Des aménagements adaptés pour la clientèle obèse

Transcription

Des aménagements adaptés pour la clientèle obèse
D O S S I E R
C L I E N T È L E
O B È S E
Des aménagements adaptés
pour la clientèle obèse
Le lit ne passe pas dans la porte ! Il faut
Jocelyn Villeneuve
asstsas
déménager le mobilier de la chambre pour transférer une personne obèse à son fauteuil roulant. Les toilettes sont trop petites, le client doit utiliser une chaise d’aisances. Ce n’est pas
particulièrement agréable pour le client, surtout s’il y a un voisin dans la chambre. Aucune installation sanitaire ne peut accommoder une personne obèse ; on doit faire sa toilette au lit.
Des telles situations sont malheureusement très courantes.
Cet article propose des critères et des esquisses d’aménagement
de chambres et de salles de bain destinées à l’accueil des clients
obèses dans les hôpitaux et les centres d’hébergement et de
soins de longue durée (CHSLD). Nous espérons ainsi contribuer
à améliorer les conditions de séjour des personnes obèses et à
faciliter le travail du personnel.
Critères d’aménagement
Pierre Poulin
asstsas
Guy Bertrand
22 – OBJECTIF PRÉVENTION – VOL. 30, NO 5, 2007
asstsas
Les chambres et les salles de bain adaptées aux personnes
obèses doivent offrir un aménagement propice à la qualité des
soins et des services, et ce, tant pour la clientèle que pour le
personnel. Vous remarquerez que les superficies indiquées dans
les critères ci-dessous sont plus grandes étant donné que le lit,
les fauteuils et les aides techniques sont surdimensionnés ; le
lève-personne sur rail au plafond (LPSRAP) a une capacité de
454 kg (1 000 lb). Autrement, les mêmes critères s’appliquent
à toutes les chambres.
Sécurité et confort pour les clients :
> une circulation aisée en fauteuil roulant ou avec d’autres
aides techniques surdimensionnés dans la chambre et la
salle de bain (diamètre de giration minimum de 1 800 mm
[71 po]) ;
> une salle de toilettes adaptée avec douche accessible, si
possible exclusive à la chambre ;
> un mobilier (meuble de chevet, table de lit, commode, TV,
fauteuil de repos) et un rangement.
Références et méthodes utilisées
Les propositions d’aménagement soumises dans cet article sont basées sur plusieurs visites
d’établissements qui reçoivent des personnes obèses, notamment des centres hospitaliers qui effectuent des chirurgies bariatriques (voir p. 17-18 de ce dossier). Des simulations ont été réalisées
avec des personnes obèses et de vrais équipements, grâce à la collaboration du Centre de distribution d’aides techniques (CDAT), organisme d’aide aux personnes obèses (voir p. 12-13 de ce dossier).
Nous nous inspirons également d’un projet de guide élaboré par le ministère de la Santé du
Manitoba (Manitoba Health) sur les conseils de Marylou Muir, conseillère en santé et sécurité du
travail au Health Science Centre de Winnipeg. Ce centre de santé, le plus important du Manitoba,
s’est doté d’une politique intégrée d’accueil des clients obèses (voir p. 14-16 de ce dossier)1. Une
autre référence de l’American Institute of Architects (AIA) nous a été très utile2. Des publications de
la compagnie Arjo3, de la Corporation d’hébergement du Québec4 et d’un des auteurs de ce texte5
ont complété les références utilisées.
Sécurité, confort et efficacité pour
le personnel :
> des dégagements suffisants autour du
lit (1 800 mm [72 po] au minimum
des trois côtés) pour utiliser les équipements et effectuer les transferts du
client en toute sécurité ;
> un LPSRP d’une capacité de 454 kg
(1 000 lb) en forme de H, selon le
principe du pont roulant pour mobiliser le client partout dans la chambre ;
il sert aussi aux activités de réadaptation dans la chambre sans avoir à déplacer le client d’un étage à l’autre.
Prévention des infections :
> un lavabo dédié au personnel à l’entrée
de la chambre et une surface de travail
distincte pour les soins (ex. : chariot de
service multichambre) ;
> en option, une zone de travail dédiée
au personnel et des surfaces de travail
distinctes pour le matériel propre et
souillé en permanence dans la chambre (recommandation à la suite des
simulations réalisées pour les deux
projets de centres hospitaliers universitaires de Montréal).
Les esquisses illustrent des aménagements qui répondent à ces critères.
D’autres aménagements sont évidemment
possibles. Nous n’entrons pas dans les
détails sauf s’il s’agit d’un point critique.
La chambre (esquisses 1 et 2)
Porte d’entrée :
> ouverture totale de 1 500 mm (60 po) ;
porte à deux ventaux (largeur : 1 200
et 300 mm [48 et 12 po]) qui permet
le passage d’un lit pour personne obèse
(largeur : jusqu’à 1 350 mm [53 po]) ;
> zone personnel soignant (optionnelle) ;
> zone bien délimitée à l’entrée de la
chambre séparée par un rideau ;
> lavabo pour lavage des mains à l’entrée
de la chambre et dissocié du comptoir
pour prévenir les éclaboussures ;
D O S S I E R
C L I E N T È L E
O B È S E
> contenant de linge souillé et poubelles sous le comptoir ;
> chariot de matériel propre rangé sous le comptoir (séparateur zone propre et souillée).
Zone du lit :
> dégagement de 1 800 mm (71 po) au minimum des trois côtés du lit (largeur : de
1 000 à 1 372 mm [39 à 54 po]) ; dégagement requis au pied du lit, car certains
lits sont conçus pour en sortir par le pied ;
> téléviseur à écran plat fixé au mur au pied du lit, à la hauteur des yeux (éviter de
le suspendre au plafond).
Rangement : espace de rangement suggéré pour une chamLes chambres et les salles de bain
bre d’adulte : 450 x 610 mm
adaptées aux personnes obèses
(18 x 24 po).
doivent offrir un aménagement
Fenestration : apport maxipropice à la qualité des soins et
mum de lumière naturelle
dans la chambre.
des services.
Toilettes et douche adaptées (esquisses 3 et 4)
> Toilettes et douche privées pour la prévention des infections, le confort du client et
pour réduire ses déplacements ;
> ouverture libre minimum de 1 200 mm (48 po) ;
> cuvette accessible des deux côtés pour assistance au transfert à deux soignants ;
> cuvette allongée (pour uriner dans la cuvette), reposant sur le sol (pour supporter
le poids), dégagée de 200 mm (8 po) du mur (pour la proéminence des fesses à
l’arrière) et de 450 mm (18 po) de hauteur sans couvercle (pour faciliter le lever
1. Chambre d’hôpital
>
>
>
>
>
>
>
du client et loger le surplus de tissus
adipeux) ;
appuie-bras rétractables au mur avec
une patte au sol (plus grande résistance au poids) ;
cuvette positionnée pour recevoir le
fauteuil roulant à 90° lors d’un transfert en pivot avec l’assistance d’un ou
deux soignants ;
douche sans seuil pour un accès sur
chaise de douche, drain avec pente
d’écoulement suffisante et revêtement
de plancher antidérapant ;
barres d’appui verticales de chaque
côté de l’espace douche ;
dégagement suffisant dans l’espace
douche pour assistance à deux soignants ;
banc mobile, ajustable en hauteur,
pour toilette à la douche ou au lavabo ;
dégagement suffisant de chaque côté
du lavabo pour assistance à deux soignants et barres d’appui pour faciliter
le maintien de la station debout.
Superficie 27,45 m2 avec zone soignant
ou 23 m2 sans zone soignant
2. Chambre de CHSLD
23 – OBJECTIF PRÉVENTION – VOL. 30, NO 5, 2007
Superficie 20 m2
D O S S I E R
C L I E N T È L E
O B È S E
Aménagement en CHSLD
Les mêmes critères d’aménagement de la chambre s’appliquent en CHSLD, sauf
qu’il n’est pas utile de prévoir une zone soignant, un lavabo suffit. Déjà, le guide
d’aménagement de la CHQ4 prévoit des critères pour la chambre d’obèse : une superficie de 20 m2 (215 pi2), un diamètre giratoire de 1 800 mm (72 po) pour le fauteuil
roulant d’obèse et une ouverture libre de 1 400 mm (55 po) pour les portes.
L’esquisse 2 rencontre ces critères.
Le guide de la CHQ prévoit une salle de toilettes partagée par deux chambres et une
salle d’eau commune pour le bain, la douche et la civière-douche. Pour des raisons
d’espace et pour l’intimité du client, la salle de toilettes pour personne obèse devrait
être privée (esquisse 4). Il serait avantageux d’y prévoir
une douche assise et sans seuil
Les grands obèses nécessitent des
qui répond aux exigences énuchambres surdimensionnées étant
mérées précédemment. Une insdonné que le lit et les aides techtallation de douche commune
pouvant recevoir les personnes
niques (fauteuil roulant, marchette,
obèses serait un compromis
etc.) sont plus volumineux.
acceptable. L’inconvénient ici
est de déplacer le client vers la salle d’eau qui doit être équipée en conséquence (lèvepersonne et autres équipements d’une capacité de 272 kg [600 lb] et plus).
Quelle proportion de chambres pour grands obèses ?
Les grands obèses nécessitent des chambres surdimensionnées étant donné que le
lit et les aides techniques (fauteuil roulant, marchette, etc.) sont plus volumineux.
D’après Statistique Canada, la proportion de grands obèses a triplé en 25 ans (de 0,9 %
en 1978-79 à 2,7 % en 2004). On peut raisonnablement penser que l’augmentation se
maintiendra d’ici la prochaine génération, ce qui donnerait 8,1 % de grands obèses.
Sachant que cette clientèle fréquentera davantage les services de santé, il faudrait
prévoir au moins une chambre par unité de 32 lits, voire jusqu’à 2 à 3 chambres dans
3. Toilettes privées avec douche – chambre hôpital
24 – OBJECTIF PRÉVENTION – VOL. 30, NO 5, 2007
Superficie 7,8
m2
Simulation d’un transfert au lève-personne du lit
vers le fauteuil qui requiert l’assistance de trois
soignants.
les services ciblés (cardiologie, pneumologie, orthopédie, soins intensifs, etc.).
Dans les CHSLD, une chambre par unité
de 32 lits suffirait.
Que faire dans les bâtiments existants ?
Il faut traiter les situations au cas par
cas. Dans un premier temps, cibler les
unités de soins où se retrouvent plus fréquemment les personnes obèses, visiter
4. Toilettes privées avec douche – chambre CHSLD
Superficie 7 m2
C L I E N T È L E
O B È S E
les lieux et retenir les chambres les plus grandes qui disposent de toilettes privées. Effectuer ensuite des plans de rénovation qui se rapprochent le plus possible des conditions optimales. Transformer une chambre à deux lits en chambre privée présente
souvent la meilleure solution, quitte à maintenir les installations (gaz médicaux et autres) pour revenir à une chambre à deux lits lorsque le client obèse obtient son congé. Il
est parfois facile de transformer certains sanitaires en douche assise en enlevant les
bains, peu utilisés dans les
hôpitaux. Il est aussi possible
dans une chambre avec salle
En CHSLD, si les installations sont
de bain privée d’abattre les
conformes aux normes actuelles,
cloisons de la salle de bain et
de les remplacer par un rideau.
il est relativement facile d’adapter
Cela permet de faire directeune chambre.
ment les transferts du lit vers la
salle de bain avec le LPSRP. Un projet semblable est à l’étude au CH Pierre-Boucher.
Il est aussi important d’acquérir certains équipements de base pour personnes
obèses (lit, civière, fauteuil roulant, marchette, lève-personne de 272 kg [600 lb] au
moins) pour éviter d’être pris au dépourvu. Prévoir aussi l’espace d’entreposage. La
location est avantageuse, mais coûte parfois plus chère que l’achat. Une étude coûtsbénéfices orientera vers la meilleure décision.
En CHSLD, si les installations sont conformes aux normes actuelles, il est relativement facile d’adapter une chambre en déplaçant, au besoin, le lit vers le mur extérieur
de façon à dégager un espace de 1 800 mm (72 po) du côté de la porte de la chambre
pour effectuer les transferts avec assistance totale au lève-personne. Les toilettes partagées sont utilisables si le fauteuil roulant n’est pas plus large que 850 mm (34 po),
car la porte mesure 915 mm (36 po), ce qui est très juste. Par ailleurs, il est toujours
possible d’accéder au lavabo situé à l’extérieur des toilettes en positionnant le fauteuil
en diagonal. Maintenir un dégagement minimum de 1 200 mm (48 po) au pied du lit.
Si le besoin est de 1 800 mm (72 po) pour un lit avec sortie par le pied, il faut alors
placer ailleurs le meuble situé au pied du
lit. La télévision traditionnelle peut être
remplacée par un écran plat fixé au mur.
Il faut aussi, bien sûr, adapter les toilettes et les douches pour cette clientèle.
Étant donné les longs séjours en CHSLD,
la toilette au lit en permanence ou la
chaise d’aisances ne sont certainement
pas acceptables en termes de qualité de
vie.
•
RÉFÉRENCES
1. MUIR, Marylou, et al. Handling of Bariatric Patient
in Critical Care : A Case Study of Lessons Learned, Critical Care Clinics of North America, 19, 2007, p.223-240.
2. ANDRADE, Susana D. “Planning and Design Guidelines
for Bariatric Healthcare Facilities”, Academy Journal,
AIA, October 2006.
3. ARJO. Guide des architectes et prescripteurs - Maison
de retraite long et moyen séjour, Arjo 2005, 166 p.
4. CORPORATION HÉBERGEMENT QUÉBEC. www.chq.
gouv.qc.ca à l’onglet « Guides, normes et coûts ».
5. VILLENEUVE. J. Physical Environment for Provision
of Nursing Care, in Nelson. Dr. A., Safe Patient Handling
and Movement, Springer Publishing, USA, 2006.
I L L U S T R AT I O N : R É M Y S I M A R D © 2 0 0 7
25 – OBJECTIF PRÉVENTION – VOL. 30, NO 5, 2007
D O S S I E R

Documents pareils