Mortalité parmi les patients tuberculeux en République

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Mortalité parmi les patients tuberculeux en République
INT J TUBERC LUNG DIS 16(9):1199–1204
© 2012 The Union
Mortalité parmi les patients tuberculeux en
République Démocratique du Congo
C. Henegar,* F. Behets,* K. Vanden Driessche,* M. Tabala,† E. Bahati,‡ V. Bola,‡ A. Van Rie*
* Department of Epidemiology, The University of North Carolina at Chapel Hill, Chapel Hill, North Carolina, USA ;
† School of Public Heath, University of Kinshasa, Kinshasa, ‡ National Tuberculosis Programme, Kinshasa, Democratic
Republic of Congo
RÉSUMÉ
Kinshasa, République Démocratique du Congo.
Identifier les interventions programmatiques pour améliorer la survie chez les patients sous traitement
pour tuberculose (TB) dans les dispensaires de soins primaires.
S C H É M A : Cohorte rétrospective de patients adultes commençant un traitement antituberculeux entre janvier 2006
et mai 2007.
R É S U LTAT S : Sur 5685 patients, on a vu survenir 390 décès au cours du traitement de la TB, dont la moitié (52%) au
cours des 2 premiers mois. Les risques de décès au cours des 2 premiers mois du traitement sont plus élevés chez les
patients atteints de TB pulmonaire à bacilloscopie négative (virus de l’immunodéficience humaine [VIH] positif RR
1,49 ; IC95% 0,89–2,49 ; VIH négatif RR 1,77 ; IC95% 1,06–2,95), mais il n’en n’a pas été ainsi dans les mois suivants. Chez les patients atteints d’une TB extrapulmonaire, le risque de décès est accru au cours des 2 premiers mois
du traitement TB chez les sujets non-infectés par le VIH (RR 2,42 ; IC95% 1,52–3,85), et le risque de décès est réduit
de moitié au cours du reste du traitement TB (VIH positif RR 0,46 ; IC95% 0,22–0,97 ; VIH négatif RR 0,47 ;
IC95% 0,23–0,94). Le risque de décès est décru par le traitement antirétroviral (TAR) d’environ 36% (RR 0,64 ;
IC95% 0,37–1,11).
C O N C L U S I O N : Une mortalité élevée au cours des premiers mois du traitement TB pourrait être réduite en s’occupant
des retards de diagnostic, particulièrement pour les cas de TB extrapulmonaire et à bacilloscopie négative ainsi que par
la mise en route du TAR rapidement après la mise en route du traitement TB chez les patients infectés par le VIH.
M O T S - C L É S : TB à bacilloscopie négative ; TB extrapulmonaire ; VIH
CONTEXTE :
OBJECTIF :
LA TUBERCULOSE (TB) reste une menace majeure
pour la santé publique au niveau mondial. En 2009,
9,4 millions de nouveaux cas de TB sont survenus dans
le monde et 1,7 million de décès.1 La République Démocratique du Congo (RDC) est un pays à prévalence
élevée de TB avec un taux d’incidence de 372 par
100.000 habitants et où 50.000 morts sont attribués
à la TB chez les individus non infectés par le virus de
l’immunodéficience humaine (VIH) en 2009.2 Pendant cette même année, 20% des patients TB testés se
sont avérés infectés par le VIH.2
Des taux élevés de mortalité surtout précoce au
cours du traitement parmi les patients TB ont été signalés dans des pays différents,3–5 et ont été attribués
aux retards de diagnostic qui sont fréquents dans les
cas de TB pulmonaire à bacilloscopie négative et de
TB extrapulmonaire (TEP).6,7 La mortalité élevée associée à la TB chez les individus infectés par le VIH
est elle aussi bien démontrée. La TB reste une cause
importante de décès chez les individus séropositifs
pour le VIH en Afrique sub-saharienne.8,9 La TB
liée au VIH est plus susceptible de se présenter sous
forme de TB pulmonaire à bacilloscopie négative ou
de TEP.10,11
Nous avons cherché à déterminer les taux de mortalité au cours du traitement pour TB chez les patients
des dispensaires de soins primaires à Kinshasa, RDC,
et à évaluer l’indépendance de l’association entre décès
et durée du traitement antituberculeux, type de TB (TB
à bacilloscopie positive, TB pulmonaire à bacilloscopie
ou TEP) et statut VIH. Une meilleure compréhension
des facteurs en association avec la mortalité TB pourrait entrainer l’identification et le caractère prioritaire
des interventions nécessaires à l’amélioration de la
survie chez les patients TB dans des contextes où l’infrastructure des soins de santé est médiocre.
MÉTHODES
Participants à l’étude et collecte des données
Ont été inclus dans l’analyse les individus âgés de
⩾15 ans diagnostiqués comme attaints de TB et mis
Auteur pour correspondance : Cassidy E Henegar, Department of Epidemiology, University of North Carolina at Chapel
Hill, 2106 McGavran-Greenberg CB #7435, Chapel Hill, NC 27599, USA. Tel: (+1) 919 274 6952. Fax: (+1) 919 966
4914. e-mail: [email protected]
[Traduction de l’article : « Mortality among tuberculosis patients in the Democratic Republic of Congo » Int J Tuberc Lung
Dis 2012; 16(9): 1199–1204. http://dx.doi.org/10.5588/ijtld.11.0613]
2
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
au traitement dans 14 dispensaires de Kinshasa entre
janvier 2006 et mai 2007. Les dispensaires éligibles
étaient ceux qui avaient participé à un programme de
conseil VIH initié par le pourvoyeur de soins à l’intention des patients TB. Le nombre de patients TB
était élevé dans les dispensaires sélectionnés : ils représentaient ⩾30% de la charge globale de patients.
Quand un patient suspect de TB se présentait à un
dispensaire, on a prélevé trois échantillons séparés de
crachats pour examen microscopique des frottis. Les
individus chez qui on a mis en évidence des bacilles
acido-résistants sur au moins deux frottis ont été
classés comme TB pulmonaire à bacilloscopie positive, quels que soient les signes éventuels d’une atteinte extrapulmonaire. Les patients dont le résultat
de l’examen microscopique a été plus d’une fois négatif ont été mis sous antibiotiques pendant 10 jours.
L’examen microscopique des frottis de trois échantillons de crachats a été répété à la fin de cette cure
d’antibiotique. Pour les individus toujours symptomatiques mais dont plus d’un résultat microscopique
a été négatif, on a poursuivi pour 10 à 15 jours de
plus la prise en charge clinique et le traitement au
moyen d’antibiotiques avant de répéter encore une
fois l’examen microscopique des frottis. Si, au total,
deux des neuf résultats d’examen microscopique des
frottis étaient positifs, on a mis en route un traitement antituberculeux. Lorsqu’un seul ou aucun des
résultats microscopiques n’était positif, le diagnostic
de TB pulmonaire à bacilloscopie négative ou de TEP
pouvait être porté par présomption en se basant sur
l’évaluation clinique. Le cliché thoracique n’a été utilisé que chez très peu de patients (1,7%) et la culture
de Mycobacterium tuberculosis n’était pas disponible.
Les individus diagnostiqués comme atteints de TB
ont été traités selon les directives du Programme National de la RDC : 2 mois d’isoniazide (INH), de rifampicine (RMP), d’éthambutol et de pyrazinamide,
suivis par 4 mois d’INH et de RMP, ou par un régime
de retraitement prolongé de 8 mois en cas d’antécédents de traitement de TB.12 Le traitement au dispensaire a été directement observé sur une base quotidienne pendant les 2 premiers mois du traitement.
On a offert à tous les patients un conseil VIH et on a
utilisé les tests rapides sur site. Les résultats suivent
les définitions standards de l’Organisation Mondiale
de la Santé (OMS).12 Dans l’analyse, le résultat d’intérêt a été le décès, et tous les autres résultats de traitement ont été considérés comme des événements entrainant l’écartement. Les patients sous traitement à la
fin de la période de collecte de données ont été écartés
administrativement, la date d’écartement correspondant à la dernière visite au dispensaire.
Analyse des données
Les comparaisons des caractéristiques cliniques et démographiques entre les groupes de patients ont été
étudiées au moyen des tests χ2 de Pearson pour les
variables catégorielles et des tests-t ou du test-U de
Mann-Whitney pour les variables continues.
La période de survie sans incident a été analysée
au moyen de l’estimation de Kaplan-Meier. Les taux
bruts d’incidence et les ratios de taux d’incidence ont
été calculés. On a utilisé la régression proportionnelle
des risques de Cox pour estimer les risques relatifs
(RR) bruts et ajustés ainsi que les intervalles de confiance à 95% (IC). La rétention d’éléments confondants dans le modèle a reposé sur la combinaison
d’une régression par étapes rétrogrades et sur une information a priori.
La supposition de risques proportionnels a été
évaluée pour chaque co-variable en examinant les
points de survie log-log et en testant la signification
de l’introduction d’un terme d’interaction entre l’exposition et la durée. L’inclusion de termes d’interaction liés au temps a révélé une interaction significative entre la durée sous traitement et les RR associés
au type de TB. Pour tenir compte de cet élément, on a
recouru à une modélisation des risques proportionnels de Cox par fragments où un modèle a examiné
la mortalité au cours des 8 premières semaines de
traitement et le second la mortalité au cours du reste
du traitement de la TB.
La modification d’effet a été évaluée pour les variables individuelles en introduisant un terme d’interaction dans le modèle totalement ajusté entre le type
de TB et chaque co-variable et en comparant avec un
modèle d’effets principaux utilisant les tests de ratio
de vraisemblance (P < 0,10). Le seul terme de paires
d’interaction statistiquement significatif a concerné le
type de TB et le statut VIH. Pour tenir compte de cette
modification d’effet, les résultats sont présentés séparément pour les patients VIH positifs et VIH négatifs.
Toutes les analyses ont été réalisées grâce à la version 9,2 de SAS (SAS Institute, Cary, NC, USA). Les
comités institutionnels de l’Université de Caroline du
Nord à Chapel Hill et de l’Ecole de santé Publique à
Kinshasa ont approuvé l’étude.
RÉSULTATS
Caractéristiques de la population étudiée
Sur les 5.685 patients adultes, 47% étaient du sexe
féminin, l’âge moyen était de 35 ans, 734 (13%)
avaient déjà été traités pour TB dans le passé et chez
la plupart (80%) une cicatrice de vaccination par le
bacille de Calmette et Guérin était visible (Tableau 1).
Au total, 91,3% des patients ont été testés pour le
VIH et 18% (933) étaient séropositifs. L’utilisation
de la prophylaxie au cotrimoxazole a été importante
puisque 98% (n = 846) des séropositifs ont commencé la prophylaxie (Tableau 2). L’accès au traitement antirétroviral (TAR) a été faible, 14% seulement des patients séropositifs pour le VIH ayant reçu
le TAR au cours du traitement antituberculeux ;
parmi ceux-ci, 4,9% (43/933) étaient sous TAR au
Mortalité due à la TB en RDC
3
Tableau 1 Caractéristiques socio-démographiques et cliniques des patients TB adultes par
type de maladie TB
Tous
(N = 5685)
n (%)
Sexe
Féminin
Masculin
Manquant
Age, années
Moyenne
DS
Statut VIH
Positif
Négatif
Manquant
Adhésion, %
⩾80
<80
TB antérieure
Nouveau cas
Antécédent de TB
Manquant
Cicatrice de BCG
Oui
Non
Manquant
TBP à frottis positif TBP à frottis négatif
(n = 3736)
(n = 1021)
n (%)
n (%)
TEP
(n = 928)
n (%)
2664 (46,9)
3009 (52,9)
12 (0,21)
1667 (44,6)
2061 (55,2)
8 (0,21)
497 (48,7)
523 (51,2)*
1 (0,10)
500 (53,9)
425 (45,8)*
3 (0,3)
34,9
13,8
32,9
12,6
39,7*
14,8
37,9*
15,3
933 (16,4)
4257 (74,9)
495 (8,7)
366 (9,8)
3062 (82,0)
308 (8,2)
349 (34,2)
600 (58,8)*
72 (7,1)
218 (23,5)
595 (64,1)*
115 (12,4)
6214 (95,4)
301 (4,6)
3708 (95,6)
169 (4,4)
1260 (94,5)*
73 (5,5)
1246 (95,5)
59 (4,5)
4940 (86,9)
734 (12,9)
11 (0,2)
3214 (86,0)
516 (13,8)
6 (0,2)
860 (84,2)
159 (15,6)
2 (0,2)
866 (93,3)
59 (6,4)*
3 (0,3)
4546 (80,0)
982 (17,3)
157 (2,8)
3005 (80,4)
646 (17,3)
85 (2,3)
797 (78,1)
189 (18,5)
35 (3,4)
744 (80,2)
147 (15,8)
37 (4,0)
* P < 0,05, significativement différent par comparaison avec la TB à frottis positif.
TB = tuberculose ; TBP = TB pulmonaire ; TEP = TB extra-pulmonaire ; DS = déviation standard ; VIH = virus de
l’immunodéficience humaine ; BCG = bacille de Calmette et Guérin.
Tableau 2 Caractéristiques socio-démographiques et
cliniques des patients TB adultes en fonction du statut VIH
VIH
VIH
séropositif séronégatif
(n = 933) (n = 4.257)
n (%)
n (%)
Age, années
Moyenne
DS
Sexe
Féminin
Masculin
Manquant
Adhésion, %
⩾80
<80
Maladie TB antérieure
Nouveau cas
Traitement TB antérieur
Manquant
Vaccination BCG
Oui
Non
Manquante
Traitement au cotrimoxazole
Mis en route avant le traitement TB
Mis en route pendant le traitement TB
Mis en route, pas de date
Pas mis en route
Traitement antirétroviral
Mis en route avant le traitement TB
Mis en route pendant le traitement TB
Mis en route, pas de date
Pas mis en route
38,1
9,7
34,2+
14,5
579 (62,1) 1873 (44,0)*
353 (37,8) 2376 (55,8)
1 (0,1)
8 (0,2)
878 (94,1) 4053 (95,2)
55 (5,9)
204 (4,8)
780 (80,4) 3752 (88,1)*
179 (19,2) 498 (11,7)
4 (0,4)
7 (0,2)
748 (80,2) 3399 (79,8)
156 (16,7) 737 (17,3)
29 (3,1)
121 (2,8)
79 (8,5)
766 (82,1)
66 (7,1)
22 (2,4)
—
—
—
—
46 (4,9)
51 (5,5)
32 (3,4)
804 (86,2)
—
—
—
—
* P < 0,05, significativement différent par comparaison avec le statut VIH
positif.
TB = tuberculose ; VIH = virus de l’immunodéficience humaine ; DS = déviation standard ; BCG = bacille de Calmette et Guérin.
moment du diagnostic de TB et 5,8% de plus (51/877)
y ont eu accès au cours du traitement antituberculeux.
La TB pulmonaire (TBP) à bacilloscopie positive a
été le diagnostic le plus fréquent (66%, n = 3.736),
suivie par TB à bacilloscopie négative (18%, n =
1.012) et la TEP (16%, n = 928). La TB pleurale
(40,3%, n = 374) et ganglionnaire (37,6%, n = 349)
ont constitué les formes les plus courantes de TEP.
Par comparaison avec ceux chez qui le diagnostic
de TBP à bacilloscopie positive avait été porté, les
patients atteints de TEP étaient moins susceptibles
d’avoir des antécédents de TB (6% vs. 14%, P <
0,0001) et les patients atteints de TBP à bacilloscopie
négative ou de TEP étaient plus susceptibles d’être
plus âgés (respectivement âge moyen 40 ans vs. 33 ans,
P < 0,0001 et 38 ans vs. 33 ans, P < 0,0001) ou séropositifs pour le VIH (respectivement 34% vs. 10%,
P < 0,0001 et 24% vs. 10%, P < 0,0001). Les patients séropositifs pour le VIH étaient plus susceptibles d’être de sexe féminin (62% vs. 44%, P <
0,001), plus âgés (âge moyen 38 vs. 34 ans, P <
0,0001) et d’avoir des antécédents de traitement de
TB (19% vs. 12%, P < 0,0001) par comparaison
avec les patients séronégatifs pour le VIH.
Facteurs en association avec la mortalité tuberculose
Au cours de 38.390 mois-patient d’observation,
390 décès sont survenus, ce qui correspond à un taux
de mortalité de 0,01 décès par mois-personne. L’estimation Kaplan-Meier de la survie après 8 mois de
traitement a été de 92,6%. Le décès a été plus fréquent
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The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
précocement au cours du traitement antituberculeux,
puisque 8% (n = 31) de tous les décès sont survenus
au cours de la première semaine après la mise en
route du traitement et 52% (n = 201) au cours des
2 premiers mois de traitement.
Dans l’ensemble, les décès sont survenus après une
durée médiane de 59 jours de traitement (limites interquartiles [LIQ] 27–108). La durée médiane avant
le décès a été plus courte pour les TEP (42 jours,
LIQ 7–65) que pour les TBP à bacilloscopie négative
(58 jours, LIQ 26–109) et les cas de TBP à bacilloscopie positive (63 jours, LIQ 39–118). Pour les cas de
TEP, la durée médiane avant le décès a été plus longue
pour les cas atteints d’adénite cervicale (42 jours,
LIQ 25–118) et de TB pleurale (44 jours, LIQ 17–68)
que dans le cas de TB abdominale (12 jours, LIQ 6–
25) et péricardique (19 jours, LIQ 8–30).
La mortalité a été plus élevée chez les patients
ayant des antécédents d’un traitement antituberculeux (ratio de taux d’incidence [RRI] 1,45 ; IC95%
1,12–1,87) que dans les nouveaux cas de TB. La mortalité a également été plus élevée dans les TB pulmonaires à bacilloscopie négative (RRI 1,90 ; IC95%
1,51–2,40) et dans les TEP (RRI 1,45 ; IC95% 1,10–
1,89) que dans les TB à bacilloscopie positive (Tableau 3). Le facteur de risque de mortalité le plus
élevé a été l’infection VIH (RRI 3,6 ; IC95% 2,9–4,4).
Tableau 3 Mortalité en fonction des caractéristiques
sociodémographiques et cliniques des patients
Nombre
Décès total de
RRI (IC95%)
n patients pour la mortalité
Sexe
Masculin
Féminin
Age moyen, années
⩽35
>35
Antécédents de TB
Nouveau cas
Antécédents de TB
Vaccination BCG
Cicatrice de vaccination
Pas de cicatrice de vaccination
Type de TB
Frottis positif
Frottis négatif
TB extra-pulmonaire
Statut VIH
VIH-négatif
VIH-positif
Utilisation du cotrimoxazole
Jamais mis en route
Mis en route avant ou pendant
le traitement TB
Traitement antirétroviral
Jamais mis en route
Mis en route avant ou pendant
le traitement TB
207
182
2684
2435
1,0
0,99 (0,81–1,20)
172
218
3021
2109
1,0
1,92 (1,57–2,35)
370
70
4457
662
1,0
1,45 (1,12–1,87)
300
73
4100
883
1,0
0,88 (0,68–1,13)
212
106
72
3338
930
862
1,0
1,90 (1,51–2,40)
1,45 (1,10–1,89)
145
204
848
3810
1,0
3,56 (2,88–4,41)
3
12
142
836
0,98 (0,31–3,08)
131
721
1,0
14
127
0,63 (0,36–1,10)
1,0
RRI = ratio de risque d’incidence ; IC = intervalle de confiance ; TB =
tuberculose ; BCG = bacille de Calmette et Guérin ; VIH = virus de l’immunodéficience humaine.
L’accès au TAR a entrainé une réduction du risque de
mortalité estimée à 37% (RRI 0,63 ; IC95% 0,36–
1,10). La prophylaxie au cotrimoxazole ne semble
pas avoir eu d’effet protecteur au cours du traitement
antituberculeux (RRI 0,98 ; IC95% 0,31–3,08).
Afin d’estimer les effets indépendants du statut
VIH, du type de TB et de la durée du traitement TB
sur la mortalité, nous avons utilisé les modèles de
risques proportionnels multivariés de Cox avec ajustement pour les facteurs confondants (Tableau 4).
Parmi les individus séronégatifs pour le VIH, la TB
pulmonaire à bacilloscopie négative est en association avec un risque accru de décès (ratio de risque
ajusté [RRa] 1,77 ; IC95% 1,06–2,95) au cours des 2
premiers mois du traitement antituberculeux, mais
pas ultérieurement (RRa 0,98 ; IC95% 0,58–1,65).
La TEP est en association avec un risque de décès
augmenté plus de deux fois (RRa 2,42 ; IC95% 1,52–
3,85) au cours des 2 premiers mois du traitement et
avec une réduction de 50% du risque de décès ultérieur (RRa 0,46 ; IC95% 0,22–0,97). De même que
chez les patients séronégatifs pour le VIH, chez les séropositifs, la TB pulmonaire à bacilloscopie négative
augmente également le risque de décès au cours des
premiers mois de traitement (RRa 1,49 ; IC95%
0,89–2,49), mais non par la suite (RRa 1,49 ; IC95%
0,52–1,44), et la TEP est associée à un risque diminué
de décès après les 2 premiers mois de traitement (RRa
0,47 ; IC95% 0,23–0,94). A l’opposé des individus
séronégatifs pour le VIH, le risque de décès chez les
séropositifs atteints de TEP n’augmente pas significativement au cours des premiers mois de traitement
(RRa 0,85 ; IC95% 0,44–1,67).
Tableau 4 Ratios de risque bruts et ajustés de mortalité en
fonction de la forme de maladie TB, stratifiés en fonction du
statut VIH et de la phase de traitement
Caractéristiques
cliniques
VIH-négatif
Phase intensive
TBP à frottis positif
TBP à frottis négatif
TEP
Phase de continuation
TBP à frottis positif
TBP à frottis négatif
TEP
VIH-positif
Phase intensive
TBP à frottis positif
TBP à frottis négatif
TEP
Phase de continuation
TBP à frottis positif
TBP à frottis négatif
TEP
Risque relatif
Brut (IC95%)
Ajusté (IC95%)*
1,0
2,14 (1,30–3,52)
2,85 (1,81–4,48)
1,0
1,77 (1,06–2,95)
2,42 (1,52–3,85)
1,0
1,33 (0,82–2,24)
0,57 (0,28–1,19)
1,0
0,98 (0,58–1,65)
0,46 (0,22–0,97)
1,0
1,56 (0,94–2,60)
0,64 (0,44–1,67)
1,0
1,49 (0,89–2,49)
0,85 (0,44–1,67)
1,0
0,86 (0,52–1,43)
0,47 (0,24–0,96)
1,0
0,86 (0,52–1,44)
0,47 (0,23–0,94)
* Ajusté pour le sexe et l’âge.
TB = tuberculose ; VIH = virus de l’immunodéficience humaine ; IC = intervalle de confiance ; TBP = TB pulmonaire ; TEP = TB extra-pulmonaire.
Mortalité due à la TB en RDC
DISCUSSION
Dans une cohorte de patients TB diagnostiqués et
traités dans les dispensaires de soins primaires à Kinshasa, RDC, le risque de décès au cours du traitement
antituberculeux est en association indépendante avec
le type de TB, la durée du traitement et le statut VIH,
le risque de décès étant accru au cours des premiers
mois du traitement chez les patients atteints de TB
pulmonaire à bacilloscopie négative et de TEP ainsi
que chez les patients séropositifs pour le VIH.
La mortalité est plus élevée au cours des premiers
mois du traitement tant chez les patients séropositifs
que chez les séronégatifs. Des taux élevés de décès
précoce chez les patients séropositifs ont été décrits
dans de nombreux contextes et dans une moindre mesure chez les individus séronégatifs pour le VIH.4,5,13
Les patients séropositifs encourent un risque accru
de décès quel que soit le type de TB, comme cela a été
observé dans de nombreuses autres études.4,14–16 Vu
les faibles niveaux d’accès aux TAR en RDC, la majorité des patients séropositifs pour le VIH étaient
plus susceptibles d’être atteints d’une immunosuppression modérée à avancée au moment du diagnostic de
TB. Le degré de dépression immunitaire n’a pas pu
être étudié dans notre cohorte car l’évaluation des
CD4 n’était pas disponible dans ce contexte. Le TAR
s’est avéré améliorer de façon drastique la survie chez
les patients TB séropositifs.17,18 Nous avons observé
que pour les sujets sous TAR, le risque de mortalité
est réduit de 36% (estimation). Des essais contrôlés
randomisés ont récemment démontré des réductions
de mortalité en association avec la mise en route du
TAR peu de temps après le début du traitement antituberculeux.19 Le traitement préventif au cotrimoxazole administré parallèlement au traitement TB s’est
lui aussi avéré réduire la mortalité globale au cours
du traitement chez les patients séropositifs pour le
VIH.20 Cet effet protecteur n’a pas été observé dans
notre cohorte, peut-être en raison du petit nombre de
patients séropositifs pour le VIH (2%) qui n’ont pas
reçu le cotrimoxazole.
On a signalé dans divers contextes des risques accrus de décès en liaison avec la TB pulmonaire à bacilloscopie négative et la TEP.14,21,22 Nous avons élargi
cette connaissance en démontrant que l’effet du type
de TB sur la mortalité est modifié par la durée du
traitement et le statut VIH. Dans les TB pulmonaires
à bacilloscopie négative, le risque de mortalité n’est
accru que précocement dans le traitement, alors que
dans les TEP, le risque de décès précoce au cours du
traitement ne survient que chez les individus séronégatifs pour le VIH et est en association avec un
risque de décès diminué de 50% après le premier mois
de traitement, quel que soit le statut VIH. Comme dans
d’autres contextes à ressources limitées, les délais du
diagnostic des TB à bacilloscopie négative et des TEP
de notre cohorte ont probablement contribué aux
taux élevés de décès observés parmi ces patients.7,23
5
A partir des données cliniques disponibles, nous
n’avons pas été en mesure d’évaluer la durée du processus de diagnostic pour ces différentes formes de
TB. Les algorithmes de diagnostic utilisés dans les
dispensaires en ce qui concerne la TEP et la TB à bacilloscopie négative étaient toutefois longs et complexes. Le traitement antituberculeux n’a été mis en
route qu’après un diagnostic officiel de TB, ce qui
signifie qu’en général les cas à bacilloscopie positive ont été mis sous traitement plus tôt après s’être
présentés pour évaluation que les patients atteints
d’autres formes de la maladie.
Le risque réduit de décès chez les patients atteints
de TEP après 2 mois de traitement pourrait être dû à
un effet de survie dans la cohorte. Les patients atteints de formes sévères de TEP, comme la méningite
TB et la TB abdominale, encourent un risque élevé de
décès. Dans notre cohorte, la durée avant décès a été
plus courte pour les patients atteints de TB abdominale et de TB péricardique par comparaison avec les
formes moins graves de TEP comme l’adénite cervicale et la TB pleurale. Cinq cas seulement de méningite TB ont été vus au dispensaire, et il est probable
que les individus atteints de cette forme sévère de maladie TB ont été directement orientés en vue du traitement vers un hôpital plutôt que vers un dispensaire
de soins primaires.
Bien que les recherches opérationnelles soient importantes, car réalisées dans le contexte du monde
réel où les patients bénéficient des soins, elles souffrent souvent d’importantes limitations inhérentes à
ce contexte. Vu le manque de ressources diagnostiques, il est possible qu’il y ait des erreurs de classification. Dans notre cohorte, une TB confirmée par
l’examen microbiologique n’a pas été obtenue chez
35% des patients et la présence de TB à germes résistants n’a pas pu être évaluée. En l’absence de moyens
de diagnostic autres que l’examen microscopique des
frottis, il est courant que d’autres affections soient
classées par erreur comme TB à bacilloscopie négative ou TEP, ou encore que d’autres affections sousjacentes aient échappé.24,25 Les erreurs de diagnostic
chez des patients erronément traités pour TB pourraient avoir contribué aux taux élevés de mortalité
précoce dans notre cohorte. Comme dans la plupart
des études sur la mortalité de la TB, la cause de décès
n’a pas pu être établie dans notre cohorte. Une étude
par autopsie en Thaïlande a révélé que 27% seulement des patients TB décédés au cours du traitement
étaient morts de TB ; de plus, 16% des patients que
l’on avait cru décédés de TB n’étaient même pas atteints de cette maladie.26 En Afrique sub-saharienne,
la mortalité plus élevée chez les patients atteints de
TB pulmonaire à bacilloscopie négative et de TEP a
été attribuée au diagnostic erroné de maladies liées
au VIH faussement considérées tuberculose.24
En conclusion, nous avons identifié des taux de
mortalité plus élevés chez les patients séropositifs
6
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
pour le VIH, un risque accru de décès chez les patients atteints de TBP à bacilloscopie négative et de
TEP au cours des premiers mois de traitement chez
les patients séronégatifs pour le VIH et un risque plus
faible de décès dans les cas de TEP qui survivent aux
2 premiers mois de traitement. Les retards de diagnostic dus au fait de se fier à l’examen microscopique des
frottis et au jugement clinique ainsi que le manque
d’accès au TAR sont probablement les facteurs contributifs les plus importants de l’excès de mortalité observé chez ces patients. L’amélioration du diagnostic
de la TB par une utilisation sur les sites de soins d’une
technique de diagnostic rapide comme Xpert® MTB/
RIF (Cepheid, Sunnyvale, CA, USA), un test de sensibilité accrue pour le diagnostic des TB à bacilloscopie négative et capable de différencier entre les TB
sensibles et résistantes aux médicaments, ainsi que
lorsque les décomptes de CD4 ne sont pas facilement
accessibles, la mise en route du TAR peu de temps
après le début du traitement antituberculeux quel que
soit le nombre de CD4, sont deux interventions récemment recommandées par l’OMS qui pourraient
entrainer des réductions importantes de mortalité
chez les individus recourant aux soins de la TB dans
les services de soins de santé primaires.27,28
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