1 © Olivier MORENO, avocat spécialiste du droit du travail Par le

Transcription

1 © Olivier MORENO, avocat spécialiste du droit du travail Par le
LA TRAQUE AUX FAUX INDEPENDANTS EST RELANCEE !
ETAT DE LA LEGISLATION ET MESURES A PRENDRE AVANT LE 1/1/2013
© Olivier MORENO, avocat spécialiste du droit du travail
Par le vote de la loi du 25 août 2012 modifiant le Titre XIII de la loi-programme du 27 décembre
2006, en ce qui concerne la nature des relations de travail, le législateur a démontré que le vieux
débat au sujet de la lutte contre les faux indépendants n’est certainement pas prêt de s’achever. Par
conséquent, la législation sociale est amenée périodiquement à faire l’objet de modifications.
C’est ainsi que par cette loi du 25 août 2012 (Mon. belge 11 sept. 2012, p. 56957 à 56961), il a été
décidé d’établir, pour certains secteurs d’activités économiques, une présomption réfragable
d’existence d’une relation de travail salarié sur base de certains critères déterminés par le
législateur.
Avant d’examiner plus en détails cette nouvelle législation qui entrera en vigueur en principe le 1er
janvier 2013, faisons rapidement le point sur l’état actuel du droit positif en la matière.
1. DISPOSITIONS
DE LA LOI-PROGRAMME DU
NATURE DES RELATIONS DE TRAVAIL
27
DECEMBRE
2006,
EN CE QUI CONCERNE LA
Actuellement, c’est cette loi qui précise les critères qui permettent de distinguer le travailleur salarié
d’un travailleur indépendant. La règle générale est que la nature de la relation (contrat de travail ou
contrat d’indépendant) est fixée librement par les parties pour autant que l’exécution effective de la
convention qui les lie soit en adéquation avec la nature de la relation juridique choisie.
Cette loi énonce également différents critères en ce qui concerne la distinction entre travailleur
salarié et travailleur indépendant. Bref, il s’agit de critères permettant de débusquer les fameux faux
indépendants.
Trois catégories de critères ont été établis par cette loi : les critères généraux, les critères spécifiques
et les critères neutres.
Les critères généraux sont ceux qui déterminent, quelque que soit le secteur d’activité
économique, s’il y a un lien de subordination ou non, donc contrat de travail ou non. Ces critères
généraux sont :
♦ la volonté des parties telle qu’elle résulte de la convention (volonté de conclure un contrat
de travail ou une convention d’entreprise) ;
♦ la liberté accordée à la partie qui effectue le travail dans l’organisation du temps de
travail (y-a-t-il un horaire de travail déterminé par la partie qui donne le travail ?) ;
1
♦ la liberté dans la manière de travailler et l’existence d’un contrôle hiérarchique dans le chef
de celui qui sera bénéficiaire de la prestation de travail ;
Les critères spécifiques sont ceux qui sont propres à certains secteurs économiques en question ou
à certaines professions. Cependant, ces différents critères spécifiques devaient être établis par une
commission de règlement de la relation de travail qui n’a jamais vu le jour de telle manière qu’il
n’existe aucun critère spécifique.
Cette même loi de 2006 énonce une série de critères qui sont à écarter dans la qualification de la
nature du travail étant entendu qu’ils ne sont pas suffisamment saillant pour déterminer la nature de
la relation de travail. Il s’agit à titre d’exemple de la dénomination de la convention, d’une
éventuelle inscription auprès d’un organisme de sécurité sociale, d’une inscription auprès de
l’administration fiscale, etc.
2. NOUVELLE REGLEMENTATION ISSUE DE LA LOI DU 25 AOUT 2012 (ENTREE EN VIGUEUR LE
1ER JANVIER 2013)
Par cette loi modificative, le législateur a voulu simplifier la qualification (travailleur salarié ou
indépendant) devant être accordée à la relation contractuelle pour certains secteurs économiques en
établissant une présomption d’existence d’un contrat de travail soumis à la loi du 3 juillet 1978 sur
les contrats de travail. Cette présomption est dite réfragable, c-à-d qu’elle admet la preuve du
contraire.
Les quatre secteurs économiques visés sont
⇒ secteur de la construction : le secteur des travaux immobiliers ;
⇒ secteur de la garde : le secteur de services de garde et/ou de surveillance ;
⇒ secteur des transports : le secteur des transports de choses et/ou de personnes pour le compte
de tiers, à l’exception des services d’ambulance et du transport de personnes handicapées ;
⇒ secteur du nettoyage ;
Il convient toutefois de noter que cette loi du 25 août 2012 précise que la présomption d’existence
d’un contrat de travail ne s’applique pas dans les relations de travail familiales. La loi détermine
ce qu’il faut entendre par relations de travail familiales. Il s’agit :
-
de la relation de travail entre une personne et ses parents et alliés jusqu’au troisième degré
(par exemple entre les enfants et les parents, entre les petits-enfants et les grands-parents,
entre un oncle et son neveux, etc) ;
de la relation de travail entre une société et une personne physique qui est un parent, un allié
jusqu’au troisième degré ou encore un cohabitant légal de celui ou de ceux qui ensemble
détiennent plus de 50 % du capital de la société en question ;
En ce qui concerne les critères, le législateur a établi une liste de neufs critères dans le but de
donner une qualification à la relation contractuelle en cause.
Si la majorité (5) des neufs critères établis par la loi sont rencontrés, il est présumé de manière
réfragable qu’il y a un contrat de travail et que par conséquent l’on est en présence d’un faux
indépendant.
2
Les neufs critères en question sont les suivants :
1) Inexistence dans le chef de celui qui exécute le travail d’un quelconque risque financier.
C’est par exemple le cas, précise la loi lorsque :
- Il n’y a aucune participation de cette personne dans le capital de l’entreprise ;
- Il n’y a aucune participation de cette personne dans les profits de l’entreprise ;
2) Inexistence dans le chef de celui qui exécute le travail d’un pouvoir de décision, d’une
marge de manœuvre concernant les moyens financiers de l’entreprise ;
3) Inexistence dans le chef de celui qui exécute le travail d’un quelconque pouvoir de décision
concernant la politique d’achat de l’entreprise ;
4) Inexistence dans le chef de celui qui exécute le travail d’un pouvoir quelconque dans la
politique des prix de l’entreprise ;
5) Inexistence d’une obligation de résultat dans le chef de celui qui exécute le travail ;
6) Garantie d’une rémunération fixe quelle que soit la réussite du travail, le chiffre d’affaires à
l’issue du travail ;
7) La personne qui exécute le travail ne doit pas être également l’employeur d’un personnel
recruté personnellement et librement ou ne pas avoir la faculté d’engager du personnel ou
de se faire remplacer ;
8) La personne qui exécute le travail ne doit pas pouvoir être considéré comme une entreprise à
l’égard de son cocontractant ou ne doit pas travailler essentiellement pour une seule et
même personne ;
9) La personne travaille dans les locaux dont il n’est pas propriétaire ou avec du matériel qui a
été mis à sa disposition par le cocontractant ;
Ainsi, si au moins 5 des 9 critères exposés ci-dessus sont rencontrés, les Inspecteurs sociaux
(O.N.S.S.) pourront présumer qu’il y a existence d’un contrat de travail soumis aux dispositions de
la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail.
Cette présomption pourra toutefois être renversée par toutes voies de droit (c-à-d par tous les
moyens qu’offre la loi afin d’établir la vérité) et notamment sur base des critères généraux (voir
supra) fixés par la loi-programme du 27 décembre 2006 précitée.
Par ailleurs, il convient de noter que la loi du 25 août 2012 prévoit que le Roi peut établir une liste,
de critères spécifiques pour certains métiers ou certains secteurs économiques, qui écartera tout ou
partie des critères présentés supra.
En ce qui concerne la commission de règlement de la relation de travail qui n’est jamais entrée en
fonction sous la première mouture de la loi-programme de 2006, celle-ci aura pour seule fonction
d’émettre des avis concernant la qualification à donner à une relation contractuelle dans une
situation concrète déterminée.
3
Il est prévu que cette loi entrera en vigueur au plus tard le 1er janvier 2013 ou éventuellement à
une date antérieure si le Roi en décide ainsi. Toutefois, les critères généraux (prévus par la loi du 27
décembre 2006 - voir supra) s’appliquent déjà aux quatre secteurs décrits ci-dessus, comme
d’ailleurs à tous les autres secteurs.
Il importe donc de refaire analyser par un spécialiste
vos contrats de collaboration indépendante et de sous-traitance.
4