Workshop Mediations-Res olution conflit

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Workshop Mediations-Res olution conflit
Appel à communication
Médiation et Conciliation : nouvelles figures, nouveaux
défis
Workshop du 7 au 10 octobre 2016, Rabat (Maroc)
Les conciliateurs et les médiateurs ont fait l'objet d'un intérêt particulier dans les recherches
anthropologiques classiques sur les modes de résolution de conflit (Nader & Todd 1978, Gulliver 1979,
Abel 1982, Greenhouse 1985). Avec l’avènement de nouvelles normes (internationales, normes des
ONGs) et de nouvelles figures de la médiation et de la conciliation (notamment les médiateurs de la
République, les médiateurs mis en place par les États, ou les organisations internationales), les normes
et pratiques de la médiation/conciliation se sont vues quelque peu chamboulées, transformées; de
nouveaux défis et enjeux apparaissent, de nouvelles figures et voies de la médiation/conciliation se
développent.
Ce workshop souhaite faire le point sur les travaux qui ont été menés, et qui sont menés actuellement,
sur la médiation et la conciliation en tant que modes particuliers de résolution des conflits. Ce sera
également l’occasion de questionner ce qui, malgré la diversité des contextes, des époques et des cas
nous permet d’identifier ces formes particulières de gestion des conflits que sont la médiation /
conciliation. Quels en sont les patterns ? Qu’est-ce qui rend comparables nos différents cas d’étude ?
Les interventions pourront porter sur les pratiques, dispositifs et acteurs de la médiation et de la
conciliation mais aussi sur leurs usagers et sur les situations qui donnent lieu à la saisine du médiateur
/ conciliateur. Ce, quels que soient les contextes socioculturels, les traditions juridiques (droit romain,
common law, droit coutumier, droit islamique, système juridique mixte, etc.) et les instances au sein
desquelles la médiation et la conciliation peuvent être pratiquées (instances judiciaires, coutumières,
traditionnelles, religieuses, etc.). Toutefois nous avons préférence marquée pour les travaux portant sur
l’Europe, le monde méditerranéen, l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. En outre, nous
sommes particulièrement intéressés par les travaux portant sur la participation et le rôle des ONG dans
la résolution de conflit à l’échelle locale et/ou dans la mise en place de systèmes dits formels de justice
à l’échelle nationale.
Axes de questionnement
Ce workshop se focalisera sur deux types de résolution des conflits, la médiation et la conciliation,
afin de réfléchir leurs spécificités en regard de la palette d’offres en matière d’alternatives au procès
mais aussi leurs mécanismes, leurs évolutions, leurs relations et influences croisées avec les autres
modes de résolution des conflits.
On souhaite développer trois axes de questionnements : les deux premiers axes portent sur la
complexité et le renouvellement du paysage judiciaire en matière de normes, de pratiques, d’acteurs et
de dispositifs de résolution de conflit. Le troisième s’intéresse plus particulièrement au déroulement
pratique d’une médiation ou d’une conciliation, que celles-ci s’appliquent à prendre en charge des
conflits à l’échelle interpersonnelle, familiale, communautaire ou (inter-)nationale.
1. Médiation et conciliation aux prises avec les représentations sociales des différentes
instances judiciaires : perspective historique et anthropologique. Cet axe interroge les
représentations sociales attachées aux institutions et agents qui, localement, interviennent au
titre de la résolution de conflit : cours de justice, tribunaux religieux, assemblées villageoises,
conseil clanique, médiateur et/ou arbitre local, autorités religieuses, etc. Ces représentations
s’inscrivent dans l’histoire locale, qui est parfois celle de la colonisation et des indépendances,
dans celle des institutions judiciaires elles-mêmes et dans celle des rapports qu’elles
entretiennent les unes avec les autres (institutions judiciaires étatiques et non étatiques,
religieuses et laïques, locales, nationales et internationales, etc.) Comment faire sens de ces
représentations lors de l’analyse de nos données de terrain ? Quelles sont l’évolution et les
transformations de ces représentations des formes de justice ? Comment ces représentations
influent-elles sur les décisions des justiciables de recourir à une instance judiciaire plutôt qu’à
une autre et, plus avant, sur les modalités de participation aux dispositifs de résolution de
conflit ? Quels sont les héritages de cette histoire judiciaire locale en matière de dispositifs,
pratiques et acteurs de la médiation/conciliation ?
2. Multiplicité et collaboration des acteurs de la justice : la participation des ONG et/ou des
organisations intergouvernementales. Les travaux sur le pluralisme juridique ont d’ores et
déjà montré que, dans de nombreux contextes socioculturels, les questions matrimoniales, de
parenté, d’héritage, de partage ou d’accès aux biens ou aux ressources naturelles, etc., il y a
entrelacement de normes et de pratiques relevant d’instances différentes (Nader 1990, Dupret
1999, Drieskens 2006). Certaines relèvent et s’appuient sur le répertoire judiciaire propre aux
instances populaires et coutumières, religieuses ou étatiques locales, d’autres sont véhiculées –
importées et parfois imposées - au travers de programmes d’aide au développement mis sur
pied par des organisations internationales qui peuvent elles-mêmes s’appuyer et réactualiser
des formes traditionnelles de processus de paix et de réconciliation (bushingantahe au
Burundi par exemple)
On s’intéresse, dans le cadre de cet axe, à la place, aux résistances, mais aussi aux
collaborations qui existent entre les institutions locales, leurs acteurs (religieux, coutumiers,
étatiques, etc.) et les dispositifs issus des programmes de retour à la paix ainsi que d’aide au
développement. Nous souhaiterions en particulier accueillir des communications sur la place
et le rôle qu’occupent les organisations internationales de défense des droits de l’Homme et
des droits de l’enfant dans la diffusion de (nouvelles) normes et pratiques de gestion des
conflits à l’échelle des individus et des groupes (Nieuwenhuys, 2001). Quelles modalités de
fonctionnement et de financement soutiennent ces dispositifs, quels lieux, discours et pratiques
de justice sont promus, par l’entremise de quels acteurs ? Enfin, on s’interrogera également sur
les grilles de lectures qui peuvent être convoquées par les communautés locales pour
interpréter, comprendre et négocier la présence, les discours, l’action et les interventions des
agents de terrain de ce type de programmes.
3. De l’entrée à la sortie du processus de médiation/conciliation. Les processus de résolution
de conflit s’inscrivent dans une temporalité longue, allant de ce qui a présidé à la saisine des
instances judiciaires ou d’autres instances coutumières, villageoises, traditionnelles,
religieuses, etc., (l’itinéraire de la plainte, le recours à diverses instances sociales-religieusesjudiciaires, etc. antérieurement à la tenue d’un procès, d’une médiation/conciliation),
jusqu’aux évènements et dynamiques qui se déploient une fois que se clôturent la
médiation/conciliation. Dans cet axe on s’arrêtera en particulier sur le moment et l’acte de
saisine de l’instance locale de médiation/conciliation et sur les conclusions et les actes des
dispositifs de résolution de conflit.
On souhaite donc, d’une part, recevoir des communications interrogeant :


l’ « entrée » dans les processus et dispositifs de résolution de conflits du type
médiation/conciliation: comment, quand, par qui et par quels moyens les
dispositifs de résolution des conflits sont-ils « activés » ou « saisis » ? Saisir le
médiateur ou le conciliateur est le résultat d’un parcours, de choix, individuels et
collectifs, qui peuvent être documentés et décrits en répondant, notamment, aux
questions suivantes : quels itinéraires, quels arbitrages ont amené des personnes
connaissant un conflit à se tourner vers la médiation/conciliation plutôt que vers
d’autres interlocuteurs/dispositifs ? Comment - en pratique - s'y sont-ils pris pour
saisir le médiateur/conciliateur : en empruntant la voie de l’écrit (lettre de plainte), en
faisant appel aux officiels locaux en matière de justice, en s’appuyant sur des tiers
familiaux (aînés, parents plus âgés), religieux ou claniques ? La saisine du
médiateur/conciliateur se réalise-t-elle au détriment d’autres instances ou fonctionnet-elle simultanément avec d’autres modalités de règlement des conflits ?
La « clôture » des processus et dispositifs de résolution de conflits : qu’est-ce que
produisent les médiations/conciliations ? Quand, comment et qui décide de la fin
d’une médiation/conciliation ? Quels ont été les « accords » passés entre les parties et
sur quoi portent-ils en particulier et, corollaire, qu’est-ce qui échappe à l’accord ? Si
on part du postulat que les dynamiques de résolutions de conflit telles que la
médiation/conciliation visent à la "restauration" du lien social entre les parties
en conflit par le moyen de la discussion, négociation, évaluation mutuelle des torts,
etc., alors il nous faut questionner ce sur quoi les individus acceptent des compromis,
ce sur quoi ils se mettent d'accord et, inversement, ce sur quoi ils ne transigent pas.
Les accords peuvent porter sur une multiplicité de domaines : accords sur les faits et
le récit des évènements, accord sur les responsabilités, accord sur les conséquences
des actes qui sont imputés, accord sur le type de solution envisagée pour aller vers une
« sortie » du conflit, etc. Quelles formes prennent ces accords : engagement verbal ou
promesse devant tiers, protocole d'accord homologué juridiquement ayant donc force
juridique, etc. ? Quelle est la nature des choses sur lesquelles les parties s’engagent :
excuses, restitution d’un bien, aide matérielle ou humaine, reprise de la
communication, participation à un rituel, acceptation d’un suivi médicopsychologique, etc.) ? Comment – lorsque la médiation se clôt et qu’il y a retour au
quotidien - ces accords sont-ils évalués, éprouvés et renégociés par la communauté et
les parties ? Quels sont les procédés de vérification, de suivi et de mise à l’épreuve
des accords qui ont été pris à l’issue des médiations/conciliations ?
Nous invitons finalement les communications à s’appuyer sur des matériaux ethnographiques relatifs à
ces différents moments et aspects du processus de résolution de conflit. Les pistes précédentes ne sont
évoquées ici qu'à titre indicatif et sont loin d'être exhaustives.
Calendrier et modalités de réponse
L’appel à communications est ouvert à toutes les disciplines avec une préférence marquée toutefois
pour les travaux s’appuyant sur des matériaux ethnographiques. Une sélection des propositions sera
réalisée par les organisateurs.
Un résumé de 500 mots en français ou en anglais devra être adressé à [email protected],
[email protected] et [email protected].
Le résumé comprendra : les nom, prénom, affiliation, statut et courriel de(s) auteur(s), le titre de leur
proposition et le résumé de celle-ci.
La date limite pour l’envoi des propositions de communications est le 28 janvier 2015. Les
notifications d’acceptations seront communiquées à la mi-mars. La date limite de remise du texte
définitif de la communication est le 20 août 2016.
Le workshop se tiendra à Rabat (Maroc) du 7 au 10 octobre 2016.
Les textes peuvent être en anglais ou en français. La langue du colloque sera principalement le
français, mais il sera possible de s’exprimer également en anglais.
Bibliographie indicative
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Organisateurs
Yazid Ben Hounet (CNRS, LAS) [email protected]
Aida Diop (IMAF, EHESS) [email protected]
Baudouin Dupret (IMM, EHESS)
Mickaële Lantin Mallet (IRIS, UMR 8156 EHESS-CNRS-Paris 13-INSERM) [email protected]
Ce projet de manifestation scientifique a reçu le soutien du Centre Jacques Berque