Dossier artistique - CDN Orléans Loiret Centre
Transcription
Dossier artistique - CDN Orléans Loiret Centre
fragments ne vous perdez pas fragments ne vous perdez pas Inspiré de FRAGMENTS Inspiré de FRAGMENTS de Marilyn Monroe de Marilyn Monroe Mise en scène et adaptation Mise en scène et adaptation S Samuel Doux 1 Création CDN Orléans/Loiret/Centre Janvier 2014 Avec Lolita Chammah Production CDN Orléans/Loiret/Centre Scénographie et lumière Eric Soyer Conseillère artistique Agathe Berman Contacts Anne Cuisset, Secrétaire générale [email protected] Sophie Mercier, administratrice [email protected] UNE FEMME APPARAÎT BRUTALEMENT. Une femme qui écrit. Morceaux de feuilles, cahiers, agendas, carnets. Elle écrit sans retenue. Elle écrit tout. Par nécessité, pour se comprendre et comprendre les autres face à elle. Il faut le dire encore : tous ces textes ont été rédigés par Marilyn Monroe. On découvre sa conscience aiguë du monde. Une fragilité. Une fébrilité. Une femme très loin de l’asile, pas plus alcoolique que les hommes qui l’entouraient, pas plus suicidaire que tout un chacun doté d’un peu de lucidité. Elle jette, cisèle parfois. Elle aime les métaphores. Fulgurances à propos de son histoire, de son travail, de ses amours, de sa psychanalyse. Elle fait, par ordre chronologique, un état de ses lieux intimes, explore la matière de ses pulsions à la recherche d’une vérité peut-être, de la réalité sans doute. « Je trouve que la sincérité et être simple et directe comme (possiblement) j’aimerais est souvent pris pour de la pure stupidité. Mais puisqu’on n’est PAS dans un monde sincère - il est très probable qu’être sincère est stupide. On est probablement stupide d’être sincère puisque c’est dans ce monde et dans aucun autre monde dont nous soyons sûrs que nous existons - ce qui veut dire - (puisque la réalité existe, on doit faire avec) puisqu’il y a la réalité avec laquelle on doit faire je ne suis pas M.M. - on ne me permet pas d’être». Ce texte, c’est le début de la représentation. Ça commence par un aveu, celui de la ‘star’ et le nôtre aussi en quelque sorte : personne ne peut - être - Marilyn. Elle n’existe pas. C’est une image, au mieux un personnage. De son vivant, un rôle. La blonde ne l’était pas, perdue entre cette fiction trop réelle et la réalité qu’elle ne pouvait oublier. 1 Devenir un mythe n’était qu’une façon de repousser la mort. Elle a fait de sa vanité une arme de survie. Autour, personne ne voyait rien puisque tout le monde était spectateur. Aujourd’hui elle est icône. Son image a gagné, la dépossédant d’elle même. L’image partout a gagné. L’apparence est seule maîtresse et la défaite existentielle de M.M. annonce étrangement celle de notre époque. Ces fragments qui s’ajoutent et se complètent, nous tiennent dans un ‘no man’s land’. Entre Norma Jeane Baker et Marilyn Monroe. D’un côté le réel, de l’autre la fiction. Le réel c’est celui à partir duquel elle s’est construite, la fiction c’est ce qui lui a permis de vivre. Elle se trouve au milieu de ce ‘no man’s land’ donc. Ni enfant condamnée, ni femme réalisée. Par ses mots, on le sent, elle cherche à réduire cet espace. On se dit alors que celui de la scène ne serait pas si mal. Nous y sommes. Sur le plateau. Avec ses mots à elle. Nous les posons le plus directement possible. Nous interpellons. Nous avouons son impuissance et la nôtre. Nous avouons ce qu’elle ne pouvait pas dire : «Je ne suis pas M.M.» Qui alors ? Une comédienne, une actrice. C’est la réponse la plus simple, celle qui rend justice aux mots qu’elle s’est obstinée à écrire et que nous pouvons lire comme une méthode pour jouer et survivre. Le récit d’une comédienne partie à la recherche de son point de gravité. Fragments est le portrait de quelqu’un qui joue. M.M. cite Lee Strasberg : «Entre l’acteur et le suicide, il n’y a que la concentration». Entre l’acteur et le suicide, une distance aussi. Et sur scène nous la parcourons. Cette distance c’est du temps. Celui qu’il a fallu pour créer M.M., celui entre sa vie et sa mort, celui qui sépare la scène de ceux qui la regardent, celui que prend l’actrice pour retrouver celle qu’elle interprète. Marilyn et la jeune comédienne sur scène. Lolita Chammah. Vraie blonde. Jeune actrice. Cherchant à sonder chaque mot. Lolita prend ces fragments pour elle aussi. Son histoire. Ses fantômes. Son avenir. Rêvant à son tour d’être quelqu’un ou quelque chose qu’elle n’est pas encore. Une star. Nous prenons les mots de M.M, nous la traquons de l’intérieur. Deux histoires se mêlent, celle des sentiments, de l’intelligence, de l’introspection et celle des journaux et des films, celle que nous pensons connaître. On se trompe : l’une n’est pas dissociable de l’autre. Sans ces mots-là, l’actrice n’a pas de peau, elle n’est faite que de fantasmes, c’est-à-dire de nous, de fiction. Avec eux par contre, c’est la réalité qui surgit brutalement. Une femme enfin, non pas réelle, mais possible. Comment incarner «à peu près» une femme ? Au fond de la scène il y a un mur noir, l’actrice pourra s’en approcher et y tracer des phrases, y faire des dessins, écrire une adresse, compléter ces fragments par des mots qui se lisent plus qu’ils ne s’entendent. Sinon peu de choses, un travail dans la profondeur de la scène et jusque très près des spectateurs. Le très/trop proche et le lointain. Pas de frontière. Imaginer comment traduire dans l’espace la mise au point d’un objectif de cinéma. entoure la nôtre, des noms illustres suspendus tracés par des néons lumineux qui s’allument parfois clignotent ou grésillent. Exemple. Elle dit : «Je suis si soucieuse de protéger Arthur. Je l’aime – et il est la seule personne – être humain que j’ai jamais rencontré que je pourrais aimer non seulement comme un homme que je désire jusqu‘à en être pratiquement affolée (...)» À ce moment-là dans les cintres, le nom d’ARTHUR MILLER écrit au néon sort de l’obscurité. Nous savons de qui elle parle, l’histoire que nous connaissons surgit. À d’autres moments, d’autres noms apparaîtront. NORMA JEANE BAKER / MARILYN MONROE / NEW YORK / LEE STRASBERG / JOHN HUSTON / HOWARD HAWKS / BILLY WILDER / CERTAINS L’AIMENT CHAUD / † LE 4 AOUT 1962 etc. Mesurer l’intimité de ses mots au regard de ces noms que nous connaissons. La légende au-dessus, la femme près de nous. À ses mots s’ajoute une création sonore. Des ambiances, des atmosphères, promenades dans New York, clubs, soirées, cours de Lee Strasberg. Le plateau est noir ou presque et dans un murmure ces ambiances nous ramène à cette sensation de « déjà-vu » qui gagne le voyageur lorsqu’il pose le pied aux EtatsUnis pour la première fois, alors, étrangement, tout y est familier: l’architecture et les visages, la fumée, les ponts, les voitures, la langue, les couleurs, on sait tout, sans pourtant rien connaître de ce pays qui est - lui aussi - une légende avant d’être une réalité. Du spectacle aussi, du spectaculaire. Au-dessus de la comédienne, l’histoire qui 2 Samuel Doux, octobre 2012 Choisir de travailler à ce projet est une étape importante. Un vertige, une impudeur aussi : dévoiler mes aspirations, avouer sur la scène mes rêves impossibles et naïfs. C’est apercevoir, visiter et révéler des endroits que j’évite, une part instable et dangereuse. Je vais à la rencontre de territoires encore inexploités et surtout que je protégeais. Le premier film que j’ai vu c’était Les Hommes préfèrent les blondes de Howard Hawks - vu ensuite des milliers de fois. Le désir de travailler sur ces fragments est arrivé tout de suite après leur lecture mais je ne pouvais y croire, ni même le formuler. C’est le hasard qui a fait ensuite que Samuel Doux m’a parlé de son envie. Il lui a fallu une certaine force de conviction et que j’aie une grande confiance pour finalement accepter et peut-être comprendre que je pouvais avoir ma place dans ces mots-là. Enfant, je jouais à être Marilyn. Aujourd’hui ce qui rend imaginable ce projet c’est justement de ne pas tenter de l’interpréter, de ne pas chercher l’incarnation mais plutôt de la retrouver au travers de ses textes d’abord et de mon enfance aussi. Fille de comédienne reconnue, ma mère est Isabelle Huppert, il y a chez moi cet écartèlement entre le désir du regard et celui de la reconnaissance. Il n’est pas question de sur-interpréter les mots de Marilyn mais il m’est difficile de ne pas m’y lover même si c’est pour mieux m’effacer ensuite. 3 C’est un chemin difficile mais excitant et passionnant que j’entrevois pour laisser Marilyn apparaître presque sans moi au travers de ses mots à elle. Lolita Chammah SAMUEL DOUX LOLITA CHAMMAH Auteur réalisateur, a réalisé une quinzaine de documentaires pour ARTE produits par les Films d’Ici, ainsi que trois moyensmétrages de fiction. Ils ont été présentés dans de nombreux festivals dont le festival international du film de Locarno mais également Aix-en-Provence, Bratislava, Porto, Cork, Clermont-Ferrand, Montréal, ainsi qu’à la Cinémathèque Française. Comédienne, travaille au théâtre comme au cinéma. Formée au conservatoire du Ve arrondissement de Paris ainsi qu’au Théâtre National de Strasbourg. Samuel Doux a débuté sa vie professionnelle par le théâtre en dirigeant une compagnie : L’œil écoute. Il y a créé plusieurs spectacles tous publics, joués plusieurs fois au festival Off d’Avignon. En septembre 2012, il publie son premier roman aux éditions Julliard, Dieu n’est même pas mort et termine l’écriture de deux longs-métrages dont l’un est une adaptation du Horla de Maupassant avec Yvan Attal, Clotilde Hesme et Eric Caravaca. 4 Au théâtre, elle a travaillé plusieurs fois sous la direction de Coline Serreau, JeanLouis Benoit, Anne Bisang dans différentes pièces dont Salomé d’Oscar Wilde, elle a joué Les Bonnes de Genet au théâtre de l’Atelier en 2011, mis en scène par Sylvie Busnel. Au cinéma elle a tourné avec Mikhaël Hers, Claire Simon, Claire Denis, Louis Garrel, Marc Fitoussi, Benoit Jacquot, Mona Achache, Samuel Doux… AGATHE BERMAN ERIC SOYER Agathe Berman répartit son activité entre écriture et production audiovisuelle. Elle fait dialoguer ces activités de façon éclectique dans le domaine des arts performatifs, du documentaire de création et du cinéma. Eric Soyer est créateur lumière et scénographe. Il a été formé à l’école Boulle, puis a fait ses premières armes auprès de la compagnie anglaise ACT. Elle a produit une cinquantaine de films documentaires avec des artistes dont Pippo Delbono, Israel Galvan, Raimund Hoghe, tg STAN et aux côtés de réalisateurs comme Richard Copans, Cédric Klapisch et Samuel Doux pour une série coécrite avec lui sur les grands personnages de théâtre. Elle a entre autres co-écrit le livret du ballet Wuthering Heights de Kader Belarbi à l’Opéra de Paris. Actuellement, elle conçoit le témoignage documentaire du projet pédagogique «Avoir 20 ans en 2015» de Wajdi Mouawad, produit une série de programmes courts sur le jeu d’acteur avec la Comédie-Française et Arte, et travaille avec l’artiste Steven Cohen en tant que dramaturge pour sa performance Title withheld, créée au Palais des Papes en Avignon 2012. 5 Plus tard il rencontre Joël Pommerat et l’accompagnera sur l’ensemble de son travail en création lumière autant qu’en scénographie. Cette collaboration lui permet de creuser ce positionnement original consistant à créer scénographie et lumières en même temps. Depuis quelques années on le retrouve aussi auprès d’autres metteurs en scène tels que Oriza Hirata, Sylvain Maurice ou Emmanuelle Laborit. «Je pars d’une boîte vide pour trouver de manière progressive les éléments qui permettront d’évoquer les différents espaces et ouvrir des séquences de jeu suivant la thématique avec une liberté qui demande une grande précision. En règle générale, en construisant l’espace et en élaborant simultanément les lumières, je cherche à créer une relation sensorielle avec la représentation.» Eric Soyer LE TEXTE: FRAGMENTS CARNET NOIR «RECORD» DÉBUT DES ANNÉES 50 (EXTRAITS) AGENDA ITALIEN Je trouve que la sincérité et être simple et directe comme (possiblement) j’aimerai est souvent pris pour de la pure stupidité. Mais puisqu’on est PAS dans un monde sincère - il est très probable qu’être sincère est stupide. On est probablement stupide d’être sincère puisque c’est dans ce monde et dans aucun autre monde dont nous soyons sûr que nous existons - ce qui veut dire - (puisque la réalité existe, on doit faire avec) puisqu’il y a la réalité avec laquelle on doit faire je ne suis pas M.M on ne me permet pas d’être. FRAGMENTS & NOTES 1 Pour la vie C’est plutôt par détermination qu’on ne se laisse pas engloutir. Pour le travail La vérité peut seulement être retrouvée, jamais inventée. __________ - Se souvenir en tout cas de comment Mère essayait toujours de me faire «sortir» parce qu’elle pensait que je n’étais pas assez téméraire. Elle voulait même que je me montre cruelle à l’égard des femmes. Tout cela dans mon adolescence, en retour, je lui ai montré que je lui étais loyale. [...] 6 Seule !!!!! Je suis seule. Je suis toujours seule, quoi qu’il arrive. Il ne faut avoir peur que de la peur. En quoi est-ce que je crois ? Qu’est-ce que la vérité ? Je crois en moi jusque dans mes sentiments les plus délicats et ténus. À la fin tout est ténu. Mon liquide le plus précieux ne doit jamais se répandre. Ne répandez pas votre précieux liquide, force vitale. Voilà tous mes sentiments quoi qu’il arrive. Mes sentiments ne trouvent pas à se développer dans les mots. __________ Une actrice n’a pas de bouche, pas de pieds, les épaules pendent légèrement pendantes, si... Relâchée tout le corps, concentrer mes pensées sur le partenaire. L’émotion au bout de mes doigts. Rien ne doit s’interposer entre moi et mon rôle - mon émotion - concentration. Sentir seulement qu’on se débarrasse de tout le reste, mon esprit parle. Pas de regards, le corps seulement, laisser aller - sentir le visage, l’esprit, l’âme. Pas de pose. Écouter le corps pour l’émotion. Écoute avec les yeux. Flottement. Tension. Relâchement, aucun frein, laisser tout aller, seulement sentir - tout ce que j’ai à faire est de le penser. Peur de me donner les nouvelles répliques. Je ne serai peut-être pas capable de les apprendre. Je ferai peut-être des erreurs. Les gens vont penser que je ne suis pas bonne, ou rire et me rabaisser, ou encore penser que je ne sais pas jouer. Les femmes ont l’air sévères et critiques - Inamicales et froides en général. Crainte que le réalisateur pense que je ne vaux rien. FRAGMENTS & NOTES 3 27 aout Je suis inquiète nerveuse, déconcentrée, instable - il y a quelques minutes, j’ai failli jeter une assiette en argent dans un endroit sombre du plateau - mais je savais que je ne pouvais me permettre de lâcher je sentais vraiment en fait que je n’oserai pas le faire car je ne m’en tiendrai peutêtre pas là. Juste avant, j’ai failli vomir tout mon déjeuner. Je suis fatiguée. Je cherche une façon de jouer ce rôle, ma vie entière me déprime depuis toujours - comment puis-je incarner une fille aussi gaie, juvénile et aussi pleine d’espoir - je me sers de ce dimanche de mes quatorze ans où j’étais tout cela, mais pourquoi ne puisje m’en servir de façon plus ferme - ma concentration vacille presque sans arrêt - quelque chose s’emballe en moi dans la direction opposée vers la plupart des jours dont je peux me souvenir. Je dois essayer de travailler et travailler encore sur ma concentration - en commençant peut-être par le plus simple. AUTRE CARNET NOIR «RECORD» vers 1955 Je n’ai pas eu Foi en la Vie c’est-à-dire en la Réalité [...] Je connais les voies par lesquelles les gens se conduisent de façon non conventionnelle - moi en particulier - n’aie pas peur d’être à fleur de peau, ni de t’en servir car je peux et je veux la canaliser, ainsi que mes pensées délirantes Je veux faire ma scène ou mes exercices (aussi idiots qu’ils puissent paraître) avec le plus de sincérité possible tout en sachant et en montrant que je sais aussi ce qu’il en est - peu importe - ce qu’ils pourraient en penser - ou en juger. 7 Je peux m’aider et le ferai. Travailler sur les choses de façon analytique peu importe la douleur - si j’oublie des choses (l’inconscient veut oublier - j’essaierai seulement de me souvenir) Quand je commence à me sentir soudain déprimée d’où cela provient-il ? (dans la réalité) peut-être trouver la trace d’accidents du temps passé - sentiments de culpabilité ? Prends conscience de tous les aspects sensibles. N’aie honte d’aucun sentiment ne les écarte pas non plus même légèrement. Ne pas regretter d’avoir dit ce que j’ai dit si je le pensais vraiment même lorsque ce n’est pas compris - (ne pas même chercher à convaincre qui que ce soit du pourquoi - à moins que je le veuille vraiment - ou le sente vraiment ainsi.) [...] LEE ET PAULA STRASBERG 1 Ne sois pas nerveuse, Marilyn, tu es très bonne et tu es magnifique Lee __________ Cher Lee, (Strasberg) Une des choses qui m’a le plus aidée personnellement que j’ai entendue dans ma vie c’est ce que vous avez dit en cours vendredi après-midi - cela m’a beaucoup aidé en cela que je me sens comme si j’étais un peu plus libre (et même plus) - 2 et 2 ne font pas forcément 4. PAPIER À EN-TÊTE DU WALDORFASTORIA 1955 Pour le docteur H - raconter ce rêve d’un homme affreux et répugnant qui essaye de se frotter trop contre moi dans l’ascenseur - et ma panique et ensuite mes pensées méprisantes à son égard - est-ce que ça veut dire que je suis attachée à lui ? Il a même l’air d’avoir une maladie vénérienne. __________ LEE STRASBERG A DIT (écrit au néon) Je veux que vous sachiez tous que cet exercice a duré une demi-heure et que sa concentration n’a pas faibli une seule fois - et Marilyn, il arrivera très peu de fois sur scène que tu doives garder une telle concentration une demi-heure durant. (M.M) pourquoi était-ce d’une telle importance pour moi après toute cette crise de sanglots sur scène - quand Strasberg a dit que j’étais à l’opposé de ce que font la plupart des gens dans ce pays et c’est pour ça (en partie je le précise) que des gens que tu connais t’admire - exactement pour ça. Mais ta sensibilité ne serait pas la même si tu n’avais pas ces terribles appréhensions auxquelles tu as réagi en fonction de ton expérience (passée) et que techniquement tu parviendras (ta sensibilité) à contrôler mais pas à t’en débarrasser sans effet dangereux, (en retournant la peur contre toi même) jusqu’à la peur seule et en jouant seulement en fonction de ça la peur et la peur seule. Souviens-toi - des choses techniques peuvent être faites - arrange-toi avec ta sensibilité pour placer la peur dans les bons canaux - ce qui (veut dire) faire avec la peur et non la fuir ni perdre du temps avec elle. 8 Strasberg ça me fait (il dit lui) me sentir mal (et triste) pour toi que tu fasses pratiquement toutes les choses par peur. Tu dois te mettre à faire les choses par la force (ma question : ou puis-je puiser la force) - il dit - en ne recherchant pas la force mais seulement en observant et en explorant des voies et des moyens techniques pour surmonter les difficultés. Souvienstoi que la peur est toujours là et le sera toujours dans ton cas. Mais tu peux y remédier techniquement ce qui te demande seulement de faire l’effort d’effectuer les exercices techniques Plus jamais une petite fille seule et terrorisée [...] Il croit que je pourrai, pour mon premier rôle, faire vraiment quelque chose d’énorme ce qui est rare - comme dans le cas de Susie. Sa formation différente, la discipline étonnante (autodidacte) qu’elle s’impose depuis toute jeune. [...] FRAGMENTS & NOTES 4 AGENDA ITALIEN 1956 Dois faire des efforts pour faire Dois avoir la discipline de faire les choses suivantes: Z. aller en cours - les miens toujours sans faillir. X. Aller le plus souvent possible assister aux autres cours privés de Strasberg G. Ne jamais manquer mes séances à l’Actor’s studio V. Travailler autant que possible - sur les devoirs - et toujours travailler sur les exercices de jeu. U. Commencer à assister aux conférences de Clurman et aussi aux conférences de mise en scène de Lee Strasberg au théâtre Wing. S’informer sur les deux. I. Continuer à regarder autour de moi et même beaucoup plus - observer - pas seulement moi-même mais les autres et toutes choses - prendre les choses pour ce qu’elles valent. Y. Doit faire de gros efforts pour travailler sur les actuels problème et phobies qui proviennent de mon passé - faire beaucoup beaucoup beaucoup plus plus plus plus d’efforts dans ma psychanalyse et y être toujours à l’heure - pas d’excuse à être toujours en retard. W. Si possible prendre au moins un cours à l’université - de littérature O. Continuer le projet RCA P. Essayer de trouver quelqu’un pour prendre des leçons de danse - exercices corporels (entraînement) T. Prendre soin de mon instrument - au plan personnel et corporel - exercices Essayer de me faire plaisir quand je le peux. Je suis déjà assez malheureuse comme ça. Je suis si soucieuse de protéger Arthur je l’aime - il est la seule personne - être humain que j’ai jamais rencontré que je pourrais aimer non seulement comme un homme que je désire jusqu’à en être pratiquement affolée - mais il est la seule personne en tant qu’autre être humain à qui je fais confiance autant qu’à moi-même parce que quand je me fais confiance sur certaines choses je le fais complètement et je fais de même avec lui. Je fais aussi confiance au docteur H mais d’une manière différente puisque je dois cependant la payer d’abord. Pourquoi ai-je ce sentiment que les choses n’arrivent pas vraiment mais que je joue un rôle et de cela je me sens coupable dans la mesure où j’ai conscience que ce que je dis et ce que je suis et ce qui en découle tout cela est prémédité - sauf que je suis trop inhibée pour me sentir spontanée parce que je crains d’être je veux dire - parce que je ne sais pas ce qui va en ressortir - ce qui va arriver - même des gaz sortent de mon estomac (crainte d’écrire pets) et je serai humiliée et je me sentirai plus bas que n’importe quoi ou n’importe qui Pourquoi est- ce que je ressens cette torture ? Ou pourquoi est-ce que je me sens moins un être humain que les autres (toujours sentie d’une certaine façon que je suis sous-humaine pourquoi en d’autres mots, je suis la pire, pourquoi ?) Même physiquement j’ai toujours été sûre que quelque chose n’allait pas pour moi là - peur de dire où alors que je sais où. Peut-être que quelqu’un lira ça ? Je ne pense pas. 9 FRAGMENTS & NOTES 5 POÈMES NON DATÉS 1 Appeler Milton à propos de: 1. 6 jours par semaine avec le Dr Hohenberg - samedis - parce que j’apprends et que j’en ai besoin et qu’elle le veut. 2. pour le paiement de la facture de Hohenberg - que je ne lui ai pas encore donnée (peut-on payer lundi ?) 3. À propos des chaussures blanches parce que je porterai probablement une robe blanche (et pour l’étole ?) Je ne supporte vraiment pas les Êtres Humains parfois - je sais qu’ils ont tous leurs problèmes comme j’ai les miens - mais je suis vraiment trop fatiguée pour ça. Chercher à comprendre, faire des concessions, voir certaines choses cela m’épuise tout simplement __________ Oh comme j’aimerai être morte - absolument non existante Partie loin d’ici - de Partout mais comment le ferai-je Il y a toujours des ponts - le pont de Brooklyn Mais j’aime ce pont (de là tout est si beau et l’air est si pur) lorsqu’on y marche cela semble paisible même avec toutes ces voitures qui vont comme des folles en dessous. Donc Il faudrait que se soit un autre pont Un pont moche et sans vue - sauf Que j’aime chaque pont en particulier - il y a quelque Chose en eux et d’ailleurs je n’ai Jamais vu un pont moche Appeler Lois Weber ou A.Jacobs à propos de tous les articles d’hier surtout dans le Herald Tribune et dans le Times. LEE ET PAULA STRASBERG 2 [...] Cher Lee, Cela m’embarrasse de commencer par ça, mais merci de m’avoir comprise et d’avoir changé ma vie - cependant même si vous l’avez changé je suis encore perdue - je veux dire par là que je ne peux pas me rassembler - je pense que c’est parce que tout agit contre ma concentration - tout ce qu’on fait ou vit est pour ainsi dire impossible. Vous avez dit un jour, la première fois que je vous ai entendu parler à l’Actor’s Studio, qu’ «il n’y a que la concentration entre l’acteur et le suicide.» Dès que j’entre dans une scène je perds ma relaxation mentale pour je ne sais quelle raison - or c’est cela ma concentration. Ma volonté est en éveil mais je ne peux rien supporter. J’ai l’air folle mais je crois que je suis en train de devenir folle. Merci de laisser Paula m’aider sur le film elle est la seule femme chaleureuse que j’aie jamais connue. C’est seulement au moment où j’arrive devant la caméra que ma concentration et tout ce que j’essaie d’apprendre m’abandonnent. Alors je me sens comme si je ne faisais plus du tout partie de l’humanité. Affectueusement, 10 Marilyn PAPIER À EN-TÊTE DE PARKSIDE HOUSE 1956 Mon amour (Néon : ARTHUR MILLER) dort à côté de moi dans la lumière pâle. Je vois sa mâchoire d’homme se relâcher et il retrouve la bouche de son enfance avec une douceur plus douce. Sa délicatesse frémissante dans l’immobilité, ses yeux ont dû regarder avec émerveillement l’extérieur depuis la grotte de son enfance quand les choses qu’il ne comprenait pas il les oubliait; et ressemblera-t-il à cela quand il sera mort ? Ô réalité insupportable, inévitable, mais préfèrerais-je qu’arrive d’abord la mort de son amour ou la sienne propre ? La souffrance de sa nostalgie lorsqu’il regarde quelqu’un d’autre comme une insatisfaction ressentie depuis le jour de sa naissance Et moi, ma détresse implacable devant la souffrance de sa nostalgie lorsqu’il en regarde une autre et qu’il l’aime comme une insatisfaction ressentie depuis le jour de sa naissance nous devons l’endurer moi encore plus tristement car je ne puis ressentir aucune joie Ô silence ton calme me fait mal à la tête - et transperce mes oreilles cogne ma tête avec le calme des sons insupportables/ continus - sur l’écran de noir absolu se forment/réapparaissent des ombres de monstres mes plus loyaux compagnons mon sang palpite sans répit dévie sa route dans une autre direction et le monde est en train de dormir ah, paix, je te veux même si tu es un monstre de paix. 11 Avoir ton cœur est la seule chose parfaitement heureuse dont je sois fière (qui m’ait jamais appartenu) que j’ai jamais possédée, ainsi la seule chose qui me soit jamais complètement arrivée. Je pense que j’ai toujours été profondément effrayée à l’idée d’être la femme de quelqu’un car j’ai appris de la vie qu’on ne peut aimer l’autre, jamais, vraiment. [...] NOTE DE ROXBURY 1958 à partir de demain je vais prendre soin de moi car en réalité c’est tout ce que j’ai et comme je le vois à présent tout ce que j’ai jamais eu. Roxbury - (Néon : Arthur Miller) J’ai essayé tout l’hiver d’imaginer le printemps - il est là et je me sens toujours aussi désespérée. Je pense que je déteste être ici parce qu‘ici il n’y a plus d’amour. Je regrette tous les efforts que j’ai faits en vain. J’ai essayé de lutter contre ce que de tout mon être je savais être vrai - dû à - pression (ça va se mettre à ressembler à un télégramme) qui venait de mon travail (c’est drôle que j’aie toujours accepté même le pire - j’ai essayé de m’y opposer lorsque ça pouvait compromettre mon travail) et qu’il (Arthur) ne pouvait pas (le) supporter (il vient d’un autre domaine) même si je sentais (en toute innocence, ce que je ne suis pas) que ce que je pouvais supporter nous aidait tous les deux y compris de façon matériel ce qui signifie même beaucoup plus pour lui que pour moi. J’ai vu ce qu’il voulait me faire voir et suis étrangement calme tout en retenant ma respiration. Voici un bon dicton, bien que la douleur qu’il implique ne soit pas si drôle : «si ma vie était à recommencer je vivrai au-dessus d’un saloon.» Ces feuilles vert tendre sur ces érables de cent soixante-quinze ans que je vois, c’est comme d’avoir un enfant quand on a quatre-vingt-dix ans. Je ne fais confiance à personne. Je veux dire que si quelque chose arrivait je le verrai comme un bienfait en ce moment. À chaque printemps le vert est trop vif, même si la délicatesse de la forme des feuilles est douce et incertaine - elles engagent un combat dans le vent, sans cesser de trembler. Ces feuilles vont se relâcher, s’étendre sous le soleil et à chaque goutte de rosée, elles résisteront même quand elles seront fouettées et déchirées. Je pense que je suis très seule - mon esprit bat la campagne. Je me vois dans la glace à présent, le sourcil en bataille - si je me mets très près je verrai ce que je ne veux pas y voir - la tension, la tristesse, la déception, mes yeux ternes, mes joues rougies par de petits vaisseaux qui paraissent des rivières sur une carte, les cheveux qui tombent comme des serpents. C’est ma bouche qui me rend le plus triste, près de mes yeux presque morts, il y a une ligne sombre entre mes lèvres comme les contours de nombreuses vagues soulevées par un violent orage qui dit : ne m’embrasse pas, ne me ridiculise pas, je suis une danseuse qui ne sait pas danser. Quand quelqu’un veut rester seul comme mon amour cela signifie que l’autre doit rester à l’écart. [...] Je pense que le mieux est d’aimer bravement et d’accepter - autant qu’on peut le supporter 12 LETTRE AU Dr GREENSON 1961 1er mars 1961 Lorsque j’ai regardé à l’instant par la fenêtre de l’hôpital la neige avait tout recouvert et soudain tout apparaît dans une sorte de vert adouci. L’herbe, les minables buissons - toutefois les arbres me donnent un peu d’espoir - les branches nues et désolées annoncent peut-être le printemps et sont le signe d’un espoir. Avez-vous vu «Les Désaxés» ? Dans une des séquences, vous pouvez peut-être voir combien un arbre peut me sembler étrange et nu. Je ne sais pas si cela transparaît vraiment à l’écran - je n ‘aime pas certains des choix qui ont été faits au montage. Depuis que j’ai commencé à écrire cette lettre quatre larmes silencieuses sont tombées le long de mes joues. Je ne sais pas bien pourquoi. [...] Il n’y avait aucune empathie à la Payne Whitney et cela m’a fait beaucoup de mal. On m’a interrogée après m’avoir mise dans une «cellule» (c’est-à-dire en béton et tout) pour les grands agités, les grands dépressifs, sauf que je me sentais dans une sorte de prison pour un crime que n’avais pas commis. J’ai trouvé ce manque d’humanité plus que barbare. On m’a demandé pourquoi je n’étais pas bien ici (tout était barricadé et sous clé; il y avait des barreaux partout, autour des lampes, sur les armoires, aux toilettes, aux fenêtres... Et les portes étaient équipées de petites fenêtre pour que les malades soient visibles tout le temps; il y avait aussi sur les murs le sang et les graffitis des patients précédents). J’ai répondu : «il faudrait que je sois folle pour aimer être ici», puis des femmes se sont mises à crier dans leurs cellules - elles hurlaient pour dire que la vie était insupportable j’imagine... Dans ces moments-là, je pensais qu’un psychiatre digne de ce nom aurait dû leur parler, pour alléger même temporairement leur peine et leur souffrance. Je pense qu’ils (les médecins) devraient apprendre quelque chose, mais ils ne sont intéressés que par les choses qu’ils ont apprises dans les livres. J’ai été surprise parce qu’ils savaient déjà tout ça. Peutêtre pourraient-ils apprendre davantage en écoutant le mal de vivre d’un être humain. J’ai le sentiment qu’ils se préoccupent plus de discipline et qu’ils laissent tomber leurs patients après les avoir fait «plier». Ils m’ont demandé de me mêler aux autres patients, d’aller en ergothérapie. «Pourquoi faire ?» leur ai-je demandé. «Vous pourriez coudre, jouer aux dames, aux cartes même, ou encore tricoter». J’ai essayé de leur expliquer que le jour où moi je ferais cela ils auraient vraiment affaire à une cinglée. Ces choses étaient vraiment au plus loin de moi. Ils m’ont demandé pourquoi je me sentais «différente» (des autres patients je suppose) alors je me suis dit que s’ils étaient assez bêtes pour me poser de telles questions, je devais leur donner une réponse toute simple, aussi aije dit : «parce que je le suis.» Le premier jour, je me suis «mêlée» à une malade. Elle m’a demandé pourquoi j’avais l’air si triste et m’a suggéré d’appeler un ami pour me sentir moins seule. Je lui ai répondu qu’on m’avait dit qu’il n’y avait pas de téléphone à cet étage. À propos d’étages, ils sont tous verrouillés; personne ne peut y entrer ni en sortir. Elle a paru choquée et bouleversée et m’a dit: «Je vais vous conduire au téléphone.» Tandis que j’attendais mon tour pour le téléphone, j’ai aperçu un garde (il portait un uniforme gris) qui, au moment où j’allais décrocher, m’a arraché l’appareil des mains et m’a dit très fermement: «Vous n’êtes pas autorisée à utiliser ce téléphone.» Et eux qui s’enorgueillissent de leur atmosphère «comme à la maison». 13 Je leur ai demandé (aux médecins) ce qu’ils entendaient par là. Ils m’ont répondu : «Eh bien, au sixième étage, on a de la moquette partout au sol et du mobilier moderne», à quoi j’ai répondu: «Oui exactement ce que n’importe quel architecte d’intérieur peut fournir, pour autant qu’il y ait les fonds pour cela», mais puisqu’on y traite des être humains, pourquoi ne pas avoir la moindre idée de ce qui fait l’intérieur d’un être humain ? La fille qui m’avait parlé du téléphone avait l’air tout à fait évanescente et pathétique. Après l’altercation, elle me dit: «je ne pensais pas qu’on vous traiterait ainsi.» Puis elle m’a dit : « je suis là à cause de ma maladie mentale; je me suis coupé la gorge plusieurs fois et tailladé les poignets», m’a-t-elle répété trois ou quatre fois. J’ai pensé à un refrain : «Mêlez-vous les uns aux autres mes frères Sauf si vous êtes nés solitaires» Oui, les hommes veulent atteindre le lune mais personne ne semble s’intéresser au coeur humain (qui bat). On peut renoncer à changer quand bien même on le pourrait - à propos, c’était le thème original des DÉSAXÉS, mais personne ne s’en est rendu compte. Sans doute à cause des modifications du script et des distorsions dans la mise en scène et... [...] LEE ET PAULA STRASBERG 4 Cher Lee, C’est une lettre importante alors s’il vous plaît ne commencez pas à la lire avant d’avoir le temps d’y consacrer une grande attention. Cette lettre porte sur les projets d’avenir et donc sur les vôtres aussi puisque mon évolution future comme artiste est fondée sur notre travail commun. Tout cela est une introduction; laissezmoi souligner les évènements récents, mes idées et mes suggestions. Comme vous le savez, je lutte depuis des années pour trouver une sorte de stabilité émotionnelle sans y bien parvenir, pour plein de raisons différentes. Il est vrai que ma thérapie avec le Dr Greenson a ses hauts et ses bas, vous le savez. Pour tant mes progrès d’ensemble sont tels que j’ai des espoirs de me faire un petit territoire où demeurer, plutôt que les sables mouvants sur lesquels j’ai toujours été. Mais le Dr Greenson est d’accord avec vous que pour moi, vivre correctement et productivement, cela veut dire travailler ! Et travailler ne veut pas dire simplement jouer professionnellement mais étudier et me vouer à mon art. Mon travail est le seul espoir fiable que j’ai. Et c’est là, Lee, que cela vous concerne. Pour moi, le travail et Lee Strasberg sont synonymes. Je n’ai pas la prétention d’attendre que vous veniez ici pour moi seule. J’ai contacté Marlon à ce propos et il semble assez intéressé, bien qu’il soit en train de terminer un film. Je dois parler de cela avec lui plus en détail dans un jour ou deux. En outre, et ceci doit rester confidentiel dans les temps qui viennent, mes avocats et moi projetons de mettre en place une maison de production indépendante, dans laquelle nous avons prévu un poste important pour vous. On en est encore à la 14 phase préparatoire mais je pense à vous pour un poste de conseiller ou n’importe quelle forme qui pourrait vous convenir. Je sais que vous voudrez conserver assez la de liberté pour poursuivre votre enseignement et toute autre activité privée que vous voudriez mener. Bien que je m’engage dans mon analyse, aussi douloureux que ce soit, je ne peux me décider entièrement avant d’avoir votre réponse, parce que lorsque je ne travaille pas avec vous, seule une part de moi fonctionne. C’est pourquoi il faut savoir dans quelles conditions vous pourriez accepter de venir et éventuellement de vous y installer. Je sais que tout cela peut paraître assez ahurissant, mais si vous mettez tous les avantages ensemble ce pourrait être une aventure gratifiante. Je veux dire, pas simplement pour Marlon et moi, mais aussi pour d’autres. Cette maison de production indépendante fera aussi des films sans moi - c’est même nécessaire pour des raisons juridiques. Cela donnera des ouvertures à Susan si elle est intéressée et peut-être aussi à Johnny. Et Paula aurait de nombreuses possibilités comme coach. Quant à vous, Lee, je rêve toujours qu’un jour vous me dirigerez dans un film ! Je sais que c’est une décision difficile à prendre, mais j’ai le souhait que vous réalisiez ici quelques-uns des espoirs qui n’ont peut-être pas été comblés pour vous jusqu’au bout, comme au Lincoln Center, etc. Bref, je ne sais pas comment trouver d’autres arguments pour vous convaincre. J’ai besoin d’approfondir le projet et je ne suis pas seule à y travailler. Je veux faire tout ce qui est en mon pouvoir pour vous faire venir - dans les limites du raisonnables - puisque ce serait à votre avantage autant qu’au mien. Aussi, Lee, pensez à tout cela avec beaucoup d’attention, je vous en prie ; j’en suis à un point de ma vie extrêmement important et parce que vous m’avez dit au téléphone que pour vous aussi, les choses n’étaient pas figées, j’ai osé avoir de l’espoir. J’ai des rendez-vous fixés avec Marlon et aussi avec mes avocats et je vous appellerai s’il y a du nouveau. Sinon, mettezvous en contact avec moi s’il vous plaît. Je vous aime tous, Marilyn 15 FRAGMENTS NE VOUS PERDEZ PAS MARILYN MONROE SAMUEL DOUX CRÉATION 2013 CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL ORLÉANS/LOIRET/CENTRE