Un souvenir de Dioné, ma première bombe

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Un souvenir de Dioné, ma première bombe
Un souvenir de Dioné, ma première bombe
J’eus mon baptême du feu (je ne croyais pas si bien dire) le 5 juin 1971, date à laquelle il
m’a été donné de participer au tir de la bombe Dioné.
L’atoll avait été entièrement évacué et nous étions à la mer à bord de notre TCD Ouragan
préféré, à environ 45 milles marins de Mururoa. Dioné était une bombe à fission de « petite »
puissance. Elle ne devait pas dépasser 20 kilotonnes, soit environ la puissance de la bombe
lâchée sur Hiroshima. Le CEP expérimentait alors ce qu’il appelait des « allumettes », sorte
de détonateur nucléaire des bombes à fusion, les fameuses bombes H, d’une puissance
considérablement plus élevée.
Une minute avant le tir, nous étions tous sur le pont d’envol, le dos tourné à l’explosion
portant des lunettes noires fortement obscurcies pour éviter toute brûlure des yeux.
- « cinq, quatre, trois, deux, un, feu ! »
Je ressentis immédiatement une bouffée de chaleur puissante dans le dos. Malgré mes
lunettes noires j’y voyais comme en plein jour. Je me retournai alors vers le lieu du tir et le
spectacle que je pus observer était hallucinant. Un immense champignon s’était déjà
développé et grimpait à une vitesse vertigineuse. Le sommet se couvrait d’un voile de glace
très visible tandis que le pied rougeoyait encore du feu nucléaire. La première onde de choc
se fit entendre plus de 30 secondes plus tard, suivie d’une deuxième, un peu moins forte,
après 5 ou 6 secondes. L’effet était, je dois le dire, spectaculaire mais terrorisant, magnifique
mais terrifiant.
La première mission après le tir était pour moi. Elle consistait à me rendre à environ 600 ou
700 mètres du point zéro, lieu où se trouvait la Giboulée, un petit bâtiment amarré
solidement au fond du lagon. Il avait pour rôle de recueillir des prélèvements au plus près du
tir. Je devais partir avec Jean-Claude, mon mécanicien, et deux ingénieurs civils que nous
allions treuiller sur le pont de la Giboulée. Ils devaient ensuite rapidement pénétrer à bord du
navire, se saisir des équipements appropriés, ressortir et à nouveau être treuillés pour
revenir vers le TCD Ouragan.
Comme la zone présentait un risque réel de contamination, nous étions tenus de revêtir un
équipement spécial. Nous avions en particulier à porter un masque à cartouche filtrante, un
peu comme les anciens masques à gaz de la dernière guerre ! Il était fixé sur le crâne par
des sangles en caoutchouc. Au dessus venait se placer le sous-casque de vol puis le
casque lui-même, le tout solidement amarré sous le menton. Un harnachement très
inconfortable, compliqué à mettre, complexe à enlever, avec lequel il était en outre difficile de
respirer. Mais les règles de sécurité radiologiques l’imposaient…. Par ailleurs, la
combinaison de vol était de couleur orange pour une meilleure visibilité. Nous portions enfin
des sur-bottes en plastique au cas où nous serions obligés de marcher sur un sol contaminé.
Avant le vol, nous avions également été priés d’enlever bijoux, chaînes, alliance et objets
métalliques de toute sorte. Je m’étais donc exécuté, comme tout le monde, mais à regret car
je n’avais jamais enlevé mon alliance depuis que j’étais marié. Question de superstition…
Cinq minutes après le tir de Dioné, je fus appelé à mon Alouette III pour débuter la mission.
Elle portait le numéro 449. Jean-Claude avait fait la visite avant vol. C’était un mécanicien de
bord chevronné, un vrai professionnel avec qui je me plaisais à faire équipage. Les deux
ingénieurs étaient également présents.
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Dès la mise en route effectuée, je procédai aux essais radio qui furent concluants, puis
j’obtins l’autorisation de décoller. Le temps était magnifique. Un alizé de 15 nœuds soufflait
de façon établie. Nous mîmes immédiatement le cap sur le champignon nucléaire qui se
dressait majestueusement, je devrais dire hideusement, devant nous. Je passai ensuite sur
la fréquence radio du contrôle aérien assuré par un autre bâtiment à la mer. Mon indicatif
radio était Giboulée Bravo, celui du bâtiment Roméo Alpha.
- « Roméo Alpha de Giboulée Bravo pour essai » dis-je en guise de premier contact
- « Giboulée Bravo, cinq sur cinq » répondit le contrôleur
- « Giboulée bravo, décollé de l’Ouragan, cap sur Muru à 500 pieds. Je serai sur zone dans
15 minutes »
- « Bien reçu Giboulée Bravo, rappelez sur zone. Pour votre information j’ai un bon contact
radar sur vous » m’informa le contrôleur
Je me dis que c’était toujours une bonne nouvelle au cas où nous aurions une difficulté.
A l’heure dite, nous étions à la verticale de la Giboulée :
- « Roméo Alpha de Giboulée Bravo, à la verticale du bâtiment, je commence le treuillage »
annonçai-je au contrôleur.
- « Bien reçu Giboulée Bravo, rappelez en fin de mission » me demanda-t-il
Jean-Claude descendit les deux ingénieurs avec son talent habituel puis, lorsqu’ils furent
entrés à l’intérieur du bâtiment, il me donna l’autorisation de dégager le pont. Je partis donc
en translation avant puis je me mis en montée dans l’axe vers 500 pieds. J’avais prévu
d’orbiter au dessus de la Giboulée jusqu’à ce que les ingénieurs soient prêts à remonter. Je
mis donc l’Alouette III en virage à droite pour commencer mon circuit d’attente.
Après un 360° complet, je redressai la machine et immédiatement j’entendis un bruit très
violent que j’assimilai à un coup de canon. Vraiment très violent. Dans le même temps la
turbine de l’hélicoptère dévissa et le tableau de bord joua les sapins de Noël. Plusieurs
lampes d’alarme venaient en effet de s’allumer. Je réalisai instantanément que j’étais en
panne moteur. Pendant une fraction de seconde, j’affirme avoir vu ma femme et mon fils en
chair et en os devant moi. Guillaume me regardait en tenant la main de sa maman. Elle avait
un beau sourire, celui qui me fait battre le cœur.
Par pur réflexe, je m’étais déjà mis en autorotation. Je savais qu’à cette altitude je disposais
d’environ 15 secondes pour réaliser la manœuvre. J’étais à 30° du lit du vent et je mis un
coup de pied à gauche pour me mettre illico face au vent et augmenter ainsi mes chances de
stopper l’hélicoptère avant de toucher l’eau. J’appuyai sur le bouton radio pour annoncer :
- « Ici Giboulée Bravo, je me crashe, je me crashe »
Le message n’était pas correct, j’aurais dû dire « Mayday, mayday, mayday » mais que
voulez vous, il arrive parfois d’être ému et c’était bien le cas.
Jean-Claude avait bien sûr compris ce qui se passait.
Puis je déconnectai le cordon radio de mon casque pour éviter d’être retenu pendant la
sortie de l’hélicoptère. Et à ce moment précis je me dis : «du calme, tu fais comme à
l’exercice, ne rate pas ton coup ! ».
Nous étions bien sûr entrainés à la pratique des autorotations mais pour des raisons
évidentes nous ne les faisions jamais au dessus de l’eau. Nous avions également des
entrainements réguliers d’évacuation d’un hélicoptère tombé à la mer. Sauf que faire tout
cela, ce jour là, dans ces circonstances là, avait quelque chose d’irréel. Je n’avais pas le
droit à l’erreur si je voulais revoir ma famille et ramener Jean-Claude.
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Arrivé à une hauteur que j’estimai idéale, je cabrai fortement la machine pour réduire
fermement la vitesse horizontale. Dans le même temps je tirai, progressivement mais à fond,
sur le manche collectif. Presque simultanément j’appliquai le frein rotor pour le stopper au
plus vite et éviter ainsi de se faire découper en tranches.
L’Alouette toucha la mer du rotor de queue, sans véritable choc. Lorsque la cabine percuta la
surface, un peu plus durement, le rotor était déjà stoppé et la machine n’avait plus aucune
vitesse. Des conditions quasi idéales. L’évacuation ne fut pas aussi nominale.
En effet, comme nous venions d’utiliser le treuil pour descendre les ingénieurs sur le pont de
la Giboulée, la porte latérale gauche de l’Alouette III était ouverte. L’eau s’y était donc
engouffrée et l’hélicoptère à commencé à couler très rapidement en s’inclinant à gauche
jusqu’à passer complètement sur le dos. Je pris une grande respiration pour être en mesure
de rester le plus longtemps possible en apnée.
Après m’être libéré de mes harnais, l’hélicoptère complètement immergé, j’entrepris d’ouvrir
la porte droite pour évacuer. Celle-ci restait bloquée par la pression de l’eau. Alors je
manœuvrai immédiatement le largage de secours. La porte se désolidarisa et fut emportée
par les flots. Je pus ainsi sortir de la machine. En me retournant je la vis distinctement couler
sur le dos, pratiquement intacte. Nous devions être à 4 ou 5 mètres sous l’eau. En revanche,
je n’aperçus pas Jean-Claude.
Je percutai alors mon gilet de sauvetage et je fus propulsé vers la surface. Quand j’y arrivai,
quelques secondes plus tard, j’étais à bout de souffle. Mon cœur battait à tout rompre. Je
pris donc une grande inspiration… mais aucun air n’entra dans mes poumons. Je n’avais
pas prévu que la cartouche filtrante de mon masque tremperait dans l’eau et m’empêcherait
de respirer ! Devant l’urgence de l’instant, je pris la totalité de mon équipement de tête des
deux mains et je l’arrachai violemment. Mon Dieu qu’il était bon de respirer enfin ! (pour
l’anecdote, la commission d’enquête me demanda le lendemain de refaire le même geste : je
n’y suis jamais arrivé !)
Je me retournai alors pour voir où en était Jean-Claude. Il n’était pas là… J’étais terriblement
inquiet. Il s’écoula une bonne dizaine de secondes. C’est long dix secondes, une éternité.
Puis je le vis enfin sortir de l’eau. Comme un bouchon ! À quelques mètres de moi. Il eut
également des difficultés à se défaire de son masque mais finit tout de même par prendre
une grande bouffée d’air frais…
Enfin pas si frais que ça l’air. Car en regardant au dessus de nous, nous pouvions apercevoir
le champignon nucléaire qui commençait à s’étirer légèrement, en raison du vent en altitude
probablement. Nous étions en plein dans la zone des retombées !
Je demandai à Jean-Claude s’il n’était pas blessé. Il me montra son index de la main droite,
enveloppé d’un pansement, en m’expliquant qu’il s’était en effet blessé la veille au soir en
ouvrant une boite de sardines ! Il faut en avoir de l’humour pour plaisanter en ces
circonstances. C’était Jean-Claude. C’était aussi pour cela que nous nous entendions si
bien. Il m’indiqua en outre qu’il avait tardé à sortir car il avait oublié de débrancher son
cordon radio. Celui-ci avait fait un tour-mort quelque part, le retenant quelques secondes de
plus dans la machine. Cela aurait pu lui être fatal !
Après avoir ouvert nos sachets de poudre anti-requins (on n’est jamais assez prudent!),
fermé les poches de la combinaison, enlevé les chaussures, pour nous permettre de nager
plus facilement, nous décidâmes dans un premier temps d’attendre sur place les secours.
Après quelques minutes, ne voyant rien venir, nous nous mîmes à nager vers la Giboulée
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distante d’environ 500 mètres. Nous pourrions y retrouver nos deux ingénieurs. Nous
savions qu’ils étaient équipés d’un poste radio, ils pourraient ainsi donner l’alerte.
Ils étaient sortis d’ailleurs. On les voyait distinctement. Ils regardaient en l’air cherchant
vainement leur hélicoptère. Tout en nageant, Jean-Claude et moi percutâmes plusieurs
fusées de détresse contenues dans notre gilet de sauvetage. Sans succès. Plusieurs
témoins à bord d’un des bâtiments du CEP qui entrait dans le lagon de Mururoa avaient
remarqué ces fusées. Aucun n’a réagi.
Nous avons donc continué à nager pendant plusieurs dizaines de minutes…jusqu’à ce qu’un
des deux ingénieurs nous aperçoive, à 50 mètres environ du navire. Enfin ! Nous avions
enfin une chance d’être secourus.
Nous les vîmes s’agiter sur le pont. L’un d’entre eux se saisit d’une bouée couronne et nous
la lança en nous demandant :
- « vous êtes français ? »
Je vous jure que c’était vrai et que ce n’était pas de l’humour !
Sans répondre, j’attrapai la bouée couronne qui était tout prêt de moi et je fus hissé sur le
pont en quelques secondes. Le stress, la fatigue, la peur rétrospective, le relâchement,
j’étais épuisé et je m’effondrai, sur le point de m’évanouir. Jean-Claude arriva à son tour et
m’aida à me relever. Comme nous l’avions prévu, l’alerte avait été donnée. L’hélicoptère de
sauvetage était en vol.
Il arriva en effet deux ou trois minutes plus tard. Il treuilla Jean-Claude en premier, puis je le
fus en second. Les deux ingénieurs allaient être récupérés par une autre Alouette III. On
nous transféra sur le champ à bord du bâtiment hôpital afin de procéder aux opérations de
décontamination.
Jusqu’à ce moment là nous avions totalement oublié que Jean-Claude et moi nous étions
baignés au point zéro ou presque, quelques 20 minutes après une explosion nucléaire. Et
cela commençait à nous inquiéter fortement. Arrivés à bord du navire hôpital, nous fûmes
pris en charge par une équipe de décontamination, harnachée de pied en cap, compteur
Geiger à la main, ainsi que par le médecin spécialiste.
On nous demanda de nous défaire de tout notre équipement qui devait être détruit et de
prendre ensuite une douche en utilisant un savon spécial, dit « décontaminant ». Je me suis
toujours demandé comment un savon, aussi sophistiqué soit-il, pouvait avoir une telle
aptitude ? Mais, au cas où cela s’avèrerait exact, nous ne nous sommes pas posés de
questions. Nous nous sommes lavés de fond en comble ! On nous prêta une combinaison
neuve pour rejoindre la salle d’examen où nous attendait le médecin.
Nous devions subir une spectrographie, censée mesurer notre niveau de contamination
radiologique. Et comme son nom l’indique elle se passait dans un spectrographe. Il s’agissait
à l’époque d’un cube de plomb d’environ 1,5 mètre de côté où l’on accède par une petite
porte très épaisse. A l’intérieur se trouvait une sorte de fauteuil « relax » où je m’installai. En
face de moi un certain nombre d’appareils. L’examen durait une bonne dizaine de minutes et
une petite musique de fond était donc prévue, histoire de passer le temps agréablement.
Sauf que ce jour-là, la musique en question était un requiem de Verdi ! Ambiance, chaude
ambiance dans le cube !
Les dix minutes passées, le médecin vint ouvrir la porte. Je l’invectivai immédiatement en le
priant de choisir une musique plus gaie. A sa mine contrariée je voyais bien qu’il se passait
quelque chose d’anormal.
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- « La dose semble importante » me dit-il. « Retournez prendre une douche et lavez-vous à
nouveau, notamment les cheveux et toutes les parties poilues qui pourraient retenir des
particules ionisantes. »
Quelle angoisse ! Quelle angoisse pour moi et pour Jean-Claude qui était là et qui avait tout
entendu. Il entra dans le cube et je repartis aux douches. Après 15 ou 20 minutes de
récurage minutieux, dont je sortis écarlate, on me conduisit à nouveau vers le
spectrographe. Et je vis alors le même médecin, hilare, venir vers moi et en me tapant sur
l’épaule il me dit :
- « Je suis désolé, on vous a fait une belle frayeur, nous avions oublié de placer une source
radioactive dans l’appareil, maintenant il va fonctionner correctement, d’ailleurs l’examen de
votre camarade est correct »
Je ne sais pas ce qui m’a retenu de lui envoyer mon poing au travers de la figure ! J’aurais
dû le faire. Je regrette aujourd’hui de ne pas l’avoir fait !
Je passai donc un nouvel examen qui ne révéla aucune contamination dangereuse.
Jean-Claude et moi fûmes ensuite auditionnés une première fois par la commission
d’enquête. De nombreuses autres devaient suivre jusqu’à ce que l’Alouette III n°449 fût
retrouvée par 80 mètres de fond et repêchée. L’expertise démontra que le compresseur axial
de la turbine avait explosé pour des raisons vraisemblablement liées à l’atmosphère
particulièrement corrosive du Pacifique.
On me reprocha de ne pas avoir lancé un message de détresse comme dans les livres. Mais
on me congratula pour tout le reste. A ce titre je reçus même une lettre de félicitations du
ministre de la Défense de l’époque. Que d’honneurs pour avoir simplement fait le travail pour
lequel on m’avait formé !
Personne ne s’était en revanche étonné que le contrôleur aérien, qui était censé m’avoir en
contact radar, ne se soit aperçu de rien et qu’il ait passé plus de 40 minutes sans
communication radio, sans provoquer la moindre interrogation !
A mon retour à bord de l’Ouragan, mouillé devant le port de Mururoa, je fus accueilli en haut
de la coupée par mon copain Jean. Il était assis, la tête sur les genoux, et il pleurait. On lui
avait dit que nous avions été durement contaminés. Quand je lui annonçai la bonne nouvelle,
il me tomba dans les bras. Je revins dans ma chambre en sa compagnie et je lui racontai
mon aventure et celle de Jean-Claude.
Ce dernier, qui était rentré à bord plus tôt que moi, vint très rapidement nous rejoindre. Il
voulait nous inviter à célébrer ce qu’il appelait notre « rab de vie » au poste des maitres. Je
savais que la nuit allait être dure ! Elle le fut ! Bien au-delà de ce que je pouvais imaginer
d’ailleurs. Je ne sais plus comment je réintégrai ma chambre mais c’était sans doute dans un
état proche de l’inconscience.
Un maitre d’hôtel du carré vint me réveiller le lendemain matin. Il insista, insista encore
jusqu’à ce que je me décide à ouvrir un œil. Je m’aperçus que j’avais dormi avec mon
uniforme. J’étais encore à moitié ivre et je devais empester l’alcool. Je mis deux minutes au
moins à comprendre ce qu’il me disait. Il tenait à ce que je me rende au carré, l’amiral
commandant le groupe opérationnel du CEP désirant me voir. Pensez donc ! La plus haute
autorité militaire du Pacifique voulait me voir. Et dans cet état !
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Je fus bien obligé de m’exécuter. J’arrivai au carré dans un état déplorable, l’uniforme
froissé, la voix pâteuse et l’œil vitreux. L’amiral, un vieux monsieur très digne, voulait prendre
de mes nouvelles. Je bredouillai quelques mots pour le prier de m’excuser de me présenter
devant lui dans cette tenue délabrée. Je lui indiquai que nous avions fêté comme il se doit
l’évènement et que la nuit avait été très courte.
- « Quoi de plus normal » me dit-il « votre histoire est tout de même peu banale, elle valait
bien qu’on la célébrât ! »
Il poursuivit :
- « Racontez-moi, Lieutenant, comment tout cela est arrivé. Je tiens à en tirer
personnellement les mesures qui s’imposent »
Je lui narrai donc dans le détail ce qui s’était produit et l’interprétation, qu’à ce stade de
l’enquête, je pouvais faire de cet accident. J’avais cependant omis de lui dire ce qui s’était
passé à propos de la spectrographie. La faute me paraissait tellement lourde que je ne
voulais pas être à l’origine d’une sanction militaire à l’encontre du médecin responsable.
Mais l’amiral avait déjà eu vent de l’incident et me posa précisément la question. Je fus donc
dans l’obligation de le révéler.
- « Cette affaire est inadmissible » me dit-il « et je ne l’admettrai pas »
Il tint sa promesse : le lendemain soir, le médecin responsable de la spectrographie quittait
l’atoll avec armes et bagages. Il devait être remplacé sur le champ par un autre spécialiste
arrivé quelques jours plus tard de métropole.
En ce qui me concernait, je tirais une leçon que j’appliquai désormais en toutes
circonstances : je n’ai plus jamais quitté mon alliance !
Jean-Pierre Rochard
Quelques années plus tard …
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