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N0 907 BIMENSUEL - OCTOBRE 2013 TOME 27 PAGES 617 À 660 LA REVUE DU PRATICIEN 2 0 1 3 AVC : Time is Brain …et et aussi plus de 40 ateliers, communications, débats et sessions ! 000_MG907_COUVERTURE V3.indd 1 1/10/13 17:27:07 314 Bureaux de la Colline, 92213 Saint-Cloud Cedex Tél. : 01 55 62 68 00 Télécopie : 01 55 62 69 79 E-mail : [email protected] ÉditoRIAL Direction des rédactions médicales Jean Deleuze Rédacteur en chef Marie-Pierre Deleuze (6950) [email protected] Rédacteur en chef adjoint Cinzia Nobile (6942) [email protected] Secrétaire de rédaction Brigitte Bisson (6927) [email protected] Secrétariat Patricia Fabre (6971) [email protected] Comité de rédaction scientifique Jean-Noël Fiessinger, Jean-Michel Chabot, Jean-François Cordier, Claude-François Degos, Richard Delarue, Jean Deleuze, Olivier Fain, Bernard Gavid, Laurent Karila, Alexandre Pariente, Alain Tenaillon RÉDACTION EN CHEF TECHNIQUE Chantal Trévoux (6806) [email protected] Directeur artistique Cécile Formel (6928) [email protected] Réalisation. Rédacteur-graphiste Philippe Govin Rédacteur-réviseur Virginie Laforest La Revue du Praticien - Médecine Générale® est une publication de Global média SANTÉ SAS Principal actionnaire : ATMED SAS www.globalmediasante.fr Capital de 4 289 852 e Durée de 99 ans à compter du 30.03.99 ISSN : 0989-2737 – Dépôt légal à parution N° commission paritaire : 0614 T 81576 Impression : SIEP, 77590 Bois-le-roi ROUTAGE : Emissaires 94192 Villeneuve-Saint-Georges Cedex Direction générale, direction des publications Alain Trébucq (6903) [email protected] Direction marketing Tatiana de Francqueville (6904) [email protected] Responsable marketing et communication Stéphanie Richard (6977) [email protected] CONTROLEUR financiER Corinne Vandenbroucke (6852) [email protected] MEDICAL EDUCATION Valériane Cariou (6818) [email protected] Chef de publicité Nadia Belehssen (6808) [email protected] DIRECTION COMMERCIALE Davouth Op (6913) [email protected] Cécile Jallas (6915) [email protected] Assistantes Agnès Chaminand (6962) [email protected] Maria Costa (6881) [email protected] RESPONSABLE DU MARKETING-BUSINESS DÉVELOPPEMENT Solange Quina (6945) [email protected] Assistante Brigitte Schifano (6838) [email protected] Stratégie (tout) reine ? M aintes fois reportée mais très attendue, la politique de santé souhaitée par le gouvernement est enfin dévoilée…1 S’appuyant sur le rapport Cordier, l’enjeu de cette stratégie nationale serait de refonder notre système de santé, objectif louable et ambitieux, mais prudent puisqu’il s’inscrit dans une perspective de 10 ans ! La ministre n’a pas peur du paradoxe en le déclarant à la fois « excellent » mais Bernard Gavid toutefois « inadapté aux exigences du XXIe siècle ! » Elle argumente son propos en pointant, entre autres, l’insuffisance des prises en charge des maladies chroniques au regard de celles des affections aiguës, l’aspiration des professionnels de santé à exercer différemment, le cloisonnement de l’offre de soins trop hospitalocentrée depuis la loi Debré de 1958, de grandes inégalités de santé et une implication insuffisante des usagers qui aspirent à plus d’informations. Cette refondation reposerait sur trois piliers : ancrer notre politique autour d’objectifs de santé publique identifiés et partagés, structurer la médecine de parcours à partir des soins de premier recours, développer les droits des patients. Moyens à mettre en œuvre : promotion de la prévention et de l’éducation à la santé, diversification des modes de rémunération des professionnels, généralisation du tiers payant (mesure déjà très décriée) et des assurances complémentaires, meilleure communication ville/hôpital, développement des maisons de santé – dont certaines seraient universitaires – pour promouvoir le travail en équipe et la culture de l’interprofessionnalité, dossier médical partagé de 2e génération, mise en place d’indicateurs de santé publique, réorganisation des systèmes d’agences nationales de santé, e-santé et GPS sanitaire et enfin rapprochement entre la santé publique et l’assurance-maladie ! Révolution (comme le dit Marisol Touraine) ou simple effet d’annonce ? Ce que les généralistes retiendront est la place que la ministre veut leur donner aussi bien pour le soin que pour la prévention. Mais réorganiser la médecine générale pour en faire le pivot du parcours de soins n’est pas vraiment nouveau ! Combien de rapports l’ont déjà préconisé… Toutefois, et au risque de se répéter, le développement et l’attractivité des soins primaires passeront d’abord par leur reconnaissance financière, tous modes de rémunération confondus, mais aussi par le développement de la filière universitaire de médecine générale à l’instar de celle des autres spécialités, par une formation continue de qualité (discutable dans son modèle actuel), sans oublier la fiabilité des outils techniques nécessaires aux nouvelles procédures d’offre de soins. Abonnements : Tarif France 165 e/an (20 numéros) Tél. : 01 55 62 69 75 Fax : 01 55 62 69 56 e-mail : [email protected] Prochainement, des forums organisés en régions mobiliseront citoyens, soignants, élus et partenaires sociaux autour la future loi de santé de 2014… l La revue adhère à la charte de formation médicale continue par l’écrit du Syndicat national de la presse médicale et des professions de santé (SNPM) et en respecte les règles (charte disponible sur demande). Reproduction interdite de tous les articles sauf accord avec la direction. 1. http://www.social-sante.gouv.fr/actualite-presse,42/breves,2325/feuille-de-route-de-la-strategie, 16246.html Agissez pour le recyclage des papiers avec Global Média Santé et Ecofolio. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 !624!_MG907_ENT-hagege 624 3/10/13 12:41 Page 624 E N T R E T IE N Claude Hagège Linguiste, professeur au Collège de France, il a publié de nombreux livres, dont le dernier, Contre la pensée unique, chez Odile Jacob, en 2012. Penser, écrire et publier dans sa propre langue Vous distinguez plusieurs types de langues en fonction de leur usage Pour les linguistes est une langue de culture celle qui s illustre par l existence de nombreux monuments littéraires et qui se diffuse hors de son territoire d origine pendant des siècles, voire des millénaires. Ce fut le cas, par exemple, du grec, de l araméen, de l hébreu. Le chinois du nord (le mandarin) et la culture qu il porte se sont très largement répandus en profondeur autour de leur pays d origine ; ainsi, pour son écriture, le Japon utilise encore aujourd hui ses caractères graphiques, comme l a fait la Corée jusqu au XIVe siècle et le Vietnam jusqu au XVIIe. Une langue vernaculaire est celle d une communauté, d un groupe restreint, pas forcément petit comme on le croit souvent : il peut être tribal, régional ou national, voire plurinational. Ainsi, l allemand est la langue vernaculaire de l Autriche, de l Allemagne et de la Suisse alémanique (bien que dans cette dernière on parle un dialecte germanique, ses habitants comprennent l allemand, qui est enseigné à l école). Ces deux notions s opposent à celles de langue véhiculaire, langue de service et de communication, ce qui veut dire à peu près la même chose : une langue qui sert de lien à des groupes ou des individus qui ne partagent pas la même (vernaculaire). C est le cas de l anglais aujourd hui. Une langue véhiculaire a-t-elle toujours tendance à dominer les autres ? Non. Mais certaines l ont fait dans le passé. Ainsi, avec des moyens très nettement inférieurs à ceux de l anglais contemporain, le latin a totalement évincé et fait tomber dans l oubli plusieurs langues vernaculaires d Europe, dont certaines étaient aussi des langues de culture, du IIe siècle avant l ère chrétienne jusqu au IVe siècle après environ. Citons l ibérique, qui n a rien à voir avec l espagnol et le portugais contemporains, le thrace (parlé dans ce qui est maintenant l Albanie, la Macédoine et le sud de la Serbie), l illyrien (Croatie), le gaulois, à l origine de tout au plus une centaine de mots dans le vocabulaire français actuel (chêne, sapin) et de noms géographiques (lieux, rivières, montagnes). Lyon est la contraction par usure de Lugdunum : la forteresse (dun) du dieu Lug, le « um » étant un suffixe latin. Le latin a supplanté le gaulois et a commencé à l éliminer à partir du moment où il s est introduit dans l intimité des foyers, d abord ceux de l aristocratie de la Gaule narbonnaise (sud-est du Languedoc) et enfin plusieurs siècles plus tard, ceux de la Bretagne. Pour des raisons de prestige, ces “ bizarre : il ne s agit pas de faire un jugement de valeur, mais d examiner scientifiquement ce qui s est passé il y a vingt siècles. Vous vous en prenez pourtant à la mainmise de l’anglais sur le français Sur toutes les langues du monde, en fait. Mon propos est moins de dénoncer la pensée unique portée par la tentative d hégémonie de l anglais que de plaider pour la diversité des langues. Cependant, je pense en même temps qu elle est très gravement menacée, mais qu à la limite il n y a pas lieu de s inquiéter : en utilisant une métaphore empruntée à la pensée vitaliste du XIXe siècle, la diversité est inhérente à l espèce humaine comme aux autres (botaniques, animales), comme elle l est à la vie. Toute langue naît, se transforme et meurt. Il y en a même une, et une seule, qui a ressuscité ! L hébreu contemporain, qui est à peu près celui parlé il y a 3 000 ans ! L anglais n est pas destiné à se substituer tel quel aux autres langues. Il ne peut que se diversifier, exactement comme l a fait le latin, qui a donné l espagnol, l italien, le portugais, le français (constitué à 90 % de mots d origine latine, le reste venant essentiellement du grec pour des emplois savants). Toute langue vit d emprunts. Jusqu à un certain taux de pénétration, que j estime à 10-15 %, elle s enrichit. Au-delà, c est l indigestion ! Il faut bien distinguer emprunt et substitution. Même si vous employez beaucoup de mots anglais dans vos phrases, comme le font certains snobs, elles restent françaises parce que la structure des phrases est conservée. En revanche, si vous passez au vocabulaire et à la syntaxe de l anglais pour vous exprimer, il L’anglais n’est pas la langue de communication idéale élites envoyaient leurs enfants à l école romaine, pour qu ils se latinisent. C était bien entendu lié à la puissance politique, économique et culturelle de la république, puis de l Empire romain. Le latin est un exemple de langue véhiculaire qui a supprimé de nombreuses autres vernaculaires, comme l anglais tente aujourd hui de le faire dans le monde entier. L exemple du latin montre qu une telle menace est réelle, puisqu elle a été mise à exécution dans le passé. La disparition de ces langues est-elle regrettable ? En tant que linguiste et homme de culture, je ne peux vous répondre que par l affirmative. Toute disparition de langue est une catastrophe. Votre question est néanmoins SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 ” 3/10/13 12:41 Page 625 SERGE CANNASSE ENTRETI EN s agit d une substitution. Aujourd hui, cela se produit en fait assez rarement, parce que la plupart des gens ne maîtrisent pas assez bien l anglais. C est pourquoi il ne pénètre pas du tout les foyers. En effet, contrairement à sa réputation, cette langue est loin d être facile, et pas seulement en ce qui concerne sa prononciation, redoutable. Son vocabulaire est très complexe. La plupart des gens croient que c est à cause de sa simplicité qu elle est une langue véhiculaire dans de très nombreux domaines (scientifique, médical, sportif, aéronautique, etc.), alors que c est à cause de la puissance des pays anglophones, les États-Unis en premier lieu. Les erreurs de compréhension de locuteurs échangeant en anglais sont d ailleurs à l origine de très graves accidents d avion (je cite dans mon livre celui dû à l ambiguïté de la phrase « turn left, right now », qui peut se comprendre comme « tournez à gauche tout de suite » ou « tournez à gauche et maintenant à droite »). Contrairement à une opinion très largement répandue, y compris dans les milieux cultivés, l anglais n est pas taillé pour être une bonne langue de communication. En tout cas, pas plus que n importe quelle autre, et plutôt moins. Il faut bien une langue véhiculaire pour les publications scientifiques ! Non. Au XIXe siècle et au début du XXe, les chercheurs écrivaient dans leur propre langue. Ainsi dans le domaine de la physique théorique, Einstein a publié ses premiers travaux en allemand, Niels Bohr en danois, les Italiens en italien. La communication scientifique ne réclame pas de manière absolue de se servir d un seul véhicule. Cela a été le cas du latin pendant plusieurs siècles, mais avec l avantage que c était une langue morte. La situation est différente et intolérable avec l anglais, parce que c est la langue d un pays très puissant et dominateur. Je suis pour qu on apprenne les langues des autres, mais que l on s exprime dans la sienne. Si on tient pour nécessaire de n avoir qu une seule langue véhiculaire, il faut qu elle soit neutre, innocente de toute implication politico-économique. L espéranto, pour lequel je n ai pas une affection particulière, pourrait jouer ce rôle : il est complètement inventé et ne s enracine dans aucun pouvoir. Il faut bien voir que passer par l anglais dans les communications scientifiques et médicales n a rien d innocent. Cela veut 625 dire être publié par les éditeurs anglophones et ne retenir que les thèmes de recherche privilégiés par les revues anglophones. De nombreux travaux intéressants et originaux faits par des chercheurs européens ne sont pas publiés par les journaux américains auxquels ils sont soumis, parce qu ils ne correspondent pas aux préoccupations scientifiques de la majorité des auteurs américains. À la limite, l anglais est souvent un obstacle à l originalité de la recherche. Il y a pire. Votre article peut être rejeté par la revue à laquelle vous le soumettez, mais vous pouvez retrouver vos idées publiées quelques mois plus tard dans cette même revue par un ou des membres de son comité de lecture ! Certains Américains particulièrement cyniques reconnaissent bien volontiers qu ils ne voient pas pourquoi ne pas piller les articles d auteurs européens, qui n ont aucun moyen de prouver qu ils sont les pères des idées avancées… Rappelez vous l attribution du prix Nobel 1989 à Bishop et Warmus pour la démonstration du pouvoir oncogène des rétrovirus, alors que c était Dominique Stéhelin qui l avait faite et l avait soumise à ces deux collègues américains. L. Lafforgue, qui a reçu en 2002 la médaille Fields, l équivalent du Nobel pour les mathématiques, pense que l immense réputation de l école française dans sa discipline est due au fait que ses chercheurs continuent à publier en français, et non l inverse, ce qui lui permet son originalité. Pour vous, une langue de culture s’entretient d’abord par la lecture Oui. La familiarité avec les grands ouvrages de l esprit, du passé comme du présent, ouvre à toutes les thématiques que traitent les communautés humaines. Un homme ou une femme cultivés, c est notamment quelqu un qui connaît bien l histoire : elle ne s apprend que dans les livres. Une opinion répandue est que les gens ne lisent plus à cause de l informatique. Cela n est pas vrai : ce sont bien souvent des textes qui sont sur les écrans ! Il est vrai que la lecture sur ordinateur ou tablette ne supporte guère la longueur. Quoi qu il en soit, le plus beau cadeau qu on puisse faire à un enfant, c est de lui donner l amour de la lecture, pourvu qu on l oriente vers de bons textes, et de lui apprendre à jouer d un instrument de musique classique. Propos recueillis par Serge Cannasse journaliste et animateur du site carnetsdesante.fr SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 C. Hagège déclare n avoir aucun lien d intérêts. !624!_MG907_ENT-hagege !626!_MG907_JNMG-CC-guenot 626 3/10/13 11:31 Page 626 CA S C L IN IQ U E Allergique à l’effort ? P. Guénot 1, C. Guyonvarch2, H. Romain 3 1. Centre médical des armées de Mont-de-Marsan. 2. Centre médical des armées de Montlhéry, antenne médicale de Fontainebleau. 3. Centre médical des armées de Bordeaux, antenne médicale de Mérignac. Un militaire de 40 ans fait un malaise sous la douche après une course à pied. À l’examen : fébricule, dyspnée modérée, collapsus hémodynamique et urticaire généralisée. Il est rapidement transporté aux urgences. L’hypothèse d’une hyperthermie d’effort est infirmée au profit d’une origine plutôt allergique. L’évolution est favorable grâce au remplissage vasculaire, à la corticothérapie et à un antihistaminique intraveineux. La biologie et l’ECG sont sans particularités. En consultation d’allergologie, le patient dit avoir eu des épisodes itératifs mais non systématiques d’éruption cutanée à la suite d’efforts physiques. Il a changé plusieurs fois de cosmétiques et ne se douche plus qu’à son domicile. Il saute parfois le petit déjeuner. Il s’agit d’une anaphylaxie alimentaire au blé induite par l’effort, confirmée par le bilan allergologique. Les auteurs déclarent n avoir aucun lien d intérêts. DISCUSSION L anaphylaxie dépendante de l exercice physique et de l ingestion d aliments, relativement rare et peu connue, est difficile à diagnostiquer. Elle constitue un groupe hétérogène au sein duquel 3 entités sont décrites, avec probablement des formes de transition : l anaphylaxie induite par l exercice physique pure (AIEP) et celle dépendante de l exercice physique et de l ingestion d aliments (AIEPIA) avec ou sans sensibilisation alimentaire IgE dépendante. La prévalence globale des anaphylaxies d’effort est d environ 0,05 %, elle prédomine chez les hommes jeunes. Aliments le plus souvent en cause : la farine de céréales, en particulier le blé, avec une sensibilisation associée fréquente à la levure Saccharomyces, les fruits de mer, l arachide, les fruits secs, le céleri, la tomate, la pomme, le raisin, la noisette, l orange, la pêche, le chou… Tous les types d effort sont concernés, en particulier les exercices prolongés de type aérobie. Autres facteurs favorisants : froid et chaleur, atopie, alcool, problèmes dentaires, médicaments notamment aspirine, propranolol et certains AINS. L’AIEP est définie par des épisodes de collapsus et/ou d obstruction des voies aériennes supérieures avec « flush » ou urticaire généralisée récurrente (au moins à 2 reprises) après un effort physique ; des papules d urticaire de plus de 10 mm de diamètre ; un collapsus non lié à un dysfonctionnement cardiaque, pulmonaire ou cérébral. L anaphylaxie n est pas secondaire à une élévation de la température. Dans l’AIEPIA, l accident survient 15 à 30 minutes après le début de l effort (5 à 15 min entre le début de l exercice et les premiers symptômes) ; le délai entre l ingestion et les symptômes est inférieur ou égal à 3 heures et demi ; les prodromes sont constants : prurit palmaire, paresthésies, éternuements, toux, dyspnée, flush, douleur abdominale… L effort seul et l ingestion isolée d aliments sont sans effet. Le tableau, variable selon les individus, est souvent identique chez un même patient : urticaire, angiœdème, asthme, diarrhée, collapsus, choc… Si le patient arrête l exercice dès l apparition des prodromes, l évolution est en général régressive. Le diagnostic se fonde sur l’anamnèse, la recherche d une sensibilisation alimentaire, les épreuves de suppression et réintroduction de l aliment soupçonné après éviction d un mois. Des tests cutanés et le dosage des IgE sériques spécifiques complètent le bilan. Lorsqu il est faisable, le test de provocation est légitime surtout si l on hésite entre plusieurs aliments. Il permet ainsi d éviter des régimes injustifiés. Mais, négatif, il n élimine pas le diagnostic. Dans tous les cas, la prévention est primordiale : ‒ observer la règle des 4 heures entre les repas et l exercice physique ; ‒ éviter les efforts lors de fortes chaleurs ; ‒ s hydrater abondamment pendant l exercice ; ‒ se méfier des aliments masqués dans les produits énergétiques pour sportifs (boissons…) ; ‒ prendre du bicarbonate de sodium avant l effort et observer un régime sans gluten dans l anaphylaxie dépendante de l exercice physique et de l ingestion de blé. Traitement symptomatique : arrêt de l effort dès les premiers symptômes. En cas d anaphylaxie aiguë, adrénaline en stylo auto-injectable intramusculaire (0,30 mg). L’AIEP tend à s’améliorer avec le temps. La fréquence diminuerait de moitié au bout de 10 ans, sous réserve de mesures préventives bien observées. Pour en savoir plus – Dutau G, Rancé F. Anaphylaxie induite par l’exercice physique et l’ingestion d’aliments. Rev Fr Allergol Immunol Clin 2007;47:46-54. – Mathelier-Fusade P, Vermeulen C, Leynadier F. Rôle des aliments dans l’anaphylaxie induite par l’effort : 7 observations. Ann Dermatol Venereol 2002;129(5 Pt 1):694-7. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 !627!_MG907_JNMG-PLE-menager 3/10/13 11:33 Page 627 PLÉNI ÈRE 627 Prise en charge de l’AVC en ville différents établissements. Ceux recevant des AVC et ne disposant pas d UNV doivent structurer une filière de prise en charge en coordination avec une UNV. Les patients suspects d AVC aigu doivent avoir un accès prioritaire 24 h/24 et 7 j/7 à l imagerie cérébrale, en privilégiant autant que possible l IRM. Des protocoles de prise en charge doivent être formalisés et Eudes Ménager de Froberville Service de neurologie, CHU Henri-Mondor, Créteil. Thierry Moulin Service de neurologie, CHRU, Besançon. L e rôle du médecin généraliste (MG) et d autres libéraux (cardiologues), est essentiel dans la prise en charge de l AVC, particulièrement en préhospitalier. Outre la prévention primaire et le dépistage des personnes à risque, le MG doit être davantage impliqué dans la filière AVC. Il est souhaitable de lui faciliter une formation adéquate au regard des enjeux individuels et de santé publique. L AVC est une pathologie fréquente, grave et urgente. Épidémiologie Suspicion d'AVC Patient ou son entourage Médecin généraliste (MG) Appeler le SAMU (15) Suspicion d'AVC (ou AIT) confirmée téléphoniquement ? Dans les pays occidentaux, c est la première cause de handicap acquis de l adulte, la deuxième cause de démence après la maladie d Alzheimer (30 % des démences sont entièrement ou en partie dues à des AVC) et la troisième cause de mortalité (la première pour les femmes). En France, l incidence annuelle est de 1,6 à 2,4/1 000 personnes tous âges confondus, soit 100 000 à 145 000 AVC par an, avec 15 à 20 % de décès au terme du premier mois et 75 % de patients survivant avec des séquelles. La prévalence annuelle est de 4 à 6/1 000 personnes tous âges confondus. L âge moyen de survenue est de 71,4 ans chez l homme et de 76,5 ans chez la femme. Un registre dijonnais montre une augmentation du nombre absolu des cas incidents d AVC en 20 ans. Le rôle de l âge et le vieillissement de la population font craindre une hausse du poids de cette pathologie pour la société. L AVC ne touche pas que la population âgée, puisque 25 % des victimes ont moins de 65 ans.1, 2 OUI NE SAIT PAS et UNV éloignée NON Recherche de signes de gravité clinique Évaluation médicale sur le terrain Envoi aux urgences de proximité, ou orientation adaptée • Troubles de la vigilance • Détresse respiratoire • Instabilité hémodynamique Confirmation ? Présence Absence ENVOI d'une équipe médicale SMUR (UMH) NON OUI ENVOI du moyen de transport (effecteur) le plus rapide au domicile du malade + Mise en relation UNV – SAMU Notion de filière : capitale Le patient suspect d AVC doit être adressé le plus rapidement possible (moins de 30 minutes) à un établissement disposant d une unité neurovasculaire (UNV) ou ayant structuré une filière de prise en charge de l AVC (urgences et radiologie) en coordination avec une UNV (fig. 1). Le choix de l effecteur approprié dépend des conditions cliniques (trouble de vigilance ou non). L admission dans la filière organisée doit être préparée en amont puis coordonnée à l arrivée.3 La filière intrahospitalière neurovasculaire impliquant de nombreux acteurs (urgentistes, neurologues, radiologues, biologistes, réanimateurs, etc.) doit être organisée au préalable et formalisée avec des procédures écrites. Elle doit privilégier la rapidité d accès à l expertise neurovasculaire et à l imagerie cérébrale en gérant au mieux les aspects fonctionnels des • Préparation de l'admission dans la filière organisée • Recherche de contre-indications à la thrombolyse À défaut TM TM SAU d'un établissement inclus dans la filière AVC en coordination avec une UNV Établissement avec UNV seule Établissement de 1er recours : • UNV • Neurochirurgie • Neuroradiologie interventionnelle Bilan clinique (NHSS), biologie, ECG, imagerie (IRM, angio-TDM à défaut) Évaluation pronostique Traitement : thrombolyse, endovasculaire, autre UMH : unité médicale hospitalière ; UNV : unité de neurologie vasculaire ; SAU : service d'accueil des urgences ; TM : télémédecine. Fig. 1 ‒ Prise en charge précoce de l AVC d après la HAS. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 ! !627!_MG907_JNMG-PLE-menager 628 3/10/13 11:33 Page 628 P L É N IÈ R E Time is brain 1. FAST : chercher 3 signes majeurs < 4,5 h L’échelle FAST (Face, Arm, Speech Time) recherche rapidement les 3 signes déficitaires les plus courants de l’AVC (mais la sémiologie peut être variable selon le territoire et l’étendue de la souffrance tissulaire). Imagerie en urgence Il s’agit de paralysie faciale, déficit du membre supérieur, trouble du discours : aphasie et dysarthrie. Bien que cette échelle soit très pratique et rapide à mettre en œuvre, notamment pour l’éducation du grand public, elle ne prend pas en compte la variabilité de la symptomatologie (céphalées brutales, troubles sensitifs et de l’équilibre), ni les atteintes visuelles.8 Hématome Fréquence des symptômes dans les événements vasculaires (AIT, AVC) : – troubles moteur (hémiplégie + paralysie faciale + autres) > 50 % – troubles du langage (dysarthrie + aphasie) 42 % – troubles sensitif 35 % – troubles de la vision (cécité + hémianopsie latérale homonyme) 28 % – troubles de l’équilibre (cérébelleux et vertiges) 17 % Infarctus ou autre ? Ischémie artérielle aiguë traitable ? Scanner dit normal Hémiplégie gauche brutale Imagerie à H4 Scanner IRM flair IRM diffusion contractualisés entre le service accueillant ces patients et le service de radiologie.4 Une urgence thérapeutique L imagerie est essentielle pour déterminer la nature hémorragique ou ischémique de l AVC, l IRM étant plus discriminante que le scanner dans les toutes premières heures (fig. 2). Les unités de soins intensifs neurovasculaires (USINV)5, 6 et les nouvelles thérapeutiques, dont la thrombolyse intraveineuse7 précoce pour les accidents vasculaires de nature ischémique, ont démontré leur efficacité. L extension récente de la fenêtre thérapeutique à 4 h 30 pour la thrombolyse et une amélioration de l accessibilité à l IRM permettent de traiter plus de patients. Quoi qu il en soit, cette fenêtre est très courte, et le patient doit être pris en charge le plus tôt possible pour bénéficier potentiellement de la fibrinolyse. Ainsi tout patient ayant un événement neurologique aigu, même régressif, doit être considéré comme un AVC et comme une alerte thrombolyse potentielle (tableau 1). Tableau 1. Consignes devant une suspicion d AVC À faire À ne pas faire • Heure et mode de survenue • Au cabinet, voir le patient en priorité • Le garder (si possible) allongé (en PLS si nécessaire) • Collecter les infos utiles à une décision de thrombolyse (âge, antécédents, anticoagulants) • Réalisation de l’échelle FAST (NIHSS si maîtrisée) • Appeler le SAMU (15) • Pas d’injection, ni de prise de médicament • Pas d’examen ambulatoire (en ville) • Ne pas envoyer le patient sur le SAU/UNV sans accord préalable du SAMU Thrombolyse ? Autre prise en charge ? ARM Fig. 2 ‒ Un scanner normal avec un déficit de survenue brutale (ou constaté au réveil) est une alerte thrombolyse jusqu à preuve du contraire. Place du médecin généraliste À ce stade, que le MG soit au domicile du patient ou à son cabinet, il devient une pièce majeure de la chaîne de survie. Avant l appel du SAMU (15), il recueille l heure de début et le mode d installation (AVC du réveil, céphalées inaugurales, douleur thoracique/palpitations, contemporain d un effort, d un malaise…), la prise d anticoagulants et les antécédents cardioneurovasculaires (tableau 1). Il est conseillé d utiliser l échelle FAST (encadré 1) pour une évaluation rapide de la situation neurologique, puis d appeler rapidement le 15.4 Le problème principal de la prise en charge de l’AVC à la phase aiguë est la perte de temps liée à la mauvaise identification de l urgence sur le terrain. D où une perte de chance potentielle de récupération, voire de survie. Afin de gagner du temps il est nécessaire : ‒ d éduquer les patients à risque et leur entourage sur les signes d alerte : rôle du médecin généraliste (supports : application AVC sur smartphone, site SFNV : http://www.accident vasculairecerebral.fr/…) ; ‒ de sensibiliser les généralistes (DPC et autres moyens de formation) à la prise en charge de l AVC dans la pratique de ville. La chaîne de solidarité commence dès le début de la prise en charge avec une filière organisée et doit se poursuivre à la sortie de l hôpital avec un rôle majeur de coordinateur pour le médecin traitant. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 !627!_MG907_JNMG-PLE-menager 3/10/13 11:33 Page 629 RPMG ENCADRÉ 2 AIT, AVC : même combat L AIT est un AVC en évolution : c est une urgence diagnostique et thérapeutique.9 Il n y a pas de diagnostic d AIT sans imagerie cérébrale, au mieux une IRM. Le risque précoce d AVC après un AIT est élevé, il peut être évalué à 48 heures avec le score ABCD2 (tableau 2).10, 11 C est un indicateur de survenue d un événement neurovasculaire dans les populations à risque. Toutefois, il a des limites, la sémiologie étant variable. Il est donc nécessaire de prendre en compte, outre les facteurs de risque cardiovasculaire et les antécédents, le bilan initial (ECG notamment) et le résultat de l imagerie (score ABCD3).12 Le rôle du MG est alors très important pour l orientation des patients comme pour la réalisation des bilans en particulier chez les patients à risque. Tableau 2. Calcul du score ABCD2 Âge ≥ 60 ans Blood pressure ≥ 140/90 mmHg Symptômes Cliniques – Déficit moteur unilatéral – Aphasie sans déficit moteur – Autres Durée des symptômes – > 60 minutes – Entre 10 et 60 minutes – Moins de 10 minutes Diabétique Oui Non 1 1 0 0 2 1 0 0 0 0 2 1 0 1 0 0 0 0 Total : 6 ou 7 : risque d’AVC 8,1 % ; 4 ou 5 : risque 4,1 % ; < 4 risque 1 %. Références 1. De Peretti C, et al. Prévalence des accidents vasculaires cérébraux et de leurs séquelles et impact sur les activités de la vie quotidienne : apports des enquêtes déclaratives Handicap-santé-ménages et Handicap-santéinstitution, 2008-2009. BEH 2012(n° 1):1-6. 2. Bejot Y, et al. Évolution des taux d’incidence des accidents vasculaires cérébraux à Dijon, France, 1985-2004. BEH 2007 (n° 17):140-2. 3. Plan d’actions national « AVC 2010-2014 ». Avril 2010. http://www.sante. gouv.fr/IMG/pdf/plan_actions_AVC_-_17avr2010.pdf 4. HAS. AVC : prise en charge précoce. Mai 2009. http://www.hassante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/ 2009-07/avc_prise_en_ charge_precoce_-_synthese_des_ recommandations.pdf 5. Silvestrelli G, et al. Early admission to stroke unit influences clinical outcome Eur J Neurol 2006;13:250-5. 6. Bardet J. Rapport sur la prise en charge précoce des AVC. Assemblée nationale n°236, Sénat n°475 ; 27/09/07. 7. Tissue plasminogen activator for acute ischemic stroke. The National Institute of Neurological Disorders and Stroke rt-PA Stroke Study Group. N Engl J Med 1995;333:1581-7. 8. Kleindorfer DO, et al. Designing a message for public education regarding stroke: does FAST capture enough stroke? Stroke 2007;38:2864-8. 9. Anaes. Prise en charge diagnostique et traitement immédiat de l’AIT de l’adulte. Recommandations de bonne pratique. Mai 2004. 10. Johnston SC, et al. Validation and refinement of scores to predict very early stroke risk after transient ischaemic attack. Lancet 2007;369:283-92. 11. Giles MF, Rothwell PM. Systematic review and pooled analysis of published and unpublished validations of the ABCD and ABCD2 transient ischemic attack risk scores. Stroke 2010;41:667-73. 12. MerwickA, et al. Addition of brain and carotid imaging to the ABCD² score to identify patients at early risk of stroke after transient ischaemic attack: a multicentre observational study. Lancet Neurol 2010;9:1060-9. E. Ménager de Froberville déclare avoir une participation financière dans le capital de Tekneo SAS ainsi que des liens durables ou permanents avec cette entreprise. T. Moulin déclare n avoir aucun lien d intérêts. !631!_MG907_JNMG_PR-bourdin 3/10/13 12:01 Page 631 631 Retour sur l’article de Arnaud Bourdin1, 2, Anne-Sophie Gamez1, Philippe Godard(†), publié dans le n° 860 d’avril 2011. 1. Service des maladies respiratoires, CHU-hôpital Arnaud-de-Villeneuve, 34295 Montpellier Cedex 5 – 2. Inserm U1046, université Montpellier-1 et 2. [email protected] √ 95 % des asthmatiques sont suivis en médecine générale. √ Environ 50 % restent mal contrôlés, malgré un large éventail thérapeutique (tableau 1). √ Réévaluation à chaque consultation, sur la base de la fréquence et de l intensité des symptômes durant les 2 à 4 semaines précédentes. R Traitements de fond (controllers) Corticostéroïdes inhalés (CSI) √ Dipropionate de béclométasone, budésonide, fluticasone, ciclésonide. √ Traitement de première intention. √ Indication : fréquence des symptômes ou consommation de bronchodilatateurs de courte durée d action (BDCA) > 2 fois/semaine. √ Effet dose-dépendant. √ Si asthme non contrôlé, associer une autre classe thérapeutique (plutôt qu augmenter les doses). √ Efficacité : prévention des symptômes, des exacerbations, des hospitalisations, amélioration de la qualité de vie, réduction de la mortalité. √ Effets secondaires : ‒ locaux : à limiter, par un rinçage de la bouche ; ‒ systémiques (si fortes doses au long cours) : ostéoporose, fragilité cutanée capillaire, insuffisance surrénalienne, cataracte, glaucome. Tableau 1. Appréciation du contrôle selon le GINA Asthme Contrôlé Partiellement (tout au long (à n’importe quel du suivi) moment du suivi) Symptômes diurnes Aucun (≤ 2/semaine) > 2/semaine Limitations des activités Aucune Quelle qu’elle soit Symptômes/ réveils nocturnes Aucun Quel qu’il soit Aucun (≤ 2/semaine) > 2/semaine Recours aux traitements de secours Fonction respiratoire (DEP ou VEMS) Normal < 80 % de la meilleure valeur personnelle si elle est connue Exacerbations Aucune ≥ 1/an Non contrôlé Trois composants ou plus de l’asthme partiellement contrôlé quel que soit le moment dans le suivi 1 quel que soit le moment GINA : Global initiative for asthma ; DEP : débit expiratoire de pointe ; VEMS : volume expiratoire maximal par seconde. Tableau 2. Équivalences posologiques des CSI Posologie journalière (μg) Moyenne Faible Élevée Béclométasone – Adultes – Enfants Budésonide – Adultes – Enfants 200-500 100-200 500-1 000 200-400 > 1 000-2 000 > 400 200-400 100-200 400-800 200-400 > 800-1 600 > 400 Fluticasone – Adultes – Enfants 100-250 100-200 250-500 200-500 > 500-1 000 > 500 Ciclésonide 80 160 640 Bronchodilatateurs de longue durée (BDLA) √ Agonistes β2 de longue action (LABA) ‒ Salmétérol, formotérol. ‒ Jamais en monothérapie. ‒ À associer à un CSI si le contrôle est insuffisant. ‒ Efficacité : réduction des symptômes, des exacerbations, de la consommation de BDCA, contrôle rapide de la maladie. ‒ Associations fixes disponibles : Symbicort Turbuhaler, Innovair, Seretide Diskus. ‒ Effets secondaires : plus modestes qu en cas d administration orale ou d utilisation importante de BDCA (tachycardie, tremblement, hypokaliémie). ‒ Sous surveillance malgré des études rassurantes. ‒ Stratégies auto-adaptées avec Symbicort et Innovair (traitement de fond et de secours, possible en raison du court délai d action du formotérol) : éducation importante. √ Anticholinergiques de longue durée d action (LAMA) ‒ Tiotropium, aclidinium : AMM uniquement dans la BPCO à ce jour, études en cours dans l asthme sévère. ‒ Association possible avec les LABA. ‒ Effets secondaires sous surveillance de la FDA. Montélukast (Singulair) √ Seul antagoniste du récepteur aux leucotriènes (LTRA). √ Effet bronchodilatateur et anti-inflammatoire. √ Utilisé en association avec un CSI lorsque le contrôle est insuffisant. √ Efficacité similaire ou inférieure aux BDLA, dans la prévention des exacerbations. √ Alternative aux bêta-2 agonistes dans la prévention de l asthme uniquement induit par l exercice. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 PIQÛRE DE RAPPEL Médicaments de l’asthme !631!_MG907_JNMG_PR-bourdin 3/10/13 12:01 Page 632 A. Bourdin déclare être investigateur principal d’études menées par GSK, AstraZeneca, Boehringer, Chiesi, Almirall, Cephalon, Bayer, United Therapeutics, Actelion, Amgen, Medimmune, InterMune, Jansen, MSD, Novartis, Roche, PneumRx et participer à des réunions scientifiques menées par GSK, UT, Novartis, Chiesi, AstraZeneca, Boston Scientific, Boehringer. PIQÛRE DE RAPPEL 632 √ Effets secondaires très modérés : troubles gastro-intestinaux, céphalées. √ Monothérapie possible uniquement en cas d asthme persistant léger chez l enfant de 6 mois à 5 ans, incapable d utiliser un CSI. Corticothérapie systémique au long cours √ Parfois instaurée si le contrôle n est pas atteint. √ Dose minimale efficace. √ Effets secondaires importants et dose-dépendants : rétention hydrosodée, nervosité, prise de poids, hypertension, diabète, ostéoporose, fragilité capillaire, insuffisance de l axe corticotrope. √ Suivi rapproché nécessaire. Injections SC d’anti-IgE Contrôle Discuter l’augmentation pour arriver au contrôle total Discuter la décroissance vers la dose minimale efficace Augmentation d’un pallier de traitement ÉDUCATION – Contrôle de l’environnement Étape 1 Étape 2 Étape 3 BDCA à la demande Étape 4 Étape 5 BDCA à la demande CSI dose faible ou CSI dose faible + BDLA ou CSI dose moyenne ou élevée + BDLA Ajouter corticoïdes oraux Antileucotriènes CSI dose moyenne/ Ajouter antileucotriènes Ajouter anti-IgE haute ou CSI dose faible Ajouter théophylline LP + antileucotriènes ou CSI dose faible + théophylline LP BDCA : bronchodilatateurs de courte durée d’action ; BDLA : bronchodilatateurs de longue durée d’action ; CSI : corticoïdes inhalés. Pour chaque palier, plusieurs options thérapeutiques sont proposées. Il est recommandé d’apprécier le contrôle à chaque consultation. Figure ‒ Prise en charge proposée chez l enfant de plus de 5 ans et chez l adulte (GINA 2009). √ Omalizumab, Xolair. √ Traitement d exception, onéreux. √ Chez les patients allergiques (allergènes Anticholinergiques perannuels) avec un taux d IgE totales élevé. √ Bronchodilatateurs moins puissants √ Diminue la fréquence des exacerbations. que les bêta-2 agonistes. √ Tolérance plutôt bonne, mais à long terme ? √ En cas de crise et d exacerbation sévère pendant √ Autorisé en France à partir de 6 ans. 3 jours, en association avec les bêta-2 agonistes. Autres √ Formulations de théophylline à libération prolongée : ‒ bronchodilatateurs peu anti-inflammatoires ; ‒ en association aux CSI ; ‒ effets secondaires potentiellement importants. √ Cromones et immunothérapie : effets très limités. √ Macrolides au long cours : déconseillés sauf sur avis d expert (attention aux patients avec un QT long). √ Thermoplastie endoscopique contre l hyperplasie du muscle lisse bronchique : proposée dans les situations réfractaires, sur avis d expert. R Traitements de secours (relievers) Bêta-2 agonistes de court délai d’action √ Bronchodilatateurs puissants. √ Traitement de choix de la crise, des symptômes lors des exacerbations et en prévention de l asthme induit par l exercice. √ Prescrits à la demande. √ Une utilisation fréquente doit alerter (témoin d un asthme mal contrôlé). √ Si efficacité diminuée : suspecter une exacerbation, envisager une corticothérapie systémique. √ Effets secondaires : tremblement, tachycardie, hypokaliémie, voire majoration d une acidose lactique ; plus fréquents avec la forme IV que inhalée. √ Usage au long cours non recommandé. √ Effets secondaires : bouche sèche, tachycardie, majoration d un glaucome par fermeture de l angle. Théophylline √ Action mal précisée (non additive). √ Moins puissante que les bêta-2 agonistes. √ Amélioration de la commande ventilatoire dans les exacerbations sévères. √ Monitorage des concentrations résiduelles sériques nécessaire. Bêta-2 agonistes oraux √ Si incapacité à utiliser des inhalateurs. √ Effets secondaires plus importants par rapport à la forme inhalée. Corticoïdes systémiques √ √ √ √ √ Indispensables dans les exacerbations sévères. Rapidité d action : de 4 à 6 heures. Voie orale de préférence. Dose : 0,5 à 1 mg/kg/j pendant 5 à 10 jours. Effets secondaires assez rares en cures courtes. Antihistaminiques √ Utilisation possible si symptômes de rhinite et de conjonctivite, cutanés en particulier. ● SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 !633!_MG907_JNMG_FP-fain 3/10/13 11:35 Page 633 633 Par Olivier Fain. Service de médecine interne, hôpital Jean-Verdier, AP-HP, 93140 Bondy Cedex. ‒ rechercher un souffle cardiaque ou carotidien, des signes de phlébite ou d insuffisance cardiaque, un déficit moteur, sensitif, visuel, cérébelleux ou des signes pyramidaux ; ‒ PA aux 2 bras (couché et debout), pouls régulier ou non. Motifs de consultation fréquents. Différentes manifestations : malaises sans perte de connaissance (PC), syncopes, lipothymies, crises d épilepsie. R Démarche diagnostique (figure) Interrogatoire : ‒ antécédents cardiaques et neurologiques, diabète, traitements en cours (antihypertenseurs, antiarythmiques, hypnotiques) ; ‒ circonstances de survenue et facteurs déclenchants (heure, lieu, activité, espace surchauffé, émotion, compression cervicale, etc.) ; ‒ signes prémonitoires ? (palpitations, douleurs thoraciques) ou absence de prodromes (brutal, à l emporte-pièce). R Recherche étiologique Selon la fréquence, la gravité et les signes évocateurs (tableau 1). Causes cardiaques (environ 25 % ; les plus graves) : ‒ obstacle ventriculaire, à l éjection le plus souvent (rétrécissement aortique, cardiomyopathie obstructive) ; ‒ insuffisance coronaire (risque de syncope ou lipothymie par trouble rythmique ou conductif, ou de malaise vagal secondaire à la douleur) ; ‒ troubles de la conduction et du rythme. Examen clinique méticuleux : ‒ pendant l épisode : PC partielle ou totale, mouvements anormaux, respiration stertoreuse, sueurs, pâleur, tachycardie ou bradycardie ; ‒ après : confusion, perte d urines, morsure de langue, diarrhée, douleurs thoraciques, céphalées, syndrome déficitaire, séquelles traumatiques ; Chute Cataplexie psychogène Non Syncopes vasovagales : les plus fréquentes et les moins graves. Autres causes neurocardiogéniques : syncopes réflexes et hypersensibilité du sinus carotidien. Perte de connaissance brève < 5 min 20 à 30 min Oui Syncopale Réflexe Hypotension orthostatique Non syncopale Cardiovasculaire Vasovagale Arythmie cardiaque Sinusale Situationnelle Trouble de la conduction Toux Tachycardie Stimulation gastro-intestinale FAIN O. REV PRAT 2009;59:423-31. Miction • Épilepsie • Accident vasculaire • Intoxications • Troubles métaboliques Cardiopathie Douleur intense Structurelle Manœuvre de Valsalva Ischémique Embolie pulmonaire Hypersensibilité du sinus carotidien Insuffisance vertébrobasilaire Vol sous-clavier Figure ‒ Démarche diagnostique devant une perte de connaissance. Hypotension orthostatique : origines différentes (tableau 1). En présence de signes évocateurs (tableau 2), le diagnostic confirmé si baisse de la PAS > 20 mmHg et de la PAD > 10 mmHg entre les positions couchée et debout (surveillance de la PA toutes les minutes pendant 3 minutes). Hypoglycémie : surtout chez le diabétique sous insuline ou sulfamides. Signes associés : sensation de faim, sueurs, tachycardie puis troubles variés (confusion, syndrome déficitaire, convulsions, coma). Épilepsie (tableau 1). SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 FICHE PRATIQUE Malaises et pertes de connaissance !633!_MG907_JNMG_FP-fain 3/10/13 11:35 Page 634 Dans un second temps : ‒ explorations cardiaques, si antécédents ou circonstances évocatrices : holter ECG sur 24 h, échographie cardiaque ; ‒ TDM cérébrale : si suspicion de processus expansif (signes d hypertension intracrânienne, syndrome déficitaire ou épilepsie), première crise comitiale, ou terrain à risque (traitement anticoagulant, traumatisme crânien récent, cancer, VIH) ; ‒ EEG : détecte les formes atypiques de crises comitiales. ● Troubles psychiatriques : pseudosyncopes, sans hypoperfusion cérébrale ; diagnostic d élimination. R Examens complémentaires Immédiats : ‒ ECG, glycémie capillaire (chez le diabétique) ; ‒ massage du sinus carotidien chez tous les patients de plus de 40 ans ; ‒ dosage de la carboxyhémoglobine (intoxication au CO) ; ‒ alcoolémie. Tableau 1. Syncopes et pertes de connaissance de l adulte Cardiaque Fréquence ++ Antécédents et terrain Vasovagale +++ Hypotension orthostatique Réflexe Épilepsie ++ Psychiatrique + ++ + ❚ Cardiopathie ❚ Sujet jeune connue ou facteurs de risque vasculaire — ❚ Antihypertenseur ❚ Épilepsie ❚ Maladie ❚ Alcool neurologique ❚ Lésion cérébrale ❚ Contexte psychologique Circonstances déclenchantes ❚ Effort ❚ Émotion ❚ Douleur ❚ Chaleur ❚ Miction ❚ Toux ❚ Compression (cervicale) sinus carotidien ❚ Changement de position ou post-prandiale ❚ Surmenage ❚ Sevrage ❚ Stimulation lumineuse ❚ Stress Prodromes ❚ Absents ou douleur thoracique, palpitations ❚ Sueurs ❚ Faiblesse ❚ Pâleur — ❚ Sensation vertigineuse ❚ Malaise ❚ Aura ❚ Crise d’angoisse : peur intense Manifestations per-critiques ❚ Pâleur ❚ Bradycardie ou tachycardie ❚ Bradycardie ❚ Baisse tensionnelle ❚ Bradycardie et/ou chute tensionnelle ❚ Chute tensionnelle ❚ Phase tonique, avec ou sans clonique, accélération pouls résolutive ❚ Crise d’angoisse : peur ❚ Dyspnée, oppression thoracique ❚ Hystérie : agitation Durée < 5 minutes < 5 minutes < 5 minutes < 5 minutes 20 minutes Variable, parfois prolongée Manifestations post-critiques — ❚ Asthénie — — ❚ Confusion ❚ Hystérie : coma ❚ Calme aréactif ❚ Indifférence Examens complémentaires ❚ ECG ❚ Holter ECG ❚ Écho cœur — — ❚ Mesure PA couché et debout ❚ Test d’inclinaison ❚ EEG formes ❚ Diagnostic atypiques d’élimination ❚ Tomodensitométrie Gravité +++ — — + ++ — Tableau 2. Hypotension orthostatique : principales causes Hypovolémie Atteinte du SNA* Iatrogène Globale Secondaire Action neurogène ❚ Déshydratation ❚ Hémorragies ❚ Insuffisance surrénale ou hypophysaire ❚ Système nerveux central : pathologie vasculaire, tumeur, maladie de Parkinson ❚ Système nerveux périphérique : diabète, amylose ❚ ❚ ❚ ❚ ❚ Relative ❚ Varices importantes des membres inférieures ❚ Désadaptation (alitement prolongé) ❚ Dérivés nitrés Primitive ❚ Atrophie multisystématisée, syndrome de Shy-Drager * Système nerveux autonome SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 Antidépresseurs/antiparkinsoniens Tranquillisants Antihypertenseurs centraux Curares Neuroleptiques Vasodilatateurs ❚ IEC ❚ Inhibiteurs calciques ❚ Dérivés nitrés Diurétiques La déclaration de liens d’intérêts d’Olivier Fain est consultable sur le site larevuedupraticien.fr FICHE PRATIQUE 634 635 Fabrice, 43 ans, consulte car il a remarqué (et cela depuis 2 mois) que certaines zones au niveau de son collier de barbe étaient moins fournies, voire glabres (figure). Ã Diagnostic Pierre Frances, médecin généraliste, 66650 Banyuls-sur-Mer. [email protected] PELADE La pelade est une pathologie auto-immune (dirigée contre les follicules pileux) sans aucun signe d’atteinte systémique. Elle se caractérise par une chute des cheveux et des poils en placard ovale ou arrondi. On l’observe surtout chez des sujets jeunes (moins de 25 ans) en bonne santé, avec une incidence homme/ femme identique. Au niveau du cuir chevelu, elle se caractérise par une plaque alopécique avec présence d’orifices pilaires (la peau est saine sans érythème ni squame ni atrophie). En périphérie de la lésion circonscrite, on peut retrouver des cheveux en points d’exclamation ou très courts (aspect de pseudocomédon). Hormis cette localisation, elle peut affecter les cils, les poils pubiens ou, comme chez ce patient, la barbe. Les ongles peuvent aussi être touchés : aspect en dé à coudre, grésés (microponctuations de la tablette unguéale donnant une consistance rugueuse ou trachyonychie). Ils sont parfois séparés de la matrice (onychomadèse). Généralement, la pelade régresse au bout de plusieurs semaines (cela est moins fréquent pour une forme décalvante ou une pelade universelle, rare). Lorsqu’elle survient chez des enfants de moins de 5 ans, il faut rechercher une atopie. Toute alopécie prolongée ou associée à une atteinte unguéale est de mauvais pronostic à cet âge. Si la pelade survient après la puberté, 80 % des cheveux repoussent (au départ ils sont fins, gris ou blancs, au centre de la plaque et se repigmentent progressivement). Les récidives sont fréquentes et imprévisibles. Aucun traitement curatif n’existe actuellement, et la prise en charge psychologique est importante. Les corticoïdes topiques sont parfois efficaces. Certains auteurs préconisent les injections intralésionnelles d’acétonide de triamcinolone. La corticothérapie systémique permet une repousse ; mais l’arrêt du traitement peut être suivi d’une récidive. l SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE I TOME 27 I N° 907 I OCTOBRE 2013 arrêt sur image Barbe rare… !638!_MG907_JNMG-DOS-plu bureau 3/10/13 11:57 Page 638 D O S SIE R 638 Contraception chez la femme à risque vasculaire Ajustement et surveillance sont indispensables. Geneviève Plu-Bureau Unité de gynécologie endocrinienne et laboratoire d’hémostase, hôpital Cochin Port-Royal, Paris. Brigitte Raccah-Tebeka d étonogestrel, métabolite actif du désogestrel (Nuvaring, anneau vaginal) et la voie transdermique délivrant par jour 20 μg d EE et 150 μg de norelgestromine, métabolite actif du norgestimate (Evra, patch). Service de gynéco-obstétrique, hôpital Robert-Debré, Paris. Lorraine Maitrot-Mantelet Unité de gynécologie endocrinienne, hôpital Cochin Port-Royal, Paris. C es derniers mois, un vent de panique a soufflé sur la contraception. Le risque vasculaire chez les utilisatrices de contraception estroprogestative (COP) a occupé le devant de la scène et l importance de l évaluation de leur balance bénéfices/risques a été à nouveau fortement soulignée. Il convient donc d être particulièrement vigilant chez les femmes ayant un ou plusieurs facteurs de risque vasculaire (FDRV). Par ailleurs, certaines situations cliniques sont à ce jour mieux étudiées en termes de stratégie contraceptive optimale. Méthodes contraceptives Contraceptions combinées Dans les COP, la molécule d estrogène est dans la majorité des pilules la même depuis plus de 50 ans (éthinylestradiol [EE]), à des doses variant entre 50 et 15 μg (tableau 1). Sont disponibles deux contraceptions combinées contenant de l estradiol. La première (Qlaira) contient du valérate d estradiol à doses variables (1 à 3 mg) sur les 28 jours d utilisation, combiné à un nouveau progestatif : le diénogest (2 à 3 mg), dérivé de la 19-nortestostérone ayant perdu la plupart des propriétés androgéniques des norstéroïdes en raison de sa conformation moléculaire. La deuxième (Zoely) associe du 17-β-estradiol (1,5 mg) à l acétate de nomégestrol (2,5 mg), dérivé norpregnane ne possédant pas, en théorie, de propriété androgénique. Les progestatifs dérivés de la testostérone sont classés en génération (1re, 2e et 3e) selon leur date de mise sur le marché (tableau 1). Plus récente, une COP contenant une molécule progestative non dérivée de la testostérone : la drospirénone. Ce progestatif antiminéralocorticoïde, dérivé de la spironolactone, exerce une action anti-androgène, plus faible que celle de l acétate de cyprotérone. Enfin, 2 voies d administration sont une alternative à la voie orale : la voie vaginale délivrant par jour 15 μg d EE et 120 μg Contraceptions progestatives seules Microprogestatifs par voie orale. Deux sont à notre disposition (tableau 2) : le lévonorgestrel à petites doses (Microval) et le désogestrel (Cérazette, Antigone, Desopop, Claréal). Globalement, leur tolérance clinique semble identique quelle que soit la molécule utilisée. Leur principal inconvénient est un moindre contrôle utérin par rapport aux COP. Implant. En France, le seul disponible est celui contenant de l étonogestrel (Nexplanon), à mettre en place en sous-cutané à la face interne du bras. Son efficacité dure 3 ans. L avantage de cette voie d administration est bien sûr son observance optimale. La tolérance clinique est identique à celle de la contraception orale microprogestative. Dispositif intra-utérin (DIU) hormonal. Il délivre directement en intra-utérin de faibles doses de lévonorgestrel (Mirena). Durée d action : 5 ans. La tolérance clinique est habituellement bonne. L’acétate de médroxyprogestérone injectable en intra musculaire est très rarement utilisé en France, du fait d importants effets secondaires métaboliques et vasculaires principalement. Les macroprogestatifs per os n ont pas d autorisation de mise sur le marché. Les dérivés pregnanes ou norpregnanes Fig. 1 ‒ Contraception définitive par voie hystéroscopique. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 !638!_MG907_JNMG-DOS-plu bureau 3/10/13 11:57 Page 639 RPM G 639 Tableau 1. Les différentes contraceptions estroprogestatives Progestatif Doses EE (μg) 1 génération 35 Noréthistérone (0,5-0,75-1 mg) Triella 2 génération 50 30/40 30/40/30 30 20 Norgestrel (0,5 mg) Lévonorgestrel (0,15-0,20 mg) Lévonorgestrel (0,05-0,075-0,125 mg) Lévonorgestrel (0,15 mg) Lévonorgestrel (0,1 mg) Stédiril Adepal, Pacilia Trinordiol, Daily, Evanecia, Amarance Minidril, Ludéal, Zikiale, Optidril Leeloo, Lovavulo, Optilova 3e génération 30/40/30 35 35 30 30 20 20 15 Gestodène (0,05-0,07-0,1 mg) Norgestimate (0,25 mg) Norgestimate (0,18-0,215-0,25 mg) Désogestrel (0,15 mg) Gestodène (0,075 mg) Désogestrel (0,15 mg) Gestodène (0,075 mg) Gestodène (0,06 mg) Phaeva, Tri-Minulet Cilest, Effiprev Triafemi, Tricilest Varnoline, Cycléane 30, Désobel 30 Minulet, Moneva, Efezial 30, Carlin 30, Felixita 30 Cycléane 20, Mercilon, Désobel 20 Harmonet, Méliane, Carlin 20, Efezial 20, Felixita 20 Mélodia, Minesse Autres progestatifs 30 20 Drospirénone (3 mg) Drospirénone (3 mg) 21 j/28) Drospirénone (3 mg) 24 j/28 Acétate de chlormadinone (2 mg) Acétate de cyprotérone (2 mg) Jasmine, Drospibel 30, Convuline Jasminelle, Drospibel 20, Belanette Rimendia, Yaz Belara Diane 35, Minerva, Lumalia, Holgyeme, Evepar** 2 cp : 3 mg de valérate d’estradiol (VE) 5 cp : 2 mg de VE + 2 mg de diénogest 17 cp : 2 mg de VE et 3 mg de diénogest 2 cp : 1 mg de VE 2 cp blancs de placebo 1,5 mg estradiol + 2,5 mg acétate de nomégestrol Qlaira re e 30 35* (pas d’AMM) Autres types Estradiol Estradiol Doses de progestatif Nom commercial Zoely * Pas d’AMM contraception mais traitement anti-acnéique ; ** toutes ces pilules ont été transitoirement retirées du marché (en attente de l’avis de l’Agence européenne). (acétate de chlormadinone, acétate de cyprotérone) sont utilisés hors AMM par certaines équipes chez des femmes ayant des pathologies particulières, notamment veineuses ou hormonodépendantes, en raison de leur action antigonadotrope (tableau 3). Contraceptions mécaniques. Les DIU ont évolué. Divers types d inserteur, souple ou rigide, de nouvelles tailles permettent de s adapter aux différentes anatomies. Il est relativement facile de poser un DIU chez une nullipare, à condition qu elle n ait pas de sur-risque d infection génitale (recommandation de l OMS et des autorités de santé française). certaines circonstances cliniques. Trois sont importantes à prendre en compte : ‒ une maladie veineuse thrombo-embolique personnelle avec ou sans thrombophilie biologique ; ‒ une thrombophilie congénitale ou acquise sans antécédent de MVTE ; ‒ des antécédents familiaux thrombo-emboliques veineux (thrombophilie familiale) sans histoire personnelle de MVTE. Tableau 2. Microprogestatifs Nom Contraception définitive Microval Outre la ligature de trompe classique par voie cœlioscopique, nous disposons d une nouvelle technique (Essure) ne nécessitant pas d anesthésie générale, dans la plupart des cas. Elle consiste à introduire dans les trompes sous hystéroscopie deux petits ressorts (équivalents à des stents) provoquant ainsi une fibrose irréversible (fig. 1). Cérazette, Antigone, Desopop, Claréal Molécule Dose/ comprimé Lévonorgestrel 0,03 mg Désogestrel 0,075 mg Tableau 3. Progestatifs macrodosés (hors AMM) Classe Nom Molécule Doses antigonadotropes Dérivés de la progestérone Risque veineux Pregnanes Les maladies veineuses thrombo-emboliques profondes (MVTE) constituent le principal effet délétère des COP. Cependant, l absence de MVTE personnelle n exclut pas un risque veineux potentiel, qui doit rendre prudent dans Colprone Lutéran Androcur Médrogestone 2 cp à 5 mg Acétate de chlormadinone 10 mg Acétate de cyprotérone 50 mg Norpregnanes Lutényl Acétate de nomégestrol Surgestone Promégestone 5 mg 0,500 mg SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 !638!_MG907_JNMG-DOS-plu bureau 3/10/13 11:57 Page 640 D O SS IE R 640 Maladie veineuse thrombo-embolique Les MVTE, incluant thromboses veineuses profondes (membres inférieurs, membres supérieurs, cerveau, système porte, vaisseaux du cou…) et embolie pulmonaire, sont des maladies rares puisque l incidence (quel que soit l âge) pour 1 000 femmes par an se situe aux alentours de 1 à 3 dans les pays occidentaux.1 En France, la fréquence des thromboses veineuses profondes (TVP) des membres inférieurs est estimée à 70 000 cas/an. Ces données sont issues d une étude épidémiologique bretonne menée en 1998-1999. L incidence des TVP est estimée à 124/10 000 habitants tandis que celle des embolies pulmonaires est de 60/10 000 habitants.1 L’évolution exponentielle de cette incidence avec l âge est particulièrement flagrante chez les utilisatrices de COP (fig. 2), ce qui impose d adapter les méthodes contraceptives après 35-40 ans.2 La thrombose est dite proximale lorsque le thrombus est poplité ou sus-poplité (fémoral, iliaque … ) et distale, ou surale, lorsqu il siège au niveau des veines du mollet. Plus le caillot est proximal, plus le risque d EP augmente. En général, le thrombus se forme dans les veines de l étage sural où la stase est importante, puis il peut progresser vers l étage supérieur (fémoral, iliaque), veine cave et poumon. La COP augmente indéniablement le risque d’événements thrombo-emboliques veineux d un facteur 3 à 6 par rapport aux non-utilisatrices.3, 4 Il existe un effet « starter » puisque ce risque est nettement plus important la première année d utilisation. Il diminue les années suivantes tout en restant toujours significativement plus important que chez les femmes ne prenant pas la pilule. Cette augmentation dépend de l équilibre hormonal de la combinaison. Les niveaux de risque sont assez équivalents entre les pilules de 3e génération et toutes les autres COP (drospirénone, acétate de cyprotérone, anneau, patch) comparativement aux COP contenant un progestatif de 2e génération (tableau 4).3 Résultats tout à fait plausibles : la COP modifie les synthèses hépatiques des protéines de la coagulation, entraînant un déséquilibre de l hémostase, plus important si le climat hormonal est volontiers estrogénique ou moins androgénique.5 25 Non-utilisatrices Utilisatrices Tableau 4. Risques associés aux différentes contraceptions combinées* Type de COP Risque de TVP 3 génération + EE 1,7 (1,4-2,0) Drospirénone + EE 1,7 (1,4-2,2) Acétate de cyprotérone + EE 1,8 (1,4-2,3) Patch norgestimate + EE 1,5 (1,2-1,8) Anneau étonogestrel + EE 1,7 (1,3-2,3) e * par rapport aux COP contenant du lévonorgestrel, d’après 8. EE : éthinylestradiol. La contraception progestative seule est une bonne alternative pour les femmes ayant une contre-indication à la COP. Aucune augmentation significative du risque de thrombose veineuse n a été rapportée que ce soit par voie orale, intramusculaire ou utérine.6 Ce qui est cohérent : les progestatifs ne modifient pas les paramètres de la coagulation.7 En revanche, l acétate de médroxyprogestérone par voie intramusculaire multiplie par 3 le risque de thrombose veineuse.3 Cela pourrait être expliqué par son effet glucocorticoïde délétère sur les facteurs de risque vasculaire. En cas d antécédent personnel de MVTE, toutes les COP sont contre-indiquées quelle que soit la voie d administration (orale, patch ou anneau) et quel que soit le type d estrogènes (EE ou estradiol). Les contraceptions progestatives seules (orale, implant ou intra-utérine) peuvent être utilisées à distance de la phase aiguë, de même que les DIU au cuivre ou autre contraception mécanique. Thrombophilies biologiques congénitales Il faut en tenir compte dans l évaluation du risque veineux (encadré). Toutes les thrombophilies biologiques n induisent pas le même niveau de risque thrombo-embolique. L incidence la plus élevée est observée en cas de déficit en antithrombine (1,7 %), la plus faible s il s agit d un facteur V Leiden hétérozygote (0,1 %). Thrombophilie et pilule ont une action synergique sur le risque de MVTE. Ainsi, chez les femmes sous COP ayant une mutation du facteur V Leiden, il est de 15,62 (8,66-28,15 ; IC à 95 %), alors qu il n est que de 3,1 (2,17-4,42 ; IC à 95 %) chez 20,8 20 15,2 Principales thrombophilies biologiques congénitales 15 12,1 10 8,7 6,8 4,8 4,2 5 2,1 2,9 4,8 3,7 3,5 30-34 35-39 5,8 Mutation du facteur V Leiden 0,7 0 Déficit en antithrombine/en protéine S/ en protéine C Mutation 20210A de la prothrombine 15-19 20-24 25-29 40-44 45-49 Âge Homocystéinémie élevée Hypo- et dysfibrinogénémies Fig. 2 ‒ Incidence des MVTE (pour 10 000 années-femmes) selon l utilisation d une COP et l âge.2 SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 !638!_MG907_JNMG-DOS-plu bureau 3/10/13 11:57 Page 641 RPM G les utilisatrices de COP et de 3,78 (2,22-6,42 ; IC à 95 %), chez les non-utilisatrices porteuses du facteur V Leiden seul.8 Par ailleurs, les femmes ayant une thrombophilie biologique et utilisant une COP feront plus souvent une thrombose veineuse mais aussi plus rapidement (les premiers mois d utilisation), comparativement à celles sans anomalies biologiques. La stratégie contraceptive est la même que précédemment : seules les contraceptions progestatives ou par DIU peuvent être envisagées. Thrombophilies cliniques familiales Les antécédents thrombo-emboliques veineux familiaux sont un facteur de risque majeur de MVTE. Il faut alors tenir compte de plusieurs facteurs : le degré de parenté du sujet atteint, le nombre de personnes ayant thrombosé dans la famille, l âge de survenue des cas de thrombose familiale (moins de 60 ans), les circonstances favorisantes, notamment si l apparenté est une femme, les facteurs déclenchants hormonaux (contraception, grossesse, post-partum, traitement hormonal de ménopause, PMA, etc.). Tableau 5. LDL-cholestérol acceptable sous COP * Facteurs de risque vasculaire • Antécédents familiaux de maladie cardiovasculaire chez un parent au 1er degré < 55 ans (sexe masculin) et < 65 ans (féminin) • Tabagisme actif ou stoppé depuis moins de 3 ans • HTA ou traitement antihypertenseur • Diabète traité ou non • HDL-cholestérol < 0,40 g/L (protecteur si > 0,6 g/L) • Obésité • Âge > 35 ans • Migraine simple ou avec aura • Facteur protecteur : HDL-cholestérol > 0,60 g/L Valeur seuil de LDL-cholestérol Aucun facteur de risque 1 facteur de risque 2 facteurs de risque 3 ou + Prévention secondaire LDL < 2,20 g/L LDL < 1,90 g/L LDL < 1,60 g/L LDL < 1,30 g/L LDL < 1,00 g/L Globalement, sans tenir compte des facteurs biologiques associés, le risque de MVTE est multiplié par 3 à 4 en cas d antécédents familiaux.9 Par ailleurs, il est d autant plus élevé que le degré de parenté est proche (premier degré). Le risque de thrombose de l apparenté est 3 fois plus important si le premier patient atteint (propositus) a moins de 45 ans au moment de sa thrombose comparativement à un propositus âgé de plus de 71 ans.10 Par ailleurs, plus le nombre d apparentés ayant thrombosé est élevé, plus le risque est important. Si ce nombre est supérieur à 3, le risque est multiplié par 54.11 Quelle contraception en cas d antécédents familiaux sans ATCD personnel de MVTE ni thrombophilie biologique congénitale ? C est dans cette situation que notre vigilance s impose. L interrogatoire doit guider la prescription contraceptive. On recherche l âge de survenue de la MVTE familiale, le ou les types de cas familiaux, le nombre de sujets atteints et les facteurs déclenchants. En cas de MVTE survenant chez la mère ou la sœur de la patiente accompagnée d un facteur déclenchant hormonal, les COP sont contre-indiquées. La stratégie contraceptive est la même que pour les deux situations précédentes. Les autres doivent être discutées au cas par cas après avis éventuel d une réunion de concertation pluridisciplinaire spécialisée (rcp.contraceptiondifficile@ cch.aphp.fr). Quel que soit le risque, une contraception progestative seule ou mécanique (DIU) peut toujours être proposée initialement et rediscutée secondairement en fonction de la tolérance clinique et gynécologique. Risque artériel En cas de risque artériel clairement déterminé, antécédent personnel d accident ischémique cérébral ou infarctus du myocarde, les contraceptions mécaniques doivent toujours être proposées en première intention puis évaluées en fonction de la tolérance clinique. Pour l OMS, il n y a pas de contreindication absolue aux contraceptions microprogestatives, même s il n existe que peu d études ayant évalué leur innocuité.12 Mais il faut aussi tenir compte des facteurs de risque vasculaire. Âge Principal facteur de risque d’accidents artériels sous COP, il est bien souvent négligé. En Angleterre, l incidence annuelle des infarctus du myocarde (IDM) est estimée à 2 pour 1 million de femmes de 30-34 ans, taux multiplié par 13 chez les 4044 ans. Celle des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques augmente également avec l âge : autour de 7 pour 1 million entre 20 et 24 ans, elle atteint 11,8 dans la tranche d âge 30-34 ans et 19,3 pour les 40-44 ans.13 En France, l incidence des pathologies artérielles est difficile à déterminer de façon précise. Quarante ans est souvent considéré comme la limite supérieure raisonnable de prescription d une COP. Au-delà, cette dernière doit être bien souvent interrompue du fait du risque cardiovasculaire mais aussi thrombo-embolique. Ce seuil passe à 35 ans dès lors qu existe un autre FDRV, en particulier le tabagisme. Les progestatifs seuls peuvent être alors utilisés qu ils soient micro-ou macrodosés. Les DIU ont un grand intérêt à cet âge. La contraception définitive (par voie cœlioscopique ou hystéroscopique) est une alternative à discuter et à proposer. Diabète Le risque d IDM sous COP est multiplié par un facteur 2,1 à 4,7 en cas de diabète. 14-16 Le risque relatif d AVC est moins bien documenté et se situerait entre 2 et 3.16 La COP chez les diabétiques n est pas formellement contre-indiquée ; elle dépend du type de diabète, de sa durée d évolution, de l âge de la patiente et des éventuelles complications dégénératives. La Société française d endocrinologie (SFE) l autorise sous certaines conditions : SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 641 !638!_MG907_JNMG-DOS-plu bureau 3/10/13 11:57 Page 642 D O SS IE R 642 ‒ chez les diabétiques de type 1 de moins de 35 ans, si la maladie évolue depuis moins de 20 ans et en l absence de tout autre FDRV et de complications vasculaires du diabète ; ‒ chez les diabétiques de type 2 avant 35 ans, en cas d IMC < 30, en l absence d autre FDRV et/ou de complication du diabète ; ‒ chez les femmes ayant fait un diabète gestationnel après retour à la normalité du bilan glycémique en post-partum. La COP est alors soumise à une surveillance stricte clinique et biologique afin de s assurer de sa bonne tolérance métabolique. Dyslipidémies Le risque relatif d accidents coronaires est multiplié par 4 dès que le LDL dépasse 2 g/L. L élévation des lipoprotéines riches en triglycérides participe également au risque athérogène sous pilule. La COP chez les femmes dyslipidémiques répond à des règles strictes : triglycéridémie inférieure à 2 g/L, LDL-cholestérol inférieur à 2 g/L, normalisation sous hypolipémiant, en l absence d autre FDRV (tableau 5).17 Hypertension artérielle Le risque d accidents ischémiques, en particulier celui d AVC, est majoré chez les femmes hypertendues. Sous COP, il est encore accru, rendant ce type de contraception inacceptable. Le risque d IDM sous COP chez les hypertendues est autour de 16.18 Cela s explique par les modifications biologiques observées chez certaines femmes en particulier l augmentation de l angiotensinogène. Toute pression artérielle anormale (systolique > 140 mmHg et/ou diastolique > 90 mmHg) vérifiée dans de bonnes conditions contre-indique la COP. Une HTA même traitée et bien contrôlée impose la plus grande vigilance et doit toujours faire préférer une contraception sans estrogènes. La notion d un antécédent d HTA gravidique impose la même prudence. MIGRAINE SIMPLE AURA CATAMÉNIALE COP COP CONTRE-INDIQUÉE COP Obésité C est un facteur de risque vasculaire (artériel et veineux) clairement établi depuis de longues années. Cependant, peu de données sont disponibles sur le risque cardiovasculaire des utilisatrices de COP. Une étude retrouve un risque relatif d IDM autour de 3,4 s élevant 5,1 sous COP.14 L’obésité isolée n’est pas une contre-indication à la COP. Cependant, un IMC > 30 kg/m2 est une précaution d emploi dans les AMM des pilules. Leur efficacité ne semble pas modifiée chez les femmes obèses mais il n y a pas de données pour des IMC > 35 kg/m2. Il est conseillé de changer l’implant progestatif tous les 2 ans au lieu des 3 habituels. En cas de chirurgie de l obésité, il faut être vigilant vis-à-vis d une malabsorption altérant la biodisponibilité de la contraception orale. Tabac Facteur de risque majeur, son association à une COP multiplie par 25 le risque d IDM et par 70 si la patiente est hypertendue.18 Ainsi, chez les fumeuses prenant une COP, l incidence de cette pathologie, faible avant 35 ans (1,73/100 000 femmes années) augmente à 19,6/100 000 femmes-années après 35 ans. Un tabagisme important (> 20 cigarettes/j) est une contreindication relative à la prescription d une COP en l absence de tout autre FDRV. Passé 35 ans, il devient une contre-indication absolue. Migraines Si la COP peut être prescrite chez les migraineuses, certaines précautions sont à respecter pour minimiser le risque d accident vasculaire ischémique.19 Il faut d abord identifier et évaluer les autres facteurs de risque vasculaire (HTA, tabagisme, dyslipidémie, surpoids, âge > 35 ans, antécédent familial). Il faut ensuite diagnostiquer le type de migraine, et rechercher une aura (fig. 3). Si la migraine est simple, sans facteur de risque associé, la COP est autorisée avec une surveillance clinique rapprochée. Sous pilule, les signes d appel qui imposent son arrêt ou nécessitent un bilan sont : l augmentation de la fréquence des crises, de leur intensité ou l apparition d une aura. Ces trois symptômes font prescrire une contraception mécanique ou progestative seule. Si la migraine est simple, avec des facteurs de risque vasculaire, il faut si possible les corriger (arrêt du tabac). Si cela est Pas de modification Poursuite COP Augmentation fréquence et/ou intensité Apparition d une aura Contraception mécanique Contraception progestative sous surveillance++ Arrêt COP Contraception mécanique Contraception progestative Contraception définitive en fonction de l âge Fig. 3 ‒ Conduite à tenir en cas de migraine. Amélioration Poursuite COP Pas d amélioration Essai COP en continu Estrogène percutané pendant l arrêt de la COP impossible, la COP est contre-indiquée. Les progestatifs peuvent être discutés mais aucune étude n a été faite dans ce contexte. L avis d un staff pluridisciplinaire peut être utile. Les contraceptions mécaniques sont toujours autorisées. Une aura contre-indique la COP d après l OMS. Les contraceptions progestatives pures sont possibles sous surveillance clinique étroite. Si la migraine est uniquement cataméniale, la COP en continu peut très nettement améliorer la symptomatologie. Il faut se méfier des risques de spottings. Un arrêt tous les 3 mois semble une solution raisonnable. Par ailleurs, une COP plus faiblement dosée en EE ou à base d estradiol naturel, dont la fenêtre d interruption est plus courte, pourrait être une alternative intéressante. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 3/10/13 11:58 Page 643 RPM G Tableau 6. Recommandations de l OMS en fonction des différents risques vasculaires12 Situations Âge < 40 ans > 40 ans COP Progestatif microdosé 1 2 1 1 Tabac < 35 ans ≥ 35 ans < 15 cig/j ≥ 15 cig/j 2 1 3 4 1 1 Obésité ≥ 30 kg/m2 2 1 2/3 3/4 4 1 1 2 3 4 1 1 3/4 2 Migraine Sans aura, âge < 35 ans Sans aura, âge ≥ 35 ans Avec aura Hypertension artérielle Bien contrôlée Systolique ≥ 160 ou diastolique ≥ 100 Facteurs de risque multiples 1 : utilisation sans restriction ; 2 : avantages supérieurs aux risques théoriques ; 3 : risques supérieurs aux avantages ; 4 : risque inacceptable. Antécédents familiaux artériels Un antécédent cardiovasculaire chez un apparenté du premier degré est un des facteurs de risque artériel les plus importants, en particulier si celui-ci est survenu avant l âge de 50 ans et si plusieurs membres de la famille en ont été victimes. Les contraceptions progestatives ou mécaniques doivent être privilégiées en première intention. Si la tolérance est médiocre, l avis d une RCP spécialisée est recommandé. Des facteurs de risque multiples ? La coexistence de 2 facteurs est une contre-indication formelle à la COP (tableau 6). Tous les estroprogestatifs sont concernés quels que soient la voie d administration (orale, vaginale ou transdermique), le dosage en EE, le progestatif associé, la molécule d estrogène (éthinyl-estradiol ou estradiol). Il convient alors de choisir en fonction de la balance bénéfices/risques des autres méthodes contraceptives et du désir de la patiente. La contraception progestative pure qui n augmente pas le risque vasculaire ni ne modifie les paramètres biologiques est une bonne option. Le choix se fait alors entre les microprogestatifs, l implant à l étonogestrel (Nexplanon) ou le DIU au lévonorgestrel (Mirena). Les progestatifs macrodosés en discontinu n ont pas l AMM en contraception et sont réservés aux patientes souffrant d une pathologie gynécologique associée. Le DIU au cuivre est une alternative intéressante dénuée d impact vasculaire. Son emploi est limité chez certaines par une tolérance gynécologique médiocre (ménorragies fréquentes). La contraception définitive peut être discutée chez les femmes ayant atteint leurs objectifs en termes d enfants, en fonction de l âge et du contexte clinique. 643 Le large choix contraceptif disponible en France permet d adapter au mieux la contraception. Cependant, il existe des situations cliniques où les données scientifiques sont quasiment inexistantes et nécessitent donc le plus souvent l avis d un staff pluridisciplinaire existant dans certains services de gynécologie. l Références 1. Oger E. Incidence of venous thromboembolism: a community-based study in Western France. EPI-GETBO Study Group. Thromb Haemost 2000;83:657-60. 2. Lidegaard Ø, Nielsen LH, Skovlund CW, Skjeldestad FE, Løkkegaard E. Risk of venous thromboembolism from use of oral contraceptives containing different progestogens and oestrogen doses: Danish cohort study, 2001-9. BMJ 2011;343:d6423. 3. Plu-Bureau G, Maitrot-Mantelet L, Hugon-Rodin J, Canonico M. Hormonal contraceptives and venous thromboembolism: an epidemiological update. Best Pract Res Clin Endocrinol Metab 2013;27:25-34. 4. Stegeman BH, de Bastos M, Rosendaal FR, et al. Different combined oral contraceptives and the risk of venous thrombosis: systematic review and network meta-analysis. BMJ 2013;347:f5298. 5. Conard J. Biological coagulation findings in third-generation oral contraceptives. Hum Reprod Update 1999;5:672-80. 6. Mantha S, Karp R, Raghavan V, Terrin N, Bauer KA, Zwicker JI. Assessing the risk of venous thromboembolic events in women taking progestinonly contraception: a meta-analysis. BMJ 2012;345:e4944. 7. Alhenc-Gelas M, Plu-Bureau G, Guillonneau S, et al. 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Ã Diagnostic Pierre Frances, médecin généraliste, 66650 Banyuls-sur-Mer. Meriem Allali, interne en médecine générale, Montpellier. Johanna Thibaut, externe au CHU de Montpellier. Nadia van Moen, interne à Salamanque, Espagne. ONYCHOMYCOSE Le vieillissement de la population est un des facteurs contribuant à l’augmentation de l’incidence de cette pathologie. Premiers agents responsables : les dermatophytes (Trichophyton rubrum et Trichophyton mentagrophytes) [dans environ 90 % des cas]. Viennent ensuite le Candida albicans (surtout aux mains) et certaines moisissures environnementales. L’onychomycose due aux dermatophytes est 25 fois plus fréquente au niveau des orteils qu’au niveau des mains (elle touche surtout le 1er et le 2e orteil). Quatre formes cliniques sont décrites, selon le mode de pénétration du champignon dans l’appareil unguéal : sous-unguéale disto-latérale (cas de notre patient) ou proximale, superficielle leuconychique et candidosique. Le diagnostic est clinique. Pour déterminer la nature du pathogène, il est conseillé d’effectuer un prélèvement mycologique. Il faut d’abord nettoyer et brosser l’ongle, afin d’éliminer les moisissures éventuelles de l’environnement. Un échantillon est alors prélevé au niveau de la partie la plus proximale du lit infecté (pour la forme sous-unguéale). Dans ce cas, on découpe avec la pince à ongles la tablette décollée jusqu’au niveau de la jonction avec la zone saine et on gratte les débris friables. Après avulsion chimique ou mécanique, le traitement repose sur les antifongiques locaux : amorolfine, ciclopiroxolamine, ciclopirox (solution filmogène ou vernis), s’il s’agit d’onychomycose disto-latérale non matricielle. Dans les autres cas, les antifongiques généraux comme la terbinafine* sont préconisés (un prélèvement mycologique est obligatoire avant de débuter le traitement). l * Une surveillance hépatique est conseillée. Pour en savoir plus – Baran R, Dawber R, Tosti A, Haneke E. A text Atlas of Nail Disorders. London, New York: Martin Duniz; 1996. – Scher RK, Daniel CR. Onychologie. Diagnostic, traitement, chirurgie. Elsevier France; 2007. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE I TOME 27 I N° 907 I OCTOBRE 2013 647 Max, 41 ans, consulte pour des anomalies de ses ongles (des pieds et des mains) : depuis quelques semaines, il a observé un décollement de la tablette (figure). Suspectant une mycose, il souhaite recevoir un traitement adéquat. À l’interrogatoire, nous découvrons qu’il a été hospitalisé pour une pyélonéphrite il y a plus d’un mois. Ã Diagnostic Pierre Frances, médecin généraliste, 66650 Banyuls-sur-Mer. [email protected] Onychomadèse post-infectieuse L’onychomadèse se caractérise par un décollement spontané de la tablette unguéale à départ proximal qui peut, après un temps de latence variable, aboutir à la chute de l’ongle. Cette lésion sévère témoigne de la souffrance matricielle et de l’arrêt transitoire de la pousse unguéale. Le plus souvent, la tablette se détache du repli proximal par formation d’un sillon transverse sur toute la longueur. Plusieurs causes sont décrites : – si plusieurs ongles sont touchés (souvent chez l’enfant) : iatrogénie, maladie de Kawasaki, syndrome pied-main-bouche, infection sévère, rougeole, syndrome de Stevens-Johnson, acrodermatite entéropathique ; – si l’atteinte concerne 1 ou 2 ongles : périonyxis, traumatisme. Chez ce patient, l’onychomadèse est survenue à la suite de son infection. Il faut le rassurer : la vitesse de croissance des ongles de la main est de 0,1 mm/j (2 fois moins pour celle des pieds). La tablette unguéale mettra donc 2 mois pour arriver à l’extrémité distale du repli proximal, et 6 mois jusqu’au bord. Il doit s’armer de patience ! En effet, 9 mois après, ses ongles sont devenus tout à fait normaux. l Pour en savoir plus – Scher RK, Daniel CR. Onychologie. Diagnostic, traitement, chirurgie. Elsevier France ; 2007. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE I TOME 27 I N° 907 I OCTOBRE 2013 arrêt sur image Décollage immédiat ? !648!_MG907_JNMG-SES-PEIFFER 3/10/13 11:42 Page 648 SE S SIO N 648 Prise en charge de la dépendance tabagique Gérard Peiffer Centre de tabacologie, CHR de Mercy, 57085 Metz Cedex 3. [email protected] P remière cause de mortalité évitable en France, le tabagisme actif est considéré comme responsable de 73 000 décès prématurés chaque année dans notre pays. Considéré par le corps médical comme des malades chroniques, beaucoup de fumeurs et de fumeuses sont fortement dépendants et ont de grandes difficultés à s arrêter. En raison de sa place dans le système de santé, le médecin généraliste participe à la prise en charge de cette addiction souvent marquée, à composantes multiples psycho-comportementale et physique.1, 2 Encore trop d’idées reçues Je ne fume que 5 cigarettes par jour, c’est inoffensif pour ma santé C’est faux : il n y a pas de petit tabagisme. Concernant les risques de cancer, la durée du tabagisme est beaucoup plus péjorative que le nombre de cigarettes fumées par jour. Ce risque est déjà significativement plus élevé chez les petits fumeurs ‒ et notamment les fumeuses ‒ de 1 à 5 cigarettes par jour que chez les non-fumeurs. Le risque de décès par infarctus du myocarde du fumeur de 1 à 5 cigarettes est 2 à 3 fois plus important que celui du non-fumeur. Le tabac à rouler est moins toxique Faux : la fumée du tabac à rouler est en moyenne 2 à 4 fois plus nocive que celle des cigarettes industrielles. À poids égal, son rendement théorique en goudrons est 3 à 6 fois plus élevé que celui des cigarettes manufacturées. Je fume depuis trop longtemps, il est trop tard pour arrêter... Faux : il n est jamais trop tard pour arrêter. Cesser de fumer, même tardivement, même âgé, même malade, réduit immédiatement le risque d infarctus ou d accident vasculaire et diminue à long terme le risque de cancer (rechutes). C’est la nicotine qui est responsable des maladies, du cancer du poumon Faux : la nicotine est une substance peu toxique chez le fumeur et non cancérogène, d après les études actuelles. En revanche, elle induit une dépendance en multipliant les récepteurs nicotiniques et en entraînant la libération de davantage de dopamine dans les régions du cerveau participant au circuit de la récompense. Ce sont d autres polluants parmi les 50 substances de la fumée du tabac qui sont responsables des maladies (benzopyrènes, nitrosamines…), en particulier des cancers. Je suis enceinte, je ne peux pas utiliser de substituts nicotiniques Faux : c est la fumée de cigarette qui est dangereuse pendant la grossesse et en particulier l oxyde de carbone (CO) dont le taux est mesurable dans l air expiré par le CO-testeur. L idéal en cas de grossesse est le sevrage total sans substituts nicotiniques. Mais si la femme enceinte ne peut arrêter seule, elle peut les utiliser sur avis médical. Les patchs de nicotine sont dangereux pour la santé, en particulier pour le cœur Faux : il n y a pas de contre-indication à l utilisation des substituts nicotiniques même en cas de maladie cardiovasculaire (ils sont maintenant prescrits au bout de quelques jours après l infarctus du myocarde en unité de soins intensifs). Les rares désagréments des patchs sont sans commune mesure avec les dangers de la cigarette. Implication des médecins généralistes Ils sont idéalement placés pour contribuer à la lutte anti-tabac de diverses manières complémentaires, et notamment via le conseil minimal d aide à l arrêt du tabac. Il consiste à demander systématiquement à chaque patient s il est fumeur et s il a envisagé la possibilité de s arrêter de fumer. L évaluation a montré que poser deux questions : « Est-ce que vous fumez ? » puis « Voulez-vous arrêter de fumer ? », et offrir une brochure à ceux qui répondraient « oui » à la deuxième question doublait le taux de succès à long terme par rapport à un sevrage spontané dans un groupe témoin. Je ne fume que des cigarettes légères, c’est moins nocif Faux : même si les appellations « light » ou « ultra-légère » ne Le conseil minimal qui s’adresse à tous les patients est efficace. Les résultats des études randomisées et contrôlées en sont plus autorisées depuis plusieurs années, il ne faut pas se laisser abuser par les subterfuges marketing de l industrie cigarettière ! En fumant ces cigarettes dites allégées, le fumeur est amené à tirer plus profondément et plus longuement pour récupérer sa quantité de nicotine. Les cigarettes légères exposent à des risques particuliers (augmentation des adénocarcinomes, formes de cancer du poumon rares auparavant). médecine générale montrent 2 à 5 % d arrêt soutenu du tabac dans l année. La mission du MG est donc de repérer les fumeurs et de les aider à s arrêter avec, en particulier, les substituts nicotiniques qui sont faciles à prescrire, sans danger et dont le profil bénéfices/ risques est intéressant. Puis il assure le suivi à moyen et long terme pour conforter le sevrage, voire gérer les rechutes. En revanche, seuls les patients vraiment difficiles (dépendants, ou SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 3/10/13 11:43 Page 649 JOHNSON & JOHNSON Santé Beauté France ayant des comorbidités anxiodépressives sévères, ou une coconsommation d autres substances psycho-actives, ou après de multiples tentatives d arrêt infructueuses) ou demandeurs nécessitent un recours aux centres de tabacologie. Cependant, ce type de prise en charge est chronophage, ce qui peut représenter un frein pour ces professionnels déjà surchargés… Comment dans ce contexte renforcer leur motivation d autant que bon nombre doutent de leur pouvoir de conviction ? En effet, il y a quelques années, Arenes montrait que les médecins étaient encore sceptiques quant à l impact de leur action dans ce domaine.3 Seulement 5 % se sentaient très efficaces et 37 % assez efficaces. D un point de vue pratique, les généralistes savent prescrire les substituts nicotiniques : ils connaissent l importance des prescriptions ajustées au cas par cas, surtout dans les premiers 8 jours du sevrage, où les doses doivent souvent être adaptées. Cet argument devrait les inciter à davantage s investir dans la prise en charge de cette addiction.4 Aide au sevrage Le tabagisme est effectivement une conduite addictive. Dans l attente des nouvelles recommandations 2013-2014 de la HAS, on se réfère à celles émises en mai 2003, par l ex-Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).5 Elles précisent que l aide à l arrêt comprend 3 étapes : – l’évaluation de la motivation du patient ainsi que des dépendances physique (test de Fagerström) et psychocomportementale ; – la période de sevrage, qui peut durer plusieurs mois. Durant cette étape, on traite le syndrome de sevrage (dépendance à la nicotine), on recherche des troubles psychologiques associés et on tente de limiter la prise de poids éventuelle ; – prévention et traitement des éventuelles rechutes. Il arrive souvent que le patient se remette à fumer, cela ne doit pas être considéré comme un échec mais plutôt comme une étape vers le succès final. Traitements validés Thérapeutiques médicamenteuses L Ansm conseille les suivantes : – traitement nicotinique de substitution (gommes à mâcher, patchs, pastilles, inhaleur de nicotine). Les doses doivent être adaptées au degré de dépendance pour éviter un surdosage (rare) ou un sous-dosage (irritabilité, envie de fumer). Une nouvelle forme orale, le spray buccal de nicotine, vient d être commercialisée (il délivre la nicotine plus rapidement que les autres traitements substitutifs oraux, et ainsi calme plus vite l envie irrésistible de fumer) ;6 – le bupropion LP. Ce médicament agit sur le système nerveux central, mais son usage est limité par des effets secondaires (convulsions, insomnie…) ; – la varénicline (commercialisée après 2003). Elle est recommandée en deuxième intention, après échecs des substituts nicotiniques. Ses effets secondaires sont surtout psychiatriques ; le rapport bénéfices/risques reste cependant positif selon l Ansm et les agences européennes. Le suivi et l’accompagnement psychologique doivent être systématiquement associés. c Test 649 de Fagerström Évalue la dépendance du patient au tabac, avec 6 questions dont les plus importantes sont « Dans quel délai après le réveil fumez-vous votre première cigarette ? », « Combien de cigarettes fumez-vous par jour ? » Le score de dépendance obtenu permet ensuite de doser la substitution nicotinique et de mieux adapter le traitement. Psychothérapies comportementales et cognitives Suivant l importance de la dépendance et la difficulté du sujet à arrêter de fumer, celui-ci peut avoir recours à différents professionnels de santé ou encore à une aide médicalisée. La consultation d un tabacologue est réservée aux formes de dépendances les plus sévères. Les médecins généralistes ont un rôle majeur à jouer pour favoriser la démarche, prendre en charge les fumeurs et les accompagner au cours de leur sevrage ; ces engagements sont indispensables pour améliorer la santé de demain.7 l Références 1. Lagrue G. Arrêter de fumer ? Paris: Odile Jacob; 1998. 2. Hill C. Épidémiologie du tabagisme. Rev Prat 2012;62:325-9. 3. Arenes J, Guilbert P, Baudier F. Baromètre santé médecins généralistes 1998-1999. Paris : CFES ; 2000. 4. Franco L. Tabagisme : quel rôle pour le médecin généraliste ? In: Tabagisme. Prise en charge chez les étudiants. Expertise collective Inserm. Paris : Les éditions Inserm ; 2003. http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/ handle/10608/160/?sequence=18 5. Afssaps. Les stratégies thérapeutiques médicamenteuses et non médicamenteuses de l’arrêt du tabac. Recommandations. Mai 2003. http://www.splf.fr/s/IMG/pdf/tabreco.pdf 6. Hansson A, Hajek P, Perfekt , Kraiczi H. Effects of nicotine mouth spray on urges to smoke, a randomised clinical trial. BMJ Open 2012 Sep 26;2(5). doi:pii: e001618. 10.1136/bmjopen-2012-001618. 7. Stoebner-Delbarre A, Letourmy F, Sancho-Garnier H. Rôles et actions efficaces des médecins généralistes dans le sevrage tabagique. BEH 2005 (n° 21-22):103-5. Quel rôle pour le généraliste ? Il doit systématiquement : • interroger chaque patient sur son statut tabagique et lui proposer une aide ; • l’informer des méfaits du tabagisme actif et passif. Un patient averti participe plus activement à la thérapeutique ; • insister sur les bienfaits à court, moyen et long terme du sevrage tabagique. C’est un support important : le MG s’appuie sur ce mieux-être pour conforter l’abstinence. En outre, le patient est très sensible aux arguments cliniques apportés par le praticien qui le connaît bien ; • orienter les fumeurs fortement dépendants (ou ayant des comorbidités) vers un centre de tabacologie. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 G. Peiffer déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles (essais cliniques, activités de conseil, conférences) pour AstraZeneca, Boehringer-Ingelheim, GSK, McNeal SF, Novartis, Pfizer et avoir été pris en charge lors de congrès par Novartis, Teva, Mundipharma. !648!_MG907_JNMG-SES-PEIFFER !650!_MG907_JNMG-DEJ bey 650 3/10/13 15:34 Page 650 DÉ J E U N E R - D É B AT Peur des rayonnements ionisants ? Pierre Bey Institut Curie, Paris. L es rayonnements ionisants, par leur énergie, peuvent ioniser les atomes, c'est-à-dire arracher des électrons. Leur principale action biologique est une interaction directe ou indirecte avec l ADN, suivie soit de mort cellulaire (action recherchée en thérapeutique), soit de restitution ad integrum (réparation efficace), soit de réparation dite fautive (avec une mutation). Ils sont électromagnétiques de fréquence élevée (photons X et gamma), ou particulaires : électrons, positons, particules alpha, hadrons. Diverses sources de rayonnements Certaines sont naturelles : rayonnements cosmiques et radioactivité terrestre provenant des radioéléments (radionucléides émetteurs naturels de rayonnements ionisants) présents depuis la naissance de la Terre. À ces sources cosmiques et telluriques, d importance très variable avec la latitude, l altitude et la nature des sols, il faut ajouter l irradiation interne de chaque individu due surtout au potassium 40, à l alimentation, et celle due à l inhalation de radon 222, également variable. Artificielles, elles sont générées par l’homme depuis la découverte des rayons X en 1895 et de la radioactivité naturelle en 1896 puis artificielle en 1934. L usage des rayonnements ionisants est multiple. Il a transformé la pratique médicale : radiologie diagnostique et interventionnelle (74 millions d examens/an en France), médecine nucléaire diagnostique et thérapeutique (1 million d examens/an) et radiothérapie ([rt]180 000 malades irradiés/an). Ils sont aussi utilisés en biologie, pour la recherche scientifique et pour la production d électricité (58 réacteurs nucléaires couvrent 76 % des besoins en France), les contrôles de pièces métalliques, la stérilisation de matériaux et denrées alimentaires… Après les explosions d Hiroshima et de Nagasaki, l activité militaire a entraîné une contamination par les essais atmosphériques jusqu en 1980 (entre 1945 et 1980, plus de 500 essais ont été pratiqués, essentiellement dans l hémisphère Nord). Actuellement, une dizaine de pays disposent d armes nucléaires « dissuasives ». Certaines de ces activités produisent des déchets qui nécessitent un traitement spécial. Quelques repères Dose annuelle naturelle en France : 2,5 mSv Dose délivrée par un scanner : 5 à 10 mSv/examen Dose « frontière cancer » : > 100 mSv (adulte) Dose maximale admissible grand public : 1 mSv/an Dose maximale par personne exposée : 20 mSv/an Vol aérien Paris-Tokyo AR : 0,1 mSv 1 cigarette : entre 1 et 7 μSv (20 cig./j/an = 7 à 50 mSv/an !) Tableau. Doses moyennes reçues en France en mSv/an Irradiation naturelle Rayonnement cosmique Rayonnement terrestre Radon Rayonnement interne 0,3 0,5 1,4 0,3 Total 2,5 mSv (Clermont-Ferrand : 5 mSv) Irradiation artificielle Médecine Retombées essais nucléaires Centrales nucléaires Industrie (autre) 1,3 (scanner = 40 %) < 0,01 < 0,01 < 0,001 Expression de la dose La dose est déterminée avec une grande précision. Les dosimètres sont capables de la mesurer quelle que soit l origine du rayonnement ionisant, avec un seuil de l ordre du microsievert. On distingue : ‒ la dose absorbée : en gray (Gy), dose physique mesurable reçue par les tissus (fortes doses) ; ‒ la dose équivalente : en sievert (Sv) ; 1 Gy = 1 Sv ou 1 mGy =1 mSv ; ‒ la dose efficace : en millisievert (mSv), qui prend en compte rayonnement et tissu irradié ; ‒ l activité : en becquerel (Bq), unité d activité d une source radioactive. Effets biologiques des rayonnements Effets obligatoires. À partir d une dose seuil, des effets pathologiques directement liés aux lésions cellulaires radio-induites apparaissent, différents selon que l irradiation est totale ou partielle. On distingue les effets précoces perceptibles dès 1 Gy après irradiation corporelle totale aiguë avec possibilité de mort par aplasie médullaire entre 2 et 15 Gy, par troubles digestifs entre 10 à 20 Gy et par troubles neurologiques au-delà de 20 Gy. Après irradiation partielle fractionnée (en radiothérapie), les effets (temporaires) sont perceptibles sur les tissus à renouvellement rapide dès 20 Gy en 2 semaines avec fibrose, voire nécrose tardives selon la dose totale et les organes intéressés. Cas particulier : la grossesse. Dans les 8 premiers jours, c est la loi du tout ou rien (soit l implantation a lieu et l embryon se développera normalement, soit elle n a pas lieu). Avant 2 mois, risque de malformations à partir de 100 mSv à l embryon et entre 2 et 9 mois, risque de retard mental pour des doses au fœtus > 500 mSv. Effets aléatoires. Pas de transmission des mutations génétiques aux descendants des populations humaines irradiées. Le risque de cancer radio-induit peut-être tardif, jusqu à 50 ans. En pratique, ce risque, faible, n est démontré (survivants d Hiroshima et de Nagasaki, patients guéris après Rt) que pour des doses > 100 mSv (peut-être 50 mSv chez l enfant). l P. Bey déclare être vice-président du conseil scientifique Santé & Énergies d EDF et conseiller du président de l institut Curie. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 !650!_MG907_JNMG-DEJ bey 3/10/13 15:34 Page 651 Conseil Scientifique Santé & Énergies d EDF 651 Risques liés à l’exposition Service de cancérologie et de médecine nucléaire, Institut GustaveRoussy, Villejuif. Une dose mesurable donc maîtrisable La sensibilité de la thyroïde est particulièrement importante. Le risque de survenue de cancer après une exposition accidentelle ou artificielle dépend principalement de 2 facteurs : la dose délivrée (plus elle est élevée au-dessus de 100 mSv, plus le risque est important) et l âge au moment de l exposition : le risque est d autant plus grand que l exposition a eu lieu avant l âge de 20 ans, et surtout avant 10 ans ; il est plus important chez la fille que chez le garçon. Ces cancers radio-induits peuvent apparaître 15 à 25 ans après l exposition. Une irradiation de la thyroïde de 1 Gy chez le jeune enfant multiplie par 7,7 le risque de cancer de cet organe. Le risque de survenue des cancers après exposition aux rayonnements ionisants chez l adulte est faible et il n est pas démontré pour des doses inférieures à 100 mSv. La dose délivrée lors d un PET-Scan peut atteindre 15 mSv, celle reçue lors d une mammographie est de 2 mSv et une radiographie thoracique délivre 0,02 mSv. L irradiation des patients est donc peu importante dans des conditions normales d examen et le risque induit n est pas démontré. Du fait de la possible multiplication de ces examens et donc des doses, il faut toujours s interroger sur la justification de la prescription (notion de bénéfice/risques), optimiser les procédures et limiter doses et exposition en respectant le principe ALARA (As Low As Reasonably Achievable). Par ailleurs, la dose délivrée par tout examen irradiant est traçable, car elle doit figurer (ou au moins un index de dose) dans le compte-rendu. ment d un cancer, ou encore une contamination interne par les iodes radioactifs, en particulier comme à Tchernobyl. En effet, plus de 7 000 cas de cancer de la thyroïde sont survenus chez des sujets qui étaient jeunes en 1986 lors de cet accident et qui vivaient en Biélorussie, Ukraine et Russie, mais aucun effet sanitaire ne lui est attribuable en France. Si un examen est pratiqué de manière accidentelle chez une femme enceinte, la patiente peut être adressée à un pro- En cas d’accident nucléaire, la protection des enfants doit donc être prioritaire : restriction alimentaire, confinement ou fessionnel compétent en radioprotection. Aucun ne délivre plus de 15 mSv à l utérus et il n y a pas de mesure spécifique à envisager pour une dose d irradiation inférieure à 100 mSv. évacuation et prise d une grande quantité d iode stable pour éviter la concentration de l iode radioactif dans la thyroïde. Cette prophylaxie par l iodure de potassium est d autant plus efficace qu elle est précoce en cas d accident, et c est la raison pour laquelle des comprimés ont été prédistribués aux populations habitant à proximité des centrales nucléaires en France. Un risque accru chez l’enfant PHANIE La thyroïde, particulièrement radiosensible chez l’enfant L’enfant est plus sensible aux rayonnements parce qu il est en pleine croissance et parce que son espérance de vie est plus importante que celle de l adulte. L âge à l exposition est un facteur majeur de radiosensibilité. Les risques de second cancer provoqués par la radiothérapie, faibles chez l adulte, peuvent être significatifs quand l irradiation a lieu pendant l enfance, notamment s ils sont favorisés par des facteurs génétiques prédisposant au cancer en général. Une étude épidémiologique récente a montré un triplement du risque relatif de leucémies et de cancers du cerveau après plusieurs scanners délivrant des doses cumulées de 50 à 60 mGy.1 Dans une autre cohorte, on note une augmentation du risque de cancers et de leucémies après scanners du corps entier. 2 Si l augmentation du risque absolu est faible, ces constats doivent conduire à limiter au minimum la pratique du scanner chez l enfant et surtout sa répétition, en lui substituant, lorsqu une imagerie est nécessaire, une IRM ou une échographie. Si un scanner est effectué, il doit délivrer la dose d irradiation minimale qui permet d obtenir les informations souhaitées. La source des rayonnements peut être une irradiation externe (Hiroshima et Nagasaki), une radiothérapie pour traite- Radioprotection des personnels exposés : une réglementation stricte L exposition des professionnels médicaux travaillant sous rayonnements (services de médecine nucléaire, de radiologie ou de radiothérapie) est très suivie et encadrée : le personnel est équipé de dosimètre à la poitrine, qui assurent une mesure en temps réel de l exposition. Le contrôle dosimétrique du personnel est assuré par la personne compétente en radioprotection, et la surveillance dosimétrique des patients ainsi que celle des appareils est du ressort des physiciens médicaux. Dans les centrales nucléaires, l exposition des travailleurs est également très contrôlée. Ces mesures et une prise de conscience de tous permettent de diminuer la dose reçue par les professionnels et de la maintenir à des niveaux très inférieurs aux limites de doses réglementaires au corps entier (< 20 mSv/an pour les professionnels). l Références 1. Pearce MS, et al. Radiation exposure from CT scans in childhood and subsequent risk of leukaemia and brain tumours: a retrospective cohort study. Lancet 2012;380:499-505. 2. Mathews JD, et al. Cancer risk in 680,000 people exposed to computed tomography scans in childhood or adolescence: data linkage study of 11 million Australians. BMJ 2013 May 21;346:f2360. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 M. Schlumberger déclare avoir des liens durables ou permanents avec l entreprise EDF comme conseiller scientifique. Martin Schlumberger !652!_MG907_JNMG-SES-martin-serog 652 3/10/13 11:44 Page 652 S E SS IO N Prise alimentaire et portions De nouvelles stratégies pour aider les patients à gérer leur poids. La gestion du poids est une préoccupation forte de nombreux patients. La qualité nutritionnelle des aliments est certes essentielle pour assurer l’équilibre alimentaire et le maintien d’un poids stable, mais les comportements alimentaires sont tout aussi importants, et notamment les déterminants des quantités ingérées, c’est-à-dire la taille des portions. Comment aider les patients à mieux manger ? Nathalie Martin Nestlé Research Center, Lausanne. Perception du rassasiement et des portions Les prises alimentaires sont gérées par les sensations de faim, de rassasiement et de satiété. Le rassasiement est la sensation de plénitude qui incite à arrêter de manger, tandis que la satiété décrit l état de non-faim qui retarde le moment de prise du repas suivant. Comprendre les facteurs qui conditionnent le rassasiement et la quantité de nourriture ingérée est essentiel pour mieux gérer le poids des patients. Taille de la portion et rassasiement attendu Généralement, une personne décide quelle quantité d aliments consommer avant de commencer un repas et elle termine son assiette dans 91 % des cas.1 Ainsi elle va choisir sa portion grâce à l expérience qu elle a acquise quant au rassasiement procuré par tel ou tel aliment. Des travaux de recherche ont eu pour objectif de mieux comprendre les facteurs qui influencent la sélection d une portion.2, 3 Trois critères ont été étudiés : rassasiement attendu, teneur énergétique et appréciation du plat. Il apparaît que le rassasiement attendu est le critère le plus déterminant de la taille d’une portion et donc de la quantité d énergie consommée : les plats identifiés comme les plus rassasiants sont choisis en plus petite portion. En revanche, le fait d aimer un plat n induit pas nécessairement le choix d une portion plus importante. Facteurs alimentaires impliqués C.G. Forde et ses collaborateurs ont étudié la façon dont 15 volontaires consommaient une portion de 50 g de différents aliments courants.3 Il ressort que le temps d exposition en bouche augmente avec le nombre de bouchées et diminue avec la vitesse de la prise alimentaire. De manière intéressante, les aliments consommés en petites bouchées conduisent à un temps en bouche globalement plus long. La texture de l aliment (fermeté, besoin de mâcher) conditionne davantage la façon dont l aliment est mangé que sa saveur (salée). Plus un aliment est mou, moins il est mâché, et plus vite il est avalé. Son temps d exposition en bouche est réduit et la vitesse de prise alimentaire est élevée. Enfin, plus le rassasiement attendu est élevé, plus le repas est mangé lentement. Postulant que le temps d exposition en bouche favorise la stimulation sensorielle et donc les signaux envoyés au cerveau induisant le rassasiement, on peut se demander s il serait possible d agir sur ces paramètres pour induire un rassasiement plus rapide et réduire ainsi la quantité de nourriture ingérée,2 facteurs qui conditionnent directement la consommation calorique. La même équipe de chercheurs a proposé à 160 consommateurs 4 variantes d un même plat (viande, pommes de terre, carottes et sauce) en quantités identiques et de même valeur calorique, dont les propriétés oro-sensorielles différaient : plat « mou » (en purée ou haché) à saveur intense ; plat « solide » (aliments entiers ou en gros morceaux) à saveur intense ; plat « mou » à saveur standard ; plat « solide » à saveur standard. Le plat est consommé ad libitum. Les aliments fermes, nécessitant d’être plus longuement mâchés, semblent favoriser le rassasiement et diminuer la prise alimentaire et l apport énergétique sans compensation au repas suivant. l Références 1. Fay SH, Ferriday D, Hilton EC, Shakesheft NG, Rogers PJ, Brunstrom JM. What determines real-world meal size? Evidence for pre-meal planning. Appetite 2011;56:284-9. 2. Forde CG, Thaler T, Brunstrom J, Martin N. Application of expected satiety tool to better understand everyday portion size selection. Istanbul: European Congress on Obesity; 2011. 3. Forde CG, van Kuijk N, Thaler T, de Graaf C, Martin N. Texture and savoury taste influences on food intake in a realistic hot lunch time meal. Appetite 2013;60:180-6. N. Martin déclare avoir des liens durables ou permanents avec NESTEC SA. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 !652!_MG907_JNMG-SES-martin-serog 3/10/13 11:44 Page 653 NES TLÉ Patrick Serog A Nutritionniste, Paris. 653 B Conseils pratiques et mesures simples Faire comprendre la notion de portions et jouer sur les facteurs qui la déterminent peut aider les patients à mieux contrôler leurs prises alimentaires et gérer leur poids tout en respectant les goûts de chacun. Adapter la portion aux besoins de chacun Les besoins nutritionnels varient en fonction de l âge, du sexe, de l activité physique. Par exemple, les besoins énergétiques d un enfant de 3 à 5 ans sont en moyenne de 1 250 kcal/j, tandis que ceux d un homme adulte s élèvent à 2 600 kcal/j. Les quantités dans l assiette doivent donc être adaptées : un steak de 40 g suffit à un enfant de 4 ans, alors qu un homme pourra manger une portion de 100 g. Optimiser la variété du repas La simplification des repas qui se résume bien souvent à deux, voire une composante, alors qu il en comportait quatre autrefois,1 a été associée à une augmentation de la taille des portions, notamment celle des aliments à forte densité énergétique. Réduire la taille des portions permet d introduire des aliments à plus faible densité énergétique et plus forte densité nutritionnelle (figure). Il en résulte alors une amélioration de la diversité alimentaire et un accroissement de la densité nutritionnelle (plus de vitamines et minéraux). Augmenter le volume du repas Le volume du repas joue un rôle plus important que sa valeur énergétique dans les sensations de rassasiement et de satiété.2 Or, pour un même apport calorique, les aliments à forte densité nutritionnelle sont plus volumineux, car plus riches en eau, que ceux à forte densité énergétique. Par exemple, 100 kcal seront apportés par 2 assiettes de haricots verts (400 g) et par seulement 30 g de frites. Privilégier les aliments peu caloriques favorisera ainsi l augmentation du volume du repas. Diminuer la taille des assiettes On assiste par ailleurs à une perte des repères concernant la taille des portions, notamment du fait de l augmentation de la taille de la vaisselle. Le diamètre moyen des assiettes est passé de 18 cm en 1960 à 24 cm aujourd hui. Dans le même temps, la contenance des verres s est accrue de 12 cl à 18 cl. Or, on a tendance à se servir des parts plus importantes dans une grande assiette que dans une petite.3-5 Jouer sur la taille de la vaisselle est ainsi un moyen de réduire la portion servie. Prendre le temps de manger Les travaux présentés précédemment ont montré que le temps d exposition de l aliment en bouche était corrélé au rassasiement. Il importe donc de manger lentement en prenant de petites bouchées et en faisant des pauses. Se mettre à table, respecter le rythme d un repas, en marquant un temps d arrêt entre chaque plat ‒ d où un intérêt supplémentaire des repas comportant entrée, plat, dessert servis en petites portions6 ‒ 1 seul plat principal avec de grosses portions (840 g) = 690 kcal Un repas à 3 composantes de plus petites tailles (1 060 g) de la taille des portions à forte densité énergétique du nombre de composantes de la diversité pour le plateau B de la densité nutritionnelle du volume du repas Figure ‒ Augmenter le nombre de composantes d un repas pour plus de diversité. sont des mesures faciles à mettre en œuvre. De même, le choix d aliments solides nécessitant d être mâchés (steak plutôt que steak haché, pomme entière plutôt qu en compote, etc.) doit être conseillé, car il favorise le rassasiement et réduit la consommation énergétique. En conclusion La taille des portions est un élément clé pour assurer la diversité et la densité nutritionnelle de l alimentation. Les derniers travaux de recherche sur les facteurs conduisant au rassasiement offrent un éclairage nouveau sur la gestion des prises alimentaires et le contrôle du poids. S appuyant sur ces notions, le médecin généraliste peut donner des conseils simples aux patients pour qu ils se prennent eux-mêmes en charge afin d améliorer leur comportement alimentaire tout en conservant le plaisir de manger, sans avoir l impression d être soumis à un régime. l Références 1. CREDOC. Comportements et consommations alimentaires en France. 2012. 2. Etiévant P, Bellisle F, Dallongeville J, et al. Les comportements alimentaires. Quels en sont les déterminants ? Quelles actions, pour quels effets? Synthèse de l’expertise scientifique collective réalisée par l’INRA à la demande du ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche. Juin 2010. http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/esco-inra-comportementssynthese.pdf 3. Wansink B, van Ittersum K, Painter JE. Ice cream illusions bowls, spoons, and self-served portion sizes. Am J Prev Med 2006;31:240-3. 4. Chandon P, Ordabayeva N. Downsize in 3D, Supersize in 1D: Effects of the Dimensionality of Package and Portion Size Changes on Size Estimations, Consumption, and Quantity Discount Expectations. INSEAD Working Paper No. 2008/46/MKT. http://ssrn.com/abstract=1162151 5. DiSantis KI, Birch LL, Davey A, et al. Plate size and children’s appetite: effects of larger dishware on self-served portions and intake. Pediatrics 2013;131:e1451-8. 6. Nutripratique. Densité nutritionnelle, densité énergétique, deux notions essentielles pour aider les patients à équilibrer leur alimentation. Septembre 2011. http://www.i-dietetique.com/pdf/NESTLE_densite_nutritionnelle_energetique.pdf P. Serog déclare avoir des liens (participation financière au capital, liens durables ou permanents, interventions ponctuelles) avec Nestlé, Lesieur, Jenny Craig et avoir été pris en charge lors de congrès par Nestlé et Lesieur. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 !654!_MG907_JNMG_DEJ_moneret 654 3/10/13 15:35 Page 654 DÉ J E U N E R - D É B AT Allergie aux protéines de lait de vache Une allergie de l’enfant qui guérit dans la plupart des cas. D’après la communication de Anne Moneret-Vautrin Réseau d’allergo-vigilance, 54500 Vandœuvre-lès-Nancy ; service d’allergologie, centre hospitalier Émile-Durkheim, 88000 Épinal. A. Moneret-Vautrin déclare n avoir aucun lien d intérêts. E lle apparaît dans 30 % des cas avant l âge de 1 mois (90 % des cas avant 3 mois). Sa prévalence est stable : entre 1 % et 3 % des nourrissons. Le mécanisme est soit IgE médié, soit une hypersensibilité retardée. Il peut être mixte, en particulier dans les formes gastro-intestinales hautes.1, 2 Les allergènes les plus fréquents sont les caséines, la bêta-lactoglobuline, l alpha-lactalbumine, la sérum-albumine bovine, la lactoferrine (polysensibilisation fréquente). Le risque de sensibilisation est accru si la mère atopique subit une césarienne, ou si la femme a plus de 35 ans. Inversement, il est minoré par un bas niveau socio-économique, une fratrie multiple, ou le tabac chez la femme enceinte. Le tableau clinique le plus courant est la dermatite atopique. Formes digestives habituelles : vomissements, diarrhée, reflux gastro-œsophagien. Attention aux pleurs du nourrisson surtout après le biberon, dits coliques du nourrisson, ainsi qu au retard de croissance pondérale. Tableaux moins courants : œsophagite à éosinophiles, gastroentérite à éosinophiles, entérocolite allergique, constipation opiniâtre et fistules anales. Les formes graves sont l entéropathie aux protéines alimentaires (vomissements, diarrhée s accompagnant d hypotension, de léthargie et de déshydratation avec acidose), l entéropathie exsudative, les atteintes hémorragiques et nécrosantes de la muqueuse intestinale, la proctite. Tableaux extradigestifs : angiœdème (larynx et autres localisations), urticaire, choc anaphylactique, asthme. Survenant rapidement après l ingestion de lait de vache (LV), ils traduisent une allergie immédiate, IgE-dépendante. L anaphylaxie sévère est relativement rare si bien que les protocoles d accueil individualisés en milieu scolaire, établis pour allergie alimentaire à risque particulier, ne situent le lait de vache qu en 6e place, représentant 10 fois moins de cas que l arachide. Le diagnostic de sensibilisation peut être fait dès le premier mois de vie par tests cutanés : prick tests et patch test d atopie, et/ou par recherche d IgE spécifiques. La disparition des symptômes après éviction chez le jeune nourrisson, le test d introduction réalisé à l hôpital (si le nourrisson a entamé la diversification alimentaire ou s il s agit d un adulte) le confirment. Traitement : régime d éviction des PLV chez le nourrisson et chez la mère allaitante, qu on supplémente en calcium et vitamine D. La substitution est réalisable avec un hydrolysat poussé de caséine (Pregestimil, Nutramigen, Nutribén APLV, Novalac Allernova…), ou un hydrolysat de riz complété par 3 acides aminés essentiels comme Modilac Expert Riz. Pour les formes sévères, on peut recourir d emblée aux acides aminés (Neocate, Nutramigen AA), ou en seconde ligne si le nourrisson réagit à l hydrolysat de caséine. Les laits de chamelle, ânesse ou jument sont utilisables. L enfant peut manger des aliments garantis sans (Valpiform, Natâma, margarines Vitaquel et Saint-Hubert sans PLV, etc.). À proscrire : chocolat, barres nutritionnelles, beurre. À éviter : les hydrolysats partiels de PLV. Les laits de chèvre, brebis et bufflonne sont formellement déconseillés (risque élevé de réactions croisées). Pas de « laits » de soja avant 3 ans car ils sont riches en phyto-estrogènes et augmentent drastiquement le risque de sensibilisation à l arachide. Les jus végétaux, abusivement appelés « laits » de riz, châtaigne… sont à proscrire car inducteurs de carences nutritionnelles. Chez l enfant plus grand, au régime alimentaire diversifié, l apport de ces substituts nécessite l adjonction de calcium et de vitamine D. Une aide est disponible sur www.cicbaa.org. La durée de l’éviction des protéines de lait est la question délicate. L éviction n empêche pas l augmentation de la sensibilisation avec l âge et le risque de réactions plus sévères qu initialement lors d un contact fortuit avec les PLV. Elle ne favorise pas l installation d une tolérance. Dans certains cas, une réaction allergique provoquée par une ingestion accidentelle établit que l allergie est persistante. Dans d autres, à l inverse, c est l innocuité d une telle prise qui amène la mère à réintroduire le lait. En l absence de ces indices, seul un bilan annuel avec un test de provocation orale aide à la décision de maintien du régime, ou de reprise progressive des produits lactés. C est pourquoi, dans les cas sérieux IgE-dépendants, et sur prescription spécialisée, on tente une réintroduction par des protocoles à doses progressives. 3 Globalement, une cohorte française indique 75 % de guérison naturelle au bout de 3 ans, 91 % à l âge de 8 ans.4 l Références 1. Fiocchi A, Brozek J, Schünemann H, et al. World Allergy Organization Diagnosis and Rationale for Action against Cow’s Milk Allergy Guidelines. Pediatr Allergy Immunol 2011;21 Suppl 21:1-125. 2. Moneret-Vautrin DA, Kanny G, Morisset M. Les allergies alimentaires de l’enfant et de l’adulte. Paris: Masson; 2006. 3. Picaud J, Beaudouin E, Moneret-Vautrin DA. Allergie sévère aux protéines de lait de vache : intérêt d’une immunothérapie sublinguale complétée par la voie orale. À propos d’un cas. Rev Fr Allergol 2012;52:496-9. 4. Baret M, Venaille A, Thomassin N, Chouraqui JP. Acquisition de la tolérance chez les enfants allergiques aux protéines du lait de vache. Arch Pediatr 2013;20:556. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 !654!_MG907_JNMG_DEJ_moneret 3/10/13 15:35 Page 655 CERI N 655 Intolérance au lactose en 2013 Le diagnostic de cette affection est difficile et sa prise en charge mal codifiée. Service de gastroentérologie et CRNH IdF, hôpital Avicenne, 93000 Bobigny. [email protected] L’ hypolactasie correspond à une dérégulation de la synthèse et/ou de l activité enzymatique de la lactase, présente à la surface des villosités jéjunales. Cette déficience peut être congénitale, apparaissant dès la naissance, ou primaire, acquise lorsqu elle se développe avec l âge.1 Elle peut également être secondaire, au cours d une pathologie intestinale avec atteinte villositaire. La malabsorption, ou maldigestion, correspond à la mauvaise dégradation jéjunale du lactose qui arrive alors intact au niveau du côlon où il est fermenté. L intolérance correspond à l expression des symptômes à l échelle de l individu.2 Ces trois termes ne sont donc pas équivalents mais inclusifs. Ainsi, un intolérant au lactose sera nécessairement hypolactasique et malabsorbeur ; alors qu un individu hypolactasique ne fera pas forcément de malabsorption ou d intolérance. Le lactose est présent dans le lait, les yaourts, la crème fraîche, la glace, mais aussi dans les produits manufacturés (charcuterie, viennoiseries/pâtisseries industrielles, pâtes à tarte/pizza, céréales pour petit déjeuner, soupes instantanées…), ainsi que dans l enrobage de certains médicaments. On estime que l hypolactasie touche environ 75 % de la population mondiale adulte. Elle est observée chez 20 % des Européens du Nord, 40 % des Européens méditerranéens, 70 % des Africains et 90 % des Asiatiques ;1 10 à 30 % des Français seraient concernés. Chez un sujet « normal », le lactose est hydrolysé au niveau du jéjunum en glucose et galactose, ensuite absorbés au niveau de l iléon. Chez un malabsorbeur, il parvient intact au côlon proximal où il se comporte alors comme une fibre fermentescible. La fermentation colique produit des sucres réducteurs (lactitol et galactitol), des métabolites intermédiaires et des produits terminaux de dégradation (acides gras à chaînes courtes, gaz). D où augmentation de charge osmotique, afflux d eau et distension intestinale. Les symptômes de l’intolérance sont non spécifiques : douleur abdominale, distension intestinale et flatulence quasi constantes, nausées et vomissements ou diarrhée dans 30 à 80 %. Ils apparaissent 30 minutes à 2 heures après l ingestion de lactose. Leur intensité varie selon la quantité ingérée. Pour le diagnostic de malabsorption, le test à l hydrogène (le plus utilisé) repose sur la quantification d hydrogène contenu dans l air expiré. Si cette quantité est 암 20 ppm sur les 3 heures suivant l ingestion de 25 à 50 g de lactose, la malabsorption est diagnostiquée.3 Des sensibilités et spécificités rapportées pour ce test varient respectivement de 80 à 100 % et de 70 à 100 %.3 Des faux positifs sont liés à la pullulation microbienne, affectant 5 % de la population. Des faux négatifs sont causés par la méthano-excrétion survenant chez 30 à 50 % de la population générale dont la flore intestinale transforme l hydrogène en méthane. Depuis 2008, il est suggéré de coupler le dosage de l hydrogène à celui du méthane. L’évaluation des symptômes, déclenchés après l ingestion de 25 g de lactose, peut aussi être faite via un questionnaire validé.4 Un score moyen (obtenu à partir de 5 items : diarrhées, nausées, borborygmes, douleurs, flatulences) 암 7,5 sur 10 témoignerait d une intolérance au lactose. La principale solution en routine est l exclusion des produits contenant du lactose et leur substitution par des denrées alimentaires naturellement pauvres (p. ex. lait de chamelle, jus végétaux) ou traités pour le devenir. De nombreux produits « sans lactose » ou « à teneur réduite en lactose » sont apparus sur le marché… Les compléments alimentaires enrichis en activité lactasique utilisés dans les pays anglo-saxons le sont peu en France. D autres stratégies améliorant la digestion du lactose sont en cours de développement via une supplémentation en prébiotiques et/ou probiotiques. l Références 1. Sahi T. Genetics and epidemiology of adult-type hypolactasia. Scand J Gastro enterol Suppl 1994;202:7-20. 2. Harrington LK, Mayberry JF. A re-appraisal of lactose intolerance. Int J Clin Pract 2008;62:1541-6. 3. Rosado JL, Solomons NW. Sensitivity and specificity of the hydrogen breath-analysis test for detecting malabsorption of physiological doses of lactose. Clin Chem 1983;29:545-8. 4. Casellas F, Varela E, Aparici A, Casaus M, Rodriguez P. Development, validation, and applicability of a symptoms questionnaire for lactose malabsorption screening. Dig Dis Sci 2009;54:1059-65. Seuil de tolérance au lactose selon l’EFSA* La tolérance au lactose est très variable d’un hypolactasique à l’autre. Cependant, la plupart des hypolactasiques tolèrent 12 g de lactose (soit ¼ de litre de lait) en une seule prise.1 À noter que la consommation de yaourt riche en probiotiques améliore la digestion du lactose chez les malabsorbeurs, allégation validée par l’EFSA.2 Et que les fromages affinés sont parfaitement tolérés puisqu’ils ne contiennent pas de lactose. 1. EFSA Journal 2010;8(9):1771. 2. EFSA Journal 2010;8(10):1763. * Agence européenne de sécurité des aliments. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 R. Benamouzig déclare n avoir aucun lien d intérêts. Robert Benamouzig !656!_MG907_JNMG_DEJ_chabanois 656 3/10/13 15:49 Page 2 DÉJEUNER-DÉBAT Weight Watchers : accompagner et motiver Muriel Chabanois Directrice recherche et développement Programme Weight Watchers. D epuis sa création en 1963, Weight Watchers, seule méthode d amaigrissement qui s appuie sur plus de 80 études, a aidé des millions de personnes à maigrir durablement. En 2013, 140 000 Français la suivent chaque semaine. Une approche globale et pragmatique La plupart des personnes en surpoids savent en théorie ce que signifie manger sainement et équilibré : moins de gras, de sucre, de sel, de plats déjà prêts, plus d aliments simples et complets, de fruits et de légumes. Ils sont plus rares à pouvoir simplement mettre les principes en pratique au quotidien et ce, pour de multiples raisons : éducation, habitudes, style de vie, environnement social ou familial, etc. Weight Watchers aide ces personnes à modifier progressivement leurs comportements pour une perte de poids dura- M. Chabanois déclare avoir des liens durables et permanents avec Weight Watchers. ble. C est là que s exprime le mieux son expertise : en relais de la recommandation médicale : informer, conseiller, motiver les patients en surpoids pour qu ils puissent franchir chaque étape et atteindre l objectif fixé avec le médecin. ProPoints : (ré)apprendre à manger C est un système qui permet d apprendre, de façon ludique, la valeur calorique des aliments et ainsi faire les bons choix en privilégiant ceux sains et rassasiants. L unité ProPoints prend en compte les 4 nutriments majeurs ‒ protéines, glucides, lipides et fibres ‒ et l énergie restant disponible pour le corps après la digestion. Chaque aliment est ainsi converti en unités ProPoints pour une portion donnée. Chaque personne dispose d’un budget ProPoints personnalisé composé d un capital journalier (calculé en fonction de l âge, du poids, de la taille et du sexe) pour consommer les aliments de son choix et d une « Réserve Hebdo » de 49 unités pour gérer les imprévus, se faire plaisir sans compromettre son amaigrissement. En parallèle, l accent est mis sur le respect de l équilibre alimentaire : consommer chaque jour au minimum 200 g de fruits et 300 g de légumes, 2 à 3 laitages, 2 à 3 portions de matière grasse végétale, boire 1,5 à 2 litres de liquide (dont 1 litre d eau) et pratiquer 30 minutes d exercice. L’activité physique préconisée est pragmatique. L objectif est de lutter contre la sédentarité en motivant les personnes en surpoids à reprendre progressivement et à leur convenance marche, vélo, etc., plutôt que d engager des frais couteux pour des sports à la mode. Un programme flexible ProPoints s'adapte à tous les styles de vies et à toutes les personnalités. Il permet en effet de décider chaque jour de compter ou non, avec la journée sans compter. Dans tous les cas, le focus est toujours fait sur les aliments rassasiants et sain, l'équilibre alimentaire et le plaisir de manger. Des outils disponibles à chaque instant Chacun peut choisir la solution qui lui convient : en réunion, uniquement sur Internet, ou les deux, en entretien individuel, en entreprise ou par correspondance. De plus, un ensemble d outils pratiques, accessibles à tout moment en ligne, sur smartphone via l application, etc., a été développé autour du programme alimentaire pour éclairer les choix de chacun : guides de courses, de sorties, base de données alimentaires (15 000 références), livres de recettes. Accessible financièrement Au-delà du prix de l abonnement, le suivi du programme n entraîne aucun coût supplémentaire, car il permet de continuer à manger des aliments choisis et achetés selon ses goûts, ses moyens, dans ses commerces habituels. Il n y a ni aliment interdit ni aliment imposé. Nul besoin d acheter des plats cuisinés ou des compléments alimentaires. Le « fait maison » est privilégié pour maîtriser les apports. Enfin, la personne en surpoids n est pas isolée dans sa démarche. Elle peut cuisiner pour toute la famille grâce à des conseils simples pour compléter les repas de son conjoint ou de ses enfants. Le Pass Lib combine la fréquentation libre des réunions et un accès illimité aux outils digitaux pour 39,90 € par mois. Weight Watchers Online, qui permet de suivre totalement le programme sur Internet ou sur l application Weight Watchers Mobile pour iPhone, iPad, iPod touch et Android, est à 16,50 € par mois. l Partenaire des professionnels de santé Weight Watchers propose un accompagnement de proximité : 700 animatrices mènent 1 800 réunions chaque semaine dans 900 centres situés sur tout le territoire national. Les horaires couvrent toute la semaine, incluant les soirées, mais aussi les week ends pour répondre aux besoins de chacun. Son savoir-faire logistique permet d’ouvrir rapidement de nouveaux centres de réunion, sur demande, dans n’importe quel endroit approprié. Pour trouver le plus proche de votre cabinet : http://www.weightwatchers.fr/util/mtf/index.aspx ou [email protected] SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 !656!_MG907_JNMG_DEJ_chabanois 3/10/13 15:49 Page 3 WEIGHT WATCHERS Comment gérer la demande du patient modification durable des habitudes de vie, basée sur une alimentation variée, équilibrée et avec un apport calorique correspondant aux besoins, est un facteur déterminant de la stabilité du poids. Jean–Michel Borys Médecin endocrinologue et diabétologue, Paris. L a prévalence de l obésité et du surpoids continue à augmenter régulièrement dans notre pays. Cette épidémie concerne toute la population et plus particulièrement les personnes les plus défavorisées. Les conséquences médicales en sont multiples : hausse de la prévalence du diabète de type 2 chez des sujets de plus en plus jeunes, maladies cardiovasculaires, cancers, mais aussi complications psychologiques, mécaniques, dermatologiques... Nous sommes de plus en plus confrontés à ce problème, soit parce que la perte de poids est nécessaire (arthrose, cardiopathie, diabète...), soit parce qu il existe une demande forte, médicalement justifiée ou non et le plus souvent féminine. Une prise en charge complexe Nous nous sentons parfois isolés et désarmés face à ces demandes car rien de plus difficile que de modifier le mode de vie, les habitudes et normes sociales. L approche devrait combiner conseils diététiques, activité physique, abord psychologique en tenant compte du contexte culturel et économique du sujet, ce qui n est pas aisé à réaliser seul en peu de temps au cabinet médical. Pour être efficaces, nous devrions revoir très régulièrement nos patients, au moins toutes les deux semaines, afin de renforcer leur motivation, élément clé du succès. Nous prescrivons couramment des soins paramédicaux auprès d infirmiers, kinésithérapeutes ou podologues … Pourquoi n en serait-il pas de même pour la prise en charge de l excès de poids ? L un des facteurs limitant est le manque de professionnels et de structures adaptées, leur éloignement géographique, des délais d attente souvent longs et parfois le coût. Face à ces besoins, Weight Watchers a développé une expertise reconnue et validée par des études cas-témoins, selon les meilleurs standards. C est pourquoi il me semble légitime et précieux de pouvoir faire appel dans notre pratique quotidienne aux compétences de Weight Watchers, présent sur tout le territoire, pour un soutien nutritionnel mais aussi motivationnel des patients grâce à une fréquence rapprochée des séances, aidée au besoin par un coaching en ligne. Cette approche s adapte aux habitudes régionales ou locales, aux goûts et moyens de chacun et préserve la durabilité des conseils pratiques et concrets adaptés à toute la famille. Cela correspond parfaitement aux recommandations de l Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l alimentation, de l environnement et du travail), pour laquelle une Une méthode validée Dans une étude publiée dans le Lancet (2011), Weight Watchers a été utilisé comme un auxiliaire paramédical par des médecins généralistes pour la prise en charge du surpoids. Les participants suivant la méthode ont perdu en moyenne, sur une période de 12 mois, 2 fois plus de poids que ceux du groupe sous traitements ou conseils standard. Ils étaient 3 fois plus nombreux à perdre 10 % ou plus de leur poids initial, critère de jugement majeur. Par ailleurs, 61 % des patients du groupe Weight Watchers ont terminé l étude en ayant perdu au moins 5 % de leur poids versus 32 % de ceux du groupe suivant le traitement standard (consultation individuelle avec un professionnel de santé). Ces derniers ont déclaré avoir eu un seul rendez-vous par mois contre trois pour ceux du programme Weight Watchers. Cela suggère l intérêt en termes de motivation de réunions hebdomadaires, facilement accessibles. Cela renforce également l importance du soutien du groupe dans les changements de comportement à long terme et la perte de poids durable. Il semble que le partenariat entre les professionnels de santé et Weight Watchers soit très puissant et qu il fonctionne bien pour les patients avec un coût plus modéré que celui des médicaments (non remboursés). La notion de dynamique de groupe et l’importance de la fréquence de suivi sont retrouvées dans d autres études, avec à chaque fois une perte de poids plus importante et plus durable pour les groupes bénéficiant du programme Weight Watchers par rapport aux comparateurs habituels. Dans une étude non publiée présentée au Congrès européen sur l obésité, les participants ont perdu en moyenne, après 12 semaines, 5 fois plus de poids comparativement à un régime mené de façon autonome. En outre, ceux du groupe Weight Watchers ont eu 8 fois plus de chances de perdre 5 % de leur poids initial au bout de 6 mois, tandis que ceux suivant un régime autonome reprenaient du poids. En France, pour l Anses qui a réalisé une évaluation des régimes et stratégies de perte pondérale en 2010, la méthode Weight Watchers apparaît comme équilibrée au plan nutritionnel et reconnaît le rôle d orientation et d accompagnement du médecin généraliste. l J.M. Borys déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour Weight Watchers. SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 27 l N° 907 l OCTOBRE 2013 657