Les Produits de Marque Liberté inc. GÉRER LA SPIRALE DE

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Les Produits de Marque Liberté inc. GÉRER LA SPIRALE DE
ÉTUDE DE CAS – CONTEXTE
Les Produits
de Marque Liberté inc.
Gérer la spirale
de croissance
Les 16 et 17 mars dernier, avait lieu le vingt-sixième tournoi Excalibur. Les étudiants
de vingt-cinq universités québécoises et canadiennes étaient en lice. Les huit équipes
finalistes ont analysé le cas réel d’une entreprise, Les Produits de Marque Liberté inc.
Le cas a aussi été étudié par un professeur après le tournoi.
Liberté
Liberté est un manufacturier de produits laitiers établi au Québec
depuis 1936. L’entreprise est la propriété de Yoplait SAS, un chef
de file mondial dans la transformation de produits laitiers, luimême contrôlé par General Mills et le groupement de coopératives
agricoles français SODIAAL. Liberté compte aujourd’hui plus
de 530 employés. L’essentiel du personnel se partage entre les
usines du Québec et de l’Ontario, ainsi que le siège social établi à
Saint-Hubert sur la Rive-Sud, près de Montréal. Depuis 2006, des
équipes de distribution et de vente sont aussi actives en ColombieBritannique, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse.
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Historique de l’entreprise
Fondée en 1936 par des entrepreneurs québécois, Liberté a assuré
son développement par la mise en marché de nouveaux produits
et certaines acquisitions stratégiques, dont trois principales :
• 1988 : Western Creamery, chef de file au Canada dans la
distribution directe au magasin des produits naturels et
biologiques réfrigérés (Brampton, Ontario) ;
• 2006 : Laiterie Tournevent (Drummondville, Québec) ;
• 2008 : KOOLL Desserts, une laiterie pâtisserie qui
fabrique entièrement ses produits dans ses installations
(Saint-Hyacinthe, Québec).
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L’entreprise a par ailleurs elle-même fait l’objet de quelques
transactions et réorganisations :
• 2004 : vente des produits de marques Liberté et Western
Creamery à Swander Pace Capital, une société d’investissement privée spécialisée dans les entreprises de produits de
consommation ;
• 2007 : Western Creamery change de nom et devient Liberté
Natural Foods ;
• 2010 : cession par Swander Pace Capital de tous les actifs
de Liberté et Liberté Natural Foods à Yoplait SAS ;
Depuis plus de dix ans, Liberté
est engagée dans une importante
spirale de croissance.
• février 2011 : le pouvoir décisionnel des deux entreprises –
Liberté et Liberté Natural Foods – est déplacé de Brampton
en Ontario à Saint-Hubert au Québec et une seule personne
agit à titre de directeur général de l’entreprise ;
• juillet 2011 : achat de 51 % des actions de Yoplait SAS par le
géant américain General Mills.
Défis de l’entreprise
Depuis plus de dix ans, Liberté est engagée dans une importante
spirale de croissance. D’ailleurs, encore aujourd’hui, le fabricant
doit consacrer toute son énergie à répondre à la demande élevée
des consommateurs pour ses produits. L’entreprise est donc
plus que jamais en quête de résultats et désireuse de maintenir
la position avantageuse de sa marque au Canada et même de la
voir progresser.
Déjà, de nombreux changements ont dû être réalisés pour
soutenir la croissance. Au cours de la dernière année seulement,
les activités québécoises et ontariennes ont été fusionnées. Par
conséquent, comme il a été mentionné précédemment, la structure
organisationnelle de l’entreprise a été entièrement revue et le siège
social a été déplacé de l’Ontario vers le Québec. Ces transformations
ont fait en sorte de centraliser la prise de décision en un seul endroit
et d’établir une structure hiérarchique simplifiée, chapeautée par
un gestionnaire unique.
Les activités ontariennes ont aussi été réorganisées pour faire
de la production une priorité. En un peu moins d’un mois, les
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employés du bureau de Brampton ont été rencontrés et orientés
vers d’autres fonctions dans l’organisation.
Au même moment, Liberté décidait de fermer son usine de
Brossard, également sur la Rive-Sud, près de Montréal, et de
centraliser ses activités de production à Saint-Hyacinthe, dans
des installations agrandies depuis peu. Plusieurs employés ont
été réintégrés ailleurs dans l’entreprise, tandis que les autres ont
bénéficié d’un programme d’aide à la recherche d’emploi et à la
transition de carrière.
L’arrimage entre les activités ontariennes et québécoises a
par ailleurs mis en lumière des écarts sur le plan des avantages
sociaux. Certains de ces écarts ont été corrigés dans le cadre des
négociations collectives avec trois groupes d’employés de l’Ontario,
à savoir le personnel de l’entrepôt, dont la convention collective
arrivait à échéance, ainsi que les livreurs et les employés d’usine
nouvellement accrédités. La direction des ressources humaines
estime en fait que les avantages sociaux offerts pour chacun des
postes doivent faire l’objet d’une étude approfondie de manière à
identifier les mesures à mettre de l’avant et à évaluer les coûts d’une
éventuelle harmonisation.
Le défi est d’autant plus important à l’usine de Saint-Hyacinthe au
Québec, où les développements et la modernisation des installations
ont aussi fait émerger divers besoins en matière d’intégration du personnel, de formation et d’évaluation du rendement. Historiquement,
les façons de faire dans ces domaines étaient très différentes au
Québec et en Ontario. Alors que les employés québécois pouvaient
compter sur un guide d’accueil, peu de choses avaient été standardisées en Ontario. En l’absence d’un guide des employés et de
politiques formelles, certains écarts dans la rémunération globale
entre les salariés ont d’ailleurs été notés. À ce sujet, les attentes
du propriétaire actuel de l’entreprise sont claires. Des politiques
écrites doivent être élaborées pour chacune des fonctions ressources
humaines de l’organisation et être diffusées auprès des membres du
personnel. L’harmonisation de la rémunération globale à l’échelle de
l’entreprise et l’évaluation de la performance ont d’ores et déjà été
ciblées comme prioritaires. Dans un second temps, la mise en application de ces politiques nécessitera la formation des gestionnaires.
Pour soutenir tous ces changements, une restructuration en profondeur du service des ressources humaines a été entreprise. Selon
le nouvel organigramme, l’entreprise peut compter sur six employés
en ressources humaines, soit un directeur, trois généralistes, un spécialiste de la santé et de la sécurité du travail et un responsable de la
paie. Conformément au désir d’efficacité de l’organisation, le profil
des activités inhérentes à la santé et à la sécurité du travail a été
revu pour être davantage orienté vers les résultats. Les généralistes
ont aussi été redéployés sur le terrain, l’un à l’usine de Brampton,
le second à Saint-Hyacinthe et le troisième au siège social de SaintHubert. C’est à cette dernière personne que sera notamment confié
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le mandat de concevoir les programmes et formations pour toute
l’entreprise. La philosophie de gestion de la direction s’oriente vers
une approche où les grandes lignes sont établies au siège social,
mais sont mises en application et gérées localement.
Jusqu’à présent, la même logique de centralisation du message
a été utilisée en matière de communication. Un bulletin d’information est produit tous les trois mois par le siège social et distribué
à l’ensemble du personnel. Une tournée, à laquelle participent le
directeur général et le directeur des ressources humaines, est aussi
organisée chaque année. Lors de la dernière, qui a eu lieu en avril
et mai 2011, ils ont annoncé les changements de structures entrepris
et rassuré le personnel sur la volonté de la direction de poursuivre
les activités de l’entreprise. D’ailleurs, à aucun moment au cours
des dernières années, la production n’a été interrompue en raison
des changements en cours, que ce soit le déménagement du siège
social, l’agrandissement de l’usine de Saint-Hyacinthe, la fermeture
de celle de Brossard ou l’installation de nouveaux équipements.
Le rythme auquel le changement s’est déroulé a donc été soutenu et intensif. À l’heure actuelle, les indicateurs laissent croire
que les employés sont satisfaits des changements réalisés. Les
taux de roulement et d’absentéisme dans l’entreprise demeurent en
effet sensiblement les mêmes. Cela dit, la direction des ressources
humaines souhaite réaliser un sondage auprès des employés,
pour vérifier leur perception de la situation. La démarche pourrait
notamment servir à nourrir l’exercice de redéfinition de la mission,
de la vision et des valeurs de l’organisation, également en cours.
À ce chapitre, bien que l’entreprise souhaite mettre le cap sur une
performance accrue, la volonté de maintenir le caractère humain
des rapports dans l’organisation de même que la nature « artisanale »
jusqu’à présent accolée aux produits demeurent bien réelles.
Votre mandat
Compte tenu des objectifs poursuivis par le service des ressources
humaines et des actions réalisées jusqu’à présent, Liberté vous
embauche à titre de consultants pour :
1. identifier quelle devrait être, selon vous, la priorité du service
des ressources humaines et pourquoi ;
2. présenter un plan d’action pour les six prochains mois, en y
incluant les réalisations attendues ;
3. présenter une évaluation de l’incidence de vos recommandations sur les employés et l’entreprise.
ÉTUDE DE CAS – ANALYSE DES ÉTUDIANTS
Pour atténuer les contrecoups
du changement
Voici l’analyse du cas de Liberté, telle qu’elle a été présentée par l’équipe de l’École
des relations industrielles de l’Université de Montréal, gagnante du tournoi, composée
de Stéphany Beaudry, Élisabeth Corbeil et Érika Dion, devenue depuis CRIA, sous la
direction d’Émilie Genin , CRHA. Les concurrentes disposaient d’une heure et demie
pour étudier le cas qui leur était soumis et de vingt minutes pour le présenter.
Un changement dans une entreprise peut bouleverser beaucoup
de gens, que ce soit les employés ou les gestionnaires. Il peut aussi
avoir des conséquences sur les stratégies. Il doit donc être géré
avec précaution.
Jusqu’à présent, Liberté a évolué avec succès en communiquant
avec ses employés, en les mobilisant et en sachant répondre à leurs
questionnements et à leurs incompréhensions. Elle a su s’en faire des
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alliés pour faire avancer l’organisation. Mais aujourd’hui, on peut se
demander s’il y aura des contrecoups à tous ces changements. Voici
un plan d’action pour que Liberté puisse rétablir sa stabilité.
La situation de Liberté
L’entreprise est en pleine croissance depuis 1936. Il est rare de voir
une organisation vivre une telle expansion en gardant constamment
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ÉTUDE DE CAS – ANALYSE Des étudiants
le cap. Au cours des années 2000, elle a cependant vécu plusieurs
changements, en particulier des acquisitions. Mais cela n’a pas nui
à sa croissance… Au contraire, l’entreprise s’en est nourrie.
Mais les effets du dernier changement se font sentir. La direction
a pris la décision de centraliser toutes ses activités en fusionnant
Liberté avec Liberté Natural Foods. Le changement s’est opéré sur
le plan stratégique et a été diffusé au niveau des opérations. Il reste
à penser au niveau « plancher », c’est-à-dire celui des employés.
Sont-ils capables de subir ce changement ? Savent-ils à quoi s’attendre ? Oui, sur le plan stratégique, la direction est convaincue ;
mais sur le « plancher », il reste une inconnue. Sans avoir pris le
pouls des employés, la direction croit qu’ils sont satisfaits des
changements vécus par l’organisation. Mais si la situation demeure
telle quelle, les employés pourraient éprouver, à retardement, des
sentiments négatifs à cet égard.
Sans avoir pris le pouls des
employés, la direction croit qu’ils
sont satisfaits des changements
vécus par l’organisation.
Les enjeux
Un premier enjeu sera d’unifier les conditions de travail, qui diffèrent
entre les services, entre les établissements de l’Ontario et du Québec,
surtout à cause de la présence de différentes conventions collectives.
Il faudra aussi faire connaître les nouvelles fonctions ressources
humaines qui seront redéfinies en raison de la centralisation.
Certaines personnes ont été transférées ou occupent des nouvelles
fonctions. Il faudra communiquer ces changements.
Un autre enjeu consistera à soutenir et renforcer l’engagement
des employés, qui est la force de Liberté.
Enfin, l’entreprise devra anticiper la résistance aux changements
et à leurs répercussions, qui est toujours possible, et prévoir des
mesures pour l’atténuer.
La priorité
La priorité de Liberté est de soutenir sa croissance pour maintenir son
succès et surtout son image de marque comme employeur reconnu.
Pour ce faire, il faut renforcer la culture organisationnelle et l’engagement des employés, de façon à diminuer la résistance au changement.
Le service des ressources humaines aura la mission de soutenir
cette vision stratégique de croissance, d’abord par l’harmonisation
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des conditions de travail entre les deux provinces et, ensuite, par
l’élaboration de nouvelles politiques de gestion des ressources
humaines.
Le plan d’action
Le plan d’action comprend trois principales étapes : le renforcement
de l’engagement des employés, la comparaison des conventions
collectives et, finalement, la conception et la diffusion des politiques de gestion des ressources humaines.
Renforcement de l’engagement
Pour maintenir la croissance de l’entreprise, il faut mobiliser les
employés envers le changement. Le renforcement de leur engagement permettra d’éviter qu’ils développent une résistance aux
changements qui se sont produits et d’en atténuer les symptômes
éventuels tels que l’augmentation du taux de roulement et la
démobilisation.
La première étape consistera à faire réaliser, par un consultant
externe, un sondage en vue de connaître le niveau de satisfaction
des employés, de découvrir leurs craintes et leurs questionnements,
de savoir s’ils s’identifient à l’image de marque de Liberté, à son
caractère artisanal, humain. Le sondage permettra aussi et surtout
de les impliquer dans la redéfinition de la mission et des valeurs
de Liberté afin de les motiver à soutenir la croissance et donc la
rentabilité de l’entreprise.
Ensuite, les résultats du sondage, positifs comme négatifs, seront
diffusés pour démontrer aux employés que leurs commentaires ont
été pris en considération. On évaluera aussi la possibilité d’inclure
ces besoins, ces valeurs indiqués par les employés dans les futures
actions du service des ressources humaines, en vue de renforcer la
culture organisationnelle et, ultimement, de diminuer la résistance
au changement. Cela permettra de préserver les bons indicateurs
identifiés par l’entreprise, soit le faible taux de roulement et la
satisfaction générale des employés, afin d’éviter les contrecoups
des changements récents.
Comparaison des conventions collectives
Liberté a souligné son désir d’unifier les conditions de travail, par
l’harmonisation des conventions collectives, non seulement pour
faciliter la gestion, mais aussi pour rétablir l’équité au sein de
l’organisation.
Pour ce faire, on doit analyser le contenu des conventions collectives, en prenant en considération les contextes législatifs du
Québec et de l’Ontario, qui peuvent différer sur certains points et
qu’on ne peut outrepasser. Il s’agit d’identifier les ressemblances
et les différences, les points forts et les points faibles, d’établir ce
qu’on veut garder et ce qu’on veut améliorer. Il faudra aussi repérer
les risques de mésentente : quelles ont été les sources de conflits
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dans le passé et quels sont les éléments à harmoniser pour qu’il y
ait moins de griefs et moins d’insatisfaction dans le futur.
Pour effectuer la comparaison des diverses conventions, les trois
généralistes feront l’analyse de leurs secteurs (Ontario, Québec,
employés de bureau), établiront une grille des points à considérer,
des éléments à comparer et à harmoniser, selon les niveaux, selon
les échelles. Le but, pour ces généralistes, sera de pouvoir faire
ensemble une véritable comparaison des points qui auront été soulevés dans leur analyse et de trouver des solutions pour diminuer
les écarts identifiés.
Cette comparaison devra être réalisée avec une vision stratégique. En fait, l’entreprise doit se préparer à la négociation d’une
convention collective. Dans ce but, elle doit se donner une position
claire et connaître les conséquences de chacune des mesures et des
propositions qui seront suggérées dans ce contexte.
Mais bien sûr, cette harmonisation des conditions de travail ne se
fera pas à n’importe quel prix… Il faudra en analyser le coût. Quel
est l’écart réel entre les conditions des salariés québécois et ontariens ? Quel est le coût de l’alignement des conditions de travail ?
Ce coût sera-t-il un investissement ou une dépense ?
Conception et diffusion des politiques RH
En lien avec l’orientation stratégique, le but sera d’unifier les politiques de gestion des ressources humaines, en les clarifiant s’il y
a lieu et en tenant compte des conventions collectives en cours. À
court terme, on ne pourra donc pas toucher aux grilles de salaires.
En premier lieu, il faudra concevoir un guide de l’employé, qui
sera diffusé dans toute l’entreprise. Ce guide comprendra la mission, la vision à long terme et les valeurs qui auront été établies sur
la base du sondage réalisé auprès des employés. C’est ainsi qu’on
pourra développer une culture commune.
Par ailleurs, les programmes de formation doivent tous être
passés en revue par le généraliste en ressources humaines de
Saint-Hubert. Selon nous, c’est une lourde charge qui ne peut pas
se réaliser dans les six prochains mois. Revoir un plan de formation pour chaque poste est une tâche énorme. C’est pourquoi nous
conseillons d’embaucher un spécialiste en formation et aussi de
faire équipe avec les responsables de la santé et de la sécurité du
travail; ceux-ci connaissent bien les postes et les risques qu’ils
comportent ainsi que le fonctionnement des machines. Ce sont des
éléments importants à considérer lors de la formation.
Par la suite, une grille d’évaluation du rendement devra être
construite suivant les critères de formation établis, mais sans toucher aux salaires à court terme, car ils feront l’objet de négociations
lors du renouvellement des conventions collectives. Là non plus,
la tâche ne sera pas facile… Les gestionnaires aussi devront être
formés, en particulier pour les habiliter à évaluer leurs employés
selon les nouvelles normes, avec l’aide des professionnels en gestion
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En lien avec l’orientation
stratégique, le but sera d’unifier
les politiques de gestion des
ressources humaines…
des ressources humaines. Rappelons qu’il faudra toujours s’assurer
de la participation du syndicat dans cet exercice, en le convaincant qu’il vise l’instauration de l’équité entre tous les employés et
l’élimination de la subjectivité. Et finalement, les employés seront
constamment tenus au courant des mesures à venir.
L’évaluation
Plusieurs des mesures suggérées ne pourront être instaurées dans
un délai de six mois. Elles répondent plutôt à une vision à long
terme de l’évolution de l’entreprise. Il faut se rappeler que Liberté
vit une croissance continue et soutenue et que tout semble bien
aller. Par ce plan d’action, nous voulons éviter que des problèmes
se fassent jour.
D’abord, il faudra vérifier si les actions ont été justifiées, notamment en surveillant l’apparition de résistances au changement, en
contrôlant le taux de roulement et en effectuant un mini-sondage
annuel (une ou deux questions) pour prendre le pouls des employés,
qui se sentiront ainsi écoutés, et pour réagir rapidement si un
problème est détecté.
D’autre part, lors du renouvellement des conventions collectives, si l’entreprise a bien fait ses devoirs en vue d’accroître la
satisfaction de ses employés, il lui sera peut-être plus facile de
s’entendre avec le syndicat. D’ailleurs, une fois les ententes signées,
les relations au jour le jour avec le syndicat seront un bon indicateur
du climat qui règne au sein de l’entreprise, de même que le nombre
de griefs, qui reflétera le taux d’insatisfaction.
Finalement, on pourra demander aux gestionnaires de premier
niveau d’avoir l’œil ouvert : ils sont bien placés pour constater une
baisse des accidents du travail, vérifier le respect des politiques
établies, écouter les membres de leurs équipes. Ce sera une bonne
façon de connaître l’état d’évolution des mesures prises par Liberté
pour poursuivre sur la voie du succès.
En conclusion, disons que ce plan d’action ne pourra se réaliser
sans investissement. Il implique des coûts humains en temps et
des coûts de services de consultation. Mais c’est le prix à payer
pour obtenir l’adhésion des employés au changement et réussir la
transformation amorcée afin d’opérer un retour vers la stabilité et
d’assurer la croissance de l’entreprise.
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ÉTUDE DE CAS – ANALYSE DU PROFESSEUR
Un plan d’action pour aider
l’entreprise à poursuivre sa lancée
L’entreprise Liberté est en pleine croissance depuis quelques années déjà. Dans ce
contexte où de nombreux changements ont été implantés, le service des ressources
humaines devrait en toute priorité s’assurer que les employés continuent de participer
activement à cette croissance, et ce, par un engagement et une mobilisation soutenus
et capables de générer toujours plus de gains d’efficacité et d’efficience.
— par FRANÇOIS BERNARD MALO, CRHA, professeur agrégé, Département des relations industrielles, Université Laval
Ce qu’il faut surtout éviter, c’est que les changements des dernières
années se transforment en découragement et en cynisme chez les
employés et que ceux-ci perdent de vue les orientations stratégiques de l’entreprise et les manières dont ils peuvent contribuer
à son succès.
Si cette priorité n’est pas bien comprise, les projets de développement de Liberté pourraient être compromis, la position avantageuse
de sa marque au Canada menacée et sa spirale de croissance minée.
Cela serait particulièrement désolant alors que General Mills vient
tout juste de se porter acquéreur de 51 % des actions de Yoplait SAS
et que l’on constate une demande élevée des consommateurs pour
les produits de l’entreprise.
Voici quelques conseils qui aideront Liberté à continuer sur
sa lancée.
Fixer des objectifs précis
Si ce n’est pas déjà fait, le directeur des ressources humaines
pourrait attribuer à tous les membres de son service une série
d’objectifs liés à leur poste et veiller à bien coordonner leur travail
pour aboutir à un ensemble de politiques cohérentes (entre elles
et avec la mission de l’organisation) et susceptibles de dégager des
économies d’échelles et d’éliminer le sentiment d’injustice pouvant
naître chez le personnel à cause du manque d’uniformisation déjà
constaté. Cela impliquerait, par exemple, de :
• confier au généraliste en ressources humaines qui travaille
au siège social la tâche d’identifier toutes les pratiques où
il y a un manque d’uniformité au sein de l’entreprise et d’y
remédier; là où il n’y a pas de politique officielle, ce généraliste pourrait en écrire une en se basant sur celles qui existent
déjà dans l’organisation; l’analyse de ces diverses pratiques
l’aiderait d’ailleurs à concevoir les programmes de formation,
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responsabilité qui est déjà sous sa charge; comme ses
tâches sont nombreuses, on pourrait prévoir lui offrir l’aide
d’un stagiaire en relations industrielles ou en gestion des
ressources humaines ;
• confier au responsable de la paie la tâche d’examiner la
nature et l’étendue des écarts restants sur le plan de la rémunération globale, puis proposer au directeur des ressources
humaines un plan d’action en vue de la prochaine négociation
collective ; cette personne aurait la responsabilité :
- d’analyser en profondeur chacun des postes concernés
afin de bien documenter la situation ;
- d’analyser les coûts liés à l’harmonisation ;
- de suggérer un nouveau système de rémunération équitable
aussi bien à l’interne qu’à l’externe ;
• confier au responsable de la santé et de la sécurité du travail
le mandat de concevoir un système uniforme d’évaluation du
rendement dont l’une des bases sera constituée d’indicateurs
liés aux accidents du travail et aux maladies professionnelles ;
en mettant l’accent sur la prévention, on peut espérer diminuer
les coûts liés aux ressources humaines tout en valorisant un
milieu de travail agréable pour le personnel ; d’autres indicateurs liés à l’efficacité et à l’efficience pourront également s’y
retrouver (productivité de chaque employé, équipe ou secteur
de l’usine ; indicateurs de qualité liés à la réduction des rebuts,
etc.) ; une fois le système élaboré, il serait important de former
les gestionnaires à son utilisation efficace, par exemple lors :
- de rencontres de début d’année avec chaque employé, équipe
ou secteur de l’usine afin de fixer les objectifs à atteindre ;
- de rencontres hebdomadaires de coaching ;
- de rencontres semestrielles de suivi des performances ;
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- d’une rencontre annuelle de compilation des données et
d’évaluation du rendement conduisant ensuite à l’attribution
des primes au rendement et à l’identification des besoins de
formation ;
• confier aux deux généralistes en ressources humaines travaillant dans les usines le mandat de veiller à garder les
canaux de communication ouverts avec le personnel ; chacun
d’eux serait aussi chargé de veiller au respect des politiques
de gestion des ressources humaines et de soutenir les gestionnaires hiérarchiques dans leur gestion quotidienne
(notamment dans l’utilisation du système d’évaluation du
rendement).
Mesurer la perception des employés
Parallèlement à ces diverses actions, le directeur des ressources
humaines pourrait concevoir, avec l’assistance d’un consultant
embauché à cette fin, un questionnaire pour mesurer la perception des employés à l’égard des changements récents, demander à
chacun d’y répondre, puis procéder à l’analyse des résultats.
Créer une nouvelle culture
Afin de consolider l’entreprise et de l’aider à poursuivre sa spirale de
croissance, un groupe de travail piloté par le directeur des ressources
humaines pourrait être chargé de redéfinir la vision, la mission et les
valeurs de l’organisation et cela, sur la base des informations recensées
à la suite du sondage. L’objectif est d’en arriver à créer une nouvelle
culture organisationnelle concrétisée par la rédaction d’un nouveau
Manuel de l’employé où les idées de tous auront été prises en compte.
Cela s’avère fondamental pour maintenir le caractère humain des
rapports dans l’entreprise et la nature artisanale accolée aux produits.
Élaborer un tableau de bord
Aussi en lien avec ce sondage, un tableau de bord où l’on trouverait
une douzaine d’indicateurs traduisant l’évolution de la satisfaction
du personnel à l’égard des changements entrepris serait bien utile à
l’organisation. En plus d’y retrouver le taux de roulement volontaire
de la main-d’œuvre (ventilé par poste de travail, ancienneté, secteur
de l’usine, etc.) de même que diverses statistiques sur l’absentéisme
(motifs d’absence, durée des absences, etc.), le tableau de bord
inclura des données sur la satisfaction du personnel à l’égard de
la rémunération globale, de la communication organisationnelle,
du coaching offert par leur supérieur immédiat, etc. Des analyses
longitudinales, mais aussi transversales pourront alors être menées
et communiquées aux personnes concernées.
Présenter le plan d’action
Avant que ce plan puisse être implanté, il serait souhaitable qu’il
soit présenté en priorité aux représentants syndicaux afin d’obtenir
leur appui. Cela fait, il pourra être expliqué lors de la prochaine
tournée annuelle du directeur général et du directeur des ressources
humaines. Cette tournée, annoncée par les représentants syndicaux
et le bulletin d’information, constituerait ainsi le coup d’envoi des
actions à mettre sur pied dans les six prochains mois. Donnant aux
employés une idée des choses à venir, cette tournée sera aussi un
moment privilégié pour les rassurer et leur démontrer l’importance
que l’entreprise leur accorde. Il serait enfin important que des dis-
…ce plan rassurera le personnel, maintiendra son implication
à un niveau optimal…
positions soient prises pour donner aux employés qui le souhaitent
l’occasion de communiquer directement avec les gestionnaires
supérieurs de Liberté afin d’obtenir des éclaircissements sur les
changements en cours et les nouvelles politiques de gestion des
ressources humaines.
Ce plan d’action devrait contribuer au maintien et à l’amélioration des performances de l’entreprise, aussi bien du point de vue
des employés que de ses actionnaires. En plus de contribuer à la
poursuite de la croissance de l’entreprise, au maintien de la position avantageuse de la marque au Canada et à son développement,
ce plan rassurera le personnel, maintiendra son implication à un
niveau optimal et lui apportera la sécurité dont il a besoin pour
continuer à travailler avec efficacité et efficience.
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