Habitants de Munster, Mesdames, Messieurs, enfants,

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Habitants de Munster, Mesdames, Messieurs, enfants,
Lisa Spantig, Hochschule Regensburg – ESC La Rochelle, allemande
La jeunesse européenne : des voix pour la paix
Sujet 1 : sur la mémoire de 14-18
Mesdames, Messieurs, chers Concitoyens,
Il y a six mois que notre monument à la mémoire des morts de la Première
Guerre Mondiale a été profané. Depuis six mois, nous avons employé tous nos
efforts pour le restaurer.
Pendant cette demi-année je me suis demandée sans cesse : Pourquoi ? Pourquoi
est-ce que quelqu’un déshonore un tel monument ?
Jusqu’à aujourd’hui je n’ai pas encore trouvé de réponse plausible.
Une dégradation exprime souvent une agression. Mais dans le cas échéant, cette
agression se dirige contre qui ou contre quoi? Contre les soldats français ou
contre ceux d’Allemagne ? Ou peut-être contre la guerre en général ?
Personnellement, je doute du fait que le profanateur ait été conscient de la valeur
symbolique du monument. 90 ans, c’est une période assez longue. Étant
honnêtes, qui parmi nous se souvient encore des événements de la Première
Guerre Mondiale ? Presque personne n’a vécu au début du 20ème siècle, personne
n’a vu notre ville, Munster, détruite par les soldats qui se sont acharnés contre
l’ennemi. Et pourtant, cet événement fait bien partie de notre Histoire. De
l’histoire de notre ville, de nos familles et de nous-mêmes.
Il est donc crucial d’éviter que cette époque de notre histoire tombe dans l’oubli.
Il faut conserver la mémoire et il faut garder la paix.
Notre ville est située dans une région européenne entre deux nations dont les
cultures y sont unifiées. Au fil du temps, cette région a changé sa nationalité
plusieurs fois. Ou mieux dit : la nationalité a été changée - par les Allemands et
par les Français. Ces changements de nationalité n’étaient pas pacifiques - au
contraire !
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Lisa Spantig, Hochschule Regensburg – ESC La Rochelle, allemande
Des millions de soldats se sont mutuellement tués, des villes comme la nôtre ont
été détruites et ensuite reconstruites. Pour remémorer aux générations suivantes
ces pertes énormes, des monuments comme celui-ci ont été instaurés. Afin de ne
pas oublier les pertes consacrées à notre histoire, il faut donc conserver ces
monuments.
Il faut conserver la mémoire et il faut garder la paix.
Ce monument ici nous rappelle les nombreux soldats morts pendant la Première
Guerre Mondiale. Alors, qu’est-ce qui c’est passé à cette époque là ? Qu’est-ce
qui c’est passé il y a 90 ans ?
C’était le 3 août 1914 que l’Allemagne déclare la guerre à la France. Tout de
suite, l’armée française intervient dans l’Alsace qui à ce moment-là appartient à
l’Allemagne. Pendant les premiers mois de la guerre, l’Alsace est une région
âprement disputée. Toujours en août, les soldats français occupent des villes
stratégiquement importantes parmi elles la vallée de Munster.
A partir de 1915, Munster est journellement bombardé et jusqu’au début de
1916 les troupes continuent à barouder. Dans les villes différentes, la force
d’occupation change à plusieurs reprises. Dès lors, les fronts raidissent et il n’a
plus d’avancement, mais toujours des morts. On entre dans la période de la
guerre de tranchées.
Ce n’est que le 11 Novembre 1918 que le traité d’armistice est signé. À ce
moment-là, notre ville est détruite à 85%. Les reconstructions commencent le
lendemain de l’armistice et les soldats français et allemands encore vivants
quittent peu à peu l’Alsace. Mais quand même ils restent des dommages
irréparables et irréversibles : plus de cent mille morts.
Aujourd’hui, Munster a un peu plus de 5 000 habitants. Le nombre de morts
représente 20 villes comme la nôtre !
C’étaient des soldats français et des soldats allemands qui ont lutté les uns
contre les autres, mais ils sont tombés ensemble. Chacun d’eux n’était pas
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uniquement un soldat, mais aussi et surtout un être humain et un individu
comme chacun de nous. C’est pourquoi nous ne faisons pas la différence entre
un soldat français et un soldat allemand. Afin de ne pas les oublier, des
monuments ont été construits. En conservant ces monuments, nous
reconnaissons que c’étaient des individus qui ont trouvé leur mort sur les
champs de bataille en Alsace et en toute l’Europe.
Il faut conserver la mémoire et il faut garder la paix.
Vous, messieurs, imaginez que vous êtes le père d’une famille. En laissant votre
maison, vous abandonnez votre femme et vos chers enfants. Vous ne savez pas
pour combien de temps vous partez. Vous ne savez pas comment votre famille
se nourrira pendant votre absence. Et vous ne savez pas si votre absence sera
temporaire ou, plus probablement, définitive.
De toute façon, vous devez assister votre patrie. Vous faites la connaissance
d’autres soldats, vous écoutez des histoires qui sont censées justifier la
destruction de l’ennemi. Vous devenez motivé et les premiers jours l’armée
progresse. Très tôt, un de vos nouveaux amis est foudroyé. Comme vous, il avait
des enfants. Vous vous rendez compte que c’est probable que les soldats
hostiles, eux aussi, aient des enfants. Qu’ils se trouvent dans une situation
pareille. Alors, pourquoi les fusiller ? A quoi est-ce que ça sert ? Et en général, à
quoi sert la guerre ? Vous avez conscience de l’absurdité de la guerre, mais vous
ne pouvez pas empêcher que la guerre continue.
Afin de ne pas oublier que les soldats n’ont pas décidé eux-mêmes de participer
à une bataille qui ne connaît que des perdants, des monuments ont été construits.
En représentant les morts, ils nous rappellent l’absurdité de la guerre.
Il faut conserver la mémoire et il faut garder la paix.
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Lisa Spantig, Hochschule Regensburg – ESC La Rochelle, allemande
Quant à vous, Mesdames, imaginez que vous êtes la mère d’une famille. Votre
mari est forcé de joindre l’armée et vous restez seule avec vos enfants. Vous ne
savez pas s’il va revenir, combien de temps vous devrez l’attendre et vous ne
savez pas encore comment nourrir vos enfants. Mais les autres hommes du
village sont aussi partis et vous partagez non seulement les travaux avec les
autres femmes mais aussi la nourriture. Vous commencez à vous y habituer mais
vous ne déchantez pas. Tout le temps vous espérez que votre mari reviendra un
jour. De temps en temps vous recevez des lettres courtes qui vous rassurent.
Mais ces lettres deviennent de plus en plus rares et le dernier message n’est plus
de lui…
Afin de ne pas oublier des situations comme celle-ci, des monuments ont été
construits. En racontant des destins, ils nous rappellent que ce n’était pas
seulement des soldats qui sont mort mais aussi des enfants, des femmes et des
personnes âgées. Soit par la faim, soit par une invasion, des milliers d’individus
ont trouvé leur mort. Chacun avec sa propre histoire, détruite par la guerre.
Imaginez que la mort de tous ces soldats n’ait servi à rien. Les 90 années qui ont
passé n’auraient pas seulement pourri leurs corps mais aussi les souvenirs de
cette guerre cruelle avec toutes ses conséquences. Imaginez-vous que les
descendants des soldats n’aient pas voulu changer quelque chose. Comment
vivrions-nous ?
Il est évident qu’il faut non seulement conserver des monuments, mais aussi se
rendre compte de ce qu’ils expriment. Ce monument-là, il nous rappelle notre
Histoire, les énormes pertes, les individus et les innombrables soldats qui sont
tombés pendant la Première Guerre Mondiale.
Il faut conserver la mémoire et il faut garder la paix.
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Lisa Spantig, Hochschule Regensburg – ESC La Rochelle, allemande
Mais pourquoi toujours bien retenir tout cela ?
Nous nous souvenons de l’Histoire – entre autres pour apprendre - pour
apprendre ce qui c’est passé sur les champs de bataille et pour apprendre les
conséquences pour les familles; et alors pour apprendre que la guerre est d’une
absurdité énorme. Vous voyez qu’il est crucial d’éviter que cette époque de
notre Histoire tombe dans l’oubli. En conservant notre monument, nous gardons
aussi la mémoire des morts et de l’absurdité de la guerre en général. En
conservant notre monument, nous nous engageons pour la paix.
Il faut conserver la mémoire et il faut garder la paix.
Je remercie Monsieur Schwartz d’avoir consacré autant de son temps à la
restauration du monument et j’espère de tout cœur que c’était la seule occasion
pour un tel discours.
Néanmoins, nous ne devons jamais endormir l’histoire de Munster et de toute
l’Alsace avec l’ensemble de ses implications soit les positives soit les négatives.
D’une façon ou d’une autre, nous sommes tous concernés parce que c’est
l’histoire de notre ville, de nos familles et de nous-mêmes. Il est donc important
que le rapport entre le monument et l’histoire existe toujours pour que le
monument accomplisse sa tâche. Cela ne sera pas facile, mais nous nous devons
de relever ce défi.
Pour conserver la mémoire. Pour garder la paix.
Merci.
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