Discours GPL - Les services de l`État en Martinique

Transcription

Discours GPL - Les services de l`État en Martinique
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Cérémonie d’Hommage national aux Dissidents
Antillais et Guyanais
Hôtel national des Invalides
Lundi 2 juin 2014
Monsieur le Secrétaire d’État,
Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Gouverneur,
Mesdames, Messieurs les Dissidents antillo-guyanais
Mesdames, Messieurs
Permettez-moi de vous dire à mon tour l’importance que représente pour la
France et pour le ministère des Outre-mer, cette cérémonie d’hommage aux
dissidents antillais et guyanais.
Merci à Euzhan Palcy qui a rappelé à notre conscience le sacrifice des
dissidents.
Nous sommes réunis aujourd’hui pour que la France honore la mémoire de ceux
qui ont péri pour que notre République ne meure pas.
Nous sommes réunis aujourd’hui pour saluer le courage de ceux qui ont versé
leur sang pour que notre pays demeure un pays libre.
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Ces héros de la dissidence, ces hommes et ces femmes, la France les a trop
longtemps tenus à la périphérie de la mémoire de la Seconde guerre mondiale.
Continuer à laisser dans l’oubli les héros de la dissidence, c’était rien moins
qu’agir contre le passé, contre l’Histoire, contre la France elle-même.
Cet oubli était une injustice. Le mot n’est pas trop fort. Cette injustice, le
Président de la République François HOLLANDE a tenu à ce qu’elle soit
réparée.
La France est aujourd’hui présente pour rappeler à tous, Français de l’Hexagone
comme Français des Antilles et de Guyane, que la dissidence, comme l’écrivait
Aimé Césaire, « était un département de la Résistance ». Dès 1940, ils ont
commencé à quitter leur île pour rejoindre le général de Gaulle. Il faut le
rappeler le Tchad gouverné par le guyanais Félix Eboué, a été le premier
territoire rallié au Général de Gaulle.
Comme l’a rappelé le Ministre des Anciens combattants, mon cher Kader ARIF,
c’est le 24 juin 1943 que commença, à Fort-de-France, ce soulèvement qui allait
permettre de ramener la République aux Antilles.
L’amiral Robert, représentant du maréchal Pétain aux Antilles, avait voulu
interdire aux Martiniquais de rendre hommage à leurs pères qui avaient prouvé
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durant la Grande Guerre leur attachement, leur loyauté et leur fidélité à la
République, en payant ce que l’on appelait encore « l’impôt du sang ».
Le peuple des Antilles se souleva contre cette injustice et ce déshonneur.
Il se souleva contre l’Amiral Robert, et les Antilles rallièrent le combat du
« Général Micro », le camp du Général de Gaule, l’homme de l’appel du 18 juin
qu’ils avaient entendu à des milliers de kilomètres de Londres.
Dès le 1er juillet 1940 et la défaite de la France, Paul Valentino, ancien secrétaire
général de la SFIO, maire de Pointe-à-Pitre et grand résistant, avait refusé
l’armistice et réuni en session extraordinaire le conseil général de Guadeloupe
pour rallier le Général De Gaulle.
« Français nous sommes, et Français nous voulons rester » déclarait-il dans son
discours. Paul Valentino en appelait à la résistance et à mourir pour la France.
« Si l’Allemagne règne sur la métropole française, elle ne règnera pas en
Guadeloupe » poursuivait-il.
Ces peuples avaient connu jusque dans leur chair ce que peut engendrer la
barbarie et l’asservissement. Ils portaient en eux cette lucidité désenchantée qui
permet d’identifier la menace dès qu’elle se présente.
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Les descendants de l’esclavage ne pouvaient que se lever pour combattre le
nazisme et le fascisme.
Les Antilles et la Guyane avaient envoyé leurs enfants durant la Grande Guerre.
L’Histoire se souvient de Camille Mortenol, venu de Guadeloupe porter secours
à la France et qui fut l’adjoint de Gallieni, en charge de la défense anti-aérienne
de Paris.
A nouveau, durant cette sombre période de notre Histoire, des jeunes hommes et
des jeunes femmes originaires des Antilles et de Guyane ont démontré leur
bravoure et leur solidarité de sang avec la République. Ces jeunes gens
quittèrent leurs îles, s’arrachèrent aux leurs pour partir rejoindre les rangs des
combattants de la liberté.
A mon tour, je pense à Henri JOSEPH, à Guy CORNÉLY, à Henri HÉLÉNON,
à Louis BAILLY, à Esmaralda COTELLON, à Pierre GALONNÉ, à Bernard
DUPREZ et à Barthélémy PINEAU, en particulier, qui aurait dû être ici et qui
est resté en Martinique et nous pensons à lui, à cet instant.
Permettez moi de penser à mon oncle Marc-Elie PAU qui lui aussi a rejoint
l’Afrique du Nord pour défendre son pays.
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Et je pense plus spécifiquement encore à Salinière SEGOR, à Eugène JEANBAPTISTE, à Jeanne CATAYEE, à Rémy OLINY, à Alexandre LEPASTEUR
et à Léopold LÉON présents parmi nous aujourd’hui.
Ces hommes et ces femmes ont défendu leur patrie. Ils se sont engagés dans la
Résistance. Ils sont devenus des dissidents. Ils sont venus en aide à la liberté
menacée.
Ils sont partis se battre pour une cause de justice et d’honneur. Cette cause, ils
l’ont considérée comme plus importante que le péril qu’ils faisaient encourir à
leur propre vie. Ils sont allés où rien ni personne d’autre que leur conscience ne
les avait appelés.
Les dissidents sont partis à Sainte-Lucie et à la Dominique. Ils s’y sont enrôlés
dans les forces françaises combattantes. Ils ont combattu, au sein de leur
bataillon, à Monte-Cassino, en Alsace, à Herbsheim, en Syrie, en Lybie, à Bir
Hakeim, en Tunisie, dans les Vosges et pour la libération de Royan. Certains,
même, comme Guy CORNELY, ont débarqué à Ouistreham, le 6 juin.
Dans son appel du 18 juin, le Général de Gaulle avait annoncé : « La France
n’est pas seule. » Il pensait, non seulement aux possessions d’Afrique et d’Asie,
mais il pensait également aux Outre-mer. Le Général de Gaulle ne doutait pas
que ces hommes et ces femmes répondraient à l’appel de la liberté. Et ces
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hommes et ces femmes, eux non plus, n’ont pas douté lorsqu’il s’est agi de
prendre les armes pour le rejoindre.
Une plaque au quai Henri IV leur rend hommage, avec une citation du Général
de Gaulle.
Permettez-moi de vous dire à mon tour l’importance que représente pour la
France et pour le ministère des Outre-mer, cette cérémonie d’hommage aux
dissidents antillais et guyanais.
Une nation a le devoir de dire sa dette à ceux qui ont combattu pour elle. La
France, par cette cérémonie d’hommage, tient à témoigner une nouvelle fois ce
qu’elle doit aux héros de la dissidence.
Ils constituent des références pour tous les Français.
Ces hommes et ces femmes nous ont montré, par la plus implacable des
démonstrations, la façon dont notre histoire comme notre destin sont
indissociablement mêlés.
Pour un peuple, les larmes, la souffrance et le sang sont souvent un plus puissant
ciment que la gloire et les honneurs. La France sait qu’elle doit aussi sa liberté
retrouvée aux combats et aux sacrifices des dissidents antillais et guyanais
auxquels nous devons un profond respect. Notre passé nous rappelle que nous
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devons répondre ensemble de notre avenir commun. Notre passé nous intime de
continuer à cheminer ensemble dans l’égalité.
Merci à vous,