Clément Duval En 1887, au bagne en Guyane

Transcription

Clément Duval En 1887, au bagne en Guyane
Clément Duval
En 1887, au bagne en Guyane ; le directeur visite les cellules où sont enfermés les bagnards
récalcitrants; arrivé devant une cellule, un des matons qui l'accompagne lui dit :
-" Ici, c'est Duval, anarchiste et fier de l'être "
-"Si Duval se conduit bien, il aura la bienveillance de l'administration, en cas contraire, les Duval
comme les autres, je les ferais plier !"
répondit l'arrogant directeur. A cette provocation, Duval répliqua :
-" Les hommes conscients, tels que je pense être, sont comme le verre, ils cassent mais ne plient pas
!"
Qui était ce Duval ?
Clément Duval est né en Mars 1850 dans la Sarthe, dans une famille pauvre ; il commença à
travailler trés jeune (à 10 ans) comme serrurier ; en 1870, il est envoyé comme tant d'autres à
la boucherie de la guerre contre l'allemagne, dernière et fatale folie de " Badinguet
" (Napoléon III le sinistre tyran) ; il en reviendra avec des blessures et les pieds déformés ; il a
déjà des problémes avec l'autorité.
En 1882 se fonde dans le 17 ème arrondissement de Paris un groupe anarchiste, " La
Panthère des Batignoles " ; Duval en fait partie, il vit à Paris depuis plusieurs années et
travaille comme serrurier ; Duval avec Ritzerfeld, Tortelier (le spécialiste des "
déménagements à la cloche de bois ") et une dizaine d'autres anars animent ce groupe.
" La Panthère des Batignoles " est un des nombreux groupes anarchistes qui se créent en
France à ce moment ; ils discutent entre eux, étudient le moyen de fabriquer des bombes, etc...
Le 5 octobre 1886, un incendie se déclare dans une grosse maison bourgeoise de la rue
Montceau à Paris ; le feu a été allumé par le (ou les) cambrioleurs, aprés avoir fait main basse
sur l'argenterie et les bijoux ; c'est bien sûr Duval l'auteur du casse ; il est arrêté quelques
jours plus tard, suite à des perquisitions chez des receleurs.
Au moment de l'arrestation, Duval se rebelle et se voyant coincé, frappe de deux coups de
couteaux un des flics.
Duval expliquera son geste au procés " qu'il défendait sa liberté " ; au procés, on lui reproche
également, outre le vol, d'avoir mis le feu à la maison, Duval dira qu'il ne voulait pas mettre le
feu à la maison car les parasites (les propriétaires) n'y étaient pas et donc qu'il était inutile de
faire griller la maison, mais son complice Turquais (qui ne fut jamais arrêter), fou de rage de
na pas avoir trouvé ce qu'il cherchait, se vengera par le feu ; Duval refusera de prêter
serment devant le tribunal ; tout le long du procés (que Duval appelle " la comédie "), Duval
se réclamera de l'anarchisme ; le juge lui reprochera le vol, en disant que c'était pour son
profit personnel que Duval avait cambriolé, Duval lui rétorquera que l'argent était destiné à
l'anarchisme afin de financer des brochures, fabriquer des bombes etc... et que son acte
n'était pas un vol, mais juste une restitution et que voler des parasites qui exploitent et volent
le prolétariat,donc le fait de piller ces reqins n'est pas un vol mais justice ! Comme il avait
bien raison ! Lorsqu'à à la fin de son procés, on lui demanda ce qu'il avait à declarer pour sa
défense, Duval s'enflamma et fit un discours violent contre la bourgeoisie, les parasites, la
société, mais on ne lui laissa pas le temps de parler, il fut évacué de force par six argousins,
Duval continuait à hurler " vive la révolution sociale, vive l'anarchie, je vous ferais tous
sauter ! ".
Son texte complet de sa défense fut publié dans plusieurs journaux anars, un texte violemment
anti-systéme ; Duval ne regretta qu'une chose : être tombé trop tôt avant d'avoir pu se venger
de la société.
Le verdict tomba : condamnation à mort Duval fut encamisolé de force et mis au quartier des
condamnés à mort ; malgré la rage qui l'animait, il se voyait un pied dans la tombe...Un mois
plus tard, sa peine fut commuée en condamnation aux travaux forcés à perpétuité aux bagnes
de Guyane.
L'acte de clément Duval, une première chez les anars, de reprise individuelle, engendra des
polémiques et le mouvement anarchiste français fut divisé ; certains désaprouvaient (comme
Jean Grave) ou d'autres admettaient le geste sans l'approuver (comme Séverine), d'autres
soutenaient carrément Duval (comme Elysée Reclus).
Au bagne :
Clément Duval arrive aux îles du Salut (Guyane) le 24 avril 1887, il y restera 14 ans. C'est un des
premiers anarchiste à atterrir dans ce cloaque ; dés le début, Duval se heurta avec certains gardiens
de la pire espèce, ce qui lui vaudra de nombreux séjours à l'isolement dans de sordide cachots, et
souvent pour des broutilles, mais Duval, avec son caractère intraitable, ne se laissa jamais faire !
Il dut endurer, tout comme ses compagnons d'infortune, toutes les vexations, infâmies des gardiens,
des conditions pénibles de vie (avec la chaleur, les serpents, la vermine, les épidémies, le manque
de nourriture et le travail harassant), un univers effroyable où beaucoup tombent comme des
mouches.
Un jour, Duval est prit à partie par un imbécile de gardien qui lui reproche d'être anarchiste, Duval
lui répond que " tous ceux qui possèdent, c'est au détriment de ceux qui ne possèdent rien, par
conséquent des voleurs : "principalement les fonctionnaires, les gens en place, qui consomment
beaucoup et ne produisent rien".
Pendant toutes ces années de passées au bagne, Clément Duval connaîtra pratiquement tous les
anarchistes qui attériront dans ce merdier (de l'anarchiste italien Pini qui était son meilleur ami, en
passant par Victor Cails, un anarchiste breton, Liars-Courtois, Meunier, Lepiez et Paridaen deux
typographes anarchistes, Simon (ou "Ravachol II ") un complice à Ravachol, Chévenet, GirierLorion, et beaucoup d'autres.
De part son métier de serrurier, Duval fut solliciter par l'administration pénitentiaire pour occuper
un poste à l'atelier des outils du bagne, Duval accepta mais refusa catégoriquement tout travaux qui
seraient en rapport aux engins de supplices des bagnards (barres de " justice ", manilles, chaînes,
affûter le couteau de la guillotine etc...) Duval eut plusieurs fois à subir des séjours au cachot
d'isolement à cause de son refus obstiné à accomplir ce genre de basse besognes.
Il tenta maintes et maintes fois de s'évader, toutes ces tentatives échouèrent (sauf la dernière !) à
cause de mouchardages, de complices trop bavards (une " maladie " au bagne) ou simplement par
malchance...
En dépit de tous ces échecs, Duval ne baissait pas les bras, ne cédait pas au découragement et ne
manquait jamais l'occasion, face aux tracas ou sarcasmes de la chiourme (les gardiens) de leur crier
haut et fort son appartenance à l'anarchie !
Duval dans ses mémoires, décrira de manière poignante son quotidien et celui des autres bagnards ;
il dressera de nombreux portraits de bagnards ; il parlera aussi d'un des plus célèbres, " Papillon "
mais Duval, n'en dira pas que du bien car c'était un egoïste, toujours du côté des plus forts, chose
que Duval, en tant qu'anarchiste ne pouvait que rejeter, car Duval fera toujours preuve de solidarité
envers ses compagnons (qu'ils soient anarchistes ou pas) ; avec ses amis anarchiste, il se réunissait
avec eux autour d'un repas préparé dans un unique grand récipient, le fameux " plat anarchiste "
comme écrira Duval.
L'entraide sera toujours de mise avec lui et sera toujours efficace pour lutter contre les injustices, les
brimades de la chiourme (que Duval appelait de " bourriques "), des trahisons parmi les bagnards et
les coups du sort.
L'évasion du bagne :
Clément Duval, au bout de la 18 ème (!) tentative d'évasion réussit à se faire la belle avec d'autres
bagnards ; il se réfugia, aprés plusieurs péripéties, à New York, aux Etats-unis, accueilli par les
anarchistes italiens.
Le matricule 21551 (le numéro de Clément Duval au bagne) avait enfin réussit à s'échapper (le mois
d'avril 1901)
A New-York, chez les anarchistes italiens, une colonie nombreuse et solidaire, Duval fut accueilli
en frère ; à plus de 50 ans, les pieds déformés, sous alimentés et usé par des années de souffrances,
et n'y voyant plus guère, le " père Duval " finira sa vie chez les italiens de Brooklyn.
Duval rédigera ses souvenirs, avec l'aide de Luigi Galleani (son traducteur) ; un premier livre fut
publié par " l'adunata dei refrattari " (une association d'anarchistes italiens new-yorkais), quelques
extraits furent publiés par " L'Endehors " en France.
Clément Duval meurt à 85 ans le 29 mars 1935 à Brooklyn, sans être revenu en France (à son grand
regret). Juste quelques années auparavant, pendant l'épopée de la bande à bonnot, Duval écrira aux
journaux anarchistes de France pour défendre les anarchistes braqueurs de la bande à bonnot.
Jusqu'au bout Duval, d'aprés ceux qui le rencontrèrent sur ses vieux jours, fut ardent et enflammé
pour l'anarchisme ; Clément Duval, en dépit des années de souffrances au bagne, aprés l'exil,
conservait la rage et l'envie de se battre pour l'anarchie.
Le mot de la fin est pour Clément lui-même : "Amis anarchistes, si vous agissez, faites vous plutôt
tuer sur place, couper la tête. Mais n'allez jamais au bagne ! "
SIDOX
(A LIRE : "Moi, Clément Duval, bagnard et anarchiste"/M.Enckell,Editions-Ouvrières."Les
coulisses de l'anarchie"/Floro'squarr Editions-Les Nuits Rouges)

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