Les gratte-ciel reprennent l`ascenseur

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Les gratte-ciel reprennent l`ascenseur
Décoration et Architecture
Les gratte-ciel
reprennent l’ascenseur
Décoration et Architecture
La tour «Taipei 101», à Taiwan, est le
plus grand building au monde,
avec 508 mètres. Son style s’inspire
de la pagode chinoise traditionnelle.
On les croyait maudits une fois pour toutes, après la tragédie
du 11 septembre et la destruction des deux tours
du World Trade Center. On les disait trop encombrants
et trop dangereux, trop symboliques et trop arrogants, aussi,
en ces temps de terrorisme mondialisé. Et pourtant,
les gratte-ciel ont à nouveau la cote!
Non seulement ils continuent de fasciner un peu partout,
du moins dans les pays les plus dynamiques,
mais ils sont désormais parés de deux nouvelles vertus:
ils incarnent la culture locale et jouent la carte de l’écologie.
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Décoration et Architecture
Décoration et Architecture
Les dix plus hauts au monde
Siège de l’ADIA, à Abu Dhabi, le bâtiment édifié
en 2004, est très économe en énergie
et son style symbolise les ondulations
de la mer proche.
I
ls ont de nouveau le vent en poupe. Cinq ans à peine après la tragédie du 11 septembre, les gratte-ciel sont en train de retrouver la
faveur générale, aussi bien du côté
des architectes et des urbanistes
que de celui des responsables économiques et politiques. Le souvenir du World Trade Center est certes
toujours là - les tours frappées par
les avions détournés, les occupants
pris au piège, l’effondrement final...
- mais il n’a plus l’effet paralysant
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qu’il avait eu juste après la catastrophe.
Aux quatre coins du monde, les
nouveaux projets se succèdent, les
plus audacieux apparaissant bien
sûr dans les villes et les régions
les plus dynamiques. Car l’envie de
gratte-ciel, qu’elle naisse à l’initiative d’un businessman, d’une entreprise privée ou d’une collectivité
publique, exprime d’abord et avant
tout de la vitalité et de l’ardeur, elle
proclame une sorte de défi et une
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confiance dans l’avenir. Grand voyageur dans les dernières années de
sa vie, Julien Green restait fasciné,
en regardant de grandes villes, par
l’extraordinaire puissance qu’elles
dégageaient. Par sa masse comme
par sa verticalité, le gratte-ciel est
comme la synthèse absolue de cette puissance.
«Parce qu’il se dégage sur la ligne
d’horizon d’un paysage urbain, explique l’architecte Eric Höweler dans
un livre remarquable, «Gratte-ciel
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Taipei 101, Taipei, Taïwan Tour Petronas 1, Kuala Lumpur, Malaisie
Tour Petronas 2, Kuala Lumpur, Malaisie
Sears Tower, Chicago, Etats-Unis
Jin mao Building, Shanghaï, Chine
Two International Finance Center, Hong Kong, Chine
CITIC Plaza, Guangzhou, Chine
Shun Hing Square, Shenzhen, Chine
Empire State Building, New York, Etats-Unis
Central Plaza, Hong Kong, Chine
contemporains» (Flammarion), le
gratte-ciel est devenu emblématique de certaines villes du monde.
De New York à Kuala Lumpur, de
Londres à Hong Kong et de Singapour à São Paulo, il définit l’image
d’une métropole. Il est le symbole
de l’urbanisme, de la densité, de la
modernité, autrement dit des forces
motrices du XXIe siècle. Il représente en fait un excellent indicateur de
la situation culturelle et économique de la société».
En ce début de siècle, il est en train
de se réinventer en s’ouvrant à deux
aspirations très actuelles, la redécouverte des cultures nationales et
la prise en compte des valeurs de
l’écologie.
Le style d’une pagode
traditionnelle
Considéré longtemps comme un
objet architectural certes imposant, mais un peu trop strictement
géométrique, trop lisse et trop stéréotypé, bref trop mondialisé avant
l’heure, le gratte-ciel a d’ores et déjà
accompli son aggiornamento culturel. Plus question de tours qui se res-
Année de
construction
2004
1998
1998
1974
1999,
2003
1996
1996
1931
1992
Hauteur
509 mètres
452 mètres
452 mètres.
442 mètres
421 mètres
415 mètres
391 mètres
384 mètres
381 mètres
374 mètres
semblent, chaque projet s’inscrit désormais dans une histoire, dans une
tradition, dans un style national.
Exemple spectaculaire, parce qu’il
concilie parfaitement désir de puissance brute et désir d’affirmation
propre, le plus grand building du
monde, le «Taipei 101», qui culmine
depuis 2004 à 508 mètres, s’inspire
directement de l’architecture traditionnelle chinoise. En lieu et place
de l’immense façade plate et classique, dans le style des défuntes tours
jumelles de New York, le gratte-ciel
de Taipei propose une tour à l’allure
de pagode, ou plutôt de pagodes
superposées d’une extraordinaire
originalité.
Fusion des cultures? Invention
d’une vraie culture nouvelle, à la
fois locale et internationale? De
construction un peu plus ancienne,
puisqu’elles remontent à 1997, les
fameuses Tours Petronas, à Kuala
Lumpur, (452 mètres) tranchent
aussi radicalement avec tous les
exemples anciens. «Le plan des
tours, explique Eric Höweler, reproduit la géométrie de l’architecture
traditionnelle islamique, à savoir
deux carrés pivotants incluant des
demi-cercles». A leur sommet, les
tours sont de plus en plus effilées,
d’où leur ressemblance avec un minaret. Un pont aérien à deux niveaux
les relie à la hauteur de l’entrée du
quarante-deuxième étage, créant,
selon les termes de l’architecte, une
«porte menant au ciel».
Un projet de tour écologique
Modèle (peut-être) d’ouverture
culturelle, les gratte-ciel se positionnent aussi, de plus en plus,
comme les plus chauds partisans
du développement durable. On leur
reprochait d’être voraces en matériaux et en énergie? Eh bien, elles
se profilent au contraire comme
des constructions respectueuses de
l’environnement! «C’est une question de responsabilité, presque de
survie, proclame ainsi l’architecte
Jacques Ferrier, qui travaille sur un
projet de tour écolo de 250 mètres
baptisée «Hypergreen» et qui estime que «le développement durable est une accumulation de petits
trucs, de technologies qui pour la
plupart existent déjà».
La tour verte verra-t-elle le jour? En
tout cas, elle pourrait fonctionner
en quasi-autonomie, puisqu’elle
produirait elle-même, grâce à différentes technologies nouvelles, 70%
de sa consommation d’énergie! n
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François Valle
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