Retour du matricule : Manuel Valls confronté à la grogne des policiers

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Retour du matricule : Manuel Valls confronté à la grogne des policiers
Lu pour Vous
Retour du matricule :
Manuel Valls confronté à la grogne des policiers
Entrant en vigueur le 1er janvier, ce dispositif, censé rapprocher
la police de la population, est dénoncé comme une « stigmatisation ».
Ras le képi. Ulcérés par ce qu’ils ont appelé le
«flicage» de la plate-forme de signalements
à l’Inspection générale de la police nationale
(IGPN, «police des polices»), ouverte pour
«dénoncer» les mauvais comportements en
quelques clics, les policiers avaient déjà défilé le mois dernier par centaines derrière
l’Assemblée nationale pour dénoncer la réduction de l’ISSP, soit l’indemnisation de sujétions spécifiques de police, une prime de
100 à 200 euros par mois octroyée aux élèves
policiers et gendarmes, en vue d’une économie budgétaire de douze millions d’euros.
Regroupés sous une banderole noire en
signe de deuil, «Policiers sacrifiés = citoyens
en insécurité», ils exigeaient pêle-mêle une
revalorisation des primes pour les officiers
de police judiciaire, clouaient au pilori la «loi
Taubira» renforçant l’impunité des voyous,
le retard dans l’octroi des bonifications ou
encore un cruel manque de moyens.
On pensait la coupe pleine. Il n’en est rien.
Les policiers, aiguillonnés par des syndicats
déjà partis en campagne en vue des élections professionnelles, sont désormais vent
debout contre le matricule que les forces
de l’ordre devront arborer dès le 1er janvier
sur l’uniforme ou les brassards. Promise par
Manuel Valls tel un gage aux associations
et aux partis de gauche qui ont réclamé en
vain l’idée d’un récépissé délivré lors d’un
contrôle d’identité, cette mesure a été rejetée il y a une dizaine de jours en commission
paritaire à une rare unanimité par l’ensemble
des syndicats de police, toutes tendances
confondues, du gardien de la paix aux commissaires en passant par les officiers. Quasiment du jamais-vu.
Les racines de la grogne sont profondes. «Le
port obligatoire du matricule est vécu par
les collègues comme une stigmatisation
outrageante! Tout le monde sait que c’est
la contrepartie de l’abandon du récépissé,
un temps imaginé pour lutter contre les
contrôles au faciès, peste Frédéric Lagache,
secrétaire général adjoint d’Alliance Police
nationale, fer de lance de la contestation.
Accepter le port de ce matricule, c’est accepter l’idée que les policiers puissent agir
en fonction de la couleur de peau. Cette
idée, contraire aux lois républi­caines, nous
Le Bureau National
est insupportable. Ce soupçon est autant
plus usant que notre institution est l’une
des plus contrôlées de France: déjà par la
fameuse “police des polices”, mais aussi
par les magistrats ou encore le Défenseur
des droits, qui peut être désormais saisi par
n’importe quel citoyen…»
Dans une morne atmosphère où ils déplorent un «manque de confiance», la base
et les gradés revendiquent plus de soutien
à l’heure où Beauvau leur demande d’être
plus engagés sur le front d’une délinquance
rugueuse, notamment dans les Zones de sécurité prioritaires (ZSP) qui se multiplient à
moyens constants.
Répétant que le port du matricule «n’est pas
un signe de défiance», comme à l’occasion
de la cérémonie des vœux de l’Association
nationale d’action sociale (Anas), Manuel
Valls prévient d’emblée que ce dernier n’a
rien de facultatif. «J’entends bien que tous»
les policiers et les gendarmes «le portent», a
mis en garde le premier flic de France, droit
dans ses bottes.
«Le matricule assurera la transparence
de l’action des forces de sécurité, assure
Pierre-Henry Brandet, porte-parole du ministère de l’Intérieur, où l’on veut euphémiser
la tempête. Ceux qui respectent la loi et le
règlement déontologique n’ont par définition rien à craindre. L’idée est de restaurer
le lien de confiance avec les citoyens.» De
fait, l’idée de «vivre ensemble» que promeut la Place Beauvau contraste avec les
tumultueuses relations qu’entretiennent les
unités d’intervention et une partie de la population. Une enquête du CNRS menée auprès de 13.500 adolescents par une équipe
de sociologues rassemblés autour du chercheur Sébastian Roché en témoigne: 49 %
des jeunes interrogés ont le sentiment que
la police ne défend pas leurs valeurs. Près de
57 % pensent que l’on ne peut pas lui faire
confiance. 33 % estiment que même dans
le cas d’un problème grave, ils ne s’adresseraient probablement pas à la police. Environ 40 % d’entre eux jugent la police «raciste». Enfin, 40 % pensent que les policiers
se livrent «souvent ou très souvent» à des
contrôles abusifs. En novembre dernier, un
sondage Ifop soulignait que seuls 14 % des
Français considéraient les policiers comme
«proches de la population». Le matricule,
inscrit dans le cadre plus large d’un nouveau
code de déontologie, suffira-t-il à retrouver
la concorde perdue?
Inscrite en noir sur une bande de couleur
gris perle, cette combinaison aléatoire de
sept chiffres apparaîtra sur la boutonnière
des policiers. Dans une lettre adressée à
Manuel Valls, le Défenseur des droits, Dominique Baudis, avait préconisé que le matricule, utilisable en cas de contentieux, soit
«visible et aisément mémorisable». «Ceux
qui n’ont pas de mémoire pourront toujours
le photographier avec leur por­table», note
un magistrat parisien. Dans les rangs de la
gendarmerie, cette nouvelle numérotation
qui fleurira sur la manche n’a pas l’heur de
susciter la moindre levée de boucliers. «Hormis quelques grincheux, résume un officier
de terrain, cela ne changera pas grand-chose
pour les gendarmes qui, en brigade, sont
déjà connus physiquement et parfois même
appelés par leur prénom…»
240 000 fonctionnaires et militaires
équipés pour un coût de 1,3 million
d’euros
La facture du nouveau matricule est plutôt salée. Selon nos informations, elle
s’élève à la bagatelle de 1,3 million d’euros, frais de conception et de fabrication
compris.
Ce budget permet d’équiper 240 000 policiers et gendarmes, réservistes compris. «
L’idée est de distribuer les numéros à tout
le monde, même à ceux qui n’ont pas forcément une mission sur la voie publique »
, précise-t-on au ministère de l’Intérieur.
Si les gendarmes des groupements départementaux, les policiers en charge de la
sécurité de proximité, les brigades anticriminalité ou encore les compagnies motocyclistes en seront dotés, certaines unités
spécialisées en seront dispensées. Ainsi,
les superflics du Raid et leurs homologues
du GIGN échapperont au matricule, tout
comme la brigade antigang à Paris. Discrétion oblige, les services secrets, tels que la
Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, contre-espionnage), seront
par définition eux aussi exemptés.
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24 décembre 2013
Lu pour Vous
Un nouveau code de déontologie pour contrôler la profession
Manuel Valls entend restaurer du lien avec la population. Cela passe notamment par un recalibrage des forces de l’ordre
«Les liens entre les forces de l’ordre et une partie de la jeunesse des quartiers, parfois au-delà, sont méfiants et tendus.
Ce n’est pas forcément propre aux policiers ou aux gendarmes,
car, bien trop souvent, ils sont les seuls agents publics en première ligne en soirée ou les jours fériés»: de l’aveu même de
Manuel Valls, le 30 septembre à l’École militaire, la restauration du lien avec la population passe notamment par un recalibrage des forces de l’ordre.
Devant un parterre de galonnés, le ministre a exhorté de
«rappeler à vos collaborateurs la nécessité d’avoir un comportement exemplaire en toutes circonstances, de proscrire
le tutoiement, ou encore d’éviter qu’un contrôle soit ressenti
comme humiliant par l’usager».
Un nouveau code de déontologie commun aux policiers et gendarmes fixe une série de «devoirs» parmi lesquels le «secret»,
la «probité», le «discernement» ou en­core l’«impartialité».
Discernement et impartialité
Les agents des forces de l’ordre «accordent la même attention et le même respect» à toute personne et n’établissent
«aucune distinction» de nature à constituer une discrimination. Côté discernement, ils doivent tenir compte «en toutes
circonstances de la nature des risques et menaces» avant de
«choisir la meilleure réponse légale».
Relation avec la population
Ayant une relation «empreinte de courtoisie» qui «requiert
l’usage du vouvoiement», le policier ou le gendarme est «respectueux de la dignité des personnes» et «veille à se comporter en toutes circonstances d’une manière exemplaire, propre
à inspirer en retour respect et considération».
Contrôles d’identité
Secret et probité
Le policier ou le gendarme s’abstient de «divulguer à quiconque n’a ni le droit, ni le besoin d’en connaître les informations dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions».
Il ne se «prévaut pas de sa qualité pour en tirer un avantage
personnel» et «n’accepte aucun avantage ni aucun présent»
directement ou indirectement lié à ses fonctions.
Le Bureau National
Lorsque la loi l’autorise à un contrôle, le policier ou le gendarme ne se fonde sur «aucune caractéristique physique ou
aucun signe distinctif pour déterminer les personnes à contrôler», sauf s’il dispose d’un signalement précis motivant le
contrôle. Le code rappelle que «la palpation de sécurité est
exclusivement une mesure de sûreté». «Elle ne revêt pas un
caractère systématique», précise le texte. Elle est pratiquée,
chaque fois que les circonstances le permettent, «à l’abri du
regard du public».
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24 décembre 2013