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Homélie pour la fête de l’Annonciation
25 mars 2015
Croyez-vous frères et sœurs qu’elle ait vraiment compris ce qui arrivait… cette petite
femme de Nazareth, cette toute jeune fille ? Elle demande : « Comment ? », « Comment cela
va-t-il se faire ? » Et pensez-vous que cette réponse a priori toute simple soit compréhensible :
« L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est
pourquoi l’enfant qui va naître sera saint et il sera appelé le Fils de Dieu » ? Quelle réponse !
Forcément, c’est un ange qui lui porte le message ! Oui c’est un ange et l’un des plus
honorables, l’un des plus grands. Mais que ce soit un ange qui dise cela ne rend pas plus claire
la réponse, pas plus évident, compréhensible, l’évènement annoncé.
Non, elle n’a pas compris grand’ chose la jeune fille de Nazareth. Elle n’a pas compris,
mais elle a écouté.
Et c’est dans cette écoute qu’elle est grande. Elle écoute et elle entend : « Je te salue
comblée de grâce. Le Seigneur est avec toi ! » Elle écoute encore et elle entend : « Ne crains
pas, Marie, tu as trouvé grâce auprès de Dieu ».
Elle écoute, elle entend et elle reconnait : c’est son Dieu qui est là, présent, dans ces
paroles, « ne crains pas », « avec toi », « auprès de Dieu », « comblée de grâce ». Ce sont ses
mots – je veux dire les mots de Dieu – ce sont ses pas, lorsqu’il vient frapper à la porte du cœur
de l’homme. Elle ne comprend peut-être pas bien, mais elle sait : elle sait que ce sont les paroles
de son Dieu et que ces paroles sont pour elles et que ces paroles sont vraies.
Elle écoute : elle aime cette Parole, elle accueille le Dieu vivant. Et c’est alors que du
fond de son cœur, de son être, de ses entrailles, elle s’écrie : « Je suis la servante du Seigneur ;
qu’il me soit fait selon ta parole ».
Elle les prononce comme tant d’autres avant elle, à l’appel du Seigneur : Abraham,
Moïse, Samuel, Jérémie, ont dit de mille et une manière « me voici », « parle Seigneur, ton
serviteur écoute », « me voici, je viens, pour faire ta volonté ».
Et nous, frères et sœurs, savons-nous reconnaître les mots, les pas, l’appel de notre Dieu,
dans nos vies ?
Une seule réponse à lui donner, même si c’est à chacun la sienne : « me voici », « ce
que tu veux ».
La foi de Marie est le modèle de notre foi. Elle ne comprend pas bien. Elle croit. C’est
comme nous. Sa foi n’est pas lointaine. Elle nous montre le chemin. Dans la simplicité de nos
vies, écouter, écouter pour entendre le Seigneur nous dire les mots : les mots de l’appel, les
mots de l’amour, les mots de l’envoi…
Mais les récits de l’Annonciation nous enseignent quelque chose d’autre de très
important : Marie était vierge. Elle était promise en mariage à Joseph. Le contrat de mariage
était « signé ». Elle était bien, d’une certaine manière, déjà l’épouse de Joseph. Mais selon la
coutume de l’époque, il y avait un temps entre le mariage contracté et la cohabitation. Marie
était vierge. Elle n’attendait donc pas, n’espérait donc pas un enfant, pas encore… Celui qui lui
est promis et qu’elle va mettre au monde est un don inattendu, une surprise plutôt embarrassante
au point de vue humain et social, une surprise qui va bien embarrasser Joseph.
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Les surprises de Dieu ne sont pas toujours confortables. Elles bousculent. Elles exigent
de nous plus que nous voudrions donner. Les surprises sont œuvre de Dieu, mais elles
demandent notre participation, notre collaboration.
Si tout vient de Dieu, tout vient aussi de Marie qui va porter l’enfant. Et c’est en cela
qu’elle est bienheureuse, bienheureuse parce qu’elle a été choisie et qu’elle a été comblée de
grâce, bienheureuse parce qu’elle a cru, bienheureuse par ce qu’elle a fait : elle a porté l’enfant,
elle l’a mis au monde, elle l’a éduqué.
Et nous, chrétiens, devons-nous nous hisser à cette hauteur de grâce, de foi, d’amour.
Non, il ne s’agit pas de se hisses, mais de se recueillir pour accueillir le nouveau, le nouveauné.
Toute naissance est la promesse d’un renouveau. Toute naissance est la promesse d’une
liberté qui, au lieu de répéter les mêmes attitudes, les mêmes comportements, les mêmes
rancunes, les mêmes médiocrités, les mêmes cercles infernaux de la violence et de la souffrance,
de la culpabilité, au lieu de répéter tout cela, pourra dire et faire le neuf que l’amour est capable
d’inventer. Au jour de Noël, dans neuf mois jour pour jour, le temps de la grossesse, le neuf, le
nouveau ce sera l’enfant nouveau-né.
Au jour de l’Annonciation, aujourd’hui, le neuf, le nouveau, c’est le « oui » de Marie.
Voici qu’il permet à Dieu de faire toutes choses nouvelles.
Peut-être, sans doute, est-ce cela, pour chacun de nous, le neuf, le nouveau dans nos
vies : un oui à donner, alors que nous négligeons, alors que nous résistons. Marie a dit oui !
Cela veut dire qu’elle aurait pu dire « non ». Dire non, nous le savons, c’est possible. D’ailleurs
il vaut mieux dire « oui » ou « non » plutôt que ne rien dire, ni oui, ni non, ce qui est une manière
de ne pas s’engager, de laisser les choses suivre leur cours sans y prendre part.
S’il est donc quelque chose que nous pouvons encore faire d’ici Pâques, c’est de nous
préparer à dire « oui », oui à Dieu, oui à la vie.
Autrement dit : dire un mot, faire un pas, faire un choix, faire quelque chose qui produise
du neuf.
Le oui de Marie est un appel. Toi, vous, frères et sœurs, quel est le oui qui vous fera
renaître, qui fera du neuf dans vos vies ?
Quel est-il ? Dites-le !
Frère Eric T. de Clermont-Tonnerre, op
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