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Nous sommes les héritiers des révolutions du monde
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Table des matières
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Thomas Sankara
Préface
Introduction
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Une société nouvelle, débarrassée de l’injustice
sociale et de la domination impérialiste 29
La liberté se conquiert dans la lutte 61
L’impérialisme est le pyromane
de nos forêts et de nos savanes 87
Le français nous permet de communiquer
avec les autres peuples en lutte
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On ne tue pas les idées : hommage à Che Guevara
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Index
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De 1983 à 1987, Thomas Sankara est le dirigeant central de
la révolution populaire et démocratique au Burkina Faso,
anciennement la Haute-Volta, en Afrique de l’Ouest.
Né en 1949, Thomas Sankara entre à l’école militaire
en 1966, l’une des rares avenues pour les jeunes de sa génération désirant faire des études supérieures. Alors qu’il
poursuit sa formation militaire à Madagascar au début
des années 70, il est profondément marqué par un soulèvement de masse des travailleurs et des étudiants qui renverse le gouvernement néocolonial du pays. Il y fait aussi
connaissance avec le marxisme, par le biais d’étudiants
qui ont participé au soulèvement pré-révolutionnaire de
mai 1968 en France.
Lieutenant dans l’armée voltaïque, Sankara se fait connaître comme dirigeant militaire lors d’un conflit frontalier
avec le Mali en décembre 1974 et janvier 1975. Au cours des
années suivantes, il établit des liens avec de jeunes officiers
et soldats insatisfaits des conditions oppressives qui prévalent dans le pays, conditions perpétuées par les dirigeants
impérialistes de Paris et d’ailleurs avec le soutien des propriétaires terriens, hommes d’affaire, chefs tribaux et politiciens locaux.
Sankara est brièvement emprisonné en 1982 après avoir
démissionné d’un poste gouvernemental en signe de protestation contre les politiques répressives du régime. Il est
nommé premier ministre en janvier 1983 au lendemain
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d’un coup d’État. Il utilise cette tribune pour encourager la population de la Haute-Volta et des autres pays
d’Afrique à défendre leurs intérêts contre les possédants
du pays et de l’étranger qui les exploitent. Ce cours sans
compromis conduit à un conflit croissant avec les forces
­pro-impérialistes au sein du gouvernement. En mai 1983,
le président Jean-Baptiste Ouédraogo fait arrêter Sankara
et certains de ses partisans.
Le 4 août 1983, quelque 250 soldats marchent sur la capitale Ouagadougou depuis une base militaire insurgée
située à Pô. Le régime de Jean-Baptiste Ouédraogo est
renversé dans un soulèvement populaire. Thomas Sankara devient le président du nouveau Conseil national de
la révolution, inaugurant quatre années d’activité révolutionnaire des paysans, des travailleurs, des femmes et des
jeunes.
Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara est assassiné et
le gouvernement révolutionnaire renversé dans un coup
d’État dirigé par Blaise Compaoré.
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Préface
Cette préface a été écrite à partir des remarques faites le 10
février 2005 par Mary-Alice Waters, présidente des éditions
Pathfinder, lors de la présentation de l’édition en espagnol
de Nous sommes les héritiers des révolutions du monde. Cette
présentation a eu lieu dans le cadre de la Foire internationale
du livre de La Havane, un événement annuel.
Ont aussi pris la parole à cette occasion : Manuel Agramonte, ambassadeur de Cuba au Burkina Faso pendant les
quatre ans du gouvernement révolutionnaire dirigé par Thomas Sankara ; Armando Hart, un des dirigeants historiques
de la révolution cubaine et ministre de la Culture pendant
de nombreuses années ; et Ulises Estrada, directeur de la
revue Tricontinental et un combattant internationaliste ayant
accompli de nombreuses missions en Afrique et en Amérique latine.
u
Cette brochure de Thomas Sankara, le dirigeant du gouvernement révolutionnaire populaire du Burkina Faso de
1983 à 1987, a été publié par les éditions Pathfinder en français, puis en anglais il y a environ trois ans. La publication
de Somos herederos de las revoluciones del mundo signifie
que, pour la première fois, quelques-uns des discours les
plus importants de Thomas Sankara sont aussi disponibles
en espagnol. C’est une arme nouvelle et puissante entre les
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mains de ceux et celles qui luttent en suivant la voie tracée
pour la première fois il y a plus de 150 ans par le Manifeste
du Parti communiste de Karl Marx, Friedrich Engels et
leurs camarades.
En octobre 1984, Thomas Sankara a adopté une pratique
utilisée de manière si efficace par Fidel [Castro] et Che
[Guevara] avant lui en se servant de la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies pour parler pour et au
nom des opprimés et exploités du monde. « Je suis ici, »
a-t-il dit aux délégués de 159 pays, « pour vous apporter
les salutations fraternelles d’un pays […] où sept millions
d’enfants, de femmes et d’hommes refusent désormais de
mourir d’ignorance, de faim et de soif. »
« Je n’ai pas ici la prétention d’énoncer des dogmes.
Je ne suis ni un messie ni un prophète. Je ne détiens
aucune vérité. Ma seule ambition est [de] parler au nom
de mon peuple, [de] parvenir à exprimer aussi à ma manière la parole du « grand peuple des déshérités, » ceux
qui appartiennent à ce monde qu’on a malicieusement
baptisé tiers monde, et dire, même si je n’arrive pas à les
faire comprendre, les raisons que nous avons de nous
révolter. »
Thomas Sankara a exprimé la détermination et la dignité de la population d’un des pays les plus pauvres de
l’Afrique ravagée par l’impérialisme — un pays qui avait
alors le taux de mortalité infantile le plus élevé au monde,
un taux d’analphabétisme proche de 98 pour cent dans
les campagnes et une espérance de vie d’une quarantaine
d’années. Il s’est tourné vers et a parlé au nom de ceux et
celles qui partout dans le monde refusent d’accepter l’esclavage économique de la société de classe et ses conséquences, y compris la dévastation écologique, la désintégration
sociale, le racisme et les guerres de conquête et de pillage
qui sont inévitablement engendrées par le fonctionnement
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même du capitalisme. Thomas Sankara savait que de telles
conditions ne sont pas des phénomènes « naturels » mais le
produit de l’ordre impérialiste mondial d’aujourd’hui.
Cet ordre mondial, a-t-il expliqué, peut être combattu
et doit être détruit. Ce qui a caractérisé Thomas Sankara
par dessus tout, c’est sa confiance dans la capacité révolutionnaire des êtres humains ordinaires de le faire. Comme
Fidel et Che, il avait confiance dans les hommes et les femmes dédaignés de façon si arrogante par les dirigeants du
monde impérialiste. Ainsi que Fidel l’a dit de façon si mémorable à propos de Che, Thomas Sankara ne pensait pas
que l’homme est « un petit animal incorrigible, uniquement capable d’avancer tout seul si on lui met de l’herbe
devant le nez, ou une carotte, ou si on lui donne des coups
de trique. » Comme Fidel, Thomas Sankara savait que celui « qui pense cela, celui qui croit cela ne sera jamais révolutionnaire. Celui qui pense cela, celui qui croit cela ne
sera jamais socialiste. Celui qui pense cela, celui qui croit
cela ne sera jamais communiste 1. »
Sankara croyait qu’un monde construit sur des bases
économiques et sociales différentes ne pouvait pas être créé
par des « technocrates », des « génies de la finance » ou des
« politiciens », mais par les masses travailleuses et paysannes dont le travail, appliqué aux ressources de la nature, est
la source de toute richesse. Par des êtres humains ordinaires qui se transforment eux-mêmes en devenant une force
active et consciente et en transformant leurs conditions
de vie. Et le gouvernement révolutionnaire qu’il dirigeait
a commencé à suivre ce cours en mobilisant les paysans,
les travailleurs, les artisans, les femmes, les jeunes et les
1. Fidel Castro, le 8 octobre 1987. Publié sous le titre « Les idées du Che
sont d’une actualité absolue et totale » dans Ernesto Che Guevara et Fidel
Castro, Le socialisme et l’homme à Cuba, New York, Pathfinder, 1989.
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personnes âgées pour effectuer des campagnes d’alphabétisation et d’immunisation, creuser des puits, planter des
arbres, construire des logements et commencer à éliminer
les relations de classe oppressives à la campagne.
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Thomas Sankara se distingue des dirigeants des luttes de
libération nationale en Afrique dans la deuxième moitié
du vingtième siècle parce qu’il était communiste. À la différence de nombreux autres, il ne rejetait pas le marxisme
comme un ensemble d’« idées européennes » étrangères à
la lutte de classe en Afrique. Il comprenait que le marxisme n’est justement pas un « ensemble d’idées, » mais la
généralisation, enrichie par chaque bataille, des leçons des
luttes de la classe ouvrière sur la voie de son émancipation
dans le monde. Et il s’est servi de ces leçons au meilleur
de ses capacités.
Lorsqu’il s’est adressé aux Nations unies en 1984, il a lié
la lutte de libération du peuple du Burkina Faso aux siècles
de lutte révolutionnaire, de la naissance du capitalisme à
aujourd’hui — des révolutions américaine et française de
la fin du dix-huitième siècle à la « grande révolution d’octobre 1917 [qui] a transformé le monde, permis la victoire
du prolétariat, ébranlé les assises du capitalisme et rendu
possible les rêves de justice de la Commune » de Paris.
Nous sommes les héritiers de ces révolutions, a-t-il dit,
d’où le titre de ce petit livre.
« Ouverts à tous les vents de la volonté des peuples et
de leurs révolutions, a-t-il noté, nous instruisant aussi de
certains terribles échecs qui ont conduit à de tragiques
manquements aux droits de l’homme, nous ne voulons
conserver de chaque révolution que le noyau de pureté qui
nous interdit de nous inféoder aux réalités des autres. »
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Et en suivant cette ligne de marche, Sankara se tournait
vers Cuba comme l’exemple éminent de la lutte révolutionnaire à notre époque.
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Thomas Sankara n’était pas seulement un dirigeant des
peuples d’Afrique. Il n’était pas seulement un porte-parole
des opprimés et des exploités des pays semi-coloniaux. Il
a aussi été un dirigeant des travailleurs du monde impérialiste. Dans les dernières décennies du vingtième siècle,
des dirigeants prolétariens ayant la stature internationale
de Thomas Sankara, de Maurice Bishop et, de façon analogue, de Malcolm X aux États-Unis ont émergé des rangs
des peuples opprimés de tous les pays — même des plus
sous-développés économiquement — et ont dirigé la lutte
internationale pour la libération nationale et le socialisme.
Ils ont ainsi pris leur place légitime dans l’histoire.
Ce fait donne une mesure des grands changements qui
ont marqué le dernier siècle — le renforcement des forces
révolutionnaires dans le monde qu’avaient prévu [Vladimir] Lénine et les dirigeants de l’Internationale communiste dans les premières années qui ont suivi la victoire de
la révolution d’octobre.
C’est dans cette tradition que nous pouvons placer au­
jourd’hui l’exemple que nous donnent nos cinq frères cubains qui continuent de lutter non comme des victimes,
mais comme des combattants de la révolution cubaine placés par des circonstances hors de leur contrôle sur la ligne
de front de la lutte de classe aux États-Unis 2. À ­l ’intérieur
2. Les Cinq Cubains — Fernando González, René González, Antonio
Guerrero, Gerardo Hernández et Ramón Labañino — ont été condamnés en 2001 sous des accusations, entre autres, de conspiration « pour
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des prisons fédérales où ils purgent les sentences draconiennes que les dirigeants U.S. leur ont imposées, ils poursuivent leur travail politique parmi quelque deux millions
d’autres bénéficiaires de ce que Washington appelle la
justice. C’est là qu’on trouve l’origine du visage que le
monde entier a vu si clairement à la base navale de la baie
de Guantánamo et en Irak 3 .
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Les livres produits par les éditions Pathfinder ne sont
pas seulement vendus en librairie ou sur le Web. La plupart se vendent dans la rue — à partir de tables établies
dans les quartiers ouvriers des cités et villes des ÉtatsUnis et d’Europe, à l’entrée des mines et aux portes
des usines, sur les campus universitaires et aux portes
des écoles secondaires, dans les manifestations et les
agir comme un agent étranger non enregistré, » « pour espionner » et
« pour commettre un meurtre. » Les sentences qui leur ont été imposées vont de 15 ans de prison à une double détention à vie plus 15 ans
d’emprisonnement. Chacun des cinq a été nommé « Héros de la République de Cuba. » Ils avaient accepté d’infiltrer des groupes contre­révolutionnaires aux États-Unis et d’informer le gouvernement cubain
de toute attaque terroriste planifiée contre le peuple cubain. Des millions de personnes se sont mobilisées dans le monde pour condamner
les condamnations, les sentences et les dures conditions d’emprisonnement imposées aux « Cinq » et pour exiger leur libération.
3. Depuis le début de 2002, le gouvernement U.S. a utilisé sa base navale
de Guantánamo dans l’est de Cuba — une portion de territoire que
Washington occupe contre la volonté du peuple cubain — pour emprisonner des centaines de personnes, dans leur vaste majorité capturées
en Afghanistan dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » de
l’impérialisme. Qualifiés de « combattants ennemis, » ces prisonniers
n’ont été accusés d’aucun crime, ont subi des actes de brutalité et de torture et se sont vus refuser tout contact avec leurs familles et empêcher
de contester leur détention devant les tribunaux.
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réunions où sont susceptibles de se rassembler ceux et
celles qui luttent et cherchent une voie en avant pour les
travailleurs.
À ces tables, le visage de Thomas Sankara a un impact
puissant et à vrai dire unique. De nombreux passants
s’arrêtent brusquement quand leur regard tombe sur le
livre Thomas Sankara Speaks [Thomas Sankara parle]. Il
s’agit d’un recueil substantiel de ses discours, publié en
anglais par les éditions Pathfinder peu après l’assassinat
de Sankara en 1987. Plusieurs ne savent pas qui il est. Mais
ils sont attirés par la confiance, le caractère et l’intégrité
qui émanent de son visage et ils veulent en apprendre plus
sur lui.
Là où Sankara est le plus connu et respecté, c’est parmi
les dizaines de milliers de travailleurs immigrants de
l’ouest et du centre de l’Afrique qui gonflent et accroissent aujourd’hui les rangs de la classe ouvrière dans les
centres impérialistes, où ils sont poussés par les coups de
fouet du capital. Beaucoup s’étonnent de voir le visage de
Thomas Sankara sur une table de rue dans le quartier où
ils vivent ou travaillent, sur la couverture d’un recueil de
ses discours rédigé, imprimé et distribué aux États-Unis
par des travailleurs qui le considèrent comme un dirigeant révolutionnaire. À lui seul, ce fait en pousse plusieurs à voir d’une manière différente la classe ouvrière
aux États-Unis et à apprécier l’importance des traditions
de lutte qu’ils incorporent à la résistance croissante des
travailleurs en Amérique du Nord face aux attaques des
patrons contre nos salaires, nos conditions de travail,
nos heures de travail et nos droits sociaux et politiques
fondamentaux.
Il est important d’ajouter que l’inverse est également vrai.
Lire Thomas Sankara constitue pour nous une composante
importante de l’élargissement de l’horizon ­historique et
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culturel de ceux et celles qui sont nés et ont vécu pendant
des années dans les centres impérialistes.
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Depuis sa parution en 1988, près de 7 000 exemplaires de
Thomas Sankara Speaks ont été vendus en anglais et plusieurs milliers de plus l’ont été de sa première édition en
français, Oser inventer l’avenir.
Dès le début, une des caractéristiques du cours révolutionnaire pour lequel Sankara s’est battu a été la mobilisation des femmes dans la lutte pour leur émancipation.
Comme il le dit dans un des discours publiés ici, une présentation faite en octobre 1983 du programme du gouvernement qu’il dirigeait, « La révolution et la libération des
femmes vont de pair. Et ce n’est pas un acte de charité ou
un élan d’humanisme que de parler de l’émancipation des
femmes. C’est une nécessité fondamentale pour le triomphe de la révolution. Les femmes portent sur elles l’autre
moitié du ciel. »
Les éditions Pathfinder ont publié en brochure sous le
titre L’émancipation des femmes et la lutte de libération
de l’Afrique l’important discours que Thomas Sankara a
donné à une réunion de plusieurs milliers de femmes lors
de la journée internationale des femmes, le 8 mars 1987. Ce
discours est aussi contenu dans Thomas Sankara Speaks.
La brochure est disponible en quatre langues : anglais,
espagnol, farsi et français. Quelque 12 000 exemplaires en
ont été vendus depuis qu’elle est parue pour la première
fois en anglais il y a presque 15 ans — dont plus de 1 500
en farsi en Iran seulement.
Nous sommes fiers du fait qu’avec la publication de ce
recueil de certains des autres discours les plus représentatifs de Sankara, sa voix se fera entendre plus largement en
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espagnol. Somos herederos de las revoluciones del mundo
contient par exemple son discours très fort sur la destruction par l’impérialisme des arbres et des forêts de l’Afrique,
prononcé lors d’une conférence internationale à Paris en
1986.
Devant de hauts dignitaires du gouvernement impérialiste français, Sankara a soutenu :
La lutte contre la désertification est une lutte pour l’équilibre entre l’homme, la nature et la société. À ce titre, elle est
avant tout une lutte politique et non une fatalité. […]
Karl Marx le disait, on ne pense ni aux mêmes choses, ni
de la même façon selon que l’on vit dans une chaumière ou
un palais. Cette lutte pour l’arbre et la forêt est surtout une
lutte anti-impérialiste. Car l’impérialisme est le pyromane
de nos forêts et de nos savanes.
Ce discours de Sankara est longuement cité dans le septième numéro de la revue Nueva Internacional qui vient de
paraître et qui est aussi présenté ici aujourd’hui. De l’article
principal intitulé « Notre politique commence avec le monde » de Jack Barnes à la photo « La terre la nuit » au verso
de la revue — une photo qui illustre les inégalités économiques et culturelles, le véritable gouffre qui existe entre les
pays impérialistes et semi-coloniaux, et entre les classes de
presque tous les pays — ce numéro de la revue de théorie et
de politique marxistes distribuée par les éditions Pathfinder traite en profondeur des mêmes questions politiques et
du même cours d’action pour lesquels Sankara a lutté.
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Pour conclure, je veux souligner la profondeur de l’internationalisme de Thomas Sankara qui ressort si clairement
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de ces pages. Pour lui, la lutte populaire, démocratique
et révolutionnaire du peuple burkinabè faisait un avec la
lutte pour abattre le régime d’apartheid en Afrique du Sud.
Elle faisait un avec les luttes anti-impérialistes des peuples
de l’Angola, de la Namibie, de la Palestine, du Sahara occidental et du Nicaragua. Elle faisait un avec la population
de Harlem qui l’a si chaleureusement accueilli en 1984. Et
elle faisait un avec les travailleurs en France, aux ÉtatsUnis et dans le monde impérialiste.
C’est à Managua en 1986 que j’ai eu le plaisir de rencontrer et de connaître Thomas Sankara en tant que dirigeant.
Nous étions tous les deux délégués à une conférence internationale commémorant le vingt-cinquième anniversaire
de la création du Front sandiniste de libération nationale
et le dixième anniversaire de la mort au combat de Carlos
Fonseca, le dirigeant fondateur du FSLN. Sankara a été
choisi pour s’adresser au ralliement au nom des 180 délégations internationales présentes.
Lorsqu’il a appris qu’une délégation du Parti socialiste
des travailleurs aux États-Unis était présente, il a tenu à
venir tout de suite à notre table pour nous saluer. Ce n’était
pas simplement un geste diplomatique. Il est venu parler
de politique avec d’autres révolutionnaires. Il savait que
l’hebdomadaire The Militant était l’un des seuls journaux à
l’extérieur de l’Afrique qui couvrait régulièrement le cours
révolutionnaire au Burkina Faso et qui publiait des entrevues et des discours de Thomas Sankara chaque fois qu’on
pouvait en trouver.
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La présentation ici à Cuba de Somos herederos de las revoluciones del mundo est particulièrement appropriée à
cause du dernier discours qu’on y trouve, l’hommage à
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Che rendu par Sankara le 8 octobre 1987. Cette commémoration du vingtième anniversaire de la mort de Che au
combat a eu lieu à peine une semaine avant le coup d’État
contre-révolutionnaire qui a mis fin à la propre vie de
Thomas Sankara.
C’est seulement grâce à un heureux concours de circonstances que les paroles qu’il a prononcées lors de cet
événement mémorable nous sont aujourd’hui accessibles.
L’exposition consacrée au cours et à l’exemple révolutionnaires de Che et que Sankara a inaugurée ce jour-là coïncidait avec l’ouverture d’une conférence internationale
contre l’apartheid à Ouagadougou à laquelle assistaient
des délégués de quelque 29 pays. Parmi eux, il y avait des
compañeros des États-Unis et du Canada — des partisans
du journal The Militant et des éditions Pathfinder. Ils regardaient les présentoirs de l’exposition lorsque Sankara
est arrivé avec le fils de Che, Camilo, et d’autres camarades cubains. Lorsque Thomas Sankara a commencé à
parler de manière impromptue, une des camarades du Canada a sorti le magnétophone qu’elle avait dans son sac à
dos et a enregistré ses propos. Le Militant les a transcrits et
publiés peu après et ils paraissent ici dans leur intégralité.
Che, a dit Sankara à cette occasion, nous a enseigné
que « nous pouvons oser avoir confiance en nous et avoir
confiance en nos capacités. » Che nous a inculqué la conviction que « la lutte est notre recours. » Il était, a-t-il insisté, « un citoyen du monde libre, le monde libre qui est ce
monde qu’ensemble nous sommes en train de bâtir. C’est
pourquoi nous disons que Che Guevara est aussi africain
et burkinabè. »
Y a-t-il une meilleure façon de conclure ?
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Introduction
Le 4 août 1983, un soulèvement populaire dans le pays d’Afrique de l’Ouest alors connu comme la ­Haute-Volta — une
ancienne colonie de la France et l’un des pays les plus pauvres du monde — initie l’une des plus profondes révolutions
de l’histoire de l’Afrique.
Son dirigeant est Thomas Sankara, qui devient à l’âge
de 33 ans le président du nouveau gouvernement. Un an
plus tard, ce pays de sept millions d’habitants est renommé le Burkina Faso, le « pays des hommes intègres. »
Au cours d’une période de quatre ans, le gouvernement
révolutionnaire populaire mobilise les paysans, les travailleurs et les jeunes pour mettre en application des mesures économiques et sociales de grande ampleur, qui restreignent les droits et prérogatives de l’aristocratie terrienne
et des riches marchands de la région. Il les appelle à se
joindre aux travailleurs et paysans du reste du monde qui
s’opposent à la domination impérialiste. Il initie des organisations de masse de paysans, d’artisans, de travailleurs,
de jeunes, de femmes et d’« anciens ».
Avec un soutien populaire massif, le gouvernement abolit les redevances et les corvées versées aux chefs de village. Il nationalise la terre pour garantir aux travailleurs
ruraux qui représentent quelque 90 pour cent de la population l’accès, comme agriculteurs productifs, au fruit
de leur labeur. Il augmente le prix qu’il paie aux paysans
pour les principales cultures vivrières. Il lance des projets
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22 Michel Prairie
­ ’irrigation et de plantation d’arbres pour accroître la
d
productivité et stopper l’avancée de la zone désertique du
Sahel dans le nord du pays. Il organise des campagnes de
vaccination massives et rend accessibles à des millions de
personnes des services de santé essentiels. En 1985, la mortalité infantile tombe à 145 pour 1 000 naissances vivantes
comparativement à 208 au début de la décennie. Et en 1987,
la propagation croissante de l’onchocercose ou cécité des
rivières, une maladie transmise par des parasites, se voit
stopper. Dans un pays où l’analphabétisme atteint 92 pour
cent — et même plus à la campagne — le gouvernement
lance des campagnes d’alphabétisation dans les langues
locales. Il finance des travaux publics de construction de
routes, d’écoles et de logements. Et confiant dans la justice de classe des travailleurs et des paysans, il met sur
pied des tribunaux populaires révolutionnaires pour juger
les anciens dirigeants et hauts fonctionnaires accusés de
corruption.
Sous la direction de Thomas Sankara, la révolution burkinabè suit un cours de solidarité internationaliste avec ceux
et celles qui luttent contre l’oppression et l’exploitation, en
Afrique et dans le reste du monde. Sankara se fait le champion de la lutte du peuple du Sahara occidental pour son indépendance du Maroc et il contribue au succès d’une lutte
pour faire admettre ses représentants au sein de l’Organisation de l’unité africaine. Il organise activement le soutien
en Afrique et ailleurs à la lutte contre le régime d’apartheid
en Afrique du Sud et à celle des Palestiniens pour rétablir
leur patrie. Sankara fait campagne pour l’annulation de la
lourde dette imposée aux pays ­semi-coloniaux par les gouvernements et les banques impérialistes. Il prend la parole
dans le quartier de Harlem à New York pour exprimer son
soutien à la lutte des Afro-américains contre l’oppression
raciste et aux autres combats menés par les travailleurs et
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Introduction 23
agriculteurs des États-Unis. Il tend la main du Burkina aux
luttes révolutionnaires en ascension en Amérique centrale
et dans les Caraïbes. Il visite Cuba en 1984 et 1986 et le Nicaragua en 1986, où il s’adresse au nom de tous les invités
internationaux à un rassemblement de masse de 200 000
personnes soulignant le vingt-cinquième anniversaire du
Front sandiniste de libération nationale.
En août 1987, à l’occasion du quatrième anniversaire du
soulèvement populaire au Burkina Faso, Thomas Sankara
souligne : « La révolution populaire et démocratique a besoin d’un peuple de convaincus, et non pas d’un peuple de
vaincus, de soumis qui subissent leur destin. » Un nombre
croissant de travailleurs, de paysans et de jeunes issus des
rangs d’un tel peuple s’impliquaient dans la vie sociale et
politique du Burkina Faso, donnant un exemple qui réverbérait dans toute l’Afrique centrale et de l’Ouest — bien
au-delà des frontières de ce pays enclavé dans le continent.
Mais le 15 octobre 1987, Blaise Compaoré organise un coup
d’État en faveur de ceux, dans le pays et à l’étranger, dont
ce processus menaçait les intérêts de classe. Sankara et 12
de ses collaborateurs et gardes du corps sont assassinés et
le gouvernement révolutionnaire détruit.
Une semaine avant sa mort, lors d’une commémoration
spéciale dans la capitale burkinabè Ouagadougou, Thomas Sankara a parlé d’Ernesto Che Guevara, le dirigeant
de la révolution cubaine né en Argentine, à l’occasion du
vingtième anniversaire de la mort de ce dernier au cours
d’une mission internationaliste en Bolivie. Dans un discours reproduit dans ce livre, Sankara dit de manière
prophétique en parlant de l’héritage de Che Guevara : en
tant ­qu’individus, les révolutionnaires peuvent être tués ;
mais « vous ne pouvez tuer les idées. » Thomas Sankara
est lui-même devenu un symbole pour des millions de
travailleurs, de paysans et de jeunes à travers l’Afrique
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Nous sommes les héritiers des révolutions du monde
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qui voient dans la révolution burkinabè — et dans son
héritage politique toujours vivant — une source d’idées et
d’inspiration politiques dans la bataille pour la libération
véritable du continent.
Ce livre contient cinq discours de Thomas Sankara :
• de larges extraits du rapport qu’il a présenté sous le
nom de Discours d’orientation politique en octobre 1983 à
la population du Burkina Faso, un discours radio et télédiffusé dans tout le pays ;
• le discours qu’il a prononcé en octobre 1984 devant
l’Assemblée générale des Nations unies à New York ;
• la présentation qu’il a faite à Paris en février 1986 lors
d’une conférence internationale sur la préservation des
arbres ;
• sa déclaration lors du premier sommet de la francophonie en février 1986 à Paris ;
• et les remarques qu’il a faites en octobre 1987 à l’ouverture à Ouagadougou d’une exposition sur la vie de Che
Guevara.
Ces discours donnent un aperçu frappant du cours politique révolutionnaire que Thomas Sankara a expliqué et
mis en pratique pour défendre les intérêts des travailleurs
et agriculteurs, à l’intérieur aussi bien qu’à l’extérieur du
pays au cours des quatre années de la révolution burkinabè.
Plus de deux décennies plus tard, cette perspective internationaliste prolétarienne conserve toute son actualité. Les
discours publiés ici restent un guide pour les centaines de
millions de paysans et de travailleurs de l’Afrique et du reste
du monde semi-colonial dont les conditions économiques,
sociales et politiques se dégradent sous l’impact de la crise
du capitalisme. Et ils constituent une ­composante essentielle de l’armement politique des travailleurs et des agriculteurs des pays impérialistes d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie face aux horreurs que le système ­capitaliste
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Introduction 25
d’exploitation et d’oppression engendre de plus en plus
dans ces pays et dans le reste du monde.
u
En octobre 2007, à l’occasion du vingtième anniversaire du
renversement du gouvernement révolutionnaire du Burkina Faso, les éditions Pathfinder ont publié simultanément
en français et en anglais sous le titre Thomas Sankara parle une nouvelle édition revue et augmentée de discours et
entrevues de Thomas Sankara. Cette édition initialement
publiée en français en 1991 sous le titre Oser inventer l’avenir demeure le registre le plus complet du cours poursuivi
par un des grands dirigeants révolutionnaires du mouvement ouvrier international moderne.
La sélection qui suit a d’abord été publiée en brochure en
2001. La présente édition augmentée comprend une préface
de Mary-Alice Waters, présidente des éditions ­Pathfinder,
écrite à partir d’une présentation qu’elle a faite lors du
lancement de l’édition en espagnol Somos herederos de las
revoluciones del mundo à la Foire internationale du livre
de La Havane en 2005. En plus de cette nouvelle préface,
cette édition contient une introduction révisée et un nouvel index. Le tout a été recomposé avec des caractères plus
grands et plus lisibles.
Michel Prairie
Décembre 2007
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0
0
150
100

300 KILOMÈTRES
200 MILES
DORI
Niger
Burkina Faso
Niamey
PIBAORÉ
KAMBOINSÉ
Bamako
Ouagadougou
Mali
BOBO-DIOULASSO
PÔ
ORODARA
Bénin
Togo
Côte d’Ivoire
Ghana
Nigeria
Lomé
Yamoussoukro
PortoNovo
Lagos
Accra
Abidjan
Océan Atlantique
D É S E R T D U S A H A R A
S A H E L
Burkina Faso
Burkina Faso
Haute-Volta
Capitales
VILLES ET VILLAGES MENTIONNÉS
DANS CE LIVRE
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DENSITÉ DE LA VÉGÉTATION
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