Gomane2 - Cercle de la Mer

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Gomane2 - Cercle de la Mer
Cercle de la mer
Conférence du commandant Jean-Pierre Gomane
le 25 janvier 2016
sur le thème ” La renaissance de la Marine après la deuxième guerre mondiale”
Le 8 août 1943, une ordonnance du Comité d’Alger crée une Marine unique en regroupant les
deux Marines existantes qui ont des histoires différentes : d’une part les F.N.F.L. qui existent
depuis 1940 et qui ont continué la lutte aux côtés de la Grande Bretagne, d’autre part les
bâtiments dispersés qui ont échappé au désastre de Mers el Kebir, en juillet 1940, et au
sabordage de Toulon, en novembre 1942.
Il faut trouver un Chef unique à cette Marine. Le poste de Chef d’Etat-major est proposé à
l’amiral Collinet, qui le refuse, et ensuite à l’amiral Lemonnier, qui a tiré autrefois sur les Anglais.
Il est surnommé “le petit baigneur”. Il va occuper le poste pendant plus de six ans, à Alger
d’abord, à Paris ensuite. La Direction du Personnel a la lourde tâche de mêler des hommes qui
ont eu des destins différents. Les marins des F.N.F.L. travaillaient comme la Royal Navy.
Les Etats Unis modernisent des bâtiments français à l’arsenal de Brooklyn. Des problèmes sont
résolus. Par exemple, le Richelieu a huit canons de 380, mais il n’a pas de munitions. Celles-ci
sont fabriquées par une usine américaine.
La guerre se termine. La Marine joue un rôle modeste dans le débarquement de Normandie, plus
important lors du débarquement de Provence.
La France est dans un triste état. Le conférencier se souvient d’avoir mis huit heures pour
effectuer en train le trajet Lille-Versailles. En ce qui concerne la Marine, les ports et les arsenaux
sont détruits. Il faut aussi se débarrasser des mines qui sont nombreuses et qui vont encore
exploser des années après la fin de la guerre. On utilisera même des dragueurs allemands, avec
des équipages allemands et un encadrement britannique. Des dragueurs sont cédés à la France.
Certains plus tard seront affectés à l’Ecole Navale.
Il y a aussi en France des problèmes liés à l’existence d’un important parti communiste. Le
danger est réel. Le général de Gaulle a été obligé de faire rentrer des communistes dans son
gouvernement. A Moscou, on souhaite une France faible et on compte sur le parti communiste
pour y contribuer. La Marine n’y échappe pas. Des cellules sont créées à bord des bâtiments. La
CGT est bien implantée dans les arsenaux. Quand il faut envoyer des bateaux en Indochine pour
lutter contre les Japonais, le parti communiste vote les crédits. Quand il s’agit de lutter contre les
communistes vietnamiens, il manifeste son opposition.
Le général de Gaulle part en janvier 1946. Pour les hommes politiques, c’est un bon débarras. Ils
vont pouvoir reprendre leurs jeux habituels.
Il est nécessaire d'évoquer l’épuration. Toute la société française l’a subie et dans des conditions
discutables. Il y avait des milices communistes, des exécutions sommaires. L’amiral Platon était
le plus compromis. Il a été fusillé dans des conditions mal éclaircies.
On disait que Vichy était la SPA, la Société protectrice des Amiraux. Plusieurs ont été condamnés.
Ainsi l’amiral Esteva, dont on a critiqué l’attitude en Tunisie en 1943. L’amiral Auphan est
recherché.
Le ministre de la Marine, Iacquinot, cherche à limiter les dégâts. Pour cela, il crée une
commission interne à la Marine, compétente avant l’envoi des présumés collaborateurs devant
les tribunaux. Elle est présidée par l’amiral Sablé. Il était déjà en deuxième section en 1940 et
donc n’a pas été compromis par les événements de la guerre. Des promotions ne sont pas
homologuées.
Mais la Marine ne peut pas que se tourner vers le passé, il y a des urgences, elle doit faire face à
la guerre d'Indochine, à la révolte à Madagascar en 1947. Il faut noter la stabilité du
commandement. Il y a eu neuf Ministres ou Secrétaires d’Etat de la Marine pendant la IVème
république. Il n’y a eu en fait que deux Chefs d’Etat-major, l’amiral Lemonnier d’abord. L’amiral
Battet, son successeur, n’est resté que peu de temps avant de décéder. Ensuite l’amiral Lambert,
préfet maritime à Toulon, a occupé le poste pendant six mois avant de redevenir préfet maritime
à Toulon. L’amiral Nomy, qui était le chef de l’Aéronautique navale, a alors pris la tête de la
Marine. Il va rester à ce poste pendant huit ans. Il est très favorable à la reconstruction d’une
flotte moderne. Il travaille en étroite collaboration avec le Directeur Central des Constructions et
Armes Navales, l’ingénieur général Khan. L’entretien de la flotte est difficile, car elle est très
disparate avec des bateaux d’origine anglaise, américaine, italienne et allemande. Un programme
naval est établi. Il répond aux engagements internationaux de la France : traité de Dunkerque
avec la Grande Bretagne, traité de Bruxelles avec la création de l’UEO, traité de l’Atlantique nord
avec l’OTAN.
L’amiral Nomy, dont il faut souligner qu’il était Chef d’Etat-major général de la Marine, voulait
deux porte-avions. C’est Alain Poher, alors Secrétaire d’Etat à la Marine, qui a obtenu la
construction du deuxième porte-avions. Le rôle essentiel du Ministre ou du Secrétaire d’Etat
était d’obtenir un bon budget pour la Marine. Ses bonnes relations avec la rue de Rivoli, sa bonne
connaissance du Budget étaient essentielles.
On commence aussi à penser au nucléaire. Le CEA est d’abord dirigé par un communiste. Il sera
remplacé par Guillaumat qui deviendra Ministre de la Défense.
La France ne peut pas compter sur l’aide des Etats Unis à cette époque de Macarthysme
triomphant. Elle doit se débrouiller seule car jugée trop proche des communistes. On engage la
construction d’un sous-marin utilisant l’uranium naturel. Ce sera une impasse technique. La
coque, Q 244, deviendra le sous-marin expérimental Gymnote.
Les sous-marins type Narval sont construits en se basant sur les derniers sous-marins
allemands. Les avions de l’Aéronautique navale sont importés de Grande Bretagne et des Etats
Unis. Les deux porte-avions en service viennent aussi de ces deux pays. Des savants allemands,
responsables des V 2, viennent travailler en France. D’autre travaillent au Laboratoire du Brusc.
Dans le même temps, la Marine marchande se reconstruit également.
Mais on fait aussi la guerre en Indochine. L’aviso La Grandière participe à la guerre de Corée. A
partir de 1954, s’engagent les opérations en Algérie. En juillet 1956, Nasser nationalise le canal
de Suez. La France a un prétexte pour l’attaquer alors qu’il soutient le FLN en Algérie.
L’opération a lieu en novembre seulement. On a dit à cette époque qu’il est plus facile de
rappeler un amiral en permission qu’un ouvrier de l’arsenal en congé. L’amiral Barjot
commande l’opération de Suez. C’est un succès militaire incontestable. Mais un échec
diplomatique et l’opération tourne à l‘avantage de Nasser.
La IVème République se discrédite, malgré son rôle dans la construction de l’Europe. Elle subit à
la fois les assauts des communistes et des gaullistes. Le 6 février 1956, Guy Mollet, président du
Conseil, va à Alger accompagné du général Catroux, qui a déjà 80 ans. Il reçoit des tomates et la
France s’enfonce encore davantage dans la guerre d’Algérie. Les difficultés en Algérie conduisent
au retour du général de Gaulle qui retrouve un système qu’il récuse.
Le 14 juillet 1958, le président Coty et le général de Gaulle vont ensemble s’incliner devant la
statue de Clemenceau. Ensuite le président Coty part à l’Arc de Triomphe et le général de Gaulle
à Toulon où est organisée une revue navale. C’est une idée de l’amiral Barjot qui permet de
résoudre de délicats problèmes de protocole. Il n’y avait pas eu de revue navale depuis 1911.
L’amiral Jozan, qui commande l’escadre, est sur le de Grasse au large de Beyrouth. Il est furieux
de manquer la revue navale.
La Marine va redevenir importante grâce à la continuité des efforts. Mais le général de Gaulle ne
fera jamais allusion à ce qui a été réalisé par la IVème République.
(notes de Jean-Philippe Bernard)