L`approche psychanalytique des Troubles du Comportement

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L`approche psychanalytique des Troubles du Comportement
L’approche psychanalytique des Troubles du Comportement Alimentaire (TCA) :
un mode spécifique de compréhension et de prise en charge thérapeutique
Le concept de psychanalyse est difficile à saisir.
Cela peut nous évoquer plusieurs choses - concepts d’inconscient,
Concepts de père et de mère
- image d’un divan sur lequel on s’allonge
devant un psy peu loquace
Mais toutes ces idées restent très floues… et même pour beaucoup de professionnels du soin.
D’ailleurs, même chez les grands spécialistes, la théorie psychanalytique et la pratique qui en
découle font l’objet de différentes interprétations et donnent lieu à des guerres d’écoles.
On est loin du domaine rassurant des sciences exactes ! Pour les non-initiés, il est difficile de
s’y retrouver.
Ce texte tente d’apporter des éléments de réponse aux personnes qui se sont déjà heurtées au
discours psychanalytique d’un thérapeute :
1. Brève présentation du concept de psychanalyse et de son introduction dans le champ du
soin psychique. p.2
2. Définition des concepts de père et de mère auxquels la grande majorité des thérapeutes font
référence quand ils cherchent à comprendre et à soigner un TCA (psychiatres ou
psychologues). p.4
3. L’intérêt de la psychanalyse dans la prise en charge thérapeutique des TCA. p.9
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I. LA PSYCHANALYSE : LE DEVELOPPEMENT D’UNE PRATIQUE
THERAPEUTIQUE
Comment la psychanalyse s’est construite et comment elle explique l’apparition d’un
symptôme psychologique ?
C’est une notion importante qui permet de comprendre comment apparaît le symptôme du
TCA.
La psychanalyse est une discipline récente introduite par Freud au début du XXe s.
C’était un neurologue qui, comme beaucoup de médecins à l’époque, s’intéressait aux
dysfonctionnements comportementaux pour lesquels on ne trouvait aucune cause physique
(aucune lésion organique, dysfonctionnement cérébral).
Ex : c’était le cas des nombreuses hystériques de l’époque, chez lesquelles on observait des
crises de nerfs avec évanouissement ou des paralysies d’un membre alors que le membre lui
même était en excellent état.
Grâce à leurs observations, les médecins commencèrent à penser que ces troubles relevaient
uniquement de l’esprit.
Idée relativement nouvelle. Jusqu’alors la maladie n’était conçue que comme corporelle.
D’autant que l’origine psychologique de ces troubles était ignorée par les patients eux-mêmes.
Ces médecins se sont rendus-compte que quand on hypnotisait les malades, c’est-à-dire qu’on
modifiait leur état de conscience, ils devenaient capables de fournir quelques explications, ce
qui était impossible lorsqu’ils étaient tout à fait éveillés. En état d’hypnose, les personnes
restent éveillées et conscientes mais elles sont moins dans le contrôle de ce qu’elles disent ou
font.
C’est à partir de là que l’inconscient a pu être considéré dans le champ médical.
Pour la 1ere fois on considérait l’existence de besoins, d’émotions et de pensées cachés qui
influencent nos pensées et actions conscientes.
Ces besoins, émotions ou pensées sont refoulés dans l’inconscient car ils ne sont pas
acceptables par le sujet.
Chez tous les sujets, il existe des désirs qui entrent en conflit avec une volonté consciente
« bien-pensante » et qui vont être refoulés.
Un symptôme ou une pathologie psychique va apparaître lorsque l’esprit ne parvient pas à
refouler totalement un désir inacceptable qui a trop besoin de s’exprimer.
Le psychisme est alors dans une impasse. Le symptôme va donc apparaître comme un
compromis entre le désir pulsionnel inconscient et le besoin conscient de contrôler ses
pulsions. L’apparition du symptôme permet au désir de s’exprimer mais d’une manière un peu
masquée, acceptable par sa morale.
Exemple d’un symptôme que l’on rencontrait beaucoup à l’époque de Freud où le sexuel
était tabou, et donc à l’origine de beaucoup de symptômes :
Une jeune femme mariée se laisse toucher la cuisse par un autre homme.
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Un conflit inconscient se créer : il y a à la fois un plaisir dû au caractère érotique de l’acte et
un rejet de ce plaisir car c’est un acte répréhensible et inacceptable consciemment.
L’esprit va permettre un compromis en créant un symptôme :
Le désir pour l’autre continue de s’exprimer : la jambe reste, dans l’esprit de la jeune femme,
associée à ce plaisir et au désir de cet homme. En même temps, ce désir va être bloqué par la
conscience grâce au symptôme : une paralysie de la jambe.
Le conflit psychique a été géré de manière inconsciente de façon à ce que le désir intolérable
ne puisse pas advenir à la conscience. Ainsi, la jeune femme ne parvient pas à expliquer
l’origine de sa paralysie.
Freud et ses collègues ont compris que lorsqu’on mettait à jour les causes du conflit, qu’on
rendait ce conflit conscient, alors on pouvait faire disparaître le symptôme. Une fois le désir
caché advenu à la conscience, le symptôme n’a plus de raison d’être.
Pour cela, on avait massivement recours à l’hypnose jusqu’à ce que Freud comprenne que ça
n’était pas nécessaire.
Il s’est rendu compte qu’en faisant simplement parler le patient, il pouvait retrouver le sens de
son symptôme grâce à l’association d’idée.
C’est comme ça que Freud a fait naître un nouveau type de thérapie, que l’on appelle
« la cure analytique » , fondée sur la théorie de l’inconscient et le pouvoir de la parole.
Dans cette thérapie, le psychanalyste n’est là que pour guider la parole et aider le patient à
trouver mettre du sens sur ce qu’il vit et ressent. Il n’interprète rien mais amène le patient à le
faire en le poussant à faire des liens entre des évènements, des émotions, etc…
La psychanalyse est connue pour être une thérapie longue parce que l’esprit est
complexe.
C’est comme une toile d’araignées géante, toujours en construction, en évolution, dont il faut
dérouler de nombreux fils et comprendre comment ils se croisent pour arriver au cœur de la
toile. Et encore, on arrive jamais au cœur de la toile car une grande partie de l’inconscient
reste à jamais inaccessible.
On pourrait ainsi passer sa vie chez le psychanalyste. Il faut savoir arrêter la psychanalyse
quand on estime avoir atteint un certain équilibre. Sinon, on rentre dans une relation de
dépendance au psy et la psychanalyse n’est plus thérapeutique.
Voilà les grands principes de la thérapie psychanalytique, toujours valables aujourd’hui.
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II. UNE REERENCE THEORIQUE POUR COMPRENDRE LES TCA
La psychanalyse ça n’est pas qu’une pratique.
La pertinence de Freud c’est qu’à partir de sa pratique, il a réussi à définir une théorie
globale du fonctionnement psychologique expliquant les différents stades de
développement de l’enfance à l’âge adulte.
C’est la théorie de l’esprit la plus complète et la plus adaptée à ce jour. Pratiquement tous les
professionnels de la santé mentale ont encore recours à cette théorie comme outil d’analyse,
de compréhension.
La psychanalyse explique l’apparition des TCA par un problème survenu au cours du
développement psychique du petit enfant.
Le psychisme du nouveau né se développe en grande partie grâce aux relations qui se créer
avec son entourage. En premier lieu, les parents vont jouer un rôle primordial. Après, l’école
(avec les copains, les instituteurs), les activités extérieures vont prendre 1 peu le relais.
/ ! \ on parle des rôles du père et de la mère mais d’autres peuvent assurer ces rôles. Les
parents ne sont pas toujours présents dans la vie de l’enfant. Tant que cet enfant est entouré et
que les fonctions parentales sont investies, il n’y aura pas de conséquence grave sur son
évolution psychique.
La relation à la mère :
C’est la 1ère interaction de l’enfant donc elle est appelée « relation primaire ».
Pendant la grossesse et à sa naissance, le nourrisson est en fusion avec sa mère. C’est à dire
qu’il ne se perçoit pas comme un être différencié. Il ne fait qu’un avec son environnement. Il
n’a pas conscience de son individualité. Il ne perçoit que ses ressentis internes limités à un
état de tension ou de détente.
Il va progressivement s’individualiser par le processus suivant :
Quand il a faim, le nourrisson a besoin de crier pour que sa mère vienne le nourrir. C’est donc
le manque (de nourriture d’abord) qui va lui permettre de comprendre que sa mère et son
environnement ne font pas partie de lui. Ils ne sont pas maîtrisés par lui.
En se différenciant ainsi de la mère, il intègre qu’il en est dépendant, qu’il a besoin d’un autre
pour survivre. Il est donc obligé de rentrer en communication avec cet autre pour signifier ce
dont il a besoin (d’abord par les pleurs et les cris puis par le langage).
Grâce à ce lien, il comprend progressivement qu’il peut compter sur elle pour venir combler
ses besoins essentiels : le nourrir quand il a faim, l’apaiser par ses gestes et caresses quand il
est tendu ou en souffrance.
Cette relation primaire permettra à l’enfant d’acquérir une autonomie psychique, en lui
permettant d’intégrer en lui les fonctions calmantes et apaisantes que la mère lui aura
apporter.
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« Grâce à elle j’ai compris que quand j’ai faim, je dois me nourrir. Quand je suis stressé je
dois trouver quelque chose qui m’apaise (une peluche qui rappelle son contact) ».
En grandissant l’enfant aura de moins en moins besoin de sa mère car elle lui aura permis
d’intégrer son exemple et d’avoir une bonne conscience de lui et de son corps. Il saura ensuite
développer ses désirs grâce à l’attention qu’il se porte (comme se mère le faisait avant).
Pour que cette autonomie psychique puisse s’acquérir, il faut que la mère soit « suffisamment
bonne » (expression d’un autre psychanalyste : Donald Winnicott)
Si elle est trop bonne : comble les besoins de l’enfant avant qu’il puisse ressentir le manque.
Cela ne lui permet pas de se différencier de sa mère, ni d’établir un lien de communication
avec elle. Il n’a pas conscience qu’il a des besoins propres et il ne peut pas développer ses
désirs.
Si elle ne l’est pas assez : elle ne répond pas quand l’enfant appelle. Il comprend que la
communication ne permet pas d’apaiser le manque, la relation à l’autre est inutile. Le lien par
la communication ne se développe pas. Il ne donne pas d’importance à ses besoins car il n’a
pas appris à le faire.
Aussi, cette relation primaire servira de cadre de référence à toutes les futures relations.
Elle permettra à l’enfant et au futur adulte d’avoir confiance en l’autre, de se tourner vers les
autres pour s’enrichir, continuer sa maturation psychologique et à terme fonder sa propre
famille.
La mère transmet et permet d’assurer un sentiment de bien-être et de sécurité interne.
C’est à partir de cette relation que peuvent se développer la confiance et l’estime de soi qui
seront nécessaires à la prise d’indépendance de l’âge adulte.
La relation au père :
Lui aussi à un rôle important à jouer dans ce processus de développement de la personnalité.
Quand le bébé grandit et devient enfant, le père va aider la mère à finaliser ce processus
d’individualisation. Il va permettre à l’enfant de se détacher de la mère pour se tourner vers
le monde extérieur.
Comment ?
Grâce à lui, l’enfant comprend qu’il n’est pas le seul objet d’amour de la mère, qu’il n’est
pas son seul centre d’attention. Il y a des moments où la mère est moins disponible pour
l’enfant car elle se consacre au père. C’est le principe du Complexe d’Œdipe.
Le père c’est aussi celui qui incarne la loi, la morale.
D’abord en faisant comprendre à l’enfant : « non, tu ne peux pas avoir ta mère pour toi tout
seul ». C’est lui qui met des limites, qui dicte ce qu’on peut faire et ne pas faire.
C’est au début assez mal vécu par l’enfant puis il apprend à l’accepter et à se tourner vers
d’autres intérêts: il commence à s’intéresser au père lui même, aux copains, aux
apprentissages scolaires, etc…
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/ ! \ En réalité, cette répartition des rôles ne se fait pas aussi explicitement et n’est pas aussi
bien définie.
Il ne s’agit pas d’adopter un rôle caricatural de père ou de mère.
D’ailleurs, les femmes prennent de plus en plus de responsabilités et donc un rôle d’autorité
même au sein de la famille. Les hommes, quant à eux, s’occupent de plus en plus du foyer et
sont donc de plus en plus maternels. Ca fonctionne très bien tant que les parents sont en
mesure d’apporter une réponse adaptée aux besoins de l’enfant et qu’ils lui permettent ensuite
d’amorcer un processus de séparation/individuation.
Ces concepts ne sont donc pas à considérer comme une vérité mais plutôt comme un outils de
compréhension. D’autant plus que rien ne permet de prouver la validité de ces conceptions
psychanalytiques. C’est d’ailleurs un des gros reproches que l’on fait à la psychanalyse
aujourd’hui.
LES TCA : UN DEFAUT DANS LES RELATIONS PRIMAIRES ?
Selon la conception psychanalytique, les TCA sont des pathologies de la dépendance à
l’autre car des perturbations seraient intervenues lors de ce moment crucial du
développement.
Ca n’est pas toujours la faute des parents. Il peut y avoir pleins d’éléments indépendants de
leur volonté ne leur ayant pas permis d’être disponibles ou adaptés.
Dans la relation à la mère :
Il est fréquent que des mères de jeunes anorexiques ou boulimiques rendent compte
rétrospectivement de dépression Post-Partum ou d’autres difficultés qui les auraient amenées
à s’occuper de leur enfant de façon un peu machinale, moins dans l’écoute. Elles n’ont pas
pour autant été de mauvaises mères mais ce comportement a pu contribuer à créer une
carence. L’enfant n’aurait pas pu se construire dans l’échange avec elle.
¾ La conscience de soi et de ses besoins, sont des éléments qui n’auraient pas bien réussi à se
mettre en place lors de cette relation primaire.
Or l’une des caractéristiques de cette maladie c’est le défaut de la conscience de soi, de
son corps, de ses ressources internes. Il y a 1 non reconnaissance des sensations physiques en
tant que signaux valides. La personne ne peut faire confiance à son corps et ne parvient pas à
l’investir positivement.
Dans la boulimie, on voit bien la propension à nier son corps et ses besoins par le gavage
malgré les manifestations physiques désagréables et dans l’anorexie la capacités à lutter
contre la faim ou à ne même pas la ressentir.
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Cette difficulté survenue dans la relation primaire, ne va pas permettre l’autonomie de
l’enfant mais va le maintenir dans une forme de dépendance.
A défaut de pouvoir développer ses propres désirs, sa propre personnalité grâce à une mère
attentive à ses besoins, l’enfant s’est construit autrement : par identification.
Pour se créer une personnalité, il adopte celle de sa mère. Il va se conformer à ses goûts et à
ses désirs.
L’enfant ne peut exister et grandir qu’à travers le regard de l’autre, ce qui engendre cette forte
dépendance. Il a toujours besoin des réassurances de ses parents, de ses professeurs pour être
sûr que ce qu’il fait est bien.
Ces enfants demandent beaucoup de considération et ont toujours peur de ne pas être à la
hauteur des attentes de l’autre. Pour se construire, pour obtenir un peu d’estime, ils font donc
tout ce qu’ils croient que leurs parents attendent d’eux.
C’est pour cela que pendant l’enfance, les difficultés de ces futurs malades passent
inaperçues. Ce sont des enfants faciles qui ne posent pas de problème et qui sont hyperadaptés.
Ce manque d’autonomie peut également trouver des origines dans un défaut du rôle du
père dans sa fonction de séparateur :
Il arrive que le père n’ait pas su trouver sa place d’autorité et n’ait pas pu imposer le
processus d’individuation.
Soit parce que la mère, en fusion avec son enfant ne lui a pas laissé de place et l’a
(involontairement) disqualifié dans sa fonction d’autorité.
Soit parce qu’il n’a pas su adopter un rôle complémentaire à celui de la mère et a occupé une
même fonction maternelle sans se faire le garant de la loi, de la séparation nécessaire.
Il n’a donc pas amené l’enfant à s’autonomiser, se tourner vers l’extérieur.
Aussi, lorsqu’on analyse les relations familiales des jeunes anorexiques et boulimiques, on
constate une relation très forte à la mère (qui alterne entre dépendance et rejet).
Et un père qui reste à l’écart de cette relation par peur de créer un conflit ingérable.
On retrouve d’ailleurs souvent dans ces familles, une volonté générale d’éviter tout conflit car
c’est perçu comme menaçant pour l’unité familiale.
Il y a une peur de la rupture qui n’est pas anodine.
Dans une certaine mesure les parents aussi se sont construits sur un mode de dépendance où la
séparation est inconcevable. Ils auraient donc transmis cette dépendance à leur enfant.
Ce sont des éléments de compréhension mais encore une fois, ils évoquent un fonctionnement
relativement normal, propre à beaucoup de familles dans lesquelles n’apparaissent pas
forcément un TCA. Il y a des événements traumatiques qui peuvent intervenir, une fragilité
génétique, qui vont permettre de déclencher une pathologie sur un terrain familial propice.
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Après une enfance très adaptée, le trouble apparaît généralement à l’adolescence car
c’est l’ étape de la vie qui nécessite une prise d’autonomie et une définition de son identité. Il
apparaît le besoin de définir qui on est en dehors de ses parents, de se tourner vers d’autres
relations, de s’investir dans un couple.
Cette étape va être très angoissante, ne pourra pas être surmonter efficacement par ces
enfants.Le conflit psychique va alors se créer.
Le besoin conscient d’identité propre, d’autonomie va rentrer en conflit avec le besoin
inconscient de se maintenir dans une forme de dépendance.
Cette situation impossible va faire naître un symptôme : le TCA.
Le conflit psychique étant inconscient, il ne peut pas être verbalisé et il va trouver une issue
en se déplaçant sur le corps. C’est le corps qui montre que l’équilibre psychologique est
menacé (notamment dans l’anorexie). Le corps porte le symptôme.
L’anorexie permet de s’extraire de la dépendance aux parents en échappant à leur contrôle.
L’adolescent leur signifie par le symptôme qu’il est seul maître de lui même, qu’il est
indépendant et que ses parents sont impuissants. L’adolescent retrouve ainsi un peu d’estime,
une impression de force intérieure.
Et paradoxalement, le symptôme anorexique va permettre de se maintenir dans une forme de
dépendance aux parents en leur signifiant que ça ne va pas et que l’adolescent a besoin d’eux.
Dans la boulimie, c’est un peu différent car il n’y a pas de contrôle de l’alimentation, il y a un
abandon total, un laisser aller à l’état dépressif. C’est une tentative de remplir son esprit
ressenti comme vide en remplissant son corps de nourriture.
Aussi, contrairement à l’anorexie, le symptôme est généralement caché, il ne vient pas faire
signe aux parents que quelque chose ne va pas. C’est une autre tentative de gestion autonome
du problème de dépendance.
On comprend, grâce à ces considérations psychanalytiques, que le TCA en lui même n’est
qu’un symptôme, le signe d’une lutte intérieure.
P. Jeammet (psychiatre) explique que les TCA représentent une tentative de sortie de la
dépendance à l’autre en la remplaçant par une dépendance à la nourriture, moins
angoissante.
Le sujet ne pouvant ni supporter cette dépendance ni s’en dégager, va trouver un compromis
en remplaçant le besoin de l’autre (menaçant l’identité) par le besoin d’un objet que l’on
peut contrôler (dans un 1er temps seulement) : la nourriture.
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III. LA PSYCHANALYSE OFFRE-T-ELLE UNE PRISE EN CHARGE ADAPTEE ?
Ces concepts psychanalytiques sont essentiels pour analyser le trouble et orienter la prise en
charge thérapeutique.
La quasi-totalité des spécialistes de la santé mentale (psychologues, psychiatres) font
référence à ces conceptions, sans pour autant être des psychanalystes.
Mais une prise en charge purement psychanalytique est fortement déconseillée.
En effet, le psychanalyste ne va pas s’intéresser au TCA en lui même, qui ne représente qu’un
symptôme, mais au conflit psychique sous-jacent.
Or, le TCA envahit totalement la sphère psychique, et en fragilisant le corps appauvrit les
capacités de réflexion.
Une cure type s’avérerait complètement inefficace et est toujours déconseillée dans ce type de
problématique. Elle serait même angoissante car on a vu qu’une personne souffrant de TCA a
besoin d’être guidée, rassurée.
Le psychanalyste la mettra plutôt face à elle même, guidera peu et va se révéler peu
rassurant. Elle a besoin d’un thérapeute un peu plus directif qui propose des interprétations et
des solutions à chaque étape difficile.
Ainsi on préfèrera une approche dite intégrative (car elle comprend plusieurs pratiques
thérapeutiques) :
Dans un premier temps, on traite uniquement le symptôme grâce à des méthodes
comportementalistes qui vont très concrètement :
- ré-apprendre à manger de façon équilibrer (contrat de poids, déjeuner thérapeutique)
- ré-apprendre à ressentir les choses et à identifier ses émotions
- et ré-apprendre à établir des relations sereines avec les autres (par des exercices de mise en
situation sociale, une thérapie familiale se focalisant sur une réorganisation du
fonctionnement actuel).
On rétablit d’abord un équilibre physique et émotionnel qui permettra dans un 2d temps de
travailler sur la problématique psychique sous jacente.
Ce travail est tout aussi important car si on se contente de traiter le symptôme sans sa cause,
alors le mal-être reste et le symptôme se déplace (phobie, toc, etc..).
Les psychiatres et psychologues spécialisés dans le traitement des TCA en hôpitaux et
cliniques savent très bien manier cette approche intégrative.
Ils allient de façon pertinente thérapie comportementale et travail de réflexion (qui s’appuie
sur les concepts psychanalytiques vus précédemment).
Attention lorsqu’on choisit de se tourner vers un psy libéral (psychiatre ou psychologue).
Car il n’est pas forcément sensibilisé à cette problématique particulière et n’adoptera pas cette
approche adéquate.
Le patient ou les parents vont devoir essayer de le jauger lors du 1er entretien :
en lui demandant quelle est son approche, s’il a déjà pris en charge des TCA, comment et
avec quels résultats.
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Par exemple, un thérapeute d’orientation Lacanienne (Lacan étant le successeur de Freud) ne
sera probablement pas adapté car cette orientation préconise le plus grand retrait possible du
thérapeute dans la réflexion du patient.
La personne ayant souffert d’anorexie et/ou de boulimie peut cependant envisager d’avoir
recours à une psychanalyse (ou une thérapie d’orientation psychanalytique) quelques années
après la stabilisation de son état pour explorer son vécu, et y mettre du sens. Cette démarche
doit être entreprise dans l’intention de mieux se connaître et non de se soigner.
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