ailleurs son ordonnance qu’après avoir procédé aux investigations prévues par la loi. C’est là la différence entre le juge du livre foncier et le conservateur des hypothèques (il n’est pas un magistrat et on ne lui reconnait pas de pouvoir d’investigation). Quoi qu’il en soit, le juge du livre foncier doit opérer un contrôle de légalité de l’acte qui lui est soumis. Ce contrôle a une autre conséquence, à savoir la présomption d’exactitude qui est attachée à l’inscription du livre foncier. Les pouvoirs d’investigation du juge du livre foncier prévus par la loi de 1924: C’est l’article 46de la loi de 1924 qui indique quels sont les pouvoirs d’investigation légaux qui précise que le juge du livre foncier vérifie si le droit visé dans la requête est susceptible d’être inscrit, si l’acte répond aux conditions de formes prévue par la loi, si le droit est d’ors et déjà inscrit au livre foncier, est si les parties sont capables ou bien représentée. L’extension jurisprudentielle des pouvoirs d’investigation du juge du livre foncier : Quand l’article 46 parle de la vérification de la capacité des personnes, il faut alors vérifier si un cas de nullité relative existe ou non. Une extension est intervenue car la jurisprudence prévoit qu’audelà du seul cas de l’incapacité, si le juge du livre foncier décèle un cas de nullité absolue il doit refuser l’inscription. En cas de nullité absolue il faut que cette dernière soit tout de même flagrante et il faut qu’elle affecte l’acte dans son ensemble. Concernant la nullité relative, elle peut être couverte par les parties (elles peuvent faire le choix de confirmer l’acte affecté d’une nullité relative). Donc si on permettait au juge du livre foncier de refuser l’inscription d’un droit pour nullité relative, le juge pourrait faire obstacle au droit des parties de confirmer un acte affecté d’une nullité relative. 51 2. Les conditions de forme : 2.a. L’article 42 de la loi du 1er juin 1924 : Cet article prescrit que pour pouvoir publier un droit au livre foncier il faut que ce dernier ait été constitué sur la base d’un acte notarié. L’authenticité est une condition de forme pour parvenir à la publicité foncière. La particularité du droit local est que l’authenticité est une condition de forme pour parvenir à la publicité foncière, mais aussi pour assurer l’efficacité de l’acte. Dans les autres départements l’authenticité est aussi requise pour pouvoir mettre en œuvre la publicité foncière. Mais une vente immobilière établie sous seing privée n’est pas nulle pour autant, mais impubliable et donc inopposable aux tiers. La différence en droit local est qu’une mutation de propriété d’un droit réel immobilier ou d’une constitution de servitudes, si elle est faite sous seing privé, elle est non publiable mais si dans les 6 mois da l’acte elle n’a pas était réitéré sous forme d’acte authentique, elle est caduque. L’article 42 alinéa 1er précise que tout acte portant sur un droit susceptible d’être inscrit doit être, pour les besoins de l’inscription, dressé en la forme authentique par un notaire, un tribunal, ou une autorité administrative. L’Etat et les collectivités territoriales peuvent ainsi établir des actes qui ont valeur d’acte authentique pour opérer la mutation de propriété immobilière par, ou au profit de l’Etat, des collectivités territoriales ou établissements publics. L’article 42 alinéa 2 de la loi de 1924 sanctionne par la caducité les actes sous seing privés ou les actes d’un notaire étranger et qui ne sont pas suivis d’un acte de réitération dans les 6 mois. Ce délai s’applique aux actes entre vifs, translations de propriété immobilière ou translatant une servitude foncière. Comment se calcul ce délai de 6 mois ? Concernant le cas de la promesse unilatérale de vente ou d’achat, il s’agit d’un acte ou le promettant s’engage à vendre si le bénéficiaire de la promesse se décide à acheté. Dans une promesse unilatérale le bénéficiaire de la promesse s’engagera le jour ou il lèvera l’option. Dans ce cas le délai de 6 mois court le jour ou l’option est levée car c’est à ce moment qu’il y a un accord de volonté. Concernant le cas de la promesse synallagmatique (promesse ou chacun s’engage qui est assortie de conditions suspensives) une controverse est née pour savoir si le délai de 6 mois court du jour de la promesse unilatérale ou du jour ou les conditions suspensives sont réalisées. La question n’a pas véritablement été tranchée. Arrêt de 1970 de la Cour de Cassation : le point de départ du délai de 6 mois est la date de la promesse synallagmatique. Arrêt de 1976 de la Cour de Cassation : cette dernière a changé d’avis et elle considère que le point de départ est la date ou les conditions suspensives ont été réalisées. Quelle est la sanction du non respect de ce délai ? La sanction est la caducité de l’acte et de ce point de vue la rédaction de l’article 42 de la loi de 1924 a évolué. Jusqu’en 2002 la sanction du non respect du délai de 6 mois était la nullité de l’acte en sa totalité et donc il ne pouvait produire aucun effet. Le législateur a considéré que cette sanction de nullité n’était pas adaptée car elle sanctionnait un vice qui affectait un contrat dès l’origine. Or dans le cas de l’article 42, à l’origine et en moins pendant 6 mois, l’acte n’était pas nulle mais valable donc il semblait illogique de sanctionner par la 52 nullité l’acte alors qu’en lui-même il ne comportait pas le germe même de la nullité au départ. C’est la raison pour laquelle il est apparu plus exacte en 2002 de remplacer la nullité par la caducité (sanctionne un acte en ce sens qu’il ne produira plus d’effet mais ce n’est pas pour autant qu’il a été affecté d’un vice originel). Il y a eu une incidence plus concrète au niveau de la clause pénale. Lorsqu’une partie de respecte pas ses engagements, sa responsabilité civile contractuelle peut être mise en cause. En principe l’indemnisation est fixée par un tribunal, mais le Code Civil permet également aux parties de s’entendre dès le départ du montant d’une indemnisation forfaitaire en cas de non respect des engagements de l’une des parties. La clause pénale évite donc d’aller devant le juge. Or, il peut arriver que si la vente ayant fait l’objet d’une promesse ne se réalise pas dans les 6 mois cela soit du au comportement fautif de l’une des parties. Du temps ou la sanction du non respect du délai de 6 mois était la nullité, tout tombait à l’eau. Et même si l’on avait prévu une clause pénale dans l’avant contrat, et bien dans la mesure où il était nul, il l’était en toutes ses dispositions et donc la clause pénale était emportée dans la vague de nullité et elle ne s’appliquait pas. La nouvelle sanction de la caducité a amenée la jurisprudence à reconsidérer les choses. L’acte est caduc mais pas nul, et donc la clause pénale s’applique (elle est destinée à sanctionner un manquement contractuel). Comme la caducité est la conséquence d’un manquement contractuel, il serait paradoxal que la clause pénale ne puisse pas s’appliquer. C’est par un arrêt du 9 juin 2010 que la Cour de Cassation a clôturé le débat en jugeant que la sanction de la caducité ne concernait que l’acte en tant qu’il portait transfert de propriété, mais que la caducité n’affectait pas la clause pénale. Que faire si le cocontractant ne compte pas venir chez le notaire signer l’acte ? D’après l’article 42, pour échapper au couperai il faut introduire une demande en justice avant le terme des 6 mois. 2.b. La forme des mandats, les législations : Le principe est posé à l’article 54 d’un décret de 2009 et il est précisé que toute procuration destinées à établir un acte soumis à publicité foncière, doit être passée en la forme authentique ou authentiquement légalisée. Authentiquement légalisé renvoi à la procuration sous seing privé ou la signature est légalisée par le notaire. A contrario, une procuration sous seing privé sans légalisation est inefficace et l’acte lui-même est impubliable au livre foncier. Ce principe comporte des tempéraments : - - Dans le sens d’une plus grande exigence : si l’acte principal lui-même doit être établi en la forme authentique pour sa validité même, et bien le mandat devra obligatoirement être fait sous la forme authentique et l’on n’aura pas de choix alternatif. Dans le sens d’une exigence moindre : il y a deux cas. Lorsque le mandat est donné par une autorité publique pour le compte d’une personne publique, l’acte peut être fait sous seing privé mais il doit y avoir le sceaux de la république. En outre, un autre tempérament qui résulte de l’article 1844 du Code Civil prévoit qu’il peut être consenti une hypothèque ou tout autre sûreté réelle sur les biens d’une société en vertu de tout pouvoir résultant de délégation ou de délibération établie sous seing privé, alors même que l’établissement de cette sûreté doit être fait sous acte authentique. Concrètement si une société est amené à hypothéquer un immeuble en garantie d’un crédit, le représentant de la société pourra signer l’acte sur la base de délégation de pouvoirs établis sou seing privé. Cet article 1844 du 53 Code Civil, dans la mesure où il constitue une exception aux règles de droit général, doit constituer une exception aux règles de droit local. Lorsque le juge du livre foncier, saisi d’une requête, conclu qu’elle remplie toute les conditions de fond et de formes, il rend une ordonnance d’instruction. B. La décision du juge du livre foncier et les voies de recours : Le juge du livre foncier peut soit rendre une ordonnance d’inscription, soit ne pas faire droit à la requête. Il peut considérer qu’en l’état la requête ne peut donner lieu à une décision d’inscription. Il y a donc un obstacle, mais il peut être définitif ou temporaire. En cas d’obstacle temporaire il rendra une ordonnance intermédiaire et si à la suite de cette dernière il reçoit satisfaction, il rendra l’ordonnance d’inscription. Si par contre on ne lui fourni pas de réponse satisfaisante, si l’obstacle devient insurmontable ou s’il l’était dès le départ le juge rendra une ordonnance de rejet. Comment faire si l’on n’est pas satisfait de la décision rendue par le juge ? Dans ce cas l’on formule un pourvoi (qu’en cas d’ordonnance de rejet). L’article 89 du décret de 2009 prévoit le principe selon lequel on ne se pourvoi pas devant une ordonnance d’inscription. On ne se pourvoit pas non plus contre une ordonnance d’intermédiaire. En définitif l’hypothèse de se pourvoi ne peut se présenter qu’au regard d’une ordonnance de rejet. Comme on est dans le domaine de la procédure gracieuse, le pourvoi est tout à la fois une voie de réformation et de rétractation. Le juge du livre foncier ainsi deux possibilités, ou bien il se rend aux arguments présentés et il retire sa décision de rejet initial (pourvoi qui fait voie de rétraction), ou bien le juge confirme sa décision est renvoi le dossier à la Cour d’Appel (pourvoi qui fait voie de réformation). Le pourvoi doit être déposé dans les 15 jours et quand un pourvoi est déposé en contestation d’une décision de rejet, le rang de l’inscription requise qui a essuyé un rejet est momentanément conservée jusqu’à ce que la Cour ‘Appel ait rendu sa décision. III. Les effets de l’inscription au livre foncier : A. La durée de l’inscription : Le principe est qu’une fois que le droit est inscrit, il l’est pour une durée indéterminée, et il ne peut être radié qu’avec le consentement du titulaire du droit. Il y a des exceptions à ce principe : - - L’usucapion : lorsqu’une personne démontre au livre foncier qu’elle réunie les conditions de la prescription acquisitive, le juge va d’office rayer l’ancien propriétaire sans lui demander son consentement. Les inscriptions concernant des droits affectés d’un terme extinctif : lorsqu’on inscrit au livre foncier un droit affecté à un terme extinctif, et bien une fois le terme intervenu l’on peut demander la radiation du droit sur simple requête. Le terme est déterminé lorsque le droit est inscrit pour X années. Le terme est indéterminé en cas d’usufruit (la radiation suppose une requête mais l’acte notarié n’est pas nécessaire). 54 B. La présomption d’exactitude attachée à l’inscription : L’article 41 de la loi de 1924 précise que l’inscription ou la prénotation d’un droit emporte présomption d’exactitude attachée à l’inscription. Une personne inscrite au livre foncier est présumée titulaire du droit inscrit à son nom. Les fondements de la présomption d’exactitudes en droit local sont le principe de légalité et les règles concernant la forme des actes (cette présomption n’existe pas en vieille France et on ne connait pas non plus le principe de légalité).L’inscription à la conservation des hypothèques ne prouve en soi rien de particulier, si ce n’est qu’il y a eu un acquisition. A l’inverse celui qui est inscrit en Alsace-Moselle comme titulaire d’un droit est présumé titulaire de ce droit. Ceci a une implication pratique importante. En droit général, quand quelqu’un vend un bien et veut justifier qu’il est valablement propriétaire, il va produire son acte d’achat. Mais le vice qui pourrait affecter le droit de propriété de l’intéressé pourrait concerner l’ancien propriétaire. Donc en vieille France on ne peut se contenter du titre de propriété du vendeur, il faut regarder les précédents pour voir s’ils ne contiennent pas des vices quelconques. Il faut remonter la chaine des inscriptions de 30 ans (nullité absolue, prescription). Ce travail d’investigation n’est pas nécessaire en Alsace-Moselle puisque à l’inscription d’un droit au nom d’une personne est attachée cette présomption d’exactitude. C. La sanction du défaut d’inscription : La sanction est l’inopposabilité aux tiers d’un droit qui devrait être inscrit et qui ne l’est pas. Premier exemple : une personne A qui est propriétaire d’un bien et elle le vend 2 fois à B et à C en vue d’encaisser 2 fois le prix. Qui de B ou C peut donc faire valoir son droit de propriété ? Ce ne sera pas la date de l’acte qui sera décisive à cet égard, mais la date de la publication. Ainsi si le droit de propriété de B a été publié en premier, c’est lui qui sera propriétaire et son droit sera opposable aux tiers, et inversement. Deuxième exemple : il s’agit de s’intéresser à une servitude conventionnelle. Une personne est propriétaire d’un bien et concède une servitude de passage à son voisin. Cette servitude n’est pas publiée au livre foncier. Parla suite, le propriétaire qui avait initialement consenti la servitude vend son bien. Le nouveau propriétaire se rend compte du droit de passage mais non publié au livre foncier, il pourra alors dire que la servitude est inopposable. Il y a tout de même un tempérament au principe de l’inopposabilité aux tiers, à savoir la fraude. Il s’agit du cas où le tiers qui se prévaut de l’inopposabilité se serait lui-même rendu coupable de manœuvres frauduleuses. Exemple de la servitude : si à l’occasion de la vente le vendeur du fond servant a dument éclairé son acheteur sur l’existence de la servitude et où l’acquéreur s’est engagé à la respecter, publier ou non elle sera opposable à l’acquéreur. 55 IV. Particularités concernant les hypothèques et privilèges : Les hypothèques et privilèges sont des sûretés réelles qui confèrent à leur titulaire un droit de préférence, c’est à dire le droit d’être payé en priorité. Il est opposé au créancier chirographaire qui est celui qui n’a aucune sureté particulière. Si la sureté dont une personne est titulaire est spéciale (grève un bien en particulier), le bénéficiaire de la sureté bénéficie d’un droit de suite (droit de faire vendre le bien quelque soit les mains dans lesquelles il se trouve et de se payer en priorité sur le produit de la vente). Cela est valable en droit local et en droit général. Les particularismes apparaissent en ce qui concerne le principe de publicité, la durée des inscriptions, l’arrêt du cours de l’inscription et le principe de spécialité. A. Le principe de publicité : Le particularisme réside dans le fait qu’en droit local il n’y a pas en principe de privilège occulte. Autrement dit, une sureté doit être inscrite au livre foncier pour être opposable aux tiers. Mais il y a des exceptions qui sont apparues au fil du temps par influence du droit général car il y a deux sûretés qui sont opposables aux tiers sans inscription au livre foncier en droit local : - Les privilèges généraux i: c’est un privilège qui porte sur tous les immeubles du débiteur. Il y a deux privilèges généraux dispensés de la formalité d’inscription en droit local, à savoir le privilège des frais de justice, et le privilège des salaires. Ces derniers sont dispensés de l’inscription au livre foncier conformément à l’article 47 de la loi de 1924. - Le privilège du syndicat des copropriétaires : lorsqu’un copropriétaire ne paye pas ses charges dans une copropriété, le syndicat dispose d’un privilège qui lui permet de récupérer les fonds qui lui sont dus à l’occasion d’une vente à l’amiable, soit par une vente par adjudication. B. La durée des inscriptions : Ici, le particularisme existe plus en ce qui concerne le point de départ de la durée que le point d’arrivée. Le point de départ de l’inscription : L’inscription d’une sureté réelle prend date du jour du dépôt de la requête et il n’y a pas d’effet rétroactif alors qu’en droit général le principe est le même et comporte des exceptions : - Le privilège de vendeur d’immeuble en droit général : si une personne vend un immeuble et qu’elle n’encaisse pas le prix immédiatement, elle bénéficie d’un privilège de vendeur d’immeuble. Ce dernier garanti au vendeur, s’il n’est pas payé de son prix, de pouvoir faire vendre aux enchères. La particularité est que si la vente est publiée dans les 2 mois de sa date, le privilège de vendeur d’immeuble prend date rétroactivement le jour de la vente. En, droit local il prend date le jour du dépôt de la requête. - Le privilège de prêteur de denier : ce dernier prend date rétroactivement le jour de la vente. 56 Le point d’arriver de l’inscription : Il n’y a pas de particularisme en ce qui concerne ce dernier en droit local. En droit général, le principe est qu’une sureté est inscrite pour la durée de la créance, majoré d’un an, sans que le tout ne puisse dépasser 50 ans. Il y a deux cas particuliers : - La créance est à durée indéterminée : dans ce cas la durée est fixée par les parties, mais sans que ca ne puisse dépasser 50 ans. - Inscription d’une sureté réelle pour garantir une créance préexistante : on va convenir d’une sureté, mais qui va garantir une créance préexistante. Le législateur a prévu qu’une telle sureté ne pouvait être inscrite que pour une durée maximum de 10 ans (l’inscription peut être renouvelée). Si le créancier est remboursé par anticipation, la question de la radiation anticipée de la sureté se pose. En contrepartie l’hypothèque est également radiée par anticipation. Il y a deux techniques juridiques pour radier les hypothèques ou privilèges : - La main levée : c’est un acte notarié ou le créancier déclare qu’il a été remboursé et qu’il donne main levée pour la levée de l’hypothèque. - La main de levée simplifiée : une ordonnance de 2006 est venu simplifier le formalisme des radiations est il est permis d’établir des actes permettant d’obtenir la radiation d’une hypothèque ou d’un privilège sans comparution de créancier. Il s’agit de la main de levée simplifiée que le notaire fait seul, mais il doit tout de même s’appuyer sur un écrit du créancier. C. Arrêt du cours des inscriptions : Le prononcé d’une procédure collective, d’une procédure de liquidation ou redressement judicaire provoque l’arrêt du cours des inscriptions. En effet, à ce moment il ne peut plus être inscrit d’hypothèque ou de privilège sur le bien en question. Cela résulte de l’article L622-30 du Code de Commerce qui s’applique de la même manière et droit général et local. Un jugement d’ouverture de redressement ou liquidation judicaire n’a pas à être inscrit sous forme de restriction à disposer au livre foncier. Le jugement est opposable comme tel au tiers, et il est exclut que l’on impose une mention de ce jugement au livre foncier. D. Le principe de spécialité : Le principe de spécialité signifie que la sureté ne peut garantir que la ou les sommes mentionnées dans la requête et reportée dans l’inscription elle-même. L’on ne peut pas inscrire une sureté pour un montant indéterminé. Ce principe comporte une exception qui est la prestation foncière (suretés qui garantissent le paiement d’une prestation viagère). Le principe de spécialité appelle des précisions. Le principe est que l’on inscrit pour la somme due en principal, les intérêts (la loi garantie d’office 3 années d’intérêt), et les frais et accessoires (sommes que le créanciers pourrait être amené à avancer à son débiteur pour la conservation du gage, mise en œuvre des voix d’exécution). 57 Concernant la somme due en principale il peut y avoir des difficultés lorsque la monnaie de référence est étrangère (car on ne peut inscrire une hypothèque au livre foncier dans une autre monnaie que l’euro). On peut également inscrire au livre foncier une provision pour lettre de change. Enfin, il existe également l’hypothèque rechargeable (on empreinte une somme à la banque et on lui confère une hypothèque. En temps ordinaire l’hypothèque garantie la somme empruntée et rien d’autre). 58 Chapitre 3 : La perte du droit de propriété Cela englobe la procédure de la faillite civile et de l’exécution forcée immobilière. I. La faillite civile : En droit général, il existe les procédures collectives qui comportent la procédure de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire. Exemple : il y a à la base une entreprise qui ne va pas bien économiquement. Tantôt la situation est irréversible, tantôt elle peut être réversible. Ans ce second cas le tribunal de commerce ordonnera l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire. Dans le cas de la liquidation au contraire, le tribunal part du constat que tout est foutu. En droit local il y avait à l’origine une loi spécifique concernant les faillites de 1877. Cette dernière a été maintenue en vigueur par la loi commerciale de juin 1924. L’article 22 de cette dernière a, au départ, maintenu le droit local en la matière. Par la suite, le droit local s’est peu à peu réduit chaque fois car dès qu’il y avait une réforme du droit général le législateur en a profité pour l’étendre au droit local. Finalement aujourd’hui les particularismes du droit local concernant les procédures collectives se limitent à deux choses, à savoir en ce qui concerne les personnes susceptibles de faire l’objet d’une procédure collective et ce qui concerne les conditions d’ouverture de la procédure collective. Pour tout le reste on applique le droit général. Particularisme concernant les personnes éligibles à une procédure collective : De ce point de vue le champ d’application du droit local s’est réduit. En effet, relèvent du droit général toutes les personnes morales de droit privé (société, association), les personnes physiques ci après (les commerçants, artisans, agriculteurs et personnes exerçant une professions libérale). Ne relèvent du droit local que les personnes physiques salariées ou sans profession. Ces dernières sont éligibles à une procédure collective et peuvent voir leur dette effacée à l’issue de la procédure. A l’inverse du droit général, ces personnes peuvent bénéficier d’une procédure collective. Particularismes concernant les conditions d’ouverture de la procédure collective : En droit général, pour être admis à une procédure de faillite civile, il faut que la personne concernée remplisse des conditions : - Elle doit être domiciliée en Alsace ou en Moselle et vouloir rester dans ce domicile. - Il faut que le débiteur soit de bonne foi. - Il faut que le débiteur soit en cessation de paiement (lorsque le débiteur est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible au moyen de son actif disponible). Ce n’est pas la même définition qui est retenue en droit local pour être admis en procédure de faillite civile. En droit local il faut être dans un état d’insolvabilité notoire. La jurisprudence considère qu’une insolvabilité notoire, à partir du moment où le créancier a exercé des voies d’exécution et qu’elles ont été infructueuses, est placée au regard de tous. La jurisprudence de la cour de Colmar a 59 ajouté une exigence dans la définition du caractère notoire de l’insolvabilité. Elle considère que l’insolvabilité ne peut être notoire si elle ne se fixe pas dans la durée TITRE II : droit judiciaire prive local Chapitre 1 : Les tribunaux I. Le tribunal d’instance : Les tribunaux d’instance ont une compétence ratione materiae dans les 3 départements qui est plus large qu’en droit général. Ils ont un socle de base commun avec le droit général, mais en plus ils ont des compétences particulières en matières civile et commerciale : - En matière civile : c’est le TI qui a en charge le livre foncier, il est l’autorité habilité à délivrer les certificats d’héritiers, et il est compétent pour les procédures d’exécution forcée immobilières et de partage judiciaire. En droit général ces procédures sont de la compétence des TGI. - En matière commerciale : le TI tient le registre du commerce et des sociétés (dans les autres départements il est tenu par le tribunal de commerce, tribunal qu’il n’y a pas dans les 3 départements). Même si c’est le TI qui tient le registre du commerce, néanmoins il n’y a qu’un seul registre du commerce par ressort de TGI. II. Le tribunal de grande instance : Le particularisme du droit local réside dans le fait que les TGI exercent également les fonctions des tribunaux de commerce (il y en a 7 dans les trois départements) avec la particularité que le ressort du TGI de Colmar déborde sur le sud du Bas-Rhin (cas unique en France). Dans les départements de vieille France, les contentieux en matière commerciale et les contentieux sur effet de commerce relèvent des tribunaux de commerce. Ces derniers sont composés de magistrats non professionnels qui sont élus par les commerçants et artisans. Le tribunal de commerce n’est constitué que de juges non professionnels, de juges consulaires. Ce système a été critiqué dans la mesure où l’on a fait valoir que les juges n’avaient pas la formation appropriée pour exercer leurs fonctions. En outre, l’on formule généralement une seconde critique selon laquelle le système des tribunaux de commerce pouvait favoriser une sorte d’affairisme. En Alsace-Moselle il existe dans chaque TGI une chambre commerciale et donc les affaires sont de la compétence de la chambre commerciale du TGI et non d’un tribunal de commerce. La chambre commerciale est constituée sur la technique de l’échevinage (il y a toujours un magistrat professionnel et deux juges consulaires lors d’une formation). Les juges consulaires sont élus de la même façon que les juges consulaires en vieille France. Cette technique permet de mieux allier l’expérience économique des juges consulaires et la formation juridique des magistrats. 60 III. La Cour d’appel : Il y a deux cours d’appel dans les 3 départements, une cour à Metz et une cour à Colmar. La Cour d’appel de Metz a été restaurée en 1973 par Pompidou, mais elle existait depuis longtemps. Sous l’ancien régime il y avait déjà à Metz un parlement. Lorsque la révolution est intervenue, il y a eu une cour d’appel dont le ressort était la Moselle, et le département des Ardennes. Il y avait déjà à l’époque cohabitation entre les cours d’appel de Nancy et Metz. En 1924, le tribunal supérieur de Colmar est devenu une cour d’appel. Les pouvoirs publics avaient installés à Metz une dépendance de la Cour d’Appel de Colmar. C’est en 1973 que cette chambre détachée a été transformée en Cour d’Appel de plein exercice et à ce moment la Cour d’appel a été restauré. Cette transformation est le fruit d’une conjonction politique favorable. La Cour d’appel de Metz est la seule cour monodépartementale de toute la France. Deux arguments ont été décisifs pour sauver la Cour d’Appel de Metz : - L’argument politique consistait à dire qu’il ne fallait pas refaire ce que les Allemands avaient fait en 1870. - L’argument technique consiste à dire que si la cour d’appel de Metz avait une compétence en droit local. Chapitre 2 : Les auxiliaires de justice et les officiers publics ministériels I. Les avocats : Pendant longtemps en droit local il n’y avait pas d’avoués (lorsque l’on plaidait devant un tribunal l’on devait avoir un avocat et un avoué qui était la personne qui écrivait, et l’avocat plaidait). On a supprimé les avoués en vieille France dans les années 1960, mais on les a maintenus en appel. En droit local il n’y a jamais eu d’avoué, pas plus en première instance, qu’en Appel. Cependant, depuis un an les avoués ont également été supprimés en appel en vieille France, de telle sorte que le particularisme a disparu. II. Les greffiers : Il y a un particularisme en matière commerciale. Les tribunaux de commerce de vieille France ont un greffier qui n’est pas un fonctionnaire de l’Etat, mais titulaire d’une charge patrimoniale (la charge de greffier se transmet patrimonialement). En Alsace-Moselle il n’y a pas de tribunaux de commerce et donc pas de greffier titulaire de sa charge. Les greffiers de la chambre commerciale du TGI sont des fonctionnaires. 61 III. Les huissiers de justice et notaires : La principale différence concerne l’absence de patrimonialité des offices dans les 3 départements. Les compétences des notaires et huissiers sont les mêmes qu’en droit général. Cependant, en ce qui concerne le mode de recrutement il y a une différence. Dans les départements de vieille France les notaires et huissier sont titulaires d’une charge (il faut traiter avec le titulaire d’un office pour être son successeur). Dans les 3 départements, les allemands ont introduit un autre système pendant le temps de l’occupation et le système de la patrimonialité a été supprimé. Ainsi, pour être huissier ou notaire dans les 3 départements, il faut passer un concours et être mis par la suite sur une liste d’aptitude. 62