Blessures musculo-‐squelettiques et biomécanique de la foulée

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Blessures musculo-‐squelettiques et biomécanique de la foulée
Blessures musculo-­‐squelettiques et biomécanique de la foulée chez l’ultra-­‐traileur. E. Poinsot, G. Dalleau, N. Caron, R. Rivière, T. Caderby, B. Bonazzi, N. Peyrot.
† Laboratoire IRISSE – EA 4075, Université de la Réunion, 97430 Le Tampon.
photo n°1 : Ultra-­‐trail à la Réunion L’ultra-­‐trail est une discipline de course à pied d'ultra longue distance en milieu naturel avec du dénivelé. Cette activité de plus en plus répandue est pourvoyeuse de blessures musculo-­‐squelettiques, en particulier des membres inférieurs. La survenue de ces blessures semble être multifactorielle et peut avoir pour origine le manque d’expérience du coureur, le surpoids, les antécédents de blessures ou une mauvaise préparation physique. Le type de foulée, c’est à dire la façon de poser le pied initialement au sol, semble également jouer un rôle prépondérant dans l’apparition des blessures musculosquelettiques en raison des différentes contraintes biomécaniques appliquées au niveau des membres inférieurs pendant l'appui. Afin de rendre compte de ces contraintes, il est possible de classer les coureurs en fonction de leur foulée. Ainsi, les coureurs arrière-­‐pied posent d'abord le talon lors du contact initial du pied au sol, alors que les coureurs medio-­‐pied ou avant-­‐pied posent respectivement le pied à plat ou sur l'avant (photo n°2). (B) (A) photo n°2 (A) Coureur arrière-­‐pied : attaque par le talon (B) Coureur avant-­‐pied : attaque par l’avant du pied
Bien que la plupart des coureurs d'ultra longue distance attaquent naturellement par le talon, de plus en plus de coureurs tentent d’adopter une pose de pied plus sur l'avant afin de limiter l'impact du talon au sol et ainsi de limiter l'onde de choc qui se propage dans tout le corps. De plus, les coureurs médio-­‐ ou avant-­‐pied courent avec des foulées plus petites et posent le pied plus à l'aplomb du corps, permettant de diminuer les contraintes appliquées aux articulations de la hanche et du genou. Cependant, l'articulation de la cheville va être plus sollicitée pour amortir l'impact durant le début du contact du pied au sol, augmentant ainsi les contraintes générées au niveau de cette articulation. Ces contraintes biomécaniques, différentes selon le type de foulée, sont aujourd'hui fortement mises en cause dans l’apparition des blessures chez le coureur. Afin de tenter de confirmer cette hypothèse, une équipe de chercheurs en biomécanique du Laboratoire IRISSE a réalisé une étude au sein de l’Université de la Réunion. L’objectif de cette étude était de mesurer les paramètres biomécaniques de la course à pied chez des ultra-­‐traileurs, et d’établir un lien entre les différents impacts générés par chaque pattern de course et les blessures musculo-­‐squelettiques. Etude réalisée : 107 ultra-­‐traileurs vivant à la Réunion, hommes et femmes de tous niveaux, se sont portés volontaires pour participer à cette étude. Les participants devaient être des coureurs réguliers et ne devaient présenter aucune blessure au niveau des membres inférieurs. Pour chaque participant, le pattern de course a été identifié à l’aide d’une analyse vidéo lors d'une course sur terrain plat à la vitesse de confort des sujets qui étaient équipées de leurs chaussures habituelles de course. Les impacts au moment de la pose initiale du pied au sol ont été mesurés grâce à des plateformes de force positionnées sur une piste en laboratoire. D’autres paramètres ont également été relevés, tels que la fréquence de pas et la force musculaire des membres inférieurs. Un questionnaire a permis de relever les habitudes d’entraînement ainsi que la nature et la fréquence des blessures avec une antériorité de deux ans. Les participants ont été suivis sur une période de 6 mois à la suite des tests. Ils devaient alors signaler aux investigateurs toutes les blessures liées à la pratique de la course à pied dès leur apparition. Celles-­‐ci étaient ensuite confirmées par le médecin de l’équipe de recherche. photo n°3 : analyse de la foulée en laboratoire Principaux résultats : Les résultats de cette étude concernent 38 femmes et 69 hommes ultra-­‐traileurs avec une moyenne d’âge de 39 ans. Parmi les 107 sujets de l'étude, 80 (soit 75%) étaient des coureurs arrière-­‐pied et 27 (soit 25%) étaient des coureurs avant-­‐ ou médio-­‐pied. Au niveau des paramètres biomécaniques, des différences ont été mises en évidence en fonction du type de foulée. Les coureurs arrière-­‐pied couraient avec des longueurs de foulée plus grandes et généraient un impact plus important lors de la pose du pied au sol. Par ailleurs, les coureurs arrière-­‐pied présentaient une force musculaire au niveau des membres inférieurs plus faible que les coureurs médio-­‐ ou avant-­‐pied. En ce qui concerne les blessures, 80% de l’ensemble des sujets ont rapporté avoir eu au moins une blessure répétitive au cours des deux années précédant l’étude (incluant notamment les tendinites, les douleurs articulaires, les douleurs musculaires, les périostites…). Ces blessures se situaient essentiellement au niveau du genou et de la jambe. En considérant l’ensemble des blessures répétitives, les coureurs arrière-­‐pied n’étaient pas plus blessés que les coureurs avant-­‐ ou médio-­‐pied. Cependant, en analysant ces blessures par région anatomique, il a été mis en évidence que les coureurs arrière pied de notre étude présentaient 5 fois plus de blessures au niveau de la jambe que les autres coureurs. A titre d’exemple, la périostite tibiale, qui est une inflammation du périoste, était une des blessures de la jambe les plus représentées dans cette étude et il a été montré que les coureurs arrière-­‐pied avaient plus de risque de développer cette blessure du fait de l’impact plus élevé qu’ils généraient lors de la pose du pied. Applications et perspectives : Il apparaît donc selon cette étude que la plupart des coureurs d’ultra-­‐trail, qu’ils attaquent par l’arrière-­‐pied ou par l’avant ou le médio-­‐pied, ont un risque élevé de développer des blessures répétitives. D’après les résultats de l’étude, il semblerait que les coureurs arrière-­‐pied génèrent des impacts plus élevés lors de la pose du pied au sol. De plus, la répétition des impacts générés par la pose initiale du talon pourrait bien être une des explications du risque plus élevé de développer une blessure répétitive de la jambe chez ces coureurs. Cependant, de nombreux coureurs qui attaquent par l’arrière-­‐pied ne se blessent pas ou très peu, tandis que certains coureurs attaquant par le médio-­‐ ou l’avant-­‐pied semblent se blesser à d’autres endroits que la jambe. Cela suggère que d’autres facteurs sont également liés à l’apparition des blessures répétitives chez les coureurs d’ultra-­‐trail. Une des limites de cette étude est que la biomécanique de la foulée ainsi que les contraintes biomécaniques générées pendant la course ont été étudiées en condition de laboratoire lors d'une course sur le plat à la vitesse de confort des sujets courant avec leur pattern prédominant. Ces conditions ne reflètent pas totalement les contraintes subies en course à pied, puisqu'en condition réelle, sur le terrain, la foulée varie selon la pente, la nature du terrain ou les conditions de fatigue. L’évolution de la foulée durant un long trail est peu connue, mais les impacts générés par la pose du pied pourraient bien varier chez un même coureur tout au long de la course. Une étude de la foulée durant un ultra-­‐trail permettrait de mieux quantifier les impacts générés par les coureurs et peut-­‐être de mieux comprendre l’apparition des blessures en course à pied. En conclusion, la prévalence des blessures répétitives chez les ultra-­‐traileurs ne semble pas différente selon le type de foulée. Cependant, en s’intéressant à la localisation des blessures, il semblerait que les coureurs attaquant par l’arrière-­‐pied aient plus de risques de développer une blessure au niveau de la jambe du fait de la répétition des impacts élevés qu’ils génèrent lors de la pose initiale du talon au sol. Bien évidemment, de nombreux autres facteurs sont à prendre en considération pour expliquer la survenue des blessures musculo-­‐
squelettiques liées à cette discipline. photo n°4 : cirque de Mafate, ile de la Réunion 

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