Parlement wallon - Groupe PS

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Parlement wallon - Groupe PS
Parlement wallon
Groupe Socialiste
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Interpellation du Député Alain Onkelinx à Monsieur Rudy Demotte, Ministre-Président du
Gouvernement wallon sur « la suspension par le Conseil d'Et juin at de l'exécution des
licences d'exportation d'armes délivrées le à la société FN Herstal en vue de la livraison
d'armes à la Libye »
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, chers Collègues, pour rappel, le 29 octobre derneir,
le Conseil d'État a ordonné la suspension de l'exécution des 5 licences d'exportation d'armes,
délivrées le 8 juin par le Ministre-Président à la société FN Herstal en vue de la livraison
d'armes à la Libye. Pour bien préciser de quoi il s'agit : il s'agit précisément de 367 armes
F2000, de 30 armes Minimi, de 22.032 grenades diverses, de 367 armes de calibre 5.7 et P90, de
2.000 FN 303, de 50 pistolets Renaissance 9mm et 367 pistolets Five-seveN, le tout pour un
montant de 11.516.324 euros.
La motivation première de cet arrêt, qui suspend l'exécution de ces licences mais ne s'attache
pas à ce moment au fond de l'affaire, réside dans la date de l'octroi de ces licences. Selon le
Conseil d'État, la date choisie pour l'octroi des licences, à savoir le 8 juin 2009 — soit le
lendemain des élections régionales, se situe à un moment où plus aucun contrôle parlementaire
ne pouvait s'exercer. Quand bien même le Conseil d'État reconnaît que la période d'affaire
courante, au sens de l'article 73 de la loi spéciale du 8 août 1980 ne débute que le 23 juin, à
savoir à la date de la démission du Gouvernement sortant, il reconnaît aussi que le
Gouvernement ne disposait plus, à dater du 16 juin, de la plénitude de ces pouvoirs.
Monsieur le Ministre-Président, vous avez déjà retracé le 5 octobre en Commission, le long
cheminement de ce dossier qui me fait dire que la décision que vous avez prise, ne l'a pas été à
la légère. C'est le résultat d'un long murissement qui a permis de tenir compte des éléments en
faveur et en défaveur de l'octroi des cinq licences querellées. Loin de moi l'idée de transformer
ce dossier ultra sensible en polémique politicienne.
Je voudrais toutefois rappeler qu'avant l'échéance électorale, tous les partis étaient favorables à
l'octroi des licences. Cependant, ci et là, des subtilités de langage permettaient de ne trop
s'éloigner des électeurs pro FN-Herstal. L'échéance électorale passée, des divergences de vue
entre les partis ont pu être entendues. Dès lors, Monsieur le Ministre-Président, au vu de la
récente décision du Conseil d'Etat, je souhaiterais vous interroger sur quelques points.
Quand bien même, comme vous l'avez rappelé le 5 octobre, il ne vous appartient pas de déplacer
le débat juridique sur le terrain parlementaire. Quelle analyse faites-vous de l'arrêt du 29
octobre ? Quelles sont les implications concrètes pour la FN-Herstal puisque le Conseil d'Etat
reconnait lui-même la difficulté de pouvoir identifier avec certitude celles des licences qui ont
déjà été livrées et qui ont reçu exécution ? Pouvez-vous nous rappeler que la procédure a bien
été suivie dans le cas d'espèce qui nous occupe ? Plus largement, quelle est la position du
Gouvernement dans ce dossier ? Je pense notamment à l'adéquation entre l'emploi généré par le
secteur de la défense et une démarche respectueuse de l'éthique et du respect des droits de
l'Homme.
Quoique l'on pense des ventes d'armement, il me semble utile de garder à l'esprit les enjeux
économiques et ceux liés à l'emploi généré par ce secteur. Comme le rappelle fort justement la
DPR, avec 30 entreprises employant3.000 travailleurs, générant 4.600 emplois indirects, le
secteur de la Défense est un vecteur d'activités et d'emplois importants pour notre Région. Il se
caractérise notamment par la maintien en Wallonie de grandes entreprises leader mondial dans
leur secteur et possédant dans notre Région leur centre de décisions.
La Fabrique nationale, quant à elle, emploie 1.300 personnes et donc, devrait au moins générer
2.000 emplois indirects. Après les années noires, rappelons que sans le sauvetage effectué par la
Région wallonne, seul actionnaire pour cette entreprise, ce fleuron n'existerait plus. Un
redressement spectaculaire a été entrepris et aujourd'hui, cette entreprise performante a renoué
avec des bénéfices et est un référence mondiale dans son domaine d'activités affichant un
savoir-faire reconnu dans le monde entier.
Je le dis, j'appelle de mes voeux un monde parfait, ou plus aucune arme n'est fabriquée, vendue
et utilisée. En attendant, des armes se fabriquent, se vendent et sont utilisées un peu partout dans
le monde, il faut bien l'admettre. Dans ce cadre, il faut analyser la situation et définir le contexte
où se situe cette vente. La FN, comme je l'ai dit, développe des produits de tout premier ordre,
en l'occurrence, des armes ultra perfectionnées. Elle a mis en place un système de traçabilité des
armes qu'elle produit. Une arme détournée du pays où elle a été vendue, pourra toujours être
retrouvée sauf évidemment, si elle a été détruite. Pour ce qui concerne la vente querellée, la
Lybie s'engage à autoriser les autorités belges à effectuer les contrôles nécessaires. En ce qui
concerne toujours la Lybie, rappelons malgré tout, qu'elle va bientôt présider l'Assemblée
générale de l'ONU dans un an et qu'elle a été réintroduite dans le concert des Nations par
l'Europe.
La DPR précise aussi qu'elle accordera une attention particulière à la question liée au marquage,
à la traçabilité et à l'enregistrement des armes légères et de munitions dans le cadre des
négociations internationales en la matière, domaines dans lesquels les entreprises wallonnes sont
déjà considérées comme des références. Il me semble que là aussi, les licences octroyées
respectent le voeu du nouveau Gouvernement ayant trait, et c'est l'essentiel, à la traçabilité des
armes vendues afin qu'elles ne soient pas détenues un jour par des groupes malveillants.
Monsieur le Ministre-Président, vous le savez comme moi, les armes que nous ne vendrons pas
avec toutes les garanties que j'ai énoncées, d'autres les vendront et sans s'encombrer des mêmes
précautions de traçabilité ou de contrôles que la FN parvient à imposer à ses acheteurs, du fait
de la qualité de ses produits. Les travailleurs de ce secteur attendent beaucoup de vos réponses,
Monsieur le Minitre-Président, ce dont je vous remercie déjà par avance.
Réponse
Le 29 octobre dernier, le Conseil d'État rend un arrêt par lequel il décide la suspension de 5
licences octroyées à la FN le 8 juin 2009, en vue de permettre l'exportation définitive d'armes au
profit du 32ème Bataillon des Forces d'élite de l'Armée libyenne.
Comme vous le savez, la « suspension » des 5 licences telle que décidée par le Conseil d'État
relève d'une mesure à titre provisoire.
Cette suspension temporaire doit permettre à la Haute juridiction de se pencher à son tour, en
totale sérénité, sur les questions de fond qui lui sont soumises par les plaignants, à savoir le
débat que vous avez déjà entamé sur le respect des législations et des codes internationaux.
Compte tenu de cet arrêt du 30 octobre, j'ai donc décidé de faire récupérer par l'administration,
auprès de la FN, les cinq documents concernés. En conséquence, les 5 licences ne peuvent
actuellement plus être suivies d'effets. Voilà pour ce qui est de l'exposé des faits.
Alors, vous sollicitez mon analyse de l'arrêt. Et je vous la livrer à travers un certain nombre de
considérations.
Le premier point porte sur l'arrêt du Conseil d'État, qui a été rendu contrairement à l'avis du
premier auditeur du même Conseil d'État, ce qui est assez remarquable puisque celui-ci avait
particulièrement insisté, tant dans son rapport écrit qu'à l'audience, sur la circonstance que les
statuts de la ligue des droits de l'Homme sont rédigés de manière telle que cette association ne
peut, de manière recevable, quereller ure décision relative à une exportation d'armes. En outre,
le premier auditeur du Conseil d'Etat insistait sur le fait que la requête ne démontrait en rien
l'existence d'un risque de préjudice grave, difficilement réparable.
Le deuxième point sur lequel je voulais attirer votre attention : c'est que dans le cadre de
l'examen de la demande de suspension, le Conseiller d'État, statuant seul, a au contraire estimé,
en l'espèce, que :
1.
la Ligue avait intérêt au recours ;
2.
le moyen invoquant qu'une telle décision ne pouvait être prise en période d'affaire
courante tout simplement était sérieux
3.
et puis que le risque de préjudice grave à l'inverse de ce que disait l'auditeur était
démontré.
Troisième point : et donc, sur cette base, l'arrêt se prononce au provisoire en faveur de la
suspension des licences.
Quatrième point : l'arrêt de suspension porte sur l'ensemble des cinq licences, comme je viens de
le dire.
Cinquième point :
les documents des douanes et accises montrent que la toute grande partie
du matériel avait d'ores et déjà été livrée. Il s'agit des licences portant sur les 367 fusils F2000,
les 367 armes de type P90 et 367 pistolets 5.7. Cette réalité a d'ailleurs ajouté à ma perplexité
lors de la lecture de l'arrêt du Conseil d'État, dès lors qu'il a considéré, malgré cela, qu'il existait
un risque de préjudice grave difficilement réparable. En effet, il est difficile d'imaginer encore
l'existence d'un risque de préjudice dès le moment où les éléments les plus substantiels des
licences étaient effectivement déjà fournis.
La licence portant sur l'exportation de 2.000 lanceurs FN 303 — armes moins ou non létales —
selon l'expression est pour sa part partiellement exécutée.
Quant à la licence relative aux 50 pistolets de luxe de calibre 9mm — pistolets dits également
pistolets de parade — n'a quant à elle fait l'objet d'aucune livraison.
En fonction des circonstances et à tout moment, la situation peut donc seulement être
réexaminée, s'agissant des licences encore, en tout ou en partie, à exécuter.
Le sixième point, sur lequel je voulais insister, est le suivant : le Conseil d'État appuie son
exposé justificatif de la suspension provisoire des licences sur la période au cours de laquelle la
décision a été prise, soit en « affaires courantes ».
Dans le cas présent, je vous rejoins quant à la manière avec laquelle vous avez synthétisé les uns
et les autres l'argumentation sur laquelle s'appuie la Haute juridiction dans ce cadre précis.
En substance, le Conseil d'État estime que l'autorité compétente n'avait plus le pouvoir de
décider dans ce dossier puisque le Parlement était dans l'impossibilité de se réunir et donc
d'exercer son rôle de contrôle des actes posés par l'Exécutif.
Le septième point porte sur les parlements des Communautés et Régions, qui ne connaissent pas
à proprement parler, comme le Parlement fédéral, de dissolution avant les élections. Ces
Parlements ne sont pas dissous. Toutefois, un élément de coutume ou de pratique veut que le
Parlement décide de suspendre ses travaux quelques semaines avant l'échéance électorale,
réduisant de ce fait le contrôle sur l'Exécutif.
C'est durant l'ensemble de cette période que le Gouvernement gère, selon les uns, les affaires
courantes, et selon les autres, les affaires prudentes.
Mon huitième point porte sur toute la question est bien de savoir, en l'espèce si la délivrance des
licences était une affaire tellement importante qu'elle ne pouvait être décidée à l'époque.
D'emblée, je vous dirai que je ne partage, évidemment ni l'analyse du Conseil d'État, ni ses
conclusions — non pas sur un plan théroique mais in concreto — eu égard à la procédure et aux
réalités économiques et sociales de ce dossier, et je dirais même à la pratique ordinaire du
Gouvernement depuis la constitution de ce processus décisionnel relatif à la délivrance de
licences — je dis bien ab initio.
Ce sont ces éléments qui expliquent que je souhaite que la procédure devant le Conseil d'État se
poursuive sur le fond. Comme vous le savez, la notion d'affaires prudentes ou courantes repose
sur le principe de continuité de l'État. Elle permet d'éviter toute paralysie liée à une absence de
décisions nécessaires et ce durant une période qui peut durer plusieurs mois. Dans la mesure où
le postulat est évidemment que l'Exécutif doit pouvoir répondre de sa responsabilité politique a
posteriori, dans ce cas devant le Parlement, les décisions qui peuvent être prises sont limitées au
strict nécessaire.Les décisions qui peuvent être prises sont donc : soit les décisions qui
présentent un caractère d'urgence, soit celles qui sont le point d'aboutissement d'un processus
qui se déroule déjà avant les élections. Comme vous pourrez le constater en l'espèce, à ces deux
titres, l'octroi des licences à la FN se justifiait durant cette période dite d'affaires courantes ou
prudentes.
Il est d'abord important d'insister sur le fait que cette période a débuté par la décision du
Parlement le 15 mai 2009 et ce, notamment conformément aussi à la décision du Gouvernement
du 12 mars 2009. Cette décision fixait en effet le début de la période d'affaires courantes au
terme de la dernière séance du Parlement wallon. Cette décision a bien sûr été notifiée et
acceptée à l'époque par le Parlement.
D'emblée, je voudrais souligner qu'en ce qui concerne ma responsabilité politique, le Parlement
m'a récemment réélu alors même que la délivrance des licences était évidemment bien connue.
De même, si ce dossier était à ce point délicat sur le plan politique, je ne doute pas que la
première interpellation sur cette question serait intervenue bien avant le mois d'octobre, soit plus
de trois mois après que la décision a été prise.
Parlons du fond de ce dossier. Je vous rappelle que l'analyse du dossier démontre que des armes
européennes ont, à de très nombreuses reprises, été exportées vers la Libye. C'est ainsi le cas de
la Grande-Bretagne, de la France — et je ne parle pas que d'armes en l'occurence telles que des
Rafale, mais aussi des armes qui sont des armes individuelles, l'Espagne, l'Autriche, la Suisse :
ces pays ont d'ores et déjà octroyé une ou plusieurs licences d'exportation vers la Libye.
À ce constat s'ajoute encore les accords de coopération militaire qui unissent la Libye à la
France, à l'Angleterre, au Portugal, à l'Espagne, à l'Italie, à la Grèce, et même, aux États-Unis.
Le refus anglais notifié en début de l'analyse du dossier n'était pas lié à la situation des droits de
l'Homme en Libye, mais bien justifié du fait du nombre élevé d'armes demandées — il s'agissait
de 130.000 unités — et le risque de détournement des armes, vu leur nature et le calibre qu'elles
utilisent : en l'occurence, ce sont des Kalachnikov.
Tous les contacts initiés dans le cadre de l'analyse de ce dossier — y compris avec l'autorité
fédérale en tout début de processus et avec les autorités d'autres pays européens —
convergeaient dans le sens d'une appréciation, certes, prudente mais, à tout le moins, positive de
l'évolution de la situation dans le pays de destination.Si la qualité et l'utilité de l'analyse ne sont
dès lors pas à mettre en cause, demeure la question du moment auquel ses conclusions ont été
connues, soit début juin 2009, qui reste posée. Nous sommes, du fait de l'arrêt du Conseil d'État,
une nouvelle fois confrontés à une question de l'incompatibilité des agendas politique et
économique. En l'espèce, je ne pouvais naturellement prendre une décision dans ce dossier sans
qu'il ait pu être examiné dans toutes ses dimensions, par les instances et commissions qui
interviennent dans le processus de décision.
De fait, prendre une décision sans attendre les conclusions de l'analyse, aurait relevé de la plus
totale irresponsabilité politique.
Or, vous le savez, cette procédure, et je vais insister sur le fait qu'elle a été exceptionnellement
longue tant ma volonté a été d'être particulièrement attentif à ce dossier, s'est achevée durant la
période des affaires courantes puisque le dernier avis rendu par la Commission d'Avis ad hoc
sur les licences d'exportation d'armes a été rendu le 2 juin. Il m'était donc impossible de prendre
attitude avant cette date.
En effet, conformément à la pratique quant à l'interpretation du début des affaires courantes, le
Gouvernement a approuvé, en sa séance du 12 mars 2009, une note qui prévoit que le
Gouvernement wallon entre en affaires courantes au terme de la derniere séance de réunion du
Parlement wallon.
A cela s'ajoute qu'il était impossible d'attendre la constitution du nouveau Gouvernement dès
lors que cela aurait, dans les faits, dans le monde réel (celui qui ne s'arrête pas le temps des
élections), correspondu à un refus.
En effet, si j'avais attendu la mi-juillet, et encore c'est une date hypothétique, pour décider, les
autorités libyennes auraient cassé unilateralement le contrat pour cause de non-respect des
délais. Contractuellement, l'entreprise devait proceder à la livraison des équipements, entre avril
et octobre 2009.
Plus particulièrement, et c'est évidemment l'élément clé en l'espèce, si aucun materiel n'était
livré avant la mi-juillet, soit en pleine période d'affaires courantes et de négociation d'une
nouvelle coalition gouvernementale, l'entreprise courrait le double risque suivant :
•
une obligation de verser des pénalités de retard pouvant aller jusqu'à 10 % la valeur du
contrat et un risque de saisie de la garantie bancaire de bonne fin (en l'occurrence un préjudice
pouvant aller jusqu'à 1,151 millions d'euros), voire de la résiliation totale du contrat ;
•
un risque de perte d'éligibilite comme fournisseur pour une période de minimum 5 ans.
•
S'ajoutant à cela, l'incompréhension croissante des autorités libyennes en attente d'une réponse
concernant la réception d'équipements intégralement destinés au 32ème Bataillon des forces
d'élite de l'armée qui est affectée à la protection des convois d'aide humanitaire du programme
d'aide alimentaire de l'Organsiation des Nations Unies vers la région du Darour, et ce, dans un
contexte global de reprise des relations avec la Libye.Sans oublier l'approche imminente d'une
période ralentissement de plusieurs semaines liees à la formation du nouveau Gouvernement et
aux congés annuels de tous les intervenants.
Comme je l'expliquais ici même le 5 octobre dernier, le processus d'analyse du dossier prealable
à ma décision d'octroi a été mené à son terme sous le couvert de la précédente législature et dans
le cadre d'une analyse longue, fouillée et précise.
Ce dossier était par ailleurs abondement commenté, notamment dans la presse, et j'avais
clairement annoncé que je déciderais au lendemain des élections. Tout ceci a permis au contrôle
parlementaire de s'opérer tant avant les élections qu'après celles-ci.
C'est pourquoi, face à cette dualité entre l'agenda politique et la réalite économique, au vu et au
su de tous, en toute transparence, j'ai decidé d'octroyer la licence le 8 juin, au lendemain des
elections.
Mon choix se limitait finalement à cela : décider quelques jours avant les élections, ou décider
juste après. Mais donc, quoiqu'il arrive, en période d'affaires courantes.
J'ai decidé que je déciderais juste après les élections car je refusais catégoriquement que des
décisions aussi sensibles soient suspectées de pression électoraliste et ce, d'autant plus que, en
l'espèce, les syndicats exerçaient une forte pression relayée par l'ensemble des partis politiques à
Liege.
Je crois me souvenir en outre que cette decision n'avait à l'époque nullement ému les membres
de cette Assemblée. En outre, je constate que ce dossier n'a fait l'objet d'aucune interpellation
avant le 5 octobre dernier, soit 4 mois apres que la décision ait été prise.
Mesdames, Messieurs les Députés, vous vous interrogez sur le fait de savoir s'il n'aurait pas été
opportun de prendre une décision hors affaires courantes. Oui, certainement, cela aurait été bien
plus confortable.
Mais comme je viens de vous le démontrer, si la décision d'octroyer ou de refuser la licence
avait été prise plus tôt, elle l'aurait été sur base d'éléments erronés ou tout du moins non vérifiés.
Si ma décision avait été prise plus tardivement, les risques d'amendes, de paiement d'indemnités
et de rupture du contrat pesaient lourdement sur l'entreprise concernée.
En effet, et j'y reviendrai, la conclusion du contrat et la mise en production sont intervenus avant
l'octroi de la licence. Ce n'est pas là la manière avec laquelle j'entends assumer mes
responsabilités, et je sais que ce n'est pas la vôtre non plus.
J'aurais commis une faute politique si j'avais privilegié la forme, c'est-à-dire la question du
moment de la décision, au détriment du fond, à savoir l'analyse de la demande qui nous était
soumise.
Prendre des décisions — certes parfois difficiles — nécessite une sérénite certaine, ce qui
implique le respect du délai nécessaire à la collecte et au traitement des analyses requises et
utiles et, en cela, je pense ne pas m'être demarqué d'une attitude rigoureuse.
Voilà pour ce qui est de l'analyse.Reste aujourd'hui à prendre attitude à l'egard de la suite à
donner à l'arrêt du Conseil d'Etat. En l'occurrence, mon attitude s'articulera parallèlement sur
deux plans.
D'une part, nous entendons poursuivre la procédure jusqu'à son terme afin que le Conseil d'Etat
se prononce sur le fond.
La poursuite de la procédure permettra à une chambre composée de trois conseillers — et non
plus d'un seul — de se prononcer. Cette procédure offrira à chacune des parties la possibilite
d'avancer ses arguments. Elle permettra en outre au premier auditeur de développer de manière
plus approfondie son point de vue.
La différence d'opinion particulièrement nette entre le premier auditeur et le conseiller d'Etat à
l'origine de l'arrêt de suspension justifie notamment que la procédure soit poursuivie sur le fond.
D'autre part, pour ce qui concerne les licences qui n'ont pas encore fait l'objet d'une exportation
complète du matériel qu'elles visent, je dois prendre attitude dans le cadre de la procédure
existante et je resterai cohérent sur base du dossier qui me sera présenté.
Et ce précisément parce que ma décision antérieure repose sur un dossier fouillé, abouti,
complet. Mes motivations pourraient donc être strictement identiques à celles qui m'ont conduit
à déjà délivrér des licences pour ce même matériel sous la précédente législature.
De la sorte, les objections juridiques relatives à la période au cours de laquelle les actes ont été
posés n'auront pas lieu d'être. Le cas écheant, l'entreprise pourra alors exécuter pleinement ses
obligations contractuelles par rapport à son client et ne s'exposera donc pas à des pénalités pour
non-exécution du contrat.
En faisant cela, je pourrais définitivement clôturer un dossier qui remonte à mon précédent
mandat ministériel.
Monsieur Miller, dans votre question, vous qualifiez d'opportune la solution qui consisterait à
retirer purement et simplement les actes administratifs suspendus. Cette manière d'opérer aurait
pour conséquence l'arrêt de la procédure entreprise au niveau du Conseil d'Etat.Comme je vous
l'ai indiqué il y a un instant, cela ne correspond pas à l'attitude que je privilégie. Et ce, pour deux
raisons.
D'une part, je souhaite aller au terme de la procédure afin que le Conseil d'Etat se prononce sur
le fond du dossier. Opter pour le retrait pur et simple des actes litigieux reviendrait à arrêter le
débat devant la haute juridiction administrative et à conférer implicitement à l'arrêt rendu une
plus grande autorité de la chose jugée. Or, cet arrêt, au provisoire, mérite un débat juridique de
fond parce qu'il pourrait constituer un précédent. J'ai procédé à une analyse rigoureuse des
tenants et des aboutissants liés à l'octroi de ces licences. Je ne voudrais pas qu'un doute subsiste
en la matière. La meilleure manière d'y parvenir est d'attendre les conclusions du Conseil d'Etat
sur le fond du dossier.
D'autre part, je l'ai toujours dit, dans le cadre de ma fonction de Ministre-Président ayant en
charge les exportations d'armes, je ne siège ni du côté des industries d'armement ni du côté des
associations humanitaires. Du fait du tissu économique wallon, je me dois de veiller en
permanence à trouver le juste milieu entre ces deux fronts que de facto tout oppose. Par respect
pour les parties adverses, j'entends donc leur laisser la possibilité d'étayer leurs arguments et de
les faire valoir devant une juridiction belge. Je veillerai à ce qu'il en soit fait de même pour ceux
qui relèvent de la Région.
De manière plus générale, en ce qui concerne la question de savoir si la médiatisation d'un tel
dossier pourrait avoir un impact négatif sur la réputation de nos entreprises et sur leur activité
éonomique, il est évidemment bien difficile de répondre de manière tout à fait catégorique.
Personnellement, je pense que même si elle est tout à fait légitime, une médiatisation excessive
de dossiers d'armement peut avoir certains effets négatifs. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle,
je tiens au respect d'une certaine forme de confidentialité dès lors que des informations publiées
risquent de s'avérer préjudiciables aux entreprises et/ou d'avoir un impact négatif sur l'évolution
de nos relations diplomatiques avec certains partenaires.
C'est d'ailleurs tout l'objet d'une réflexion particulièrement nuancée menée ici au Parlement à
laquelle mes services contribuent et pour laquelle j'ai indiqué à plusieurs reprises que je suivrais
les recommandations du Parlement. Je peux donc aujourd'hui vous réitérer mon ouverture à cet
égard.
Par ailleurs, comme vous le savez, des centaines de licences sont octroyées au profit de tres
nombreux clients de par le monde. Cette réalité démontre l'excellente réputation de nos
entreprises et le crédit dont elles disposent aupres de nombreux clients. J'imagine que ceux-ci ne
définissent pas la poursuite de leurs relations commerciales en fonction d'un dossier spécifique
qui ne les concernent pas directement mais bien sur la relation de confiance qu'ils ont pu
construire au fil des années avec les entreprises wallonnes.En ce qui concerne les relations
purement commerciales hors secteur de l'armement avec la Libye, chacun sait que ce pays offre
de plus en plus de possibilités, compte tenu de son retour sur la scène internationale. A cet
égard, je vous rappelle que des actions commerciales sont régulièrement organisées, notamment
par l'AWEx et l'Union wallonne des entreprises, en vue de permettre à des entreprises wallonnes
de se positionner sur ce marché. Par ailleurs, un secrétaire commercial engagé par la Région
flamande mais travaillant au profit des trois Régions est en poste à Tripoli depuis plusieurs
années.
Ceci étant dit, le développement de relations commerciales dans des secteurs traditionnels ne
peut influencer l'analyse ou l'issue des dossiers liés des exportations d'armes. Si c'était le cas, il
deviendrait pratiquement impossible de refuser des licences d'exportation puisque nos
entreprises, et c'est une tres bonne chose, sont présentes partout dans le monde. J'ajoute que
cette distinction entre le secteur de l'armement et les autres activités économiques découle
directement de l'application d'un système de licences et du code de conduite européen.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il n'est pas possible à ce stade de vous donner des
indications sur l'issue d'une éventuelle autre demande d'exportation au profit des autorités
lybiennes. Par contre, je peux vous dire que je ne suis, à ce jour, saisi d'aucune nouvelle
demande de licences d'exportation. Si cela devait arriver, c'est le cas pour tout dossier de ce
type, je ferai procéder à une analyse circonstanciée et serai très attentif à la fois à la spécificité
de la demande proprement dite (le type de matériel, le volume, le destinataire, la finalité) mais
aussi à l'attitude de nos partenaires européens avant de me prononcer.
S'agissant de la République populaire de Chine, évoquée dans une des questions, le
Gouvernement wallon se conforme à l'embargo décreté par l'Union européenne, le 27 juin 1989.
En ce qui concerne les caractéristiques des contrats dits de défense, il est vrai que ceux-ci sont
généralement signés avant toute décision politique et assortis d'astreintes et de garanties
spécifiques liées notamment à la non-execution. En effet, aujourd'hui à l'exception de la France,
tous les pays européens fonctionnent sur base de licences d'exportation octroyées apres la
signature du contrat.D'ailleurs, les autorisations d'exportation sont généralement conditionnées à
l'obtention de certificats d'usage final, un document produit par le pays importateur et certifiant
la destination finale du matériel faisant l'objet de la demande.
En s'engageant avant l'octroi de la licence et en acceptant des astreintes, l'entreprise s'est à mon
sens conformée à une pratique que je peux aisément qualifier ici d'habituelle dans le secteur de
l'armement.
Enfin, à la suite de l'arrêt du Conseil d'Etat, les membres de la Commission s'interrogent sur
l'utilité de revoir la méthodologie qui préside à l'octroi ou au refus des licences d'exportation
d'armes.
Je me permettrai de rappeler les termes que Richard Miller a tenu ici même lors de notre débat
du 5 octobre dernier. Je ne vais pas le citer longtemps mais toujours est-il que Richard Miller a
dit : « La façon dont la Région contrôle et gère cette matière particulièrement importante, car
c'est à travers elle que la Région wallonne exerce aussi une véritable compétence dans le
domaine des Affaires étrangères, je peux la qualifier de très bonne pour ce type de dossier. »
Un mois a passé et aujourd'hui, nous nous retrouvons pour évoquer un arrêt suspensif que le
Conseil d'Etat vient de prendre. Certes, il est évidemment compréhensible que cet arrêt suscite
des questions dans le chef des membres de la Commission. Mais une fois encore, je vous
rappelle que celui-ci est provisoire et qu'il porte uniquement sur le momentum de la décision,
non pas sur le fond de celle-ci et je m'en suis suffisamment expliqué.
Vous le savez, je suis prêt à examiner et à débattre avec vous d'une autre matière qui est celle
des améliorations qu'il est possible d'apporter à la gestion de la Région.
Et à l'occasion d'une prochaine réunion, je suis totalement disposé à entreprendre un tel débat,
même si, comme vous l'évoquiez le 5 octobre dernier, je suis intimement convaincu que la
procédure à l'œuvre actuellement a globalement fait ses preuves, même si elle mérite, comme
toute autre chose, de pouvoir encore être optimalisée.
Dans cet ordre d'idées, la nouvelle majorité a explicitement prévu dans la DPR un certain
nombre de dispositions rappelées par plusieurs d'entre vous notamment M. Tiberghien. Ce sont
des dispositions très concrètes que le Gouvernement wallon entend appliquer ou faire appliquer.
Certaines d'entre elles sont déjà mises en œuvre. D'autres nécessitent l'organisation de
concertations (intra-belges et/ou internationales) voire même d'une réflexion plus globale et qui
porte sur le moyen ou le long terme.
A cet égard, le Gouvernement wallon a, dans le cadre d'une séance de travail avec le Ministre de
la Justice Stefaan De Clerck, notamment attiré son attention sur des aspects directement liés à
son département, à savoir la mise en œuvre urgente de dispositions adéquates pour encadrer les
activités de courtage et la mise à jour du Registre national des armes, qui est un outil essentiel
en matière d'enregistrement.Dans le même temps, une réflexion est menée de concert avec
l'administration wallonne afin d'envisager des pistes d'amélioration en matière de contrôle.
A titre d'exemple et sans entrer dans le débat qui aura lieu au Gouvernement, il est clair qu'il me
semble opportun que la Commission d'avis — qui joue un rôle essentiel dans la procédure
d'octroi des licences --soit reconnue et installée dans un dispositif décrétal. Et que ce texte veille
à « bétonner » l'indépendance de cette Commission.
De même, mon souhait est de proposer au Gouvernement dans le courant du mois de janvier
2010, après une concertation avec le secteur, d'examiner un mécanisme d'autorisation préalable
qui permettrait un contrôle en amont des engagements qui sont pris par les entreprises avant
qu'elles sollicitent l'octroi in fine de la licence d'exportation. Ce mécanisme assurerait une
sécurité juridique.
Enfin, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la réflexion parlementaire débutée sous la
précédente législature et portant sur la transparence et l'exercice du contrôle parlementaire devra
être poursuivie.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les éléments sur lesquels je voulais attirer votre attention, merci
d'ailleurs d'avoir été attentifs pendant cette longue énumération de points divers relatifs aux
interpellations et questions.
M. Onkelinx
Elle sera extrêmement courte. La réponse du Ministre étant à ce point complète et éclairante, il
est inutile de recommenter ce qui a été bien dit. Je ne vais pas non plus refaire l'interpellation
que j'ai faite. Cela n'a pas de sens, donc je voudrais peut être seulement réaffirmer que nous
sommes évidemment d'accord pour qu'on poursuive la procédure d'octroi des licences.
Nous sommes aussi évidemment d'accord pour qu'il y ait une réflexion du Parlement wallon sur
le contrôle des licences en partenariat avec le Gouvernement wallon. Nous insistons sur notre
soutien plein et entier sur ces licences mais nous aimerions aussi savoir si tous les autres partis
apportent un même soutien plein et unanime. Il y a des subtilités que j'aimerais entendre se
dissiper.On fait beaucoup de rêves sur l'avenir, mais sans les réalités du jour, tout cela est moins
clair. En ce qui concerne Kadhafi je peux garantir que je n'en suis pas un fan, loin de là, et que
je peux aussi considérer comme beaucoup d'entre nous, que c'est un pays sensible. Personne n'a
dit le contraire autour de la table et moi non plus. Ce que j'ai simplement dit — et ça c'est un
communiqué de presse qui vient de nous parvenir, où on peut voir que Kadhafi est reçu par les
plus hautes autorités françaises et qu'il s'affiche au côté d'Obama et de Medvedev — que si je
n'aime pas beaucoup Kadhafi, je n'aime pas beaucoup plus Bush, Poutine et j'aime encore moins
Berlusconi. Donc, que l'on soit dans des démocraties où des apprentis didacteurs essaient de
prendre le pouvoir, je n'aime pas cela non plus. En ce qui concerne Kadhafi, je vais vous le lire :
« Outre la présidence de l'Assemblée générale, la Libye disposera également d'un siège non
permanent au Conseil de sécurité » et ce n'est pas moi qui l'ait octroyé ! Est-ce qu'on ferait la
meme chose avec le grand dictateur de Corée du Nord ? Je ne pense pas. Donc, il y a
probablement, entre la Corée du Nord et la Libye -et je l'espère -une analyse différente. En tout
cas, au niveau de l'ONU, je pense que l'analyse a été faite de façon différente. Et donc, sans
vouloir défendre Kadhafi que je n'aime pas, pas plus que vous, il me semble qu'il y a une
distinction à faire entre le dictateur sanguinaire de Corée du Nord et Kadhafi, me semble t-il.