Incidence de l`amélioration de la continuité écologique sur
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Incidence de l`amélioration de la continuité écologique sur
IS.RIVERS 2012 B3 – HABITAT Incidence de l’amélioration de la continuité écologique sur un poisson migrateur anadrome : la grande alose Improving the ecological continuity: consequences for an anadromous migratory fish, the Allis shad C Boisneau*, B Ruaux*, Ph Boisneau° *Tours université, CITERES, parc de grandmont 37200 TOURS ([email protected]; [email protected]) °Association des Pêcheurs Professionnels Bassin Loire, La Bardoire, 37150 CHISSEAUX ([email protected]) RÉSUMÉ La grande alose est une espèce de poisson migrateur anadrome constituant une ressource halieutique pour les pêcheurs professionnels fluviaux en France. Dans la partie moyenne du bassin de la Loire, une technique patrimoniale de pêche des aloses est régulièrement utilisée, celle-ci, passive, permet d’appréhender le déroulement de la migration des géniteurs. Les données d’effort de pêche, les nombres de poissons capturés, couplées à des échantillonnages des caractéristiques des poissons sur plusieurs pêcheries permettent l’élaboration d’un indice annuel d’abondance des cohortes. L’évolution de cet indice, sur deux portions de Loire, l’une à l’aval de confluence avec la Vienne et l’autre à l’amont de cette confluence est analysée au regard de variables environnementales thermiques, hydrologiques et de continuité écologique. Sur l’ensemble de la période d’étude, 1984 à 2010, les abondances des cohortes d’aloses ne peuvent être reliées à aucun des paramètres thermiques ou hydrologiques retenus. Si l’analyse de l’abondance est conduite en identifiant deux périodes, avant et après des travaux d’amélioration de la continuité écologique, il est alors possible de reconnaître deux modes de fonctionnement des populations d’aloses avec un triplement moyen des indices d’abondance après les travaux. ABSTRACT Allis shad is an anadromous migratory fish constituting a fishing resource for inland commercial fishermen in some big rivers in France. Its situation is strongly different among watersheds, decreasing in the Garonne - Dordogne, increasing in small coastal rivers in Britanny and in the Rhône River. In the medium part of the Loire watershed, a patrimonial fishing technique is used to collect these fishes. It is a passive lift net that can be used to study anadromous migration for adults. Fishing effort and catch data, associated with samples of fishes on several fisheries are used to build an annual index of abundance of the cohorts. The temporal evolution of this index for two parts of the Loire, upstream and downstream of the Loire and Vienne rivers confluence, is analyzed and related with thermic, hydrological and ecological continuity variables. Overall the entire sampling period, 1984-2010, the cohorts’ abundances are not related to any hydrological or thermic variables. When considering ecological continuity improvement , i.e. before and after dam removing or fish passage improvement, Allis shad population are functioning differently with an increase (x3) of their abundance after improvement. On both river parts, before the ecological continuity improvement, the abundances of the cohorts are related to water discharge above a high threshold, spawners were thus able to join the spawning grounds. After the ecological continuity improvement, the abundance is related to hydrological variations. MOTS-CLES Abundance, anadromous migration, cohorts, ecological continuity. 1 B3 – HABITAT 1 IS.RIVERS 2012 INTRODUCTION Depuis la fin du 19° siècle, de nombreuses espèces de poissons migrateurs anadromes ont disparu ou très fortement régressé. Les principales causes en sont l’absence de continuité écologique qui ne permettait plus l’accès aux zones de reproduction. Ces processus ont opéré à des échelles spatiotemporelles variables selon les stratégies écologiques des espèces et les aménagements des bassins versants. Afin de contrer ces dégradations ou de les ralentir, les différents états ont élaboré des politiques publiques visant à restaurer les populations, tout d’abord dans un cadre national puis dans un contexte européen avec la Directive Cadre sur l’Eau. Parmi les outils de ces politiques publiques, l’alevinage, l’amélioration de la circulation des espèces sont privilégiés. En France, les premières orientations nationales et outils de politique publique relatifs à la restauration des espèces de poissons migrateurs sont apparus dans la décennie 1980-90, contrat « Retour aux sources » puis « PLAGEPOMI ». Déclinés à l’échelle des grands bassins versants, ils ont traité de la connaissance des différentes phases, de la circulation, de la qualité des eaux et des habitats en tenant compte des particularités de chacune des espèces , alose, saumon, anguille, … Le bassin de la Loire possède actuellement la plus grande population européenne de grande alose (Alosa alosa L.), espèce migratrice anadrome de la famille des Clupéidae. Celle-ci après une aire de distribution minimale dans les années 1980-90 a vu cette aire augmenter grâce à des aménagements d’ouvrages (arasement, équipement en passes à poissons, etc.). L’objectif de ce travail est de quantifier l’amélioration de de la continuité écologique sur les populations de grande alose sur le bassin de la Loire sur la période 1984-2010. 2 MATERIEL ET METHODES Les données sur les aloses, recueillies depuis 1984, le sont à partir des pêcheries au filet barrage, technique patrimoniale ligérienne. Le nombre et la localisation des pêcheries ont varié au fil du temps mais elles sont distribuées entre Nevers et Angers. Cette technique de pêche passive permet d’appréhender le déroulement de la migration des géniteurs. Deux secteurs sont considérés, la Loire à l’amont et à l’aval de la confluence avec la Vienne. La Vienne est reconnue comme un axe migratoire majeur pour les aloses sur le bassin de la Loire. Les données d’effort de pêche, de quantités de poissons adultes capturées ont permis l’élaboration d’un indice d’abondance annuel des remontées. Un échantillonnage complémentaire des caractéristiques des poissons a été réalisé afin d’en connaître les caractéristiques biométriques et de leur attribuer un âge par scalimétrie. Après attribution d’un âge, chaque individu est attribué à une cohorte ou année de naissance en posant le postulat suivant : la structure d’âge observée lors de la migration anadrome une année donnée, pour chaque sexe, correspond à la distribution des classes des individus mâtures d’une cohorte. A partir de l’indice d’abondance des remontées, un indice d’abondance est calculé pour chaque cohorte, sur la période 1980-2004. Une recherche de liens entre l’abondance des cohortes d’aloses et diverses variables thermiques et hydrologiques calculées sur les périodes de montaison et de reproduction. Les variables thermiques et hydrologiques sont calculées à partir des données journalières, en distinguant deux périodes. La période 1 (PER1), du 15 février au 15 juin correspond, globalement, à la période de montaison de géniteurs et la période 2 (PER2), du 16 juin au 16 juillet, correspond aux phases de ponte, de survie des larves et de croissance des juvéniles. Les variables thermiques ont été choisies en tenant compte des seuils de température reconnus pour cette espèce et de sa phénologie. L’évolution temporelle des diverses variables thermiques et hydrologiques est évaluée à partir des tendances linéaires observées sur l’ensemble de la période, 1980-2010. La recherche de liens entre abondance des cohortes et variables environnementales été conduite en deux temps, (i) une analyse par corrélation simples et multiples entre les variables thermiques et hydrologiques et les indices d’abondance sur l’ensemble de la période d’étude puis (ii) la même analyse en scindant la période d’étude en deux phases : avant et après aménagements visant à améliorer la continuité piscicole. 2 IS.RIVERS 2012 3 B3 – HABITAT RESULTATS Le travail de reconstitution des cohortes de grandes aloses montre des cohortes aux caractéristiques biométriques très variables, ce qui semble être une caractéristique du genre Alosa. Les mâles sont plus jeunes, moins grands et moins lourds que les femelles, ce qui est classique pour ce genre. Il n’y a pas d’évolution temporelle de ces caractéristiques à l’exception du rapport des sexes qui diminue de 1980 à 2004 en faveur des mâles. Les indices d’abondance des cohortes de grandes aloses montrent deux phases. Avant 1998, les abondances des cohortes sont faibles, très largement dominées par la cohorte 1983. Après 1998, les abondances sont largement supérieures. Tous sites confondus (i.e.zone amont et aval bec de Vienne) elles sont multipliées par 3. Une recherche de liens entre l’abondance des cohortes d’aloses et les variables thermiques et hydrologiques calculées sur la période de montaison des géniteurs ne fournit aucune liaison significative. Par contre, si l’analyse de l’abondance est conduite en identifiant deux périodes, avant et après des travaux de continuité écologique, il est alors possible de reconnaître deux modes de fonctionnement des populations d’aloses avec une forte augmentation (x2 à x4) des indices d’abondance consécutive aux travaux. Pour la partie de Loire, en aval de la confluence avec la Vienne, l’abondance avant les travaux d’arasement du barrage de Maisons Rouges sur la Vienne) 244 km avant confluence avec la Loire) est conditionnée au dépassement d’un débit seuil, le quantile C90 de la Vienne, qui permettait alors un effacement des obstacles. Les aloses utilisaient des zones de reproduction fonctionnelles et ceci permettait un recrutement élevé de géniteurs. L’arasement en 1998 du barrage de Maisons Rouges (244km de la mer), associé à l’équipement en passes à poissons sur les axes Creuse et Vienne, a permis de gagner près de 100 km de linéaire de cours d’eau. Après 1998, l’abondance des cohortes est liée aux variations de débit de la Vienne sur la saison de migration des géniteurs et non plus à un débit seuil. Pour la partie Loire en amont de la confluence avec la Vienne, les mêmes processus sont observés en lien avec le réaménagement de la passe à poissons de Vichy (650 km de la mer). 4 CONCLUSION Les travaux d’amélioration de la continuité écologique ont modifié les modalités de fonctionnement des populations de grande alose. Depuis 1984, celles-ci ont recouvré des linéaires de cours d’eau présentant des zones de frayères fonctionnelles et permettant un meilleur recrutement ce qui se traduit par une augmentation de l’abondance des aloses sur le bassin versant. Ce travail montre l’intérêt qu’il y a à poursuivre les efforts dans le domaine de l’amélioration de la continuité piscicole et à se doter d’outils de suivi permanents et sur le long terme. 3