Le marché du travail dans les États baltes: De la flexibilité
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Le marché du travail dans les États baltes: De la flexibilité
Revue d’études comparatives Est-Ouest http://www.necplus.eu/REC Additional services for Revue d’études comparatives Est- Ouest: Email alerts: Click here Subscriptions: Click here Commercial reprints: Click here Terms of use : Click here Le marché du travail dans les États baltes: De la exibilité informelle à la exibilité formelle Céline Bayou Revue d’études comparatives Est-Ouest / Volume 41 / Issue 02 / June 2010, pp 11 - 32 DOI: 10.4074/S0338059910002020, Published online: 16 August 2010 Link to this article: http://www.necplus.eu/abstract_S0338059910002020 How to cite this article: Céline Bayou (2010). Le marché du travail dans les États baltes: De la exibilité informelle à la exibilité formelle. Revue d’études comparatives Est-Ouest, 41, pp 11-32 doi:10.4074/ S0338059910002020 Request Permissions : Click here Downloaded from http://www.necplus.eu/REC, IP address: 78.47.27.170 on 15 Feb 2017 Revue d’études comparatives Est-Ouest, 2010, vol. 41, n° 2, pp. 11-32 Le marché du travail dans les États baltes De la flexibilité informelle à la flexibilité formelle Céline Bayou Chargée de cours à l’Institut des langues et civilisations orientales, membre de l’Observatoire des États post-soviétiques (CRREA-INALCO) ; analyste-rédactrice à Grande Europe, La Documentation française ([email protected]) Résumé : Depuis la restauration de leur indépendance en 1991, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont fait le choix d’une transition rapide vers l’économie de marché, adoptant les outils économiques libéraux qui ont entraîné un désengagement certain de l’État. Logiquement, l’on pouvait prévoir que l’évolution du marché du travail dans ces pays se caractériserait par une grande flexibilité. Or, contre toute attente, la législation protectrice de l’emploi (LPE) y est solidement établie et rapproche les pays baltes des normes européennes, voire s’avère, sur certains points, plus protectrice que dans le reste de l’UE. Cette apparente sécurité de l’emploi est toutefois contrebalancée par un certain nombre de dérogations et de contournements qui octroient de facto aux employeurs une flexibilité informelle. Cette spécificité des marchés baltes du travail – sécurité et flexibilité – aurait sans doute pu permettre la mise en place du modèle de flexicurité mais, en aggravant les déséquilibres et les inégalités, la crise qui a éclaté en 2008 a offert aux dirigeants et employeurs baltes la possibilité de renforcer les tendances à la flexibilité, désormais assumée et légitimée par l’urgence de la situation. Mots-clés : marché du travail, sécurité de l’emploi, législation protectrice de l’emploi, flexibilité, flexicurité, pays baltes JEL : J08, J83, J88, K31 12 Céline Bayou Indépendantes depuis 1991, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont procédé à une transition économique qui s’est apparentée à une véritable révolution systémique et mentale, justifiée pour une large part par le rejet catégorique de l’ancien modèle. Or ce dernier était censé mettre en application la théorie du plein emploi et l’engagement social de l’État envers le travailleur, ce qui a d’ailleurs été fait avec un indéniable succès dans ces laboratoires d’expérimentations économiques que furent, à l’époque, les trois républiques socialistes soviétiques baltes. Une fois les indépendances recouvrées, le mot d’ordre du passage à l’économie de marché s’est accompagné d’un désengagement considérable de l’État et la « main invisible » fut chargée de jouer le rôle de régulateur dans un certain nombre de domaines économiques. Contre toute attente, le marché du travail a, lui, fait l’objet d’une intense activité législative qui a favorisé l’instauration d’un système assez protecteur pour le travailleur, comparable à celui en vigueur dans les autres pays membres de l’Union européenne (UE). En outre, sauf à l’occasion de crises spécifiques, le chômage a plutôt été contenu. Pourtant, il faut davantage y voir l’effet de taux de croissance économique élevés (Graphique 1) que de l’application d’une véritable politique de sécurité de l’emploi. Dans les États baltes, des formes persistantes de chômage (sectoriel, régional, en fonction de l’âge et de l’appartenance à la population titulaire) se sont durablement installées, illustrant autant d’inégalités nouvelles, frappantes par leur ampleur et révélant combien des catégories entières de la population n’ont pas été protégées par cette législation du travail. La double crise qui frappe les économies baltes depuis 2008 (crise interne liée à la surchauffe après quelques années de croissance élevée du PIB et crise financière internationale) révèle davantage encore la défaillance d’un système qui se prétendait protecteur : la hausse rapide du taux de chômage n’est pas seulement due à la violence du choc de la décroissance (contraction des débouchés) mais encore au fait que l’offre et la demande de travail ne coïncident pas (inadéquation entre les qualifications effectives et les qualifications recherchées). La paupérisation accélérée des populations baltes en est un révélateur. Pourtant, l’analyse de la conjoncture propre aux autorités de ces pays et à certains de leurs conseillers (FMI, UE, OCDE…) les amène à faire le choix d’une flexibilité plus grande encore, mais ouvertement encadrée par la législation. Il incombe en outre aux gouvernements des trois pays de définir les politiques qui, à terme, auront une incidence sérieuse sur les marchés du travail : politique éducative (afin d’adapter les qualifications aux besoins des entreprises), salariale (augmenter les salaires pour restreindre la rotation de la main-d’œuvre dans la . Dans le système soviétique, le travail était à la fois un droit et un devoir comme le reflétaient les slogans qui prévalaient alors : « Qui ne travaille pas ne mange pas » mais aussi « À chacun selon son travail » puis, but ultime, « À chacun selon ses besoins ». VOLUME 41, juin 2010 Le marché du travail dans les États baltes limite du supportable pour l’entreprise), démographique (mener une politique nataliste dans un contexte de dépopulation, revoir l’âge du départ en retraite, se prononcer sur le travail des femmes, etc.) et migratoire (un mouvement massif d’émigration prive ces pays d’une main-d’œuvre qualifiée dont ils auraient besoin). Sur ce dernier point, notons que les autorités envisagent de recourir à l’immigration professionnelle mais s’inquiètent, au moins en Estonie et en Lettonie, des conséquences d’un tel mouvement sur leur fragile équilibre linguistique et donc identitaire. Graphique 1 Taux de croissance dans les États baltes entre 1990 et 2010* (variation en %) 20 Estonie Lituanie Lettonie 10 2010* 2009 2008 2007 2006 2005 2003 2004 2002 2001 2000 1999 1998 1997 1996 1995 1994 1992 1993 1991 1990 0 -10 -20 -30 -40 * Estimation Source : Transition Reports, BERD, 2000 à 2010. La fin de la sécurité de l’emploi Leurs économies ayant été, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pleinement intégrées dans celle de l’URSS, les républiques baltes se sont vu imposer jusqu’en 1991 une dépendance étroite du marché soviétique. Ainsi, en 1991, leur structure de l’emploi correspondait aux besoins de l’économie soviétique. Pendant près de cinquante ans, les trois républiques ont connu un degré élevé de protection de l’emploi combiné à une forte compression salariale avec, pour résultat, une rigidité extrême du marché 13 14 Céline Bayou du travail et une allocation des emplois réputée peu efficace. Dès 1990, les premières réformes économiques (libéralisation des prix, du commerce extérieur, introduction d’une monnaie nationale) ont été promptement mises en place, ouvrant une période de mutations qui a prévalu jusqu’en 1993. C’est au cours de cette première phase que l’Estonie a inscrit la règle de l’équilibre budgétaire dans sa nouvelle Constitution. Championne de l’ultralibéralisme, elle a été suivie dans cette voie, sous des formes graduellement atténuées, par la Lettonie et la Lituanie. Les trois pays ont renoué avec la croissance puis ont subi une courte récession, liée à la crise financière russe de 1998, suivie d’une période de stabilisation. Ils ont ensuite enregistré une croissance exceptionnelle qui les a bien souvent placés en tête du palmarès européen jusqu’en 2007. Tableau 1 Taux d’emploi dans les États baltes et comparaison avec l’UE-15, les NM-12 et l’UE-27 (1998-2008) Estonie Lettonie Lituanie UE-15 NM-12 UE-27 1998 1999 64,6 61,5 59,9 58,8 62,3 61,7 61,4 62,5 61,6 60,5 61,2 61,8 2000 60,4 57,5 59,1 63,4 58,9 62,2 2001 61,0 58,6 57,5 64,1 58,9 62,6 2002 2003 62,0 62,9 60,4 61,8 59,9 61,1 64,2 64,5 58,9 59,4 62,4 62,6 2004 63,0 62,3 61,2 64,9 59,7 63,0 2005 64,4 63,3 62,6 65,4 60,4 63,5 2006 68,1 66,3 63,6 66,2 61,8 64,5 2007 69,4 68,3 64,9 66,9 63,1 65,4 2008 69,8 68,6 64,3 67,3 63,8 65,9 NM : Nouveaux États membres ayant adhéré à l’UE en 2004 et 2007. Source : « Taux d’emploi par sexe, Total, 1997-2008 », Eurostat ; http://epp.eurostat.ec.europa.eu/ portal/page/eurostat/home/ Au cours de cette période de transition et comme dans les autres pays d’Europe centrale, le taux d’activité (rapport entre le nombre d’actifs – occupés et chômeurs – et la population totale) a fortement baissé (Eamets, 2007 ; Masso et al., 2004). À l’inverse, le taux d’emploi (proportion des personnes en âge de travailler détenant un emploi) a augmenté régulièrement de 1998 à 2008 (Tableau 1) même si, par ailleurs, les taux de chômage des États baltes ont été parmi les plus élevés des PECO, culminant à 12,8 % en Estonie en 2000, à 19,4 % en Lettonie en 1996 et à 17,1 % en Lituanie en 1995. Cette corrélation laisse penser que, à la différence d’autres pays de la région où beaucoup sont sortis du marché de l’emploi, dans les États baltes, le nombre de personnes à la recherche d’un emploi s’est accru de manière significative. En 2000, les taux de chômage étaient globalement similaires dans les trois pays puis ont régulièrement baissé entre 2001 et 2007 (en 2005, ils étaient proches de la moyenne de l’UE-15 ; Tableau 2). . Pour cette période, l’on constate en outre que le taux d’activité selon le sexe est à peu près similaire en Estonie et en Lettonie alors qu’en Lituanie, le taux d’activité des hommes recule et est désormais largement dépassé par celui des femmes. . Il s’agit de personnes qui ne s’incrivent plus à l’agence pour l’emploi mais peuvent, éventuellement, chercher du travail par d’autres moyens. VOLUME 41, juin 2010 Le marché du travail dans les États baltes Les pertes d’emplois sont principalement intervenues dans les secteurs industriel (en Lettonie et Lituanie) et agricole (l’Estonie ayant subi les pertes les plus sévères). Tableau 2 Taux de chômage dans les États baltes (1998-2009) et comparaison avec l’UE-15, les NM-12 et l’UE-27 (en % de la population active) Estonie Lettonie Lituanie UE-15 NM-12 UE-27 1998 9,2 14,3 13,2 9,3 10,2 - 1999 11,3 14,0 13,7 8,5 11,0 - 2000 12,8 13,7 16,4 7,7 11,2 8,7 2001 12,4 12,9 16,5 7,3 11,4 8,5 2002 10,3 12,2 13,5 7,6 11,0 8,9 2003 10,0 10,5 12,5 8,0 10,3 9,0 2004 2005 2006 2007 2008 2009 9,7 7,9 5,9 4,7 5,5 14,0 10,4 8,9 6,8 6,0 7,5 17,6 11,4 8,3 5,6 4,3 5,8 14,0 8,1 8,1 7,7 7,0 7,1 9,1 10,1 9,2 7,9 6,4 6,1 9,8 9,1 8,9 8,2 7,1 7,0 8,9 Source : « Taux de chômage par sexe, Total, 1998-2009 », Eurostat ; http://epp.eurostat.ec.europa. eu/portal/page/eurostat/home/ Dans un tel contexte, les gouvernements libéraux qui se sont succédé, conscients de l’enjeu que représentait l’adhésion à l’Union européenne et ensuite à l’Union économique et monétaire (UEM), se sont prononcés en faveur d’une plus grande flexibilité du marché du travail : – D’une part, alors que les dirigeants des trois pays avaient fait le choix de politiques monétaires et budgétaires contraignantes, la flexibilité devait prémunir contre les autres chocs économiques. Le système de currency board adopté en Estonie et en Lituanie a considérablement restreint les fonctions des banques centrales tandis que l’équilibrage annuel des budgets limitait l’utilisation d’instruments de politique budgétaire par les gouvernements. La flexibilité du travail a donc été perçue comme une variable d’ajustement, l’adaptation rapide aux changements de l’environnement macroéconomique permettant d’amortir les chocs (Eamets, 2007). – D’autre part, cette stratégie a été retenue en raison des forts taux de chômage alors constatés. Les pouvoirs baltes ont estimé que l’évolution du marché du travail conforterait leurs autres choix : les politiques d’ajustement structurel mises en œuvre contribueraient à réorienter l’économie vers de nouveaux marchés, à réallouer des ressources à de nouveaux secteurs plus porteurs et à faire progresser rapidement la restructuration économique (Masso et al., 2007 ; Masso et Heshmati, 2003 ; Vahter, 2004). Ex post, hormis le retard pris par la restructuration, ils restent convaincus aujourd’hui de la justesse de leur approche ; dans un contexte très contraint, la flexibilité du marché du travail a servi de variable d’ajustement. . Le secteur agricole est passé de 140 000 emplois en 1989 à 30 000 en 2001, soit une contraction particulièrement sévère qui s’est traduite par l’apparition d’un chômage de longue durée dans de nombreuses zones rurales d’Estonie. 15 16 Céline Bayou Une évolution attendue : le choix de la flexibilité La flexibilité est perçue par les gouvernements de ces pays comme la garantie d’un ajustement rapide du marché du travail aux chocs extérieurs et aux conditions macroéconomiques nouvelles (Zasova & Melihovs, 2005). Prenant appui sur la théorie de l’équilibre général (Walras) et, plus précisément, sur l’idée qu’un retour à l’équilibre de l’offre et de la demande est toujours possible lorsque les prix sont flexibles, cette approche de la flexibilité pourrait justifier tous les excès, y compris celui de considérer que si un écart persiste entre l’offre et la demande, c’est parce que la flexibilité n’est que partielle. Il convient dès lors de préciser la notion de flexibilité, notamment en s’attachant à certains aspects ou critères. Quatre d’entre eux prédominent généralement dans la théorie de la flexibilité du travail (OCDE, 1999) : – La flexibilité numérique, à savoir la capacité qu’ont les employeurs d’ajuster le nombre de salariés à leurs besoins du moment (i.e. la latitude laissée à l’entreprise de recruter et licencier qui se manifeste par la mobilité de la main-d’œuvre entre les entreprises, c’est-à-dire la rotation externe du personnel) ; – La flexibilité numérique interne, à savoir la capacité qu’ont les employeurs d’ajuster les horaires et la répartition du travail des salariés sans modifier leur nombre ; – La flexibilité fonctionnelle, à savoir la capacité qu’ont les employeurs d’affecter les salariés à des tâches ou services différents ou de modifier le contenu de leur travail (elle reflète la mobilité des employés au sein des entreprises, soit la rotation interne du personnel) ; – La flexibilité salariale qui permet aux employeurs d’ajuster les salaires à l’évolution du marché et aux conditions de la concurrence. On peut y ajouter l’externalisation, qui correspond à la capacité des employeurs de recourir à la sous-traitance (auprès de particuliers ou d’entreprises) par le biais de contrats commerciaux et non pas de contrats de travail (travail à distance, télétravail, entreprises virtuelles, etc.). Les politiques économiques menées en Estonie, en Lettonie et en Lituanie depuis le début des années 1990 traduisent une approche libérale et c’est très logiquement que leurs dirigeants ont opté pour la flexibilité du travail, jugeant qu’elle donnerait aux entreprises la latitude nécessaire pour s’adapter aux nouvelles règles du marché (Eamets et al., 2003 ; Haltiwanger & Vodopicev, 1999 ; Jurajda & Terrell, 2001 ; Paas et al., 2003). La comparaison des changements intervenus dans le marché du travail de ces trois pays montre en effet que les restructurations y ont été beaucoup plus rapides et la rotation du personnel beaucoup plus élevée que dans les autres pays en transition (Eamets, 2007 ; Carley, 2002). VOLUME 41, juin 2010 Le marché du travail dans les États baltes La flexibilité numérique était forte dans les États baltes, en particulier au début de la transition. Elle était complétée par des flux d’emplois (création et destruction) eux aussi importants. Ce facteur a vraisemblablement permis de limiter dans un premier temps la hausse du chômage, le nombre d’emplois créés étant suffisant pour compenser celui des emplois détruits et pour absorber une partie des inactifs. En Estonie au cours des années 1990, le flux de travailleurs et d’emplois a été supérieur à celui de la plupart des pays en transition mais le turn-over sur le marché du travail estonien s’est quelque peu tassé par la suite (Brixiova, 2009). Jusqu’au milieu des années 2000 au moins, il était globalement plus facile de procéder à des licenciements individuels dans les États baltes que dans l’UE-15 et plus encore en Estonie et en Lituanie qu’en Lettonie ; le recours au travail à temps partiel était plus courant que dans l’UE, surtout en Lettonie. En revanche, les licenciements collectifs étaient nettement plus encadrés dans ces trois pays que dans l’UE-15 (Eamets & Masso, 2005). Les salaires ont beaucoup évolué dans les trois pays (Hinnosaar, 2004) mais des différences existent entre pays et entre secteurs économiques. C’est en Lituanie que, jusqu’en 2008, les salaires nominaux ont le moins varié et en Estonie qu’ils ont le plus augmenté (Eamets, 2007 ; Brixiova, 2009). En outre, dans ce dernier pays, l’usage de gratifications liées aux performances est répandu (en 2007, les deux tiers des entreprises dans les secteurs de l’industrie, du BTP, des services et du commerce y auraient eu recours ; leur part dans le salaire représenterait entre 14 % – industrie – et 23 % – commerce). Constat surprenant, dans les États baltes, les salaires nominaux ont parfois varié à la baisse (flexibilité vers le bas) : tel a été le cas après la crise financière russe de 1998 dans le bâtiment mais aussi dans la pêche, l’agriculture, l’hôtellerie et la restauration ; il en va de même depuis 2009. C’est évidemment, dans le secteur public mais aussi financier que, jusqu’en 2009 du moins, les salaires sont restés le plus stables. Par contre, la flexibilité a été maximale pour les bas salaires. Classiquement, le niveau du salaire minimum est déterminé chaque année, aux termes de négociations entre syndicats et représentants des entreprises. Le salaire minimum garanti était le plus bas en Estonie (en 2007 encore, il ne représentait que 32 % du salaire moyen) et le plus haut en Lituanie. Cependant, son accroissement récent a été plus rapide en Estonie que dans le reste de l’UE : + 9 % en 2005, 12 % en 2006 puis 20 % en 2007 et en 2008 (Brixiova, 2009). Dans le secteur privé, la fixation des salaires est décentralisée et s’ils ont grosso modo suivi les gains de productivité jusqu’en 2004 environ, ils se sont ensuite envolés. Il faut y voir l’effet des pénuries et des déséquilibres affectant la main-d’œuvre et les qualifications. L’accroissement rapide des . En Estonie, le niveau de productivité du travail, même s’il avait également augmenté, n’équivalait à la fin de 2007 qu’à 62 % de la moyenne de l’UE-27. 17 18 Céline Bayou salaires dans les États baltes – plus rapide que celui de la productivité du travail – est un phénomène récent qui a pris fin avec la crise. Il a notamment touché les secteurs (qualifiés) qui pâtissaient d’une pénurie de maind’œuvre, en particulier à cause de l’émigration. Le problème a été soulevé au plus haut niveau de l’État, donnant lieu à des débats passionnés sur ces départs massifs (Hazans, 2003 ; Paas et al., 2003). Par exemple en Lettonie, la Présidente alors en exercice, Vaira Vike-Freiberga, n’a pas hésité à trancher au milieu des années 2000 : même si elle poussait les salaires à la hausse et certaines entreprises au bord de l’asphyxie, l’émigration ne devait pas être découragée ou entravée parce qu’elle répondait à un besoin de liberté dont la population avait été privée pendant près d’un demi-siècle. La demande récurrente des employeurs d’alléger les charges qui pèsent sur eux s’est réactivée avec la crise de 2008. Ils avancent que la fiscalité sur le travail, en incitant certains à réduire leurs cotisations sociales, notamment sur les bas salaires, est responsable d’une grande partie du travail non déclaré. Aussi proposent-ils depuis quelques années de reporter sur les employés la charge des contributions sociales, quitte à réduire ces dernières (voir Annexe). La sécurité de l’emploi encouragée par l’UE Un autre outil permettant de mesurer le degré de flexibilité du marché du travail est la législation sur la protection de l’emploi (LPE). Elle consiste en un arsenal de lois qui régit le marché du travail et permet, souvent de manière contractuelle (exception faite de la fonction publique), de protéger les employés contre le licenciement et les formes de travail précaire, de réguler le temps de travail et d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs. Cette réglementation est appréciée positivement par les courants institutionnalistes qui y voient non seulement un moyen de défendre les salariés mais encore un facteur encourageant les entreprises à embaucher et à former leur personnel ; les qualifications nouvelles contribuent à la hausse de la productivité du travail qui peut, à son tour, accroître la flexibilité interne (fonctionnelle). Ses détracteurs, qualifiés de « distortionnistes » (Eamets & Masso, 2005), considèrent la LPE comme un élément de contrainte supplémentaire pour l’entreprise qui, en renchérissant le coût du travail, décourage l’embauche et freine l’adaptabilité du marché du travail en cas de choc exogène. L’OCDE évalue la rigueur de la LPE avec des indicateurs allant de 0 (LPE flexible) à 6 (législation stricte) : le corpus législatif général de l’Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie révèle de grandes similitudes entre les trois pays, de même qu’entre eux et le reste de l’UE (à cet égard, la sécurité garantie par la LPE dans les États baltes est supérieure à celle assurée par VOLUME 41, juin 2010 Le marché du travail dans les États baltes les États-Unis). Précisons que les dispositions relatives aux licenciements collectifs sont, en 2005, plus strictes dans les États baltes que dans l’UE15 (Tableau 3) ; elles prévoient l’obligation de justifier le licenciement et fixent la durée (longue) du préavis. En Estonie, les réformes législatives de 2002 ont entraîné l’augmentation du coût du licenciement collectif (indicateur de 2,6 en 2002 et de 4,5 en 2005 ; Tableau 3) ; depuis, la situation a encore changé, le paiement des indemnités de licenciement ayant été, dans ce cas, transféré de l’entreprise au fonds d’assurance chômage. Tableau 3 Indicateurs de rigueur de la LPE dans les États baltes (2001) Estonie Lettonie Lituanie Moyenne Europe centrale (EC) Coefficient de variation EC UE-15 Etats-Unis Indicateurs de rigueur (0-6) Ratification des Licenciements CDI CDD conventions collectifs de l’OIT 31 2,3/3,1 2,2/1,4 4,5 45 2,8/2,3 3,2/2,1 4,0 34 1,8/3,0 1,1/1,4 4,9 Rigueur générale de la LPE 2,2/2,6 3,3/2,5 1,1/2,7 62 2,5/2,7 0,8/1,2 4,1 1,7/2,4 31% 25/16% 125/87% 12% 47/24% 88 14 2,4/2,6 0,1/0,2 2,3/2,3 0,3/0,3 3,2 2,9 2,4/2,5 0,2/0,7 Sources : Nicoletti et al., 2001 ; OCDE, 1999 (licenciements collectifs : OCDE seulement), cité par Eamets & Masso, 2005, p. 75. Les règles en vigueur sont conformes aux normes internationales, notamment aux conventions de l’OIT (Organisation internationale du travail). Toutefois, les trois pays affichent un certain retard : à la fin de 2009, alors que la France, par exemple, avait ratifié 124 conventions (entre 1925 et 2004), l’Estonie en avait ratifié 38 (entre 1922 et 2007), la Lituanie 43 (entre 1931 et 2006) et la Lettonie 52 (entre 1924 et 2009). En moyenne, les pays de l’UE-15 avaient déjà ratifié 88 Conventions à la fin de 2002 contre 37 pour leurs voisins baltes (et 14 pour les États-Unis). Le degré de LPE se mesure aussi à l’aide de l’évaluation des différentes formes de contrats de travail utilisées. Il en ressort que leur diversité est plus grande en Lettonie que dans les autres pays centre-européens ou dans l’UE-15. En revanche, l’Estonie et la Lituanie ont une certaine similarité à la fois avec l’Europe centrale et avec l’UE-15 (Tableau 4). . Les trois pays souscrivant au principe de la continuité de l’État, les conventions signées lors de leur première indépendance entre 1920 et 1940 sont de nouveau entrées en vigueur en 1991 une fois celle-ci restaurée. 19 20 Céline Bayou Tableau 4 Statuts d’emploi (en % de l’emploi total) en 2001 Estonie Lettonie Lituanie Europe centrale UE-15 Travailleur à son compte 10,1 13,7 19,7 CDI CDD Intérim 75,6 55,4 62,9 10,7 20,1 13,8 1,2 5,7 0,4 Tous contrats à durée déterminée 11,9 25,8 14,2 18,0 65,8 12,4 1,4 13,0 8,2 16,6 68,1 8,3 1,8 10,1 18,0 Temps partiel 8,0 10,0 11,0 Source : Eamets & Masso, 2005, p. 77. Même si l’OCDE (1999) estime généralement que la part des travailleurs établis à leur propre compte est le signe d’une grande rigueur de la LPE, cette part se révèle plutôt faible en moyenne dans les États baltes (elle est plus élevée en Lituanie, pays le plus agricole des trois). En revanche, les contrats temporaires y sont très fréquents, notamment en Lettonie, ce qui peut favoriser une certaine précarité des salariés. Pour ce qui est du nombre d’heures travaillées par personne, les salariés de ces trois pays n’ont rien à envier au reste de l’Union (Graphique 2). La durée légale du travail est, dans chacun d’eux, de 40 heures hebdomadaires (voir Annexe), la Lituanie se distinguant par l’autorisation d’atteindre 48 heures. La progression vers l’adhésion à l’UE a indéniablement accéléré le processus de régulation du marché du travail dans les pays candidats : en 2002, par exemple, la Commission notait que la reprise de l’acquis communautaire était bien avancée en Estonie (des progrès restaient à faire en matière d’égalité hommes-femmes, de lutte contre les discriminations, d’information et de consultation des salariés) ; au même moment, la Lettonie était jugée presque conforme (le nouveau code du travail, adopté en juin 2002, transposait la plus grande partie de l’acquis, mais des efforts supplémentaires étaient demandés dans les domaines de l’information et de la consultation des salariés, de l’égalité hommes-femmes, de la santé et de la sécurité, des amendements à la loi sur les conflits du travail étant de surcroît requis) ; il en allait à peu près de même pour la Lituanie (elle avait également adopté un nouveau code du travail en 2003, reprenant la quasitotalité de l’acquis) (Eamets & Masso, 2004). . En 2006, la Confédération lituanienne des industriels a tenté de faire accepter la possibilité d’allonger la semaine de travail à 60 heures conformément à une directive européenne qui autorise à dépasser le plafond légal « si les travailleurs consultés donnent individuellement leur accord » (clause de renonciation, dite opt out). Au même moment, la Commission européenne tentait de supprimer l’opt out, contre l’avis du Royaume-Uni et de la plupart des nouveaux pays membres, favorables à plus de flexibilité. En Lituanie, la proposition de la Confédération des industriels a été contestée par les syndicats, opposés à une déréglementation qui, pour mieux accompagner la fluctuation des activités, aurait favorisé le déplafonnement des heures supplémentaires ainsi que le développement du temps partiel subi. VOLUME 41, juin 2010 Le marché du travail dans les États baltes Graphique 2 Nombre d’heures travaillées par semaine par les personnes ayant un emploi à plein temps dans les États baltes et dans l’UE-15 (moyenne annuelle entre 1997 et 2008) 45 44 42 43 42 41 40 39 38 37 Lettonie Estonie Lituanie 20 06 20 07 20 08 20 04 20 05 20 03 20 00 20 01 20 02 19 99 19 97 19 98 36 UE Source : Eurostat, http://epp.eurostat.ec.europa.eu/ Globalement, la législation balte du travail est adéquate et l’indice de la LPE est proche de la moyenne communautaire. Cela nous renseigne sur l’aspect institutionnel du marché du travail et peut donner lieu à deux interprétations distinctes : l’instauration d’une LPE que l’on pourrait qualifier de « classique » traduit évidemment une volonté de rupture avec le système précédent et de mise en conformité avec les pratiques occidentales et, plus précisément, de l’UE. Toutefois, étant donné la façon dont la LPE est appliquée, l’on ne peut parler d’une situation de « sécurité » sur les marchés baltes du travail dans la mesure où les autorités et les employeurs peuvent opter pour une certaine « flexibilité ». Une application « flexible » de la sécurité La sécurité « flexible » ne s’apparente pas pour autant à la flexicurité. En effet, même si la rigueur de la LPE est proche de la moyenne communautaire, certaines pratiques sont moins réglementées que d’autres. C’est le cas notamment du travail temporaire (CDD et intérim), moins encadré dans 21 22 Céline Bayou les États baltes que dans l’UE et, parmi les premiers, moins en Lituanie et en Estonie qu’en Lettonie. En 2001, la part des salariés bénéficiant d’un CDI atteint certes 75,6 % en Estonie, 62,9 % en Lituanie et 55,4 % en Lettonie, soit une moyenne de 64,6 % comparable à celles de l’UE-15 (68,1 %) et de l’Europe centrale (65,8 %) (Eamets & Masso, 2004), mais les règles varient selon le pays. La durée maximale des CDD en Estonie et en Lituanie est de cinq ans, contre deux ans seulement en Lettonie. La part du travail temporaire est donc particulièrement élevée en Lettonie (bien supérieure à la moyenne de l’UE-15) et celle du temps partiel, subi, a fortement augmenté en Estonie (passant de 42 % en 1993 à 51 % en 2002). Au total, on ne peut ignorer la diversité et l’usage répété des formes d’emploi temporaires, qui impliquent une plus grande flexibilité. En outre, comparativement à l’UE-15 où le taux de syndicalisation était de 44 % dans la première moitié des années 2000, il est faible dans les États baltes (autour de 14 % en Estonie et en Lituanie [voir Annexe] et proche de 20 % en Lettonie alors qu’il dépassait 90 % en 1990). De même, la capacité des syndicats à faire entendre leur voix dans le cadre des négociations collectives est bien inférieure à ce qu’elle est dans le reste de l’UE (Woolfson & Beck, 2002). On peut y voir un effet psychologique dû à l’histoire et à l’occupation soviétique, les salariés ayant quelques réticences à se tourner vers des instances assimilées au régime précédent. Il peut également s’agir d’une chute mécanique liée au processus de privatisation entamé en 1992 ; celui-ci a accéléré tant le démantèlement des grosses entreprises industrielles où les organisations syndicales étaient bien implantées que la migration de la main-d’œuvre vers de petites entreprises de services où elles sont inexistantes. La coordination syndicale manque d’efficacité, tout particulièrement dans les PME. Enfin, les salariés syndiqués sont parfois victime de discrimination, reflet de l’hostilité des employeurs envers les syndicats. Par exemple, alors que le code du travail letton précise qu’il est impossible de licencier un salarié sans leur accord, le taux de syndicalisation dans le pays est si piètre (même s’il dépasse légèrement celui de l’Estonie et de la Lituanie) qu’il amoindrit beaucoup la portée de l’interdiction. Le rôle des syndicats est, en définitive, assez marginal comme le montre, par exemple, le petit nombre de conventions collectives signées dans les trois . Les sociétés dans lesquelles les syndicats parviennent encore à jouer un rôle aujourd’hui sont essentiellement les grandes entreprises du textile, des transports routiers et ferroviaires et des services postaux. . À titre d’exemple, on cite fréquemment en Lituanie le cas des anciens salariés de la compagnie aérienne Air Lithuania/FlyLAL qui a fait faillite en 2008. Ceux qui étaient syndiqués au moment de la faillite et tentaient de faire valoir leurs droits rencontreraient plus de difficultés à retrouver un emploi que les autres salariés licenciés de cette même entreprise mais non syndiqués. VOLUME 41, juin 2010 Le marché du travail dans les États baltes pays. C’est en Estonie que leur implication dans la détermination des salaires est considérée comme la plus faible de toute l’UE-27 (Brixiova, 2009 ; Ahleberg & Bruun, 2009). Les syndicats interviennent néanmoins dans les négociations salariales de la fonction publique et jouent parfois un rôle dans les grandes entreprises. Ils sont également présents lors des négociations visant à fixer le salaire minimum. Ils ont de surcroît été actifs en 2006-2007 dans des conditions de pénurie de la main-d’œuvre et des qualifications, poussant les salaires du secteur public à la hausse (la plus forte de l’UE dans l’ensemble des trois pays). À l’inverse, fait marquant, en 2009 et dans un contexte inédit de grave crise économique, ils ont entériné presque sans protester les décisions ayant permis de réduire les salaires du public (enseignants, personnels de santé et des ministères en particulier), notamment en Lettonie, privilégiant la défense de l’emploi plutôt que celle des salaires. Par ailleurs, dans les États baltes, il est courant d’ajouter des avenants aux contrats de travail : lorsqu’un individu paraphe son contrat d’embauche, il doit parfois rédiger une lettre de démission, signée, non datée et laissée à la disposition de l’employeur qui pourra en faire usage quand bon lui semblera, évitant ainsi d’avoir à licencier le salarié. Selon Eamets et Masso (2004 et 2005), la proportion de tels documents serait passée de 10 % en 1998 à 6 % en 2002 en Estonie, de 6 à 9 % en Lettonie et de 4 à 9 % en Lituanie. Les données ont été recueillies auprès de salariés qui acceptaient de répondre, ce qui laisse supposer que la fréquence de ces pratiques est en réalité très sous-estimée. Tableau 5 Actions et recours des salariés Année Lettonie Lituanie Estonie Pays baltes UE États-Unis 2000 2000 2000 2000 1995 1995 Plaintes auprès de l’Inspection/des tribunaux (en % du nombre de salariés) 0,19 0,22 0,54 0,32 0,21 0,02 % d’affaires gagnées par les salariés 88 68 65 73 50 48 Source : Eamets & Masso, 2004, p. 22. Si les salariés des trois pays n’hésitent pas à saisir l’Inspection du travail, le fait que le taux de décisions favorables soit assez élevé (comparativement à d’autres pays de l’UE) conduit à penser que la réactivité des salariés est davantage liée à la multiplicité des cas de violation de la loi qu’à la puissance des syndicats (Tableau 5). En outre, les travailleurs sont relativement peu informés de leurs droits : de nombreux cas ont été signalés de conventions collectives signées et s’avérant moins bénéfiques pour les travailleurs que ne le prévoit la loi. 23 24 Céline Bayou Enfin, et ce n’est pas le moindre des facteurs atténuant la rigueur de la LPE, la loi est fréquemment contournée, voire violée, de sorte qu’une grande partie des salariés est mal protégée. Il est évidemment difficile de savoir dans quelle mesure les employeurs respectent leurs obligations mais il est établi que le droit du travail fait l’objet de nombreux manquements. En Lituanie, par exemple, l’Inspection du travail a diligenté 8 800 inspections et identifié 29 400 cas de violation du droit du travail en 2004 (Fulton, 2007). Le législateur ne semble pas mettre une ardeur particulière à faire respecter la LPE qu’il a lui-même votée, ce qui prouve ses réticences à l’égard d’une réglementation imposée de l’extérieur. Il avait en effet répondu aux demandes de l’UE et mis, avec un certain succès, les trois pays sur la voie de l’harmonisation. De ce point de vue, ils forment, comme nous l’avons souligné, un ensemble plutôt homogène dans lequel la LPE est d’une rigueur comparable, voire légèrement supérieure, à celle de l’UE (et des autres pays d’Europe centrale). Cependant, sous le couvert d’une sécurité classique accordée aux travailleurs, les États baltes se sont finalement octroyé une flexibilité cachée. Si la loi était vraiment appliquée, les marchés baltes du travail pourraient être qualifiés de protecteurs et même de « rigides ». Or de toute évidence, les autorités et les employeurs sont unanimes à juger qu’un tel niveau de protection serait contre-productif : la justification généralement fournie est qu’un droit du travail trop exigeant empêche les employeurs de s’adapter aux fluctuations économiques et que, en évitant de licencier en temps de crise, on décourage les employeurs d’embaucher pendant les périodes de croissance, contribuant finalement au chômage (OCDE, 1999). L’idée qui prévaut est que la régulation du marché du travail a un effet négatif sur la flexibilité et, partant, sur l’efficacité. D’où cet écart constaté entre la LPE et son application : les employeurs et les autorités se sont de facto donné une marge de liberté non déclarée tout en semblant rester dans le cadre d’une LPE satisfaisante aux yeux de l’UE. La formule balte consistant à mêler des éléments de flexibilité et de sécurité sur le marché du travail ne rapproche pas pour autant ces pays du modèle danois de flexicurité. Cette voie pouvait être envisagée compte tenu de la flexibilité désirée et de l’atout que constitue l’arsenal juridique d’une LPE déjà en place et qu’il suffirait d’appliquer avec rigueur. Apte à concilier deux éléments apparemment antinomiques, la flexicurité a été définie par Wilthagen et Rogowski (2002) comme « une stratégie politique qui, de façon synchronisée et délibérée, tend à améliorer la flexibilité des marchés du travail […] tout en accroissant la sécurité – sécurité des emplois et sécurité de la protection sociale – particulièrement en faveur des groupes les plus vulnérables dans et hors du marché du travail ». Or, dans le contexte de la crise, la faiblesse des syndicats et l’anomie de la population laissent le champ libre aux gouvernements en place et aux VOLUME 41, juin 2010 Le marché du travail dans les États baltes chefs d’entreprise pour renforcer la flexibilité et repousser l’éventualité d’une flexicurité. Certes, dans les trois pays, les pouvoirs publics n’ont eu de cesse d’exprimer leur inquiétude, agitant le spectre de possibles émeutes. Pourtant, les rares manifestations (dont peu ont dégénéré) se sont limitées à des cortèges éclatés ; ils étaient menés le plus souvent par des syndicats corporatistes incapables de s’unir au sein d’une intersyndicale et de se ranger derrière un mot d’ordre commun, même si leur principale revendication – arrêter de faire endosser par la population les engagements financiers de l’État – était identique. Aussi les dirigeants savent-ils qu’ils ne sont pas confrontés à une véritable opposition interne dont ils pourraient craindre les initiatives. De ce fait, alors que la crise remet en cause avec acuité le principe de la flexibilité comme facteur d’amélioration de la compétitivité (Kiloh & Saget, 2009), c’est néanmoins cette option qui semble aujourd’hui l’emporter. Le triomphe de la flexibilité ? Soit parce que la pression des bailleurs de fonds (FMI, UE) a été insistante (cas de la Lettonie), soit en vue d’une intégration la plus rapide possible à l’UEM (cas de l’Estonie qui vise l’adoption de l’euro en 2011), soit tout simplement parce que cette voie a été jugée la plus efficace pour empêcher la faillite de l’État (Lituanie), depuis 2009, les autorités des trois pays ont pour priorité absolue de lutter contre le déficit budgétaire. Dans la mesure où l’enjeu primordial pour les gouvernements comme pour certaines instances internationales très impliquées (FMI, BM, UE, OCDE…) est de ramener rapidement ces économies sur la trajectoire de la croissance tendancielle, la flexibilité du travail leur est d’emblée apparue comme une variable d’ajustement. La forte hausse des salaires réels aurait contribué, selon les dirigeants, à affaiblir la compétitivité extérieure de leurs pays qui, en tant que petites économies diversifiées, ne peuvent guère exercer de contrainte par la demande sur les marchés extérieurs. L’Estonie, la Lettonie et la Lituanie savent pourtant qu’elles doivent accepter des prix et des salaires rigides pour obtenir des parts de marché à l’exportation, ce qui aiderait à compenser l’effondrement de la demande intérieure (OCDE, 2009). Les autorités baltes estiment donc qu’un marché du travail plus flexible devrait permettre de redéployer sans heurts la main-d’œuvre au profit d’activités plus productives, tout particulièrement dans les branches exportatrices. Il est ici question de flexibilité à la fois régionale, sectorielle, professionnelle et salariale (Brixiova, 2009 ; OCDE, 2009), destinée à remettre le PIB sur la voie de la croissance durable. En Lettonie et en Estonie, il conviendrait, d’après Karu & Roosaar (2006), d’y ajouter des mesures de lutte contre les disparités d’ordre ethnique, les indicateurs 25 26 Céline Bayou sociaux étant plus mauvais, notamment en termes d’emplois et de salaires, pour les travailleurs appartenant à des minorités. On envisage donc d’éliminer les obstacles à la mobilité interne en élaborant des programmes de recherche d’emploi et en facilitant la réaffectation des travailleurs vers des activités plus productives. S’agissant des disparités régionales de l’emploi et du chômage, elles sont fortes dans les trois pays10 : malgré le boom récent de l’immobilier, l’accès à des logements d’un prix abordable est limité pour certaines couches de la population, ce qui entrave considérablement la circulation interrégionale de la main-d’œuvre (tout particulièrement pour les travailleurs à bas salaires). Pour renforcer la mobilité régionale, les pouvoirs publics devraient donc s’engager en relevant le niveau des allocations afin de tenir compte des écarts régionaux du coût du logement (il s’agit de faciliter le départ des zones où le logement est bon marché vers les centres de croissance où il est onéreux). Les autorités devraient également améliorer les transports publics et ce, en procédant à des investissements dans les infrastructures. Or, à court terme du moins, la priorité n’est pas à ces dépenses. Les autorités ont cependant les moyens d’agir sur la flexibilité des rémunérations comme elles ont d’ailleurs commencé à le faire : les salaires ont été revus à la baisse au cours de l’année 2009, y compris dans la fonction publique11. Cela est particulièrement vrai en Lettonie où le crédit de 7,5 milliards d’euros accordé au début de 2009 par le FMI et l’UE était conditionné à un plan de stabilisation comprenant des mesures destinées à réduire les dépenses publiques. Toutefois, même sans pression extérieure, les deux autres pays ont emprunté la même voie. L’objectif est double : contenir à toute force les dépenses de l’État et empêcher l’érosion de la compétitivité de l’économie ; les hausses du salaire minimum et des rémunérations dans le secteur public devront dorénavant strictement refléter les gains de productivité. L’OCDE (2009) va jusqu’à recommander de faire appel, en Estonie, à une expertise étrangère lors des négociations entre les syndicats et la confédération patronale en vue d’une « dépolitisation » du dossier. Dans les conditions de la crise, les autorités doivent également se préoccuper de toute urgence de la situation des chômeurs afin d’accélérer 10. À titre d’exemple, en Lettonie, le taux de chômage en 2004 était de 4,6 % à Riga, contre 18,7 % en Latgale et, au sein de cette région, de 24,5 % dans le district (rajons) de Balvi (Latvia’s Regions in Figures, 2005, Central Statistical Bureau of Latvia, Riga). 11. En Estonie, après avoir quasiment doublé entre 2003 et 2008 (l’augmentation a été de 16 % pour la seule année 2006), le salaire moyen a baissé de 5,9 % en janvier 2010 par rapport à la même période de l’année précédente (Banque d’Estonie). En Lettonie, en 2009, les salaires de la fonction publique ont chuté de 20 %, ceux des enseignants de 50 % et ceux du secteur privé de 10 % en moyenne (Bayou, 2010, à partir des données nationales). En Lituanie, les salaires des fonctionnaires ont été réduits de 12 % en avril 2009 puis le seront de 10 % en 2010 (Dutertre, 2010, à partir des données nationales). VOLUME 41, juin 2010 Le marché du travail dans les États baltes le processus de réallocation de la main-d’œuvre alors que les taux de chômage explosent (Graphique 3). Graphique 3 Taux de chômage harmonisé dans les États baltes et dans l’UE-15, en % (désaisonnalisé) de janvier à décembre 2009* 25,0 22,8 20,0 15,2 15,0 14,6 12,3 11,0 10,9 10,0 9,6 8,2 5,0 0,0 Estonie Lettonie Lituanie UE-15 * De janvier à septembre seulement pour l’Estonie et la Lituanie. Source : Eurostat ; http://epp.eurostat.ec.europa.eu/ La question du sort des chômeurs est loin de faire consensus dans ces pays où le versement d’une allocation chômage est perçu par les autorités comme une dépense budgétaire illégitime et une menace contre la recherche active d’un emploi. Aussi a-t-il fallu le risque d’un veto présidentiel, en novembre 2009 lors de l’examen du budget 2010, pour que le gouvernement lituanien renonce à réduire les prestations chômage, de même qu’il a abandonné l’idée d’une réduction du montant des retraites et des prestations sociales – dont l’allocation maternité – et d’une augmentation des contributions à la SoDra, sécurité sociale nationale. En Lettonie, le ministre des Finances, Einars Repše, a ouvertement envisagé à l’automne 2009 de réduire le montant et la durée de l’indemnisation du chômage, censée dissuader les personnes qualifiées et au chômage de chercher un emploi tant qu’elles peuvent bénéficier de prestations12. En Estonie également, plusieurs membres du gouvernement se sont élevés à maintes reprises contre le montant des allocations chômage qui n’inciteraient pas leurs bénéficiaires à se mettre énergiquement en quête d’un emploi. L’attitude 12. Selon le ministre, certaines entreprises lettones iraient jusqu’à simuler des licenciements, les employés touchant ensuite à la fois leur salaire (éventuellement rogné) et l’assurance chômage. Réduire le montant et la durée de l’indemnité empêcherait, selon lui, de telles dérives. 27 28 Céline Bayou du gouvernement estonien envers la nouvelle loi sur l’emploi adoptée en décembre 2008 est ambivalente, certains jugeant qu’elle favorise excessivement le phénomène dit de « trappe à chômage ». Il conviendrait, selon ses détracteurs, de renforcer l’obligation de rechercher activement du travail, notamment en imposant des sanctions efficaces lorsque le chômeur ne s’y plie pas13. Cette nouvelle loi améliore néanmoins l’indemnisation du chômage et prolonge, de fait, la durée du versement des prestations. En contrepartie, la LPE est assouplie : elle réduit à la fois le délai de préavis et le montant des indemnités de licenciement en cas de CDI. L’obligation d’indemniser le licenciement n’est plus du ressort de l’employeur mais de la caisse d’assurance chômage, ce qui allège la trésorerie des PME. Tableau 6 Dépenses publiques consacrées aux politiques du marché du travail (PMT) dans les États baltes, l’UE-15 et l’UE-27, 2003 -2007 (en % du PIB) Estonie Lettonie Lituanie UE-15* UE-27* 2003 0,265 0,497 0,350 n. i. n. i. 2004 0,234 0,506 0,306 2,248 n. i. 2005 n. i. 0,535 0,339 2,150 2,070 2006 n. i. 0,545* 0,389 1,983 1,905 2007 n. i. 0,458 0,431 1,759 1,683 * Estimations. Source : Eurostat ; http://epp.eurostat.ec.europa.eu/ Il est manifeste que, jusque là, le montant des dépenses consacrées aux politiques publiques du marché du travail est resté faible dans chacun des trois pays (Tableau 6). En termes de PIB, l’engagement de l’Estonie était, en 2006, le plus faible de l’UE et largement inférieur à la moyenne de l’OCDE : 0,13 %, contre 2,62 % dans les pays nordiques et 1,68 % dans les pays de l’OCDE (Brixiova, 2009). En outre, bien avant la crise, les programmes de PMT étaient déjà dénoncés par l’UE comme mal conçus, mal ciblés et ne s’adressant pas aux personnes et aux régions les plus défavorisées (ils impliquaient notamment un recours trop fréquent au travail temporaire et ne proposaient pas assez de mesures – comme la formation – visant à accroître l’employabilité des personnes). *** Le groupe des États baltes fait preuve de cohérence dans la mesure où tous trois sont parvenus à mettre en place un système spécifique que nous qualifions de « sécurité flexible », caractérisé par une flexibilité informelle 13. En Estonie, le chômeur indemnisé doit contacter au moins une fois par mois son Agence pour l’emploi, suivre un Plan d’action individuel et accepter la troisième offre d’emploi qui lui est faite s’il a réfusé les deux premières. Dans la mesure où le nombre de dossiers traités par les collaborateurs de l’Agence pour l’emploi est de 402 par agent, on comprend que le suivi reste formel. VOLUME 41, juin 2010 Le marché du travail dans les États baltes dissimulée derrière une sécurité formelle de l’emploi conforme aux exigences et pratiques de l’UE. Ce système se trouve aujourd’hui confronté à une situation nouvelle. Les conditions imposées par la crise auraient pu, d’une part, déboucher sur des trajectoires cette fois différenciées ; au contraire, l’on observe que l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont des approches qui, à défaut d’être concertées, sont assez similaires. Elles auraient pu, d’autre part, amener ces pays à jouer la carte de la « formule balte » qui résulte des décisions des années 1991-2007 et mène à cette forme particulière de marché du travail qu’est la « sécurité flexible ». Celle-ci ne s’apparente néanmoins pas à la flexicurité et la crise actuelle semble être une sorte de révélateur du choix politique qu’entendent faire les élites dirigeantes de ces pays : si certaines mesures adoptées récemment et dans l’urgence face à une crise sans précédent peuvent donner l’illusion de la quête d’une sécurité du travail accrue, l’absence toujours patente d’une politique active du marché du travail de même que les débats en cours au sein des gouvernements montrent qu’ils privilégient une plus grande flexibilité de leur marché du travail mais, cette fois, ouverte et assumée. Il reste à savoir si cette politique sera appelée à perdurer une fois la crise passée ou si, répondant à la nécessité du moment, elle aura contribué, par la consolidation de certaines règles et l’élimination de quelques inégalités, à acheminer ces pays vers un peu plus de sécurité de l’emploi. Annexe Durée hebdomadaire légale du travail Âge de la retraite Contrats de travail Présence d’avenants pro-flexibles Salaire minimum Salaire moyen Charges sociales Dialogue social Estonie Conditions de travail Lettonie Lituanie 40 h. 40 h. 40 h. F : 60 ans H : 63 ans Existence de CDI et de CDD allant au maximum jusqu’à 5 ans. Certains salariés ne bénéficient pas d’un contrat de travail écrit mais d’un engagement oral qui ne peut excéder 2 semaines. F : 55 ans H : 60 ans Les contrats de travail sont encadrés par la loi et, dans une moindre mesure, par des conventions collectives. Les termes de ces contrats sont rigides F : 60 ans H : 62,5 ans Le Code du travail prévoit divers types de contrats (CDI, CDD – qui ne peut excéder 5 ans –, contrat saisonnier, pour second emploi, pour travail à domicile, etc. oui oui oui 3 600 couronnes 720 euros Coût du travail 90 lats 680 euros (2008) Patronales : Patronales : 33 % 26,09 % Salariales : inexistantes Salariales : 9 % Partenaires sociaux Les syndicats ont été La loi autorise la réorganisés après signature d’accords l’indépendance, passant collectifs au niveau de du rôle d’organes l’entreprise, de la région exécutifs à celui et du secteur d’activité. d’acteurs. Les principes La première option est la du partenariat social ont plus courante, les été établis récemment. conventions sectorielles 231 euros 650 euros Patronales : 31 % Salariales : 3 % Les membres d’un syndicat ne peuvent pas représenter moins d’1/5e des salariés de l’entreprise. Depuis 2003, un comité d’entreprise peut être créé dans toute 29 travail Présence d’avenants pro-flexibles 30 Salaire minimum CSalaire éline B ayou moyen Charges sociales Dialogue social travail écrit mais d’un engagement oral qui ne peut excéder 2 semaines. Les termes de ces contrats sont rigides saisonnier, pour second emploi, pour travail à domicile, etc. oui oui oui 3 600 couronnes 720 euros Coût du travail 90 lats 680 euros (2008) Patronales : Patronales : 33 % 26,09 % Salariales : inexistantes Salariales : 9 % Partenaires sociaux Les syndicats ont été La loi autorise la réorganisés après signature d’accords l’indépendance, passant collectifs au niveau de du rôle d’organes l’entreprise, de la région exécutifs à celui et du secteur d’activité. d’acteurs. Les principes La première option est la du partenariat social ont plus courante, les été établis récemment. conventions sectorielles La loi sur les syndicats étant les plus rares. Dans du 14 juin 2000 garantit de nombreuses PME, le droit des travailleurs aucun syndicat n’est à se syndiquer. présent. - Confédération des syndicats estoniens (EAKL) - Confédération des syndicats d’employés estoniens (TALO) Principaux syndicats Taux de syndicalisation 14 % des salariés – Fédération des syndicats libres de Lettonie (LBAS) – Syndicat des travailleurs médicaux (LMDA) (l’un des principaux syndicats du pays) – Syndicat de l’industrie du livre (LGrAS) – Syndicat de l’industrie de Lettonie (LINA) – Syndicat du commerce (LTAP) –Syndicat du secteur public (LAKRS) 20 % (2002) 231 euros 650 euros Patronales : 31 % Salariales : 3 % Les membres d’un syndicat ne peuvent pas représenter moins d’1/5e des salariés de l’entreprise. Depuis 2003, un comité d’entreprise peut être créé dans toute société de plus de 20 salariés dépourvue de présence syndicale. Depuis 2005, ce comité est aussi en droit d’organiser des grèves. – Confédération des syndicats lituaniens (LPSK) – Fédération lituanienne du travail (LDF) – Solidarumas – quelques syndicats indépendants 14 % de la population active (plus sans doute puisque la loi n’oblige pas les syndiqués à s’enregistrer comme tels, ce qui biaise les statistiques officielles) Note : Données mises à jour en novembre 2009 pour la Lituanie et en octobre 2009 pour l’Estonie et la Lettonie. Source : Tableau réalisé notamment à partir des données de Emporiki Bank ; http://www.emporikitrade.com/uk/countries-trading-profiles Références bibliographiques Ahleberg Kerstin & Bruun Niklas (2009), The Future of Extension of Collective Agreements in Estonia, European Union/European Union Social Fund. Bayou Céline (2010), « Lettonie, Une crise rédemptrice? », Politique internationale, n° 126, hiver 2009-2010, pp. 129-141. 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