1. Exemple de l`arsenal de Brest partie 1

Transcription

1. Exemple de l`arsenal de Brest partie 1
MOOC HISTOIRE ET EPISTÉMOLOGIE
DES SCIENCES
EXEMPLE DU PORT D’ARSENAL DE BREST COMME
MACRO-SYSTEME TECHNOLOGIQUE (PARTIE 1)
*Il s’agit d’une transcription directe de la vidéo 1 de la 5 intitulée
« Exemple du port d’arsenal de Brest comme macro-système
technologique » et non d’un texte destiné à la publication ou à la
diffusion.
Ce cours a pour objectif d’aborder à travers l’exemple de l’histoire d’un paysage industriel,
qui va se transformer fortement au XIXe siècle –celui de l’arsenal de Brest- les
méthodologies en histoire des sciences et des techniques basées sur une approche
systémique. Ce premier cours sera ensuite suivi par deux études de cas de petits systèmes
technologiques caractéristiques de la transition industrielle au XIXe siècle.
Nous commencerons par quelques données factuelles pour situer la ville de Brest dans la vie
économique et industrielle.
Brest présente une forte spécialisation dans le domaine de la mer, les activités industrielles
maritimes, militaires, qui représentent aujourd’hui environ 25 000 emplois. Il est le premier
port français atlantique de l’entretien de la flotte militaire et de réparation navale civile.
La marine nationale, DCNS, Thalès, sont quelques-uns des nombreux acteurs économiques
du domaine.
Par ailleurs, la recherche en science et technologie de la mer place Brest au premier rang
européen et parmi les trois premiers pôles internationaux avec une forte intrication avec le
monde industriel. La mise en place de ce macro système technologique est le résultat d’une
longue histoire, qui débute au XVIIe siècle.
Commençons par une définition :
« Un arsenal est un enclos où est compris un port de mer appartenant au gouvernement où il tient
ses vaisseaux et tout ce qui est propre à les construire, à les conserver, à les armer, les désarmer, les
radouber ». Définition d’un arsenal selon L’Encyclopédie méthodique marine de 1783
L’Etat joue un rôle très important dans la création du port de Brest. L’Etat joue un rôle
important dans le développement de Brest. Sur décision de Richelieu, la création d’un port
arsenal militaire est décidée en 1631 qui amènera Brest après de nombreux travaux
d’aménagement à devenir le premier arsenal au niveau français. Un port arsenal constitue un
macro système complexe et un haut lieu de pratique scientifique et d’innovation.
Ce plan de la ville de Brest (1779) nous donne plusieurs informations. La carte de droite
montre le port de Brest comme une place protégée naturellement par un goulet étroit dans
la rade et la présence d’un petit fleuve dont les rives seront aménagées. Conformément à la
définition, la carte de gauche nous montre bien l’arsenal comme un espace enclos et fortifié
qui enferme différents bâtiments à caractère industriel permettant d’assurer les fonctions de
construction, de réparation des vaisseaux de la flotte royale.
Voyons cette carte de plus près.
Le port arsenal est un artefact dans le sens de « produit de l’activité humaine qui forme un
système et que l’on peut décomposer en élément plus simple et qui sont eux aussi des
artefacts ». Par exemple, le château, la forme de Troulan, les forges destinées à produire
tous les éléments en fer nécessaires à la construction navale, la corderie, voilerie, les
magasins de stockages, l’hôpital de marine mais aussi le bagne qui fournit une main d’œuvre
abondante nécessaire à la construction navale.
On retrouvera ces éléments dans l’ensemble des arsenaux français. D’autres éléments
inhérents à l’activité et à la mobilité portuaires peuvent être cités, tels que les quais.
« Vue de l’intérieur du Port de Brest » par Jean-François Hue (1751-1823)
Deux tableaux de Jean-François Hue nous permettent de nous représenter les activités du
port. Nous sommes ici en plein époque de la marine royale à voile et donc dans le cadre
d’un macro-système technologique spécifique du XVIIIe siècle c’est-à-dire qu’il va être qualifié
en termes de matériaux (bois), d’énergie (hydraulique), et de savoirs scientifique et
technologiques spécifiques.
Ce manuscrit exceptionnel signé d’un officier de marine nommé Deslongchamps donne des
informations très précises sur la culture matérielle dans les arsenaux français mais aussi
étrangers au travers de l’outillage et des diverses fournitures nécessaires à la construction
navale.
L’arsenal est aussi un lieu de production industrielle. Le manuscrit présente des similitudes
importantes avec l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. A titre d’exemple, voici un
mémoire sur les clous.
Il est associé à des tables de dimension et de de clous.
De la même manière un mémoire sur les lattes, accompagnée d’une table de dimension et de
plan.
Des systèmes pour fabriquer les poulies.
Les grues sont aussi présentes (exemple : grue à mater)
Leur position dans un port, dans un arsenal en particulier, comme leur tonnage nous donne
des indications sur l’activité de ce port. Ici la grue à mater était positionnée près du château,
D’environ 60 m de hauteur, il était possible de soulever des mats d’environ 12 tonnes.
On peut voir l’équipe des maîtres ancriers en train de fabriquer une ancre.
Ce plan en allemand de 1899 nous montre comment le port militaire a évolué.
Le paysage a fortement évolué. On adapte et on exploite l’espace disponible, l’activité du
port s’enfonce dans les terres, le long du fleuve, les formes de construction se sont
multipliées, le développement de la marine à vapeur s’est traduite par l’installation d’ateliers
spécifiques dans les années 1840 sur le plateau des Capucins, accompagné d’une grue de 80
tonnes.
Ci-dessous on voit une forte évolution du paysage. L’arsenal construit désormais des
cuirassés à vapeur. Une transition industrielle a eu lieu et on a changé de paradigme.
Les matériaux, les savoirs et les technologies ont radicalement évolué. Les arsenaux sont
dont de très bons exemples illustrant la révolution industrielle au XIXe siècle en
s’accompagnant de diverses innovations technologiques et scientifiques.
La construction du pont tournant Schneider-Oudry (1856-1861) constitue de même un
exemple d’innovation dans le génie civil et présenté dans les expositions universelles de
Londres en 1862 et à Paris en 1867.
Il s’agit désormais d’aborder la question des concepts et des théories utilisés pour
comprendre l’arsenal en tant que macro-système technologique. Trois textes
incontournables :
• Krzysztof Pomian, « De l’exception humaine », Le Débat, 2014/3
• Hughes, Thomas Park, « The Evolution of Large Technological Systems », in The
Social Construction of Technological Systems, ed. by Bijker, Hughes and Pinch, 1987,
pp.51-82
• Pinch, T. J., & Bijker, W. E. (1987). The Social Construction of facts and Artifacts: Or
How the Sociology of Science and the Sociology of Technology Might Benefit Each
Other. London, England