Marc Desaubliaux Les Caves de Saint
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Marc Desaubliaux Les Caves de Saint
Revue de presse Marc Deaubliaux Marc Desaubliaux Les Caves de Saint-Louis, au début, ce n’était qu’un jeu Auteur d’une demi-douzaine d’ouvrages, Marc Desa bliaux livre, avec « Les caves de SaintLouis », un polar, un roman noir fort d’une intrigue haletante qui mènera le lecteur à partager quarante ans de la vie du héros. douze ans, Olivier, jeune collégien, bascule dans la vie d’adulte alors que rien ne le prépare à quitter l’enfance… Un jeu qui glisse inexorablement vers le drame que l’auteur arrive parfaitement à dépeindre à travers une plume aiguisée et maîtrisée. Entretien réalisé par Fabien Richert En quelques mots, pouvez-vous nous faire le résumé du roman « Les caves de Saint-Louis » ? Marc Desaubliaux : c’est un livre qui démarre en septembre 1964. L’intrigue se déroule à Paris, dans le 16ème arrondissement, dans le quartier d’Auteuil. Olivier Monthénault a douze ans, il fait sa rentrée en 5ème à Saint-Louis d’Auteuil, un collège qui est à côté de chez lui. Dans cette classe, il se retrouve assis à côté d’un élève qu’il ne connaît pas, un nouveau, certainement un redo blant car il est plus grand que lui, une sorte d’armoire à glace qui se nomme François Maugier. Apprenant par la bande qu’Olivier connaît très bien les caves du collège, François n’a alors qu’une idée en tête : les visiter. Il usera des pressions tant psychologiques que physiques pour qu’Olivier Monthénault l’emmène dans les sous-sols. Ce qu’il finit par faire. Mais Olivier, voulant à tout prix connaître les motivations cachées de Maugier, entreprend de fouiller l’endroit de fond en comble. Et à force de chercher… il va trouver quelque chose qui va mettre sa vie en danger et faire l’histoire de ce livre. Ce qu’il décide alors de faire va avoir des répercussions sur tous les acteurs de cette histoire et ce durant de nombreuses années. Olivier ne retrouvera la paix qu’à l’orée de ses cinquante ans. Les caves de Saint-Louis ont par conséquent bouleversé une grande partie de sa vie. « Les caves de Saint-Louis » est un polar. C’est la première fois que vous vous adonnez à ce genre littéraire... Pourquoi ? Marc Desaubliaux : c’est vrai que ce livre ne correspond pas à ce que j’écris d’habitude, je suis le plus souvent dans un genre intimiste. J’écris plutôt des romans d’introspection. Ce livre est une exception. J’ai toujours aimé le roman noir, le polar, j’en ai lu pas mal, avec beaucoup de plaisir, et ce depuis ma plus tendre jeunesse. J’ai eu envie d’écrire « Les caves de Saint Louis » car j’avais un personnage intéressant à exploiter et je ne le voyais pas prendre place autre part que dans un roman noir. Je souhaitais faire un livre avec des personnages positifs dans le cadre d’un roman d’aventure. Le héros, Olivier Monthénault, est quelqu’un de casse cou, de fonceur. D’habitude je peins plutôt des personnages qui sont mal dans leur peau, timide… là, c’est tout le contraire. Comment vous est venue l’idée de ce roman ? Marc Desaubliaux : c’est difficile à dire. Il faut savoir que je n’écris pas mes livres avec un chemin de fer ou des fiches. Je pars d’une idée et je laisse faire mon imagination. J’avais ce personnage dont j’ai déjà parlé et je savais qu’il ne pourrait prendre place que dans un polar. Pour le reste, j’ai eu envie de faire de mon héros tout l’opposé de ce que j’étais à son âge. Et en même temps de lui donner un double méchant et cruel, François Maugier. Quelle est la part d’invention et de réel dans votre récit ? Marc Desaubliaux : la part d’imaginaire représente environ 80% de mon histoire. Le reste, ce sont des souvenirs d’enfance pris à droite et à gauche. Mes personnages sont tous imaginaires sauf un. Les lieux sont également pure invention, le collège SaintLouis n’a jamais existé. Les deux aspects réels de l’histoire sont le professeur Jean Hasparren, qui prend les traits d’un professeur de français latin que j’ai réellement eu en classe de 5ème. C’était un homme très dur, cruel, sadique, un très bon professeur mais malsain, qui menait ses élèves à la baguette. Il m’a profondément marqué. L’autre chose qui n’est pas imaginaire, c’est l’ambiance du collège, celle que j’ai connue à Sainte-Marie de Monceau, à Paris, un établissement tenu par des prêtres marianistes. Ambiance familiale, affectueuse, pleine de Foi. Le collège a été presque comme une seconde famille pour moi. Quel travail de préparation y avezvous consacré ? Comment avez-vous travaillé à ce roman ? Marc Desaubliaux : j’ai situé cette histoire à Auteuil, un quartier que je connais bien pour l’avoir fréquenté pendant des années. Pour recréer l’ambiance des années « 60 », j’ai utilisé mes propres souvenirs, mais aussi de nombreuses photographies, comme celles de Robert Doisneau. Je me suis aussi servi d’un plan de l’arrondissement pour donner le plus de vérité possible aux lieux de mon histoire. Pour ce qui est de la rédaction du livre, j’ai travaillé par étape : au d part, je laisse faire mon imagination. Je rédige un premier jet, et puis j’affine par petites touches successives, en essayant à chaque fois de m’approcher un peu plus du fond des choses, des lieux, du coeur de mes personnages. Dans « Les caves de Saint Louis », j’ai été obligé d’ajouter en cours d’écriture un personnage imprévu mais essentiel pour la cohérence du récit. La construction du livre, l’unité du style se font de la même façon, de même que rallonger ou couper des chapitres. C’est en quelque sorte un travail d’ajustement qui se fait progressivement. En termes de rythme d’écriture, j’aime bien écrire le matin tôt, je commence vers huit heures et je termine vers onze. J’aime m’y remettre vers dix-neuf ou vingt heures quand la ville s’apaise autour de moi. Pouvez-vous nous présenter les personnages centraux de ce polar ? Marc Desaubliaux : tous les personnages de mon roman ont des personnalités fortes et des caractères bien trempés. Il y a cinq personnages centraux. Olivier Monthénault dont j’ai déjà parlé, un garçon intelligent, curieux, observateur qui aime bien chahuter. Il est très apprécié par tout le monde. C’est un jeune bien dans sa peau, qui aime la vie et la croque à pleines dents. Il adore ses parents et ses parents l’adorent. Olivier ne pourra pas affronter ce qui lui arrive parce que c’est une histoire pour adulte. Et comme il va rester un peu enfant toute sa vie, il préférera à un moment prendre la fuite plutôt que d’oser regarder la réalité en face. Autre personnage, la mère d’Olivier, Geneviève. Une femme complexe, intelligente, manipulatrice, rusée. Elle vient d’un milieu difficile et elle s’est faite à la force du poignet. Elle a gravi les échelons sociaux pour arriver à ce qu’elle considère comme le sommet, en épousant le père d’Olivier, un médecin reconnu du 16ème venant d’un milieu très bourgeois. Elle fera tout pour que son fils ne sache jamais de quel milieu elle vient, pour préserver le secret de ses origines. Et puis il y a François Maugier, le voisin de classe d’Olivier. C’est un garçon qui a toujours été du mauvais côté de la barrière, qui n’a pas eu de chance et a de mauvaises fréquentations. Quatrième personnage important, Jean Hasparren, le professeur de lettres. C’est un homme complexe, violent, qui n’hésite pas à punir ses élèves physiquement. C’est aussi un idéaliste qui vit pour la cause Basque. Enfin, dernier personnage clé, Caroline Dorceau, la soeur d’un camarade de classe d’Olivier. Ce sera pour lui comme une révélation, un coup de foudre. Caroline sera son grand amour, celui qui va traverser tout le livre. Elle est une fille provocatrice, très moqueuse, originale ; une révoltée. Mais elle douce elle a aussi une Foi profonde et très riche. « Les caves de Saint-Louis » évoque ces moments où l’on fait face à des choix que l’on croit innocent, sans conséquence, mais qui finalement peuvent bouleverser notre vie… Etait-ce une évidence pour vous d’emmener vos personnages aussi loin dans la tragédie ? Marc Desaubliaux : je me suis rendu compte que mes personnages me prenaient la main pour que j’écrive leur vie. Ils m’échappent et je les laisse vivre. Je suis le témoin de leurs aventures. Je me laisse donc embarquer dans cette histoire qui va complètement dépasser Olivier. Ce qui au départ est un jeu, une gaminerie, va provoquer un drame épouvantable. Olivier ne comprendra que très tard la véritable ampleur des choses. Ce n’est que quand il y aura des morts qu’il va choisir de fuir, de partir, car il ne peut pas les affronter, il ne les voit qu’au travers des yeux de l’enfant qu’il est resté. Il mettra plus de vingt ans à l’admettre en passant à côté d’une grande partie de sa vie. On sent dans vos romans une grande mélancolie, une certaine tristesse, quelles en sont les raisons, est-ce quelque chose que vous ressentez vousmême ou que vous avez ressenti durant votre adolescence ? Marc Desaubliaux : j’ai toujours été quelqu’un d’assez mélancolique, d’assez triste, même si cela ne m’empêche pas d’avoir de bons moments de gaité. Cette tristesse m’a toujours inspiré. Le musicien que je suis a toujours été attiré par les mélodies tristes. Quand j’ai quitté le collège, j’ai vraiment eu l’impression de quitter l’univers de l’enfance. Je reste persuadé que la partie la plus riche de notre vie se passe dans l’enfance et dans l’adolescence. Ensuite, on ne fait que survivre et attendre. On gère au mieux. Maintenant, je suis peut-être aussi mélancolique à cause de ma difficulté à établir de vrais contacts avec les autres. Allez savoir ! Vous décrivez avec beaucoup de précision et une certaine dose de nostalgie le système éducatif des années « 60 ». On a l’impression que vous portez beaucoup de tendresse à l’école d’antan. Pourquoi ? Marc Desaubliaux : ce n’est pas pour l’école d’antan que j’éprouve de la nostalgie, mais bien pour celle qui a été la mienne pendant plus de dix ans. Je l’ai aimée et détestée à la fois. J’ai aimé l’ambiance, les prêtres, les camarades de classe ; en revanche, j’ai détesté les professeurs, très durs et très cassants. Il était quasiment impossible d’avoir des contacts avec eux, ils dispensaient un savoir et nous étions là pour l’ingurgiter. « Ce sont mes personnages qui m’ont pris par la main pour m’entraîner dans cette histoire ». Nous n’avions le droit que de nous taire et apprendre. Les cours commençaient à huit heures le matin jusqu’à dix-huit heures. Nous avions beaucoup de devoirs à faire le soir chez nous. Le jeudi (qui était le jour de repos, l’équivalent du mercredi aujourd’hui) et le samedi matin nous allions aussi au collège. Mais j’aimais mon établissement malgré tous ces inconvénients. C’était une époque particulière car après la fin de la guerre d’Algérie, il y a eu une période de calme puis d’ennui qui a mené à mai 68. Il y avait aussi toute cette explosion musicale avec les années Yéyé, énormément de choses neuves comme l’apparition de la télévision, l’argent de poche… On était entre deux, la société de consommation était seulement en gestation, elle s’annonçait mais nous n’y étions pas encore. Un rôle important est accordé aux prêtres. C’est vers eux qu’Olivier se tourne pour régler ses problèmes. Etait-ce votre façon de leur rendre hommage ? Marc Desaubliaux : je tenais vraiment à rendre hommage aux prêtres que j’ai croisés dans mes années de collège. Ils étaient l’âme de l’établissement. C’étaient des gens disponibles, attentifs, toujours présents. Les portes du collège étaient toujours ouvertes, même le dimanche. Ils représentaient une seconde famille et ils ont semé en moi des valeurs, une Foi. Je n’en fi nis pas encore aujourd’hui de m’en rendre compte. Je voulais aussi donner un coup de chapeau au scoutisme que j’ai pratiqué longtemps, et dont je parle dans le livre puisqu’Olivier en est membre. Il s’y plait énormément, d’autant qu’il est unique et que les autres scouts semblent remplacer un peu les frères qu’il n’a pas. Il y a tout au long du récit, en filigrane, un thème qui reste présent : celui du jeu. Un jeu d’enfant pour Olivier, un jeu qui va déraper. Le jeu est au coeur de la vie du héros, pourquoi ? Marc Desaubliaux : je suis parti d’un constat personnel que j’ai commencé à faire dès mon enfance. Comme j’étais timide et réservé, j’observais les autres, notamment les adultes, et je me suis rendu compte que les gens jouaient, même les adultes. Les hommes d’affaires, les politiques, tout le monde joue, la vie est un jeu pour nous tous. J’ai l’impression d’un grand jeu permanent. Le problème d’Olivier, c’est qu’il se met très tôt à jouer à des jeux qui ne sont pas de son âge. Même le scoutisme qu’il pratiquera si longtemps est une manière pour lui de ne pas quitter l’e fance. Il va continuer le jeu en étant le responsable de la troupe scoute. Finalement il reste un enfant et il ne s’en rend pas compte. Quand le jeu des caves de Saint-Louis va le dépasser, il va s’en aller car il n’est pas capable d’affronter le regard de ses parents sur ce qu’il est devenu, sur les drames qu’il a provoqués. Il se met entre parenthèses pendant son exil loin de la France. C’est donc un enfant qui revient à Paris des années plus tard. Le jeu est toujours là. Quelles sont vos infl uences dans la littérature d’hier ou d’aujourd’hui ? Marc Desaubliaux : il y a quelqu’un qui m’a beaucoup influencé, c’est Bruno Gay- Lussac, un romancier que j’ai bien connu dans les années ‘90’ et avec qui j’ai eu de longues conversations. Balzac est un auteur qui m’a beaucoup marqué. Proust, Montherlant aussi, surtout pour son théâtre. Je lis beaucoup de littérature russe car j’aime la mélancolie qui s’en dégage. La poésie compte beaucoup pour moi Mallarmé,Baudelaire, Verlaine, Rimbaud… Combien de temps avez-vous consacré à l’écriture de ce roman ? Marc Desaubliaux : deux ans avec des arrêts, des pauses, des moments où l’inspiration n’était pas là. J’écris depuis quelques années un roman historique également et j’ai travaille les deux ouvrages en parallèle. Travaillez-vous déjà à un nouveau roman ? Marc Desaubliaux : j’ai fini « Deux garçons sans histoire », un roman dont la public tion a été retardée pour des raisons techniques. Actuellement, outre le roman historique dont j’ai déjà parlé, je travaille sur un autre livre qui s’appellera probablement « Un été anglais ». L’histoire se passe en 1968 en Angleterre. J’en suis au premier jet. Vous avez écrit six romans, aux thèmes et genres différents. Les caves de Saint-Louis est-il celui dont vous êtes le plus fier ? Marc Desaubliaux : je dois dire que j’ai été étonné d’arriver à écrire un livre comme celui-là. C’est venu assez facilement alors que pour d’autres livres, il m’a fallut « des larmes et de la sueur ». En tout cas, j’ai pris beaucoup de plaisir à le faire. Il me plaît bien. La critique Marc Desaubliaux n’en est pas à son coup d’essai. Son livre, « Les caves de Saint- Louis » est son sixième ouvrage et sans doute le plus abouti. Il réussit à dépeindre avec beaucoup de justesse et de précision l’univers d’un collège tenu par des religieux dans les années ‘60’ et en même temps à dérouler une intrigue qui colle pendant près de quarante ans à la vie du héros. Lui-même élève dans un tel collège, il en garde une très grande nostalgie et nous emmène en immersion dans cet univers entre famille et autonomie à travers les yeux d’un enfant de douze ans, Olivier, qui se retrouve malgré lui au coeur d’une histoire, d’une aventure et d’une épreuve dont les e jeux le dépassent. L’auteur avoue volontiers que ces années au collège restent les plus belles de sa vie… mais il en profite pour régler ses comptes. Le professeur de français latin est dépeint comme un cruel et violent, au contraire des prêtres dont la Foi crée un halo positif autour de leur action. Marc Desaubliaux n’en oublie pas l’intrigue dont il ne s’agit pas de dévoiler quoi que ce soit de plus que ce que le titre laisse entendre. Les caves de l’établissement seront au coeur du roman et, au fond, demeurent un prétexte pour dépeindre une ambiance, des rapports sociaux et une certaine époque que l’auteur affectionne et qu’il croque véritablement comme un peintre pourrait le faire. Intrigue et ambiance se fondent avec talent donc pour avancer main dans la main vers un final de plus en plus dramatique. Olivier reste accroché à son enfance et cette histoire qui va conditionner tout sa vie. L’auteur nous livre aussi une certaine idée du fatalisme qui lui est propre. Si Olivier au départ considère tout cela comme un jeu, il va subir cette histoire tout au long de sa vie, ce qui l’empêchera de se construire, de créer à son tour quelque chose. A près de cinquante ans, il attend le décès de ses parents pour rentrer au pays, preuve que le petit garçon qu’il est encore a peur de se faire gronder… Etrange histoire donc que « Les caves de Saint Louis » qui s’articule comme un polar mais qui sait nous emmener beaucoup plus loin…