Taux de change et balance commerciale depuis 1945 dans les pays

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Taux de change et balance commerciale depuis 1945 dans les pays
Taux de change et balance commerciale depuis 1945 dans les pays
capitalistes développés
© Joël Hermet _ 2012
Le taux de change est la valeur de la monnaie nationale par rapport à une devise étrangère. Le
terme peut faire référence à la fois au régime de change et au niveau du taux de change. La balance
commerciale est la partie de la balance des paiements retranscrivant les achats et les ventes de biens
entre un pays et le reste du monde. Elle permet de connaître le solde commercial (les gouvernements
préférant un excédent à un déficit), et le type de spécialisation d’une nation.
TAUX DE
CHANGE
BALANCE
COMMERCIALE
Le taux de change influence la balance commerciale à travers la compétitivité des firmes
nationales et le type de spécialisation. En retour, la balance commerciale est un des déterminants du
taux de change, avec notamment l’inflation et le taux d’intérêt.
Vu la formulation du sujet avec le « et », il convient d’étudier les liens dans les deux sens.
Sachant cependant que le lien taux de change balance commerciale sera plus riche que l’autre.
Le système de change n’a qu’une influence mineure sur la balance commerciale1. La vraie
question est donc celle du choix d’une monnaie forte ou faible pour stimuler les exportations, limiter
les importations et orienter la spécialisation d’un pays. La problématique pourra donc être : dans
quelle mesure la variation du taux de change permet-il l’ajustement des balances commerciales ?
I – La baisse du taux de change semble à première vue le moyen le plus sûr
pour obtenir une balance commerciale équilibrée ou excédentaire…
1- Le principe : la courbe en J avec la dévaluation en changes fixes sous Bretton Woods ou dans
le cadre du SME (France 1958, France 1969, 1981-1982-1983), la dépréciation en change
flottants
2- Les conditions d’efficacité : un déficit commercial initial dû à une hausse des prix
supérieure à celle des pays étrangers, une forte élasticité-prix de la demande domestique et
étrangère, une offre intérieure flexible, une réduction de l’absorption, l’absence de
comportement de marge des firmes.
3- Les enjeux actuels : sous-évaluation du yuan et excédent commercial record de la Chine (2ème
puissance mondiale et pays capitaliste par de nombreux côtés…), euro trop fort pour les pays
du sud de la zone euro qui connaissent des déficits structurels (Grèce, Espagne, Portugal), une
monnaie moins forte serait selon certains le moyen de limiter la désindustrialisation des vieux
pays développés face aux puissances émergentes accusées de pratiquer le « dumping
monétaire ».
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D’une part, certains excédents ou déficits sont communs aux changes fixes et flottants (cas de l’Allemagne et
du Japon). D’autre part, la dévaluation et la dépréciation ont sensiblement les mêmes effets sur la balance
commerciale. Par conséquent, un plan ‘changes fixes/changes flottants’ entrainerait des redondances.
II – … Cependant, les balances commerciales ne varient pas toujours de
manière opposée au taux de change…
1- Le cercle vicieux des pays à monnaie faible : exemple du franc des années 1970 et 1980 :
inflation importée, appareil productif vétuste, spécialisation bas de gamme très concurrencée
par les NPI, déclin de l’orientation coloniale du commerce extérieur. La courbe en J se
transforme en courbe en tôle ondulée.
2- Le cercle vertueux des pays à monnaie forte : exemple de l’Allemagne et du Japon :
spécialisation haut de gamme, remontée de filière, compétitivité hors prix forte, entreprises
« price makers ». L’économie du pays est plus puissante ce qui renforce le taux de change (le
niveau de développement est un autre déterminant du taux de change, cf. Gilbert et Kravis)
3- Les obstacles à l’ajustement : l’élasticité-prix plus faible que l’élasticité-revenu (qui
correspond au poids des différentiels de croissance dans les ajustements externes), la
spécialisation de l’économie, l’effet d’hystérésis, l’asymétrie des monnaies.
III – … D’autant plus que l’importance des mouvements de capitaux
diminue le lien traditionnel balance commerciale/taux de change
1- Le solde commercial perd de son influence sur le taux de change au profit de nouveaux
déterminants : dans la balance des paiements, la balance commerciale a un poids de plus en
plus faible par rapport à la balance des capitaux, en raison notamment de la libéralisation des
mouvements de capitaux depuis les années 1970 et de la financiarisation des économies. Les
transactions quotidiennes sur le marché des changes représentent aujourd’hui
l’équivalent de trois mois d’échanges internationaux de biens et services.
2- Les variables financières prennent un poids de plus en plus grand dans la détermination du
taux de change (financiarisation du taux de change) : la parité des taux d’intérêt, la sur
réaction, les bulles spéculatives, le mimétisme des opérateurs sur le marché des changes, le
phénomène d’habitat préféré (dollar)
3- Les flux de capitaux internationaux permettent de financer des déficits commerciaux
durables : Cas particulier des USA : en tant qu’émetteur de la monnaie internationale, ils
peuvent se permettre d’avoir un déficit structurel croissant depuis plus de 30 ans, sans que le
dollar ne se soit (encore ?) effondré (déficit sans pleurs de Rueff), les capitaux étrangers ayant
permis jusqu’à présent de financer les « déficits jumeaux ».
Conclusion :
Aujourd’hui, la dévaluation n’est pas forcément la meilleure solution pour retrouver un excédent
commercial. Si le protectionnisme est peu efficace (cf. cours), les gouvernements peuvent utiliser
d’autres moyens tels la contraction de la demande intérieure, la désinflation compétitive, des
politiques structurelles visant à encourager l’offre et la compétitivité.
Toutefois, on peut remettre en cause cette obsession mercantiliste de l’excédent commercial. En effet,
si un pays connaît un déficit commercial, cela signifie que l’épargne intérieure est inférieure à
l’investissement, c'est-à-dire que les individus ont une préférence pour le présent. Pourquoi donc
vouloir supprimer un phénomène voulu par les agents ? Il est même heureux qu’on ne puisse y
parvenir par une manipulation du taux de change, laquelle peut s’analyser comme un vol puisque les
autorités s’étaient engagées sur un prix et renient cet engagement. Frédéric Bastiat, dans Le capitaine
au long cours, avait montré au 19ème siècle l’inanité de vouloir rechercher à tout prix l’excédent
commercial. La leçon a-t-elle été entendue ?