Les produits blancs en contactologie : responsables mais pas

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Les produits blancs en contactologie : responsables mais pas
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Contactologie
Les produits blancs en contactologie :
responsables mais pas coupables ?
Roland Pagot
L
a prescription des produits d’entretien pour lentilles de contact est un acte important. L’apparition des “produits blancs”, encore appelés “private label”, pose le problème de la substitution, problème qui existe également pour les lentilles.
Le produit blanc est un produit d’entretien revendu par un groupement, une chaîne
d’optique, voire un indépendant, sous son nom propre. Le contenu de ce produit, qui
varie en fonction de la réponse des laboratoires à l’appel d’offre effectué par ces revendeurs, peut aussi varier dans le temps, sans que le distributeur en bout de chaîne n’ait
conscience de ce changement. Or, l’une des complications les plus fréquentes du port
des lentilles de contact est l’intolérance au produit d’entretien…
Le flou entretenu autour de la composition du produit blanc contribue à la défiance du
patient qui ne comprend plus les discours discordants du prescripteur et du vendeur.
La question est de savoir si
ces produits blancs sont justifiés…
un produit blanc sur une ordonnance expose au délit
de compérage, avec ses conséquences ordinale et
pénale.
D’un point de vue médical : non !
Les produits blancs ne peuvent pas être comparés à
des génériques car il ne s’agit pas de médicaments :
légalement, le droit de substitution n’existe pas.
Les produits d’entretien sont des dispositifs médicaux
de classe 2b, qui comportent donc un risque plus élevé
que les lentilles, qui sont des dispositifs de classe 2a. Ils
ne peuvent être vendus ni en grande surface, ni en parapharmacie, ni par correspondance. Il existe une triple
obligation d’information, de traçabilité et de déclaration
à la matériovigilance en cas de complication.
D’un point de vue sécuritaire : non !
Le marquage CE implique un niveau de qualité minimal et non pas maximal. S’il existe bel et bien une
obligation de noter les composants principaux du produit, les tampons, les sels et adjuvants ne sont en
revanche souvent pas indiqués. Seuls les tests de validation de ces produits pourraient permettre d’en
connaître la composition exacte. Si, par hasard, l’accès
y est possible, c’est pour constater qu’il ne s’agit pas le
plus souvent de la dernière composition du laboratoire.
D’un point de vue ordinal : non !
Il est obligatoire d’inscrire sur l’ordonnance le produit
d’entretien utilisé et la manière de s’en servir. Indiquer
D’un point de vue commercial : non !
Niveler une vente par le bas n’a jamais valorisé un produit…
Strasbourg
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Alors : sommes nous responsables
des changements de prescription ?
Oui !
D’un point de vue ordinal, nous avons l’obligation de
rédiger une ordonnance complète
Celle-ci doit comporter, outre le nom du patient, le
type de prescription et le nom du produit d’entretien,
avec leur mode d’utilisation, ainsi que la durée de validité de l’ordonnance (figure).
D’un point de vue légal : notre signature engage
notre responsabilité
Il ne faut pas hésiter à dialoguer avec l’opticien qui ne
demande souvent que cela. La plupart du temps, le
revendeur n’est pas conscient de l’importance de la
responsabilité qu’entraîne une modification d’ordonnance.
Du point de vue du patient : nous avons un devoir
d’information
Celui-ci nous oblige à donner un devis et une note
explicative sur le port de lentilles (fiche SNOF).
Sommes-nous coupables ? Non, si
nous rédigeons correctement notre
ordonnance, oui dans les autres cas
Un médecin qui n’assume pas la plénitude de ses prérogatives s’expose à des poursuites pénales ou civiles
de la part de son patient si une complication survient.
Rédiger une ordonnance de non contre indication
engage la responsabilité du médecin vis-à-vis du travail fourni par un opticien, ce dernier n’ayant pas la
qualification “légale” pour effectuer une adaptation de
lentilles. Le donneur d’ordre étant le médecin, sa
signature libère l’éventuel opticien adaptateur de sa
responsabilité en cas de complications.
Rédiger une ordonnance incomplète permet au vendeur de procéder à la substitution des produits, ce qui
n’a aucune conséquence pour lui, alors que la responsabilité du prescripteur est toujours engagée.
En bref
Ainsi, se désintéresser de la contactologie n’autorise
pas à déléguer certaines étapes de l’équipement à des
personnes non reconnues, dont le but est la vente et
non pas l’adaptation.
La contactologie est le cheval de Troie de l’ophtalmologie. La dissocier de l’acte médical risque d’aboutir
tôt ou tard à la délégation de l’ophtalmologie médicale,
ce qui pourrait conduire à une ophtalmologie uniquement chirurgicale. Mais une telle chirurgie ne risquerait-t-elle pas de devenir une chirurgie prestataire de
service pour des groupements d’intérêt financier ? Il
existe actuellement suffisamment d’ophtalmologistes
adaptateurs de lentilles de contact pour qu’une délégation médicale soit possible, tout comme l’est déjà la
délégation chirurgicale au profit des opérateurs réguliers recensés.
Ordonnance type
pour port continu
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